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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18471/2015

DAS/177/2023 du 07.07.2023 sur DTAE/3712/2022 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18471/2015-CS DAS/177/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU VENDREDI 7 JUILLET 2023

 

Recours (C/18471/2015-CS) formé en date du 15 juillet 2022 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant par Me Oriana JUBIN, avocate, en l'Etude de laquelle il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 19 juillet 2023 à :

- Monsieur A______
c/o Me Oriana JUBIN, avocate.
Rue du Général Dufour 22, CP 315, 1211 Genève 1.

- Madame B______
c/o Me Jacqueline MOTTARD
Rue Pedro-Meylan 1, CP 6203, 1211 Genève 6.

- Monsieur C______
SEASP
Route des Jeunes 1E - CP 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.             a) B______ et A______ sont les parents non mariés des mineures D______ et E______, nées respectivement les ______ 2014 et ______ 2015, sur lesquelles ils exercent une autorité parentale commune.

B______ est également la mère du mineur F______, né le ______ 2010, issu d'une précédente union dissoute par le divorce, dont elle a la garde.

b) Les parents des mineures D______ et E______ se sont séparés en juin 2021, B______ demeurant vivre avec les enfants au domicile parental, tandis que A______ s’est installé chez sa mère.

c) Par requête du 28 juillet 2021 adressée au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection), A______ a conclu, principalement, au maintien de l’autorité parentale commune sur les mineures D______ et E______, à l’attribution de leur garde exclusive, avec fixation d’un large droit de visite en faveur de leur mère, devant s’exercer un week-end sur deux du vendredi à la sortie de l’école au lundi matin à la reprise de l’école, chaque mardi à la sortie de l’école au mercredi 18h00, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires.

Subsidiairement, A______ a conclu à l’instauration d’une garde alternée devant s’exercer du lundi à la sortie de l’école au mercredi 18h00 chez leur mère, du mercredi 18h00 au vendredi 19h00 chez lui, ainsi qu’un week-end sur deux, du vendredi 19h00 au lundi matin retour à l’école en alternance chez chaque parent, et durant la moitié des vacances scolaires et les jours fériés, le domicile légal des enfants étant fixé chez leur mère. Plus subsidiairement, il a proposé une garde alternée devant s’exercer à la semaine, avec changement de prise en charge le dimanche à 19h00 et la répartition par moitié des vacances scolaires et des jours fériés.

d) Dans sa réponse du 6 septembre 2021, B______ s’est opposée à la requête, sollicitant l’octroi en sa faveur de la garde des mineures, avec réserve d’un large droit de visite en faveur de leur père devant s’exercer, sauf accord contraire entre les parents, un week-end sur deux du vendredi dès 18h15 au lundi matin à 8h00, un jour fixe dans la semaine, soit du lundi 16h00 au mardi 8h00, ainsi que durant les deux dernières semaines des vacances scolaires d’été et la première semaine des vacances de Pâques, les vacances de fin d’année devant être réparties en fonction des années paires et impaires chez l’un ou l’autre des parents.

e) Dans son rapport d’évaluation sociale du 23 décembre 2021, le SEASP a estimé qu’il était conforme à l’intérêt des enfants de maintenir leur garde auprès de leur mère jusqu’à la fin de l’année scolaire 2021-2022. Depuis la séparation, le père, qui habitait chez sa propre mère, prenait en charge les enfants en principe un week-end sur deux, du vendredi 18h15 au lundi 8h00 et, chaque semaine, du lundi 16h00 au mardi 8h00. Il avait l’intention d’acheter une maison à G______ [GE] afin de se rapprocher de l’école des enfants, le temps actuel de déplacement entre son domicile et l’école étant de 15 minutes en voiture. Le développement des enfants D______ et E______ était bon et rassurant. D______ était studieuse et évoluait très bien socialement et sur le plan de son développement physique. E______ était une enfant très solaire, vive, souriante et joviale, qui évoluait très bien scolairement. Il y avait une bonne entente entre les sœurs et également avec leur demi-frère F______. Les mineures ne semblaient pas avoir pâti de l’organisation mise en place et s'étaient adaptées rapidement, au contraire des parents, qui vivaient plus difficilement la situation qui n'était pas encore apaisée, et de leur demi-frère qui connaissait A______ depuis son plus jeune âge, l’appelait "papa" et semblait pris dans un conflit de loyauté.

A______ décrivait B______ comme une très bonne mère en qui il avait confiance. Il reconnaissait qu'elle avait, en qualité d'enseignante en primaire, plus de disponibilité que lui pour s'occuper des mineures en semaine et pendant les vacances. Il se décrivait cependant comme un père depuis toujours très disponible et investi dans la prise en charge de la fratrie. Il considérait que la vision éducative des deux parents était globalement cohérente. B______ estimait que l'organisation familiale avait été mise en place pour répondre au mieux aux besoins des enfants; l'école était très proche de son domicile et de celle dans laquelle elle enseignait, ce qui lui permettait d'assurer les trajets et d'être disponible après les cours. Depuis la séparation, l'organisation avait été préservée dans sa globalité. La vision parentale était très proche et partagée, notamment par le fait que les besoins et l'organisation au quotidien lui étaient majoritairement délégués. Le père était présent mais il lui était compliqué de prendre les enfants en fin de journée, en raison de son activité professionnelle.

Les parents se transmettaient les informations essentielles concernant les mineures. Leur communication était fonctionnelle et limitée à l'organisation pratique de leur prise en charge des enfants. Ils devaient entreprendre un travail de médiation afin de retrouver une communication qui puisse être ressentie comme utile et permettre d’aborder l’avenir de l’ensemble de la fratrie, y compris celui de F______, et de procéder, si possible, aux ajustements nécessaires dans l’objectif de faciliter les liens. Les parents avaient accepté d’effectuer ce suivi auprès de H______ [centre de consultations familiales].

La situation présentait de très bonnes conditions pour que la prise en charge des enfants soit partagée de manière équitable entre les parents, dont les capacités et les compétences parentales étaient sans reproche. B______, enseignante au cycle élémentaire, disposait de plus de temps que A______, dont la journée de travail s’étendait de 08h00-9h00 à 18h00 et qui disposait de 28 jours de vacances par année. Les horaires du père n’étaient cependant pas incompatibles avec une prise en charge des mineures, le recours à des tiers étant largement admis. La disponibilité de la mère ne devait pas s’imposer face au cadre de travail plus conventionnel du père.

Les parents avaient d'ailleurs trouvé un accord provisoire jusqu’à la fin de l’année scolaire 2021/2022, qui était conforme à l'intérêt des mineures, soit l’attribution de la garde à la mère avec droit de visite, une semaine sur deux du vendredi 18h15 au mardi 08h00 et, la semaine suivante, du lundi 16h00 au mardi 08h00. Par la suite, cependant, il était conforme à l’intérêt des mineures de prévoir un système de garde alternée, du mercredi à 18h00 au mardi suivant à 18h00 auprès du père, et le reste du temps auprès de la mère, les vacances scolaires devant être réparties entre les parents, en alternance, la journée du 24 décembre étant réservée à la mère d’entente entre les parents. Cette solution permettrait aux enfants de passer un temps comparable avec chacun de leurs parents et de continuer à être prises en charge le mercredi par leur mère, laquelle était disponible. S’il était indiqué de ne pas accentuer la différence de prise en charge du demi-frère par rapport à D______ et E______, ce décalage était préexistant et cette problématique devrait être travaillée dans le cadre de la médiation. Les vacances étaient fixées afin de permettre aux parents de réaliser les projets parentaux en alternance d’une année à l’autre. B______ souhaitait en effet pouvoir passer six semaines en Tunisie en été, les enfants y retrouvant une maison et un environnement familier. Pour sa part, A______ souhaitait pouvoir prendre ses filles durant trois semaines en été, en alternance pendant les vacances de février, d’octobre et de la moitié des vacances de fin d’année, ainsi que durant la moitié des jours fériés.

f) A______ s’est déclaré d’accord avec la proposition du SEASP.

g) B______ s’est opposée à la proposition de garde alternée, qui impliquerait selon elle un déchirement de la fratrie. Elle a souligné l’éloignement du domicile de chaque parent et soutenu qu’en raison de ses horaires de travail et de ses voyages professionnels, le père ne serait pas en mesure de prendre personnellement en charge les enfants mais devrait faire appel à sa propre mère.

h) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 2 mars 2022.

B______ a confirmé être d’accord avec la prise en charge actuelle des mineures, correspondant au premier palier avalisé par le SEASP, mais pas avec une garde alternée. Elle était disponible tous les soirs pour récupérer ses trois enfants à la sortie de l’école et s’occuper d’eux, ainsi que tous les mercredis. La communication entre elle et le père des mineures était difficile. Ils avaient de la peine à échanger de manière sereine et constructive. S’agissant des vacances scolaires, elle souhaitait bénéficier de cinq semaines consécutives avec ses filles. Elle avait l’habitude de se rendre au bord de la mer chaque année dans une maison familiale dans laquelle le reste de la famille séjournait également, tandis que A______ ne disposait que de deux semaines de vacances en été et avait évoqué la possibilité d’inscrire les enfants en camps d’été le reste du temps. Depuis le mois de janvier 2022, ils avaient convenu que A______ prenne les filles une semaine sur deux du vendredi 18h15 au mercredi suivant à 08h00 et la semaine suivante du lundi 16h00 au mardi 08h00. La mise en œuvre de ses modalités s’était cependant avérée compliquée et avait été émaillée d’incidents, étant précisé que c’est la grand-mère paternelle des enfants qui venait les récupérer à la sortie de l’école : un mardi à 16h00, le père avait oublié de venir chercher les enfants et une autre fois les enfants avaient été déposées par la grand-mère au cours de théâtre sans s’assurer de la présence du professeur, alors que le cours avait été annulé, de sorte que les enfants étaient restées seules durant trente-cinq minutes, en attendant leur mère. Il était également arrivé que le père soit en voyage à l'étranger durant une période de prise en charge des mineures.

A______ était d’accord avec les préconisations du SEASP concernant la garde partagée dès la rentrée scolaire 2022. Il n’était jamais amené à travailler le soir ou le week-end et disposait de 28 jours de vacances par an. Il disposait d’une certaine flexibilité au niveau de ses horaires de travail, sa présence au travail étant indispensable de 08h30 à 11h30 et de 14h30 à 16h30, selon l'attestation établie par son employeur, la Banque I______. Ses déplacements professionnels à l’étranger se limitaient à deux semaines par an, étant précisé qu’il pouvait choisir les dates et la durée de ceux-ci. Durant l’été, il disposait de trois semaines de vacances consécutives. Si tel ne devait pas être le cas, il inscrirait ses filles à un centre aéré afin d’être avec elles le soir. Les filles souhaitaient participer à ces camps dans lesquels elles feraient des activités qu’elles n’avaient pas l’habitude de pratiquer et qui seraient bénéfiques pour elles. Il allait emménager le 1er juillet 2022 dans une maison à G______ comportant trois chambres et un grand jardin. Si la garde partagée de ses filles lui était confiée, il les inscrirait au parascolaire, solution à laquelle elles étaient favorables. Il était possible de les inscrire chaque semaine, tout en pouvant décommander le jour même. Il n’existait pas de difficulté particulière selon lui au niveau de la communication parentale. S'agissant des incidents relevés, il a confirmé qu’un malentendu s'était produit lors de l'introduction de la nouvelle organisation début 2022, de sorte qu’il avait dit aux filles que leur mère les récupérerait, alors que c’était à lui de le faire. Lors du second incident, il n’avait pas été averti de l’annulation du cours de théâtre et ses filles avaient attendu leur mère en compagnie du technicien du théâtre, mais n'étaient pas restées seules. Quant au déplacement de l’un de ses voyages, il en avait discuté au préalable avec la mère des enfants.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l’issue de l’audience.

B.             Par ordonnance DTAE/3712/2022 du 2 mars 2022, notifiée le 15 juin 2022 à A______, le Tribunal de protection a attribué à B______ la garde des mineures D______ et E______ (chiffre 1 du dispositif), réservé à A______ un droit aux relations personnelles, lequel devra s’exercer, sauf accord contraire entre les parties, en alternance une semaine sur deux, du vendredi soir dès 18h15 jusqu’au mercredi à 8h, et le mardi dès la sortie de l'école ou du parascolaire jusqu'à 20h30, leur père ayant la possibilité, ce jour-là, de prendre en charge tour à tour l'une de ses filles pour passer avec elle un moment plus privilégié, ainsi que durant la moitié des petites vacances scolaires et jours fériés, de même que pendant une partie des vacances d'été, selon les modalités suivantes : pour l'année scolaire 2022/2023 et les années scolaires paires suivantes, les enfants seront avec leur père durant la première semaine des vacances de fin d'année, les vacances de février, la deuxième semaine des vacances de Pâques et les trois dernières semaines des vacances d'été, ainsi que durant tous les jours fériés. Les enfants seront avec leur mère durant les vacances d'octobre, la deuxième semaine des vacances de fin d'année, la première semaine des vacances de Pâques et les quatre premières semaines des vacances d'été; pour l'année scolaire 2023/2024 et les années scolaires impaires suivantes, les enfants seront avec leur père durant les vacances d'octobre, la deuxième semaine des vacances de fin d'année, les vacances de Pâques et les deux dernières semaines des vacances d'été, ainsi que durant tous les jours fériés. Les enfants seront ainsi avec leur mère durant la première semaine des vacances de fin d'année, les vacances de février et les cinq premières semaines des vacances d'été (ch. 2), pris acte du travail de médiation entrepris par les parents (ch. 3), les a invités à entreprendre, respectivement à poursuivre, un travail thérapeutique personnel (ch. 4 et 5), attribué à B______ la totalité de la bonification pour tâches éducatives au sens de l’art. 52fbis RAVS (ch. 6), statué sur les frais judiciaires (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

En substance, le Tribunal de protection a considéré que, malgré les capacités parentales comparables des parents, les difficultés de communication et de collaboration entre eux étaient encore importantes et "de nature à mettre à mal les enfants", leur engagement en médiation ne permettant pas d’évaluer s’ils étaient en mesure d’améliorer leurs relations. Le système de prise en charge actuelle des mineures paraissait adapté, la situation n’inquiétant pas les professionnels qui les entouraient, à l’exception de la pédiatre de D______ qui, par attestation du 1er mars 2022, faisait état de parasomnie chez cette dernière, sous forme d’épisodes de somnambulisme qui seraient devenus plus fréquents récemment et qui pourraient s’expliquer, en partie, par des changements dans ses habitudes de vie quotidienne, en lien avec la séparation parentale. Eu égard à la disponibilité de la mère qui était plus importante, au fait qu’elle s’était occupée de manière prépondérante des enfants depuis leur naissance et aux difficultés de communication parentale, il se justifiait d’avaliser la première partie des préconisations du SEASP, qui correspondait à la prise en charge actuelle des mineures et ce, dans un souci de stabilité.

C.                  a) Par acte expédié à la Chambre de surveillance le 15 juillet 2022, A______ a formé recours contre cette ordonnance, qu’il a reçue le 15 juin 2022, sollicitant l’annulation des chiffres 1, 2 et 6 de son dispositif. Cela fait, il a conclu à ce qu’un système de garde alternée sur les mineures soit instauré dès la rentrée scolaire de septembre 2022, devant s’exercer, sauf accord contraire des parents, en alternance une semaine sur deux, du mercredi dès 18h jusqu’au mardi à 18h auprès de lui et le reste du temps auprès de la mère.

Concernant les vacances scolaires, elles devraient être organisées d’entente entre les parties et, à défaut, selon les modalités suivantes : pour l’année scolaire 2022/2023 et les années scolaires paires suivantes, les enfants seraient avec leur père durant la première semaine des vacances de fin d’année, les vacances de février, la deuxième semaine des vacances de Pâques et les trois dernières semaines des vacances d’été, ainsi que durant tous les jours fériés, et avec leur mère durant les vacances d’octobre, la deuxième semaine des vacances de fin d’année, la première semaine des vacances de Pâques et les quatre premières semaines des vacances d’été. Pour l’année scolaire 2023/2024 et les années scolaires impaires suivantes, les enfants seraient avec leur père durant les vacances d’octobre, la deuxième semaine des vacances de fin d’année, les vacances de Pâques et les deux dernières semaines des vacances d’été, ainsi que durant tous les jours fériés, et avec leur mère durant la première semaine des vacances de fin d’année, les vacances de février et les cinq premières semaines des vacances d’été.

A______ a également sollicité que le domicile légal des mineures soit fixé chez leur mère, à ce que d’éventuelles bonifications pour tâches éducatives soient partagées par moitié entre les parents conformément à l’art. 52fbis RAVS et à la confirmation de l’ordonnance entreprise pour le surplus, sous suite de frais et dépens.

b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité faire usage des prérogatives de l’art. 450d CC.

c) Le SEASP a renoncé à présenter de nouvelles observations par courrier du 17 août 2022.

d) B______ a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet, sous suite de frais et dépens.

Elle a produit des pièces nouvelles, à savoir l’action alimentaire et en fixation des relations personnelles que les mineures D______ et E______, représentées par ses soins, avaient déposée au Tribunal de première instance le 1er juin 2022.

e) Par plis du 12 septembre 2022, la Chambre de surveillance a informé les parties que la cause serait gardée à juger à l’issue d’un délai de dix jours.

f) A______ a répliqué le 26 septembre 2022, persistant dans ses conclusions.

Il a produit des pièces nouvelles, à savoir son mémoire de réponse du 5 septembre 2022 au Tribunal de Première instance ainsi qu’un plan Google de la distance séparant les deux domiciles des parents.

g) B______ a dupliqué le 10 octobre 2022, persistant dans ses conclusions.

Elle a produit une pièce nouvelle, à savoir le procès-verbal de l’audience tenue le 4 octobre 2022 par le Tribunal de première instance.

EN DROIT

1.             1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC). Celui-ci doit être motivé et déposé dans les trente jours dès la notification de la décision (art. 450 al. 2 et 3 et 450b al.1 CC; art. 53 al. 2 LaCC).

1.2 En l'espèce, interjeté par une personne ayant qualité pour recourir, dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite, le recours est recevable.

Le fait que le recours mentionne la mère des mineurs comme partie à la procédure de recours, et non comme participante à celle-ci, est sans incidence sur la recevabilité de celui-ci, de sorte que le grief d'irrecevabilité soulevé à ce propos par la mère des mineures dans son mémoire de réponse doit être rejeté.

1.3 Compte tenu de la matière, soumise aux maximes inquisitoire et d'office illimitée, la cognition de la Chambre de surveillance est complète. Elle n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 CC).

1.4 Les pièces nouvellement déposées devant la Chambre de céans par les parties sont recevables, dans la mesure où l'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450 f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne prévoit aucune restriction en cette matière.

2.             Le recourant fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir instauré de garde alternée sur les mineures. Il lui reproche une constatation inexacte et incomplète des faits, en ayant notamment retenu que les parents avaient des difficultés de communication et de collaboration susceptibles de mettre à mal les mineures, et d'avoir mal exercé son pouvoir d'appréciation, en écartant sans raison le préavis du SEASP.

2.1.1 Selon la jurisprudence, la garde alternée est la situation dans laquelle les parents exercent en commun l'autorité parentale, mais se partagent la garde de l'enfant d'une façon alternée pour des périodes plus ou moins égales, pouvant être fixées en jours ou en semaines, voire en mois (notamment, arrêts du Tribunal fédéral 5A_844/2019 c. 3.2.2 et 5A_821/2019 c. 4.1). Bien que l'autorité parentale conjointe soit désormais la règle et qu'elle comprenne le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant, elle n'implique pas nécessairement l'instauration d'une garde alternée. L'autorité compétente doit néanmoins examiner si celle-ci est possible et compatible avec le bien de l'enfant. Le bien de l'enfant constitue en effet la règle fondamentale en matière d'attribution des droits parentaux, les intérêts des parents devant être relégués au second plan (ATF 142 III 612 c. 4.2., - 9/12 - C/3139/2016 ATF 142 III 617 c. 3.2.3, ATF 141 III 328 c. 5.4). On ne décidera d'une garde alternée ou partagée que si celle-ci est la meilleure solution pour le bien de l'enfant (cf. Message du Conseil fédéral concernant la modification du Code civil du 16 novembre 2011, in : FF 2011 8315 p. 8331; DAS/142/2016 c. 4.2).

L'autorité compétente doit évaluer, sur la base de la situation de fait actuelle ainsi que de celle qui prévalait avant la séparation des parties, si l'instauration d'une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l'enfant. A cette fin, elle doit en premier lieu examiner si chacun des parents dispose de capacités éducatives et s'il existe une bonne capacité et volonté de ceux-ci de communiquer et coopérer, compte tenu des mesures organisationnelles et de la transmission régulière d'informations que nécessite ce mode de garde. Un conflit marqué et persistant entre eux portant sur des questions liées à l'enfant laisse présager des difficultés futures de collaboration et aura en principe pour conséquence d'exposer de manière récurrente l'enfant à une situation conflictuelle, ce qui pourrait apparaître contraire à son intérêt (ATF 142 III 617 cité idem; arrêt 5A_11/2020 c. 3.3.3.1).

Si les parents disposent tous deux de capacités éducatives, l'autorité compétente doit dans un deuxième temps évaluer les autres critères d'appréciation pertinents pour l'attribution de la garde à l'un des parents (capacité et volonté de chaque parent de favoriser les contacts entre l'autre parent et l'enfant, stabilité que peut apporter à l'enfant le maintien de la situation antérieure, situation géographique et distance séparant les logements des deux parents, possibilité pour chaque parent de s'occuper personnellement de l'enfant, âge de ce dernier et appartenance à une fratrie ou à un cercle social, souhait éventuel de l'enfant). Les critères d'appréciation précités sont interdépendants et leur importance varie en fonction du cas d'espèce. Ainsi les critères de la stabilité et de la possibilité pour le parent de s'occuper personnellement de l'enfant auront un rôle prépondérant chez les nourrissons et les enfants en bas âge, alors que l'appartenance à un cercle social sera particulièrement importante pour un adolescent. La capacité de collaboration et de communication des parents est, quant à elle, d'autant plus importante lorsque l'enfant concerné est déjà scolarisé ou qu'un certain éloignement géographique entre les domiciles respectifs des parents nécessite une plus grande organisation (ATF 142 III 617 cité idem; arrêt 5A_66/2019 c.4).

Si l'autorité compétente arrive à la conclusion qu'une garde alternée n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, elle devra alors déterminer auquel des deux parents elle attribue la garde en tenant compte, pour l'essentiel, des mêmes critères d'évaluation et en appréciant, en sus, la capacité de chaque parent à favoriser les contacts entre l'enfant et l'autre parent (ATF 142 III 617 cité c. 3.2.4; arrêt 5A_66/2019 c. 4.1).

En la matière, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 617 cité, c. 3.2.5; arrêt 5A_66/2019 c. 4.1).

2.1.2 Un droit de visite de dix nuits par mois pour le parent gardien n'équivaut pas à une garde alternée (DAS/182/2018 du 11 septembre 2018 consid. 2.2: ACJC/1219/2010 du 22 octobre 2020 consid. 4.2). Dans un arrêt récent (ACJC/1206/2020 du 1er septembre 2020), la Cour de justice a retenu que la répartition à raison de cinq nuits chez le père et de neuf nuits chez la mère sur une période de deux semaines ne pouvait être qualifiée de garde alternée, ces périodes n'étant pas plus ou moins égales. La même solution a été retenue pour une répartition à raison de quatre jours et cinq nuits chez le père contre dix jours et neuf nuits chez la mère pour une période de deux semaines (ACJC/170/2021 du 9 février 2021 consid. 4.2.1).

Elle a en revanche considéré que les parties assuraient la prise en charge de leurs enfants selon le système de garde alternée dans un cas où les enfants passaient, par quinzaine, huit nuits chez leur mère et six nuits chez leur père (ACJC/456/2022 du 29 mars 2022 consid. 3.1.4; ACJC/1653/2021 du 14 décembre 2021 consid. 2.1.5 et 2.2.1; ACJC/1619/2020 du 17 novembre 2020 consid. 3.5).

2.2 En l’espèce, les mineures ont vécu depuis la séparation de leurs parents, intervenue en juin 2021, et jusqu'à la fin de l'année 2021, auprès de leur mère et de leur demi-frère, leur père les prenant en charge un week-end sur deux du vendredi à 18h15 au lundi à 08h00 et, chaque semaine, du lundi à 16h00 au mardi à 08h00.

Depuis janvier 2022 cependant, le père s'occupe des mineures une semaine sur deux du vendredi dès 18h15 jusqu'au mercredi suivant à 08h00, et la semaine suivante du lundi à 16h00 au mardi à 08h00. Les parents s'étaient entendus sur cette prise en charge jusqu'à la rentrée 2022/2023, ce que le SEASP avait considéré être dans l'intérêt des mineures, tout en recommandant ensuite la mise en place d'une garde alternée entre les parents, prévoyant dès lors une prise en charge des enfants par le père du mercredi 18h00 au mardi 18h00, afin que les filles puissent continuer à profiter de la disponibilité de leur mère tous les mercredis. Le Tribunal de protection a cependant refusé l'instauration de la garde alternée au motif que les parents éprouvaient encore des difficultés de communication, susceptibles d'impacter négativement les mineures.

Il ne peut cependant être suivi. En effet, le rapport du SEASP a relevé que, si certes, les parents vivaient difficilement la séparation, leur communication concernant les enfants était cependant fonctionnelle, bien que limitée à l'organisation pratique de leur prise en charge, raison pour laquelle un travail de médiation leur a été proposé, auquel ils ont adhéré. Cette médiation était également rendue nécessaire afin de prendre en compte la situation du mineur F______, qui souffrait plus de la séparation que ses demi-sœurs, et de trouver une solution l'intégrant au schéma familial. Aucun élément du dossier ne permet de retenir que la communication actuelle entre leurs parents aurait un impact négatif sur les mineures, lesquelles se portent très bien. Il n'existe pas en l'espèce, de conflit marqué et persistant entre les parents portant sur des questions liées aux enfants laissant présager des difficultés futures de collaboration, susceptibles, au sens de la jurisprudence, de les exposer à une situation conflictuelle contraire à leur intérêt, qui empêcherait la mise en place d'une garde alternée. Au contraire, les parents ont à cœur de voir évoluer leurs filles de manière optimale, et y contribuent. Ils sont d'ailleurs parvenus à s'entendre sur un élargissement de la prise en charge des enfants par le père, dès janvier 2022, et se reconnaissent mutuellement des compétences parentales. Ils sont également parvenus à un accord, tel que l'expose la mère des mineures dans sa réponse, afin que le père puisse bénéficier d'une semaine supplémentaire avec ses filles à la fin des vacances d'été 2022. La communication entre les parents est donc suffisamment bonne afin de permettre une garde alternée.

Le rapport du SEASP met par ailleurs en évidence d'excellentes compétences parentales chez chacun des parents et relève que les enfants vont très bien, sont épanouies et ne semblent pas avoir souffert de la séparation, de sorte que l'instauration d'une garde alternée, leur permettant d'avoir accès à leurs deux parents sur un temps comparable, est dans leur intérêt. Le recourant, qui a emménagé en été 2022 dans une maison sur la commune de G______ comportant trois chambres, située à proximité de leur école et du domicile de leur mère, dispose d'un lieu adéquat pour exercer cette garde partagée. Le système de prise en charge actuel des mineures fonctionne, malgré quelques problèmes de coordination évoqués en audience par la mère des mineures, lesquels ne sont cependant pas de nature à remettre en cause les compétences paternelles. Si certes, la mère des mineures, enseignante, a des horaires professionnels compatibles avec les horaires de classe de ses filles, peut les récupérer tous les soirs à la sortie de l’école et être disponible pour elles, cet élément ne suffit pas pour écarter la mise en place d'une garde partagée, ce d'autant que, selon le système actuel de prise en charge, elle ne s'en occupe déjà pas tous les soirs. Le père a mis en évidence qu'il pouvait bénéficier d'horaires flexibles ainsi que de l'aide de la grand-mère paternelle à la sortie des classes et envisage une inscription au parascolaire de ses filles, idée qu'elles semblent apprécier. Le recourant est donc parfaitement capable d'assumer la prise en charge de ses filles lorsqu'il en a la garde, et les deux voyages professionnels annuels qu'il est amené à effectuer ne sont pas un obstacle à cela.

Ainsi, aucun élément ne s'oppose à la mise en place d'une garde alternée sur les mineures.

Cela étant, cette question est purement théorique. En effet, la prise en charge actuelle des mineures, exercée depuis janvier 2022, correspond déjà de fait à une garde alternée puisque les mineures passent sur une période de deux semaines, cinq nuits consécutives la première semaine, puis une nuit la seconde, auprès de leur père, soit six nuits sur deux semaines, ce qui, au sens de la jurisprudence précitée, équivaut à une garde alternée. Les modalités de prise en charge, proposées par le SEASP (six nuits consécutives chez le père) - et revendiquées par le père - ne permettent pas aux mineures de passer plus de nuits avec ce dernier sur une même période, mais ont l'avantage de regrouper la période de prise en charge des enfants par chacun des parents, en réservant, selon la volonté de ces derniers, la journée du mercredi à la mère, laquelle est pleinement disponible pour les enfants ce jour-là, à l'inverse du père.

C'est donc à tort que le Tribunal de protection a confié la garde des mineures à leur mère et réduit, sans raison, le temps effectif de prise en charge des enfants par le père, puisque les parents exerçaient de fait une garde alternée sur les mineures et se montraient pareillement capables de s'en occuper, sans problématique particulière, les événements relevés par la mère étant anecdotiques.

Le SEASP a considéré qu'il était dans l'intérêt des mineures que la garde alternée soit fixée en un seul bloc, ce qui n'est pas contesté en tant que tel par les parents, et la répartition proposée par le SPMi étant conforme à l'intérêt des mineures, celles-ci seront ainsi sous la garde de leur père, en alternance, du mercredi 18h00 au mardi suivant 18h00, et sous la garde de leur mère du mardi 18h00 au mercredi suivant 18h00. Les parties pourront cependant, d'entente entre elles, poursuivre la prise en charge actuelle si elles l'estiment préférable, celle-ci ne changeant pas le nombre de nuitées passées par les mineures chez chacun de leurs parents.

S’agissant de la répartition des vacances scolaires, le Tribunal de protection a pris en compte les souhaits des parents et a fixé dans une parfaite équité la répartition des vacances des enfants avec chacun d’eux, en alternance d’une année sur l’autre, ce qui n'est pas remis en cause en appel, le recourant reprenant dans ses conclusions cette répartition sans modification.

Les chiffres 1 et 2 du dispositif de l'ordonnance entreprise seront en conséquence annulés, le chiffre 2 étant entièrement reformulé, vacances comprises, par souci de clarté.

2.3 Le recourant proposant que le domicile légal des mineures soit fixé chez leur mère et celle-ci ne s'y opposant pas, il sera fixé auprès de cette dernière.

2.4 La garde des mineures étant confiée aux deux parents, la bonification pour tâches éducatives doit être partagée par moitié entre eux, conformément à l'art. 52fbis al. 2 RAVS, selon la demande du recourant, et sans qu'il ne soit nécessaire qu'il motive plus avant sa requête, l'application de cette disposition découlant du mode de garde instauré.

Le chiffre 6 du dispositif de l'ordonnance sera annulé et modifié dans le sens qui précède.

3.             S'agissant d'une procédure liée à l'autorité parentale sur les enfants, portant plus particulièrement sur la garde et les relations personnelles, le recours n'est pas gratuit (art. 77 LaCC). Les frais judiciaires seront arrêtés à 800 fr., mis par moitié à la charge de A______ et B______ et compensés partiellement avec l’avance de frais effectuée, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

B______ sera condamnée à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 400 fr.

Il n'est pas alloué de dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 15 juillet 2022 par A______ contre l’ordonnance DTAE/3712/2022 rendue le 2 mars 2022 par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/18471/2015.

Au fond :

Annule les chiffres 1, 2 et 6 du dispositif.

Cela fait :

Instaure une garde alternée sur les mineures D______ et E______, laquelle s'exercera, sauf accord contraire des parents, en alternance, chez A______, du mercredi 18h00 au mardi suivant 18h00, et chez B______, du mardi 18h00 au mercredi suivant 18h00.

Dit que les vacances scolaires seront réparties de la manière suivante :

- Pour l'année scolaire 2022/2023 et les années scolaires suivantes commençant une année paire, les enfants seront avec leur père durant la première semaine des vacances de fin d'année, les vacances de février, la deuxième semaine des vacances de Pâques et les trois dernières semaines des vacances d'été, ainsi que durant tous les jours fériés, et avec leur mère durant les vacances d'octobre, la deuxième semaine des vacances de fin d'année, la première semaine des vacances de Pâques et les quatre premières semaines des vacances d'été.

- Pour l'année scolaire 2023/2024 et les années scolaires suivantes commençant une année impaire, les enfants seront avec leur père durant les vacances d'octobre, la deuxième semaine des vacances de fin d'année, les vacances de Pâques et les deux dernières semaines des vacances d'été, ainsi que durant tous les jours fériés, et avec leur mère durant la première semaine des vacances de fin d'année, les vacances de février et les cinq premières semaines des vacances d'été.

Dit que le domicile légal des enfants sera fixé chez leur mère.

Dit que la bonification pour tâches éducatives au sens de l'art. 52fbis RAVS sera répartie par moitié entre les parents.


 

 

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 800 fr., les met à la charge de A______ et B______ par moitié et les compense partiellement avec l’avance de frais effectuée, laquelle reste acquise à l’Etat de Genève.

Condamne B______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 400 fr.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.