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Décisions | Chambre de surveillance

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C/16921/2015

DAS/218/2022 du 18.10.2022 sur DTAE/4367/2022 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16921/2015-CS DAS/218/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 18 OCTOBRE 2022

 

Recours (C/16921/2015-CS) formé en date du 25 juillet 2022 par Monsieur A______, domicilié c/o Monsieur B______, rue ______, Genève, comparant par Me Pascal STEINER, avocat, en l'Etude duquel il élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 18 octobre 2022 à :

- Monsieur A______
c/o Me Pascal STEINER, avocat
Rue de Saint-Jean 73, 1201 Genève.

- Madame C______
c/o Me Andres PEREZ, avocat
Avenue Vilbert 9, 1227 Carouge.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.


EN FAIT

A. a) C______, née le ______ 1976, originaire de D______ et de E______ (Valais) et H______, né le ______ 1969, originaire de F______ (Berne), sont les parents non mariés de l’enfant I______, né à Genève le ______ 2015. H______ a reconnu l’enfant devant l’état civil. Par déclaration du 6 août 2015, les parents ont procédé à une déclaration d’autorité parentale conjointe sur leur fils devant l’état civil.

C______ et H______ sont également les parents des mineurs K______, né le ______ 2007 et J______, née le ______ 2009. Seule la mère est titulaire de l’autorité parentale sur lesdits enfants.

Les parties se sont séparées dans le courant de l’année 2018.

b) Par courrier du 8 août 2019 adressé au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection), C______, qui mentionnait une adresse, sans précision de numéro, à la route 1______ à G______[GE], a sollicité la délivrance d’une « attestation d’autorité parentale exclusive sur ses trois enfants », dans le but de faciliter ses démarches administratives, notamment en cas de déménagement ou auprès des écoles des trois enfants. Elle a précisé que la communication et la collaboration avec son ancien compagnon étaient difficiles.

c) Par pli du 16 août 2019, le Tribunal de protection a sollicité de C______ la production d’une attestation de domicile à Genève.

Ce pli a été retourné au Tribunal de protection avec la mention suivante : « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ».

d) Le 17 juin 2022, C______ a sollicité du Tribunal de protection, sur mesures provisionnelles, l’autorisation de partir à l’étranger avec ses trois enfants pendant une année à compter du mois d’août 2022. Elle a exposé avoir vécu avec ses trois enfants à la route 1______ à G______ jusqu’au mois de mai 2022. Depuis le mois de juin 2022, ils résidaient au ______[n°], rue 2______ à L______[GE], dans l’attente de trouver un autre logement aux alentours de G______. Le mineur K______ était scolarisé au cycle d’orientation du M______ et les deux plus jeunes fréquentaient l’école primaire de G______. Le père exerçait irrégulièrement le droit de visite fixé d’un commun accord, mais s’acquittait en revanche de la contribution d’entretien convenue. Durant le mois de mai 2022, C______ avait fait part à H______ de son souhait de résider à l’Ile Maurice pendant une année avec les enfants, son compagnon et la fille de ce dernier, âgée de 12 ans. H______ s’y était opposé. Or, il s’agissait d’un projet qui avait été mûrement réfléchi et qui avait été repoussé en raison du COVID 19. Elle avait l’intention d’inscrire ses enfants dans une institution privée, le Lycée P______ à Q______ (Ile Maurice), qui proposait un programme d’enseignement de qualité. La date de départ avait été fixée au 15 août 2022, le retour devant avoir lieu aux alentours de fin juin 2023. Dans la mesure où il ne s’agissait que d’un départ temporaire, le domicile légal des enfants demeurerait en Suisse et les primes d’assurance maladie continueraient d’y être acquittées. Ce séjour permettrait aux trois enfants de découvrir un lieu de vie « exotique », tout en demeurant dans un cadre familial et en poursuivant leur scolarité en français, dans de bonnes conditions. C______ a précisé qu’elle ne travaillerait pas à l’Ile Maurice et serait dès lors disponible pour les trois mineurs. Leur père vivait pour sa part en colocation et ne disposait pas de l’espace suffisant pour accueillir les trois enfants.

C______ a notamment joint à sa requête copie d’un échange de courriels avec H______. Elle lui expliquait, dans un courriel du 22 avril 2020, qu’elle envisageait « un grand voyage d’un an, deux ans, ou plus », ce qui allait impliquer de sortir les enfants de l’école ; elle avait l’intention de les scolariser à domicile.

e) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 23 juin 2022, la convocation adressée à H______ ayant été anticipée par courriel le 20 juin 2022.

Ce dernier a allégué que C______ et les enfants ne vivaient en réalité pas en Suisse, mais en France, de sorte qu’il s’interrogeait sur la compétence des autorités judiciaires genevoises. L’adresse que la mère avait donnée à L______ correspondait à celle d’un ami de son compagnon.

C______ a expliqué pour sa part que les parties avaient déménagé en France en 2015, alors qu’elles faisaient encore ménage commun. Après leur séparation, la maison située sur territoire français qu’ils occupaient jusque-là avait été mise en vente et elle avait déménagé à G______ (Genève) avec les enfants. Avec son nouveau compagnon, elle avait racheté une maison en France, qu’ils étaient en train de rénover, avec l’intention d’en faire une résidence secondaire, voire un « B&B ». En l’état, elle s’était effectivement installée à L______ avec les enfants, afin de libérer la maison de G______. Elle a ajouté ce qui suit: « Pour la fin de l’année scolaire, nous sommes un peu en France, un peu à L______ ».

H______ a allégué avoir vu les enfants une fois par mois, voire plus, jusqu’en novembre 2021. Il avait eu pendant cinq mois un appartement à L______, qu’il occupait seul, ce qui lui avait permis de voir davantage les trois mineurs. Désormais, il vivait en colocation, de sorte qu’il devait s’adapter à ses colocataires. Il disposait toutefois d’une chambre pour ses trois enfants. Il ne les avait pas vus entre janvier et mars 2022, car il n’avait pas été possible de trouver un accord avec leur mère. Il avait des contacts via WhatsApp avec les deux ainés. Les enfants lui avaient dit qu’ils étaient contents de partir pour l’Ile Maurice, mais pas d’y rester. Il était pour sa part opposé à ce projet et considérait que deux ou trois mois auraient été suffisants pour découvrir une autre culture. Le fait qu’il puisse passer du temps avec ses enfants pendant les vacances, à ses frais, n’était selon lui pas une proposition acceptable. Il était informaticien à 60% et financièrement, c’était « un peu compliqué »; il avait droit à cinq semaines de vacances par année.

C______ a expliqué loger chez un ami à L______. A son retour de voyage, elle avait l’intention de louer un appartement à G______, afin de « revenir dans le même tissu social ». Pour le surplus, elle a contesté la fréquence du droit de visite du père, telle que décrite par celui-ci. C______ a ajouté que son compagnon avait passé beaucoup de temps à l’Ile Maurice. Il pratiquait les sports nautiques et elle-même était professeur de yoga, actuellement sans emploi; elle avait toutefois perçu un héritage au décès de sa mère. Elle était disposée à renoncer à la contribution d’entretien pour le mois durant lequel le père viendrait voir les enfants à l’Ile Maurice, voire pendant deux mois.

La cause a été gardée à juger à l’issue de l’audience.

B. Par ordonnance DTAE/4367/2022 du 23 juin 2022, le Tribunal de protection s’est déclaré compétent rationae (sic) loci pour connaître de la procédure (chiffre 1 du dispositif), a autorisé C______ à déplacer en République de Maurice le lieu de résidence du mineur I______, né le ______ 2015, dès le 15 août 2022, pour une durée maximale d’une année (ch. 2), limité en conséquence le droit de H______ de déterminer le lieu de résidence du mineur pour la même durée (ch. 3), pris acte de l’engagement de C______ d’organiser le retour à Genève du mineur I______, ainsi que des mineurs K______ et J______ durant les vacances scolaires de février 2023 (ch. 4), déclaré la décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6); les frais judiciaires ont été arrêtés à 400 fr., mis à la charge de C______ (ch. 7).

S’agissant de sa compétence, le Tribunal de protection a considéré que le domicile des trois mineurs se situait, à teneur des registres de l’Office cantonal de la population, à L______. Ils étaient par ailleurs nés à Genève, étaient scolarisés à G______ et partageaient leur temps entre L______ et la France. Ainsi, les attaches des mineurs et en particulier de I______, avec la Suisse, fondaient la compétence ratione loci du Tribunal de protection.

Sur le fond, le Tribunal de protection a considéré, en substance, que le déménagement provisoire projeté était conforme à l’intérêt des mineurs, dont la prise en charge par la mère, personne de référence pour eux, était assumée avec bienveillance et adéquation. Le lien entre le père et les mineurs pourrait être maintenu, la mère ayant prévu de revenir en Suisse durant les vacances de février 2023 et ayant proposé de renoncer pendant un ou deux mois à la contribution alimentaire payée par le père en faveur des enfants, afin qu’il puisse financer un billet d’avion pour leur rendre visite ; le père entretenait par ailleurs des liens avec les mineurs par le biais de WhatsApp. Ainsi, le bien-être du mineur I______ commandait qu’il puisse suivre sa mère, son frère et sa sœur à l’Ile Maurice.

C. a) Le 25 juillet 2022, H______ a formé recours contre cette ordonnance, reçue le 14 juillet 2022, concluant à ce que l’incompétence ratione loci du Tribunal de protection soit constatée et partant à ce que la requête formée le 17 juin 2022 par C______ soit déclarée irrecevable, avec suite de frais et dépens à la charge de cette dernière. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation de l’ordonnance attaquée, avec suite de frais et dépens à la charge de sa partie adverse.

Préalablement, le recourant a conclu à la restitution de l’effet suspensif, requête admise par la Chambre de surveillance de la Cour de justice par décision du 8 août 2022.

Le recourant a produit des pièces nouvelles.

Il a fait grief au Tribunal de protection d’avoir admis sa compétence ratione loci. Il a indiqué s’être renseigné auprès des voisins à l’adresse ______[n°], route 1______ à G______: ceux-ci ne connaissaient ni C______, ni les enfants. Actuellement, ces derniers vivaient au ______[n°], 3______ (France), comme l’attestaient les photographies de la boîte aux lettres versées à la procédure, produite devant la Chambre de surveillance. L’adresse officielle à L______ correspondait au domicile de O______, ami du compagnon de C______, soit un appartement de cinq pièces dans lequel il vivait avec sa compagne, leur enfant commun et ses deux enfants d’une première union. Il n’était dès lors pas crédible que C______, son compagnon et les enfants puissent effectivement vivre dans ledit appartement. Le recourant a fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir instruit cette question, alors qu’il aurait pu interroger O______ ou les enfants, ou encore solliciter un rapport du Service de protection des mineurs. Le recourant a enfin relevé que seuls quelques kilomètres séparent N______ (France) de l’école sise à G______ (Genève) fréquentée par les enfants.

Le recourant a également fait grief au Tribunal de protection de lui avoir adressé une citation à comparaître par courrier électronique du 21 juin 2022, pour l’audience du 23 juin 2022, de sorte que les délais légaux n’avaient pas été respectés et qu’il n’avait pas eu le temps de se préparer, ni de se faire assister par un conseil.

Sur le fond, aucun élément ne plaidait en faveur d’un départ des enfants pour l’Ile Maurice, alors qu’ils bénéficiaient d’une certaine stabilité scolaire et familiale. Leurs besoins différaient de ceux de leur mère et de son compagnon et il était important qu’ils demeurent proches de leurs deux parents.

Enfin, la mère n’avait fourni aucune information utile sur l’obtention ou pas d’un permis de séjour pour l’Ile Maurice, et sur le futur lieu et conditions de vie de la famille, de sorte qu’elle n’avait pas démontré que les conditions de vie qu’elle allait offrir aux enfants étaient favorables. Le Tribunal de protection aurait dû instruire d’office ces différents points.

b) Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de la décision litigieuse.

c) Dans sa réponse du 31 août 2022, C______ a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens à la charge du recourant.

Elle a produit des pièces nouvelles.

Elle a affirmé résider effectivement à L______ avec les enfants, dans un grand appartement composé de trois appartements réunis en un. Elle a produit une attestation signée de O______, confirmant vivre en colocation à L______ avec C______, son compagnon et les enfants.

Il ressort des explications de l’intimée que si le projet de départ pour l’Ile Maurice ne pouvait se concrétiser durant l’été 2022, il serait repoussé à plus tard, mais non abandonné.

d) Le recourant a répliqué le 19 septembre 2022, persistant dans ses précédentes conclusions.

e) La cause a été mise en délibération au terme de cet échange d’écritures.

EN DROIT

1.             1.1. Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection de l'adulte peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC) dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC).

Si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC).

Dans le cas d'espèce, le recours a été interjeté par le père, détenteur de l’autorité parentale, de l’enfant concerné par la décision litigieuse, dans le délai utile et suivant la forme prescrite. Le recours est dès lors recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

1.3 L'art. 53 LaCC, qui régit de manière exhaustive les actes accomplis par les parties en seconde instance, à l'exclusion du CPC (art. 450f CC cum art. 31 al. 1 let. c et let. d a contrario LaCC), ne stipulant aucune restriction en matière de faits et de moyens de preuve nouveaux en deuxième instance, les pièces nouvelles déposées par les recourants sont dès lors admises.

2. Le recourant a fait grief au Tribunal de protection de ne pas avoir respecté les délais de convocation pour l’audience du 23 juin 2022.

Ce point peut toutefois demeurer indécis, au vu de ce qui va suivre.

3. 3.1 La Convention conclue à La Haye le 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants
(ci-après : CLaH96; RS 0.211.231.011) a été signée et ratifiée tant par la Suisse que par la France (arrêt du Tribunal fédéral
5A_884/2013 du 19 décembre 2013 consid. 4.1). Englobant toutes les mesures tendant à la protection de la personne ou des biens de l'enfant (art. 1 CLaH96), elle régit en particulier l'attribution et le retrait de l'autorité parentale, ainsi que le règlement de la garde et des relations personnelles (ATF 138 III 11 consid. 5.1; 132 III 586 consid. 2.2.1; Bucher, Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n. 8 ad art. 85 LDIP).

Selon l'art. 5 CLaH96, les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'Etat contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens (al. 1).

La résidence habituelle se détermine d'après des faits perceptibles de l'extérieur, non pas selon le facteur de la volonté, et doit être définie pour chaque personne séparément (arrêt du Tribunal fédéral 5A_427/2009 du 27 juillet 2009 consid. 3.2). La résidence habituelle d'un enfant coïncide le plus souvent avec le centre de vie d'un des parents, les relations familiales du très jeune enfant avec le parent en ayant la charge étant en règle générale déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_584/2014 du 3 septembre 2014 consid. 5.1.1). Le statut du point de vue de la police des étrangers et les indications figurant dans des documents administratifs ne sont pas déterminants et ne constituent que des indices (arrêt du Tribunal fédéral 4A_443/2014 du 2 février 2015 consid. 3.4).

Lorsque tant les enfants que leurs parents ont développé leurs centres d'intérêts d'un côté comme de l'autre de la frontière séparant la Suisse de la France, faisant en quelque sorte abstraction de celle-ci, la notion de résidence habituelle correspond au lieu où les enfants vivent, c'est-à-dire le lieu où se trouvent leurs effets personnels et dans lequel ils rentrent une fois leur journée d'école et leurs activités extrascolaires achevées (ACJC/1489/2019 du 8 octobre 2019 consid. 4.2; DAS/170/2019 du 27 août 2019 consid. 4.2.1).

3.2 En l’espèce, le recourant a émis des réserves, lors de l’audience du 23 juin 2022, sur la compétence ratione loci du Tribunal de protection, au motif que les enfants et leur mère vivent en réalité et selon lui en France et non en Suisse.

Divers éléments du dossier auraient dû éveiller la curiosité du Tribunal de protection sur cette question.

Ainsi, le courrier adressé par le Tribunal de protection à l’intimée le 16 août 2019 à son adresse officielle de l’époque à la route 1______ à G______[GE] était revenu en retour avec la mention « destinataire introuvable à cette adresse » et ce alors même que l’intimée avait encore soutenu, durant l’audience du 23 juin 2022, avoir vécu à G______ avec les enfants après la séparation du couple. Le recourant a par ailleurs produit des photographies des boîtes aux lettres sises à l’adresse ______[n°], 3______ (France) ; sur l’une d’entre elles figure le nom de l’intimée et de son compagnon. Or, N______ est situé à moins de cinq kilomètres de G______ (et par conséquent à quelques minutes seulement en voiture), commune dans laquelle les enfants étaient scolarisés et le sont encore s’agissant des deux plus jeunes, l’aîné fréquentant désormais le cycle du M______, situé à R______. A l’inverse, le fait de vivre à L______[GE], comme l’affirme l’intimée, contraindrait les enfants à effectuer des trajets de l’ordre de seize à vingt kilomètres pour se rendre à l’école à G______ et rentrer à la maison, ceci pendant les heures de très forte circulation. Enfin, il est établi que l’intimée, son compagnon et les enfants ne disposent pas de leur propre logement à L______, mais vivent, selon les explications fournies, en colocation avec une autre famille, ce qui implique, compte tenu du nombre de personnes composant la famille recomposée de l’intimée (soit six personnes en tenant compte de la fille de son compagnon) de pouvoir disposer d’une place non négligeable. L’intimée a certes produit, en appel, une attestation signée par O______ confirmant ses dires. Il conviendrait toutefois que ce dernier puisse en confirmer la teneur en audience, après avoir été rendu attentif aux conséquences pénales du faux témoignage. Enfin, lors de l’audience devant le Tribunal de protection, l’intimée a admis que la famille était « un peu en France, un peu à L______ ».

En dépit de ces divers éléments, susceptibles de faire douter de la réalité d’un lieu de résidence effectif de l’intimée et des enfants à Genève, le Tribunal de protection n’a diligenté aucun acte d’instruction, hormis l’audition des parties et a gardé la cause à juger. Or, le fait que les enfants soient nés à Genève, qu’ils y fréquentent une école, y pratiquent des activités extrascolaires et qu’ils soient inscrits à l’Office cantonal de la population, ne suffit pas à fonder la compétence ratione loci du Tribunal de protection. Conformément à la jurisprudence citée sous considérant 3.1 ci-dessus, encore faudrait-il qu’ils y aient leurs effets personnels et qu’ils y dorment quotidiennement, une fois leur journée d’école et leurs activités extrascolaires terminées, points n’ayant fait l’objet d’aucune instruction.

Au vu de ce qui précède, l’ordonnance attaquée sera annulée et la cause retournée au Tribunal de protection pour suite d’instruction (comprenant l’audition de tous témoins utiles et la mise en œuvre du Service de protection des mineurs, avec visite du logement L______) et nouvelle décision.

4.             4.1 L’autorité parentale inclut le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 301a al. 1 CC). Un parent exerçant conjointement l’autorité parentale ne peut modifier le lieu de résidence de l’enfant qu’avec l’accord de l’autre parent ou sur décision du juge ou de l’autorité de protection de l’enfant notamment lorsque le nouveau lieu de résidence se trouve à l’étranger (art. 301a al. 2 let. a CC) ; le déménagement a des conséquences importantes pour l’exercice de l’autorité parentale par l’autre parent et pour les relations personnelles (art. 301a al. 2 let. b CC).

Si le parent désireux de déménager exerçait principalement la garde, en principe l’intérêt de l’enfant consiste en ce qu’il déménage avec ce parent, mais les circonstances concrètes de chaque cas d’espèce (capacité éducative de chaque parent, stabilité des relations socio-affectives et de l’environnement, langue, cercle familial, avis de l’enfant selon son âge), examinées sous la maxime du bien de l’enfant, sont déterminantes (ATF 142 III 481 / JT 2016 II 427, ATF 142 III 502, ATF 143 III 193 / JT 2018 II 187).

4.2 L’intimée a fait part de son désir de passer une année (voire plus selon ce qui ressort des explications données au recourant en 2020) à l’Ile Maurice avec son nouveau compagnon et leurs enfants respectifs. Elle a précisé ne pas avoir l’intention d’y travailler, tout en indiquant que son compagnon avait déjà passé du temps dans ce pays et qu’il pratiquait les sports aquatiques ; elle a en outre exposé avoir l’intention d’inscrire les enfants dans une école privée.

S’il peut certes paraître théoriquement intéressant de permettre à des enfants encore mineurs de vivre une expérience d’une certaine durée dans un pays étranger, encore faut-il s’assurer, avant de considérer que le déménagement envisagé est effectivement dans l’intérêt du mineur concerné, que le projet en cause est suffisamment cadré. Or, en l’espèce, l’intimée n’a fourni aucune précision sur les démarches effectuées afin d’obtenir, tant pour les adultes que pour les enfants, les autorisations de séjour vraisemblablement nécessaires. Elle n'a pas davantage expliqué où elle avait l’intention de vivre avec les enfants et son nouveau compagnon, et n’a fourni aucune indication utile s’agissant des moyens de subsistance de la famille, se contentant de préciser, sans autres détails, qu’elle n’entendait pas travailler et qu’elle avait hérité au décès de sa mère. Il conviendra par conséquent que le Tribunal de protection, si sa compétence ratione loci devait être avérée après instruction complémentaire, instruise ces différents points, afin d’être en possession de tous les éléments utiles qui lui permettront de déterminer si le projet en cause est, ou pas, dans l’intérêt de l’enfant. Il conviendrait également de s’assurer, s’il devait s’avérer in fine que le projet litigieux ne correspond pas à l’intérêt du mineur I______, qu’il puisse être pris en charge par le recourant dans l’hypothèse où le reste de la famille déciderait malgré tout de partir pour l’Ile Maurice.

5.             Les frais de la procédure de recours, arrêtés à 400 fr. (art. 67A et 67B RTFMC), seront mis à la charge de l’intimée, qui succombe et qui sera condamnée à les verser à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Vu la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par H______ contre l’ordonnance DTAE/4367/2022 du 23 juin 2022 rendue par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant dans la cause C/16921/2015.

Au fond :

L’admet.

Annule l’ordonnance attaquée et retourne la cause au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant pour suite d’instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 400 fr., les met à la charge de C______ et la condamne à les verser à l’Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.