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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3139/2016

DAS/128/2023 du 31.05.2023 sur DTAE/8041/2022 ( PAE ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3139/2016-CS DAS/128/2023

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MERCREDI 31 MAI 2023

 

Recours (C/3139/2016-CS) formé en date du 15 février 2023 par Monsieur A______, domicilié ______ (Genève), comparant par Me Frédéric HAINARD, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 5 juin 2023 à :

- Monsieur A______
c/o Me Frédéric HAINARD, avocat.
Daniel-Jeanrichard 22, CP 838, 2301 La Chaux-de-Fonds.

- Madame B______
Présidente de la ______ Chambre du
Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance DTAE/8041/2022 du 22 novembre 2022, communiquée pour notification le lendemain, le collège des juges du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection ) a déclaré irrecevable la demande de récusation formée le 17 octobre 2022 par A______ à l'encontre de B______, présidente de la ______ Chambre du Tribunal de protection, dans la mesure des cinq premiers motifs de récusation invoqués (ch. 1 du dispositif), déclaré cette demande infondée « en lien » avec le sixième motif de récusation invoqué, dans la mesure de sa recevabilité (ch. 2) et arrêté les frais judiciaires à 800 fr., mis à la charge de A______ (ch. 3).

En substance, les cinq premiers motifs invoqués l'avaient été tardivement. Quant au sixième motif, soit le fait qu'une ordonnance de mesures superprovisionnelles aurait été rendue non dans l'intérêt des enfants mais uniquement pour nuire au recourant, celui-ci ne démontrent en rien que cette décision serait l'expression de partialité à son égard, son grief, appellatoire, relevant essentiellement de l'appréciation des preuves et non du motif de récusation.

B.            Par acte posté à l'adresse de la Chambre de surveillance de la Cour le 8 décembre 2022, A______ a recouru contre cette ordonnance concluant à son annulation et au prononcé de la récusation requise de la magistrate de première instance. Il a préalablement sollicité la suspension du caractère exécutoire de la décision, requête rejetée par arrêt présidentiel du 4 avril 2023.

En substance, il ne conteste pas l'irrecevabilité prononcée de ses cinq premiers griefs mais soutient pour tout motif que le sixième grief (prononcé d'une ordonnance de mesures superprovisionnelles après instruction et appréciation incomplète des faits) aurait dû être admis dans la mesure où "le prononcé de l'ordonnance superprovisionnelle constitue clairement, de par l'ensemble des circonstances et éléments invoqués par le recourant, un indice d'inimitié à son égard".

C.           Les faits de la cause s'inscrivent dans le contexte suivant :

a) Dans le dossier ouvert en 2016 à l'égard des enfants C______ et D______, nés respectivement les ______ 2015 et ______ 2017, la ______ Chambre du Tribunal de protection a, par ordonnance du 29 juillet 2020, attribué, sur mesures provisionnelles, la garde partagée des mineurs à leurs parents, E______ et A______, titulaires de l’autorité parentale conjointe.

b) Un rapport d’expertise psychiatrique familiale, rendu le 6 septembre 2021 à la demande du Tribunal de protection, a préconisé l’attribution exclusive de la garde des mineurs à la mère, dans la mesure où elle ne présentait aucun trouble psychique, mais nécessitait un soutien psychologique, alors que le père manifestait un trouble mixte de la personnalité avec des traits narcissiques et paranoïaques justifiant qu’il poursuive sa prise en charge thérapeutique. Ses discours dénigrants à l’encontre de la mère, sa position victimaire et quérulente, son impulsivité, ainsi que ses débordements émotionnels, dont il n’arrivait pas à préserver les enfants, entravaient sévèrement ses capacités parentales.

c) Par ordonnance du 2 novembre 2021, la ______ Chambre du Tribunal de protection, présidée par la juge B______, a notamment confié la garde exclusive des mineurs à la mère et réservé au père un droit de visite à exercer un weekend sur deux, soit du vendredi soir au lundi matin, ainsi qu’un mercredi sur deux et la moitié des vacances scolaires.

Cette ordonnance a été confirmée sur recours du père par décision de la Chambre de surveillance de la Cour du 20 juin 2022.

Par acte du 23 août 2022, le père a recouru au Tribunal fédéral contre la décision de la Cour de justice.

Par ordonnance du 20 septembre 2022, le Tribunal fédéral a attribué l’effet suspensif au recours.

d) Par ordonnance du 4 octobre 2022, communiquée de façon anticipée par mail du 7 octobre 2022 et notifiée par la Poste le 12 octobre 2022, statuant comme juge unique sur mesures superprovisionnelles, la juge B______, présidente de la ______ Chambre du Tribunal de protection, a confié la garde exclusive des mineurs à leur mère, suspendu le droit aux relations personnelles du père avec les mineurs et dit que la reprise de celles-ci devrait être préparée et avoir lieu sous l’égide d’une structure spécialisée, comme F______, et en accord avec celle-ci, les curateurs, ainsi que le curateur d’office. L’ordonnance a été prononcée sur la base des éléments suivants :

Le 20 septembre 2022, G______, avocat, curateur d'office des mineurs, avait transmis au Tribunal de protection un courriel que lui aurait adressé la mère des enfants, à 23h23 la veille, et faisant état de la fugue de la mineure C______, laquelle s'était montrée très opposante dès sa sortie du parascolaire, avait évoqué sa volonté de retrouver son père, au besoin en fuyant, s'était montrée agitée et avait fini par s'enfuir, l'intervention de la police ayant été requise avant que la mineure soit retrouvée près du domicile de son père.

Par mail du 21 septembre 2022, le curateur d'office avait transmis au Tribunal de protection une nouvelle communication émanant de la mère lors de la nuit précédente, évoquant que la mineure C______ avait eu une nouvelle crise, avec la nécessité notamment de faire appel à une ambulance, puis à son père pour la calmer.

Le curateur d'office avait également transmis au Tribunal de protection un certificat médical daté du 5 septembre 2022 de la Dre H______, pédopsychiatre de C______, laquelle faisait état de la situation préoccupante de sa patiente, qui mettait en scène des angoisses intenses, surtout de séparation et de mort, difficiles à contenir, ajoutant que l'enfant se sentait investie à défendre son père et vite envahie par la détresse de celui-ci. La Dre H______ faisait part, par ailleurs, de sa décision d'interrompre la prise en charge de l'enfant, dans l'espoir que cela permette au père d'entrer dans le processus thérapeutique nécessaire à sa fille ou apporte des modifications rapides au cadre de vie de la mineure.

C'est alors que, par courrier du 21 septembre 2022, le Tribunal de protection a indiqué aux père et mère qu'il ouvrait une procédure aux fins de procéder au placement de la mineure en foyer, afin de la protéger du conflit parental auquel elle était systématiquement confrontée, qu'une aide éducative en milieu ouvert de crise (AEMO) avait par ailleurs été requise en accord avec les curateurs du Service de protection des mineurs (SPMi), cette mesure pouvant éviter le placement de la mineure en cas de stabilisation de la situation, et a appointé une audience pour l'audition de la mineure pour le 28 septembre 2022 et pour celle des parties et de l'éducateur AEMO le 7 novembre 2022.

Lors de son audition, la mineure C______ a évoqué le fait qu'elle avait très peur qu'il arrive quelque chose à son père, a déclaré souhaiter que ses parents cessent de se bagarrer et a expliqué que son père était très triste et en colère contre le Tribunal de protection, mais qu'elle savait que celui-ci n'était pas méchant.

Dans un mail au curateur d'office du 3 octobre 2022, transmis par ce dernier au Tribunal de protection le lendemain, la mère de l'enfant a expliqué que trois nouveaux épisodes alarmants s'étaient produits en une semaine, malgré l'intervention de l'éducateur AEMO, la mineure se montrant en opposition constante, avec des insultes, des coups et des menaces de mort à son égard et à l'encontre de son frère et des menaces de fuir de la maison. La mère a ajouté que l'enfant D______, qui avait fait part de sa tristesse à sa mère, était impacté par la violence à laquelle il était exposé du fait du comportement de sa sœur.

Suite à quoi l'ordonnance urgente du 4 octobre 2022 avait été rendue.

D.           En date du 8 mars 2023 (arrêt 5A_633/2022) le Tribunal fédéral a rejeté le recours du père contre l'arrêt de la Chambre de surveillance du 20 juin 2022.


 

EN DROIT

1. 1.1 La décision prise par le collège des juges du Tribunal de protection sur les demandes de récusation dirigées contre l'un de ses membres ou l'un de ses fonctionnaires est sujette à recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 13 al.1 LaCC).

1.2 La voie de droit à l'encontre d'une décision sur récusation constitue un recours stricto sensu (TAPPY, in Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy, Code de procédure civile commenté, n. 28 ad art. 50), de sorte que le pouvoir d'examen de la Chambre de céans est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC) (DAS/142/2015 c. 1.2; DAS/195/2012 c. 1.3).

Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance précédente. L’obligation de motiver le recours suppose une critique des points de la décision, tenus pour contraires au droit (DAS/142/2015 c. 1.2; DAS/195/2012 c. 1.3; HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513 à 2515).

1.3 En l'espèce, dirigé contre une décision susceptible de recours, le recours a été déposé dans le délai utile auprès de la juridiction compétente, par une personne ayant qualité pour le faire (art. 50 al. 2 et 321 al. 2 CPC; art. 31 al. 1 LaCC).

Sa motivation apparaît à ce point succincte que se pose la question de sa recevabilité, au vu des conditions légales rappelées ci-dessus. Vu l'issue du recours cette question pourra cependant rester indécise.

2. 2.1 A teneur de l'art. 47 al. 1 let. f CPC, est récusable le magistrat pouvant être prévenu d'une quelconque manière, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant (art. 31 al. 1 let. d LaCC; ATF 140 III 167 consid. 2.3 arrêt du Tribunal fédéral 5A_171/2015 du 20 avril 2015 c. 6.1; arrêt de la Chambre de surveillance de la Cour de justice DAS/141/2015 du 28 août 2015 consid. 2).

A l'instar des autres motifs de récusation prévus à l'art. 47 CPC, cette norme s'inscrit dans l'obligation faite à tout Etat de garantir aux parties l'accès à un tribunal indépendant et impartial, consacrée notamment aux 6 § 1 CEDH et 30 Cst. Celle-ci garantit aux parties le droit à ce que leur cause soit jugée par un juge impartial, sans prévention et sans préjugé, sans qu’interviennent des considérations étrangères à l’affaire. La partialité et la prévention doivent être admises s’il existe des circonstances qui, considérées objectivement, sont propres à éveiller des doutes sur l’impartialité du juge. Ceci n'implique pas qu'une prévention effective du juge soit établie et il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement subjectives de la partie qui demande la récusation n'étant pas décisives (ATF 138 I 1 consid. 2.2.; 137 I 227 consid. 2.1; 137 II 431 consid. 5.2; 134 I 20 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_109/2012 du 3 mai 2012, consid. 3.2.1).

Des décisions ou des actes de procédure viciés, voire arbitraires, ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention. En raison de son activité, le juge est contraint de se prononcer sur des questions contestées et délicates; même si elles se révèlent par la suite erronées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sa charge ne permettent pas encore de le suspecter de parti pris; en décider autrement, reviendrait à dire que tout jugement inexact, voire arbitraire, serait le fruit de la partialité du juge, ce qui est inadmissible. Seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent ainsi justifier une suspicion de partialité, autant que les circonstances corroborent à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 et les références citées; 125 I 119 consid. 3e; arrêt du Tribunal fédéral 4A_722/2012 du 17 décembre 2012 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, le collège des juges du Tribunal de protection a considéré que le magistrat dont la récusation avait été requise n'avait fait preuve d'aucune partialité ou inimitié à l'égard du recourant, le grief recevable car non tardif de celui-ci relevant de l'appréciation des preuves, notamment, et avait un caractère appellatoire.

Ce point de vue ne peut qu'être confirmé.

D'une part, le seul grief soulevé dans la procédure de recours à l'égard de la décision contestée, dont la teneur a été rappelée dans la partie "en fait" du présent arrêt, est indigent, le recourant se contentant d'exposer que le prononcé de la mesure d'urgence serait un signe d'inimitié à son égard, sous-entendu parce qu'elle n'épouse pas ses vues.

Un tel grief ne permet en aucun cas de considérer que le collège des juges du Tribunal de protection aurait violé la loi ou constaté les faits de manière manifestement inexactes en rejetant la requête de récusation. En particulier, le recourant se contente de renvoyer à des faits dont le Tribunal de protection a dit, sans que cela ne soit plus contesté, qu'ils ne pouvaient plus être invoqués à l'appui d'une demande de récusation.

Par ailleurs et sur le fond, le fait que le juge en charge de la procédure prononce une décision urgente nécessaire à la protection des mineurs objets du besoin de protection ne saurait en aucun cas justifier de considérer que par là-même elle fait montre de partialité ou d'inimitié, sauf à considérer que toute décision qui ne donne pas raison à un plaideur serait une preuve d'inimitié à l'égard de celui qui succombe, ce qui est évidemment absurde.

Au vu de ce qui précède, le recours, à la limite de la témérité, s'avère manifestement infondé et sera, par conséquent, rejeté.

3. Les frais judiciaires de recours seront arrêtés à 800 fr. et mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 67B RTFMC). Ils seront partiellement compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Le recourant sera en conséquence condamné à verser 400 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde de frais.

Il n'y a pas lieu à dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 8 décembre 2022 par A______ contre l'ordonnance DTAE/8041/2022 rendue le 22 novembre 2022 par le collège des juges du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/3139/2016.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure de recours à 800 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont partiellement couverts par l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 400 fr. à titre de solde de frais judiciaires.

Dit qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.