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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/945/2021

ACST/25/2021 du 27.05.2021 ( INIT )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/945/2021-INIT ACST/25/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 27 mai 2021

dans la cause

 

Monsieur A______

et

ASSOCIATION B______
représentés par Me François Bellanger, avocat

contre

CONSEIL D’ÉTAT


Attendu, en fait, que :

1) Le 14 janvier 2020 a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) un avis selon lequel un comité d’initiative (ci-après : le comité) avait informé le Conseil d’État du lancement d’une initiative législative intitulée « Pour un urbanisme plus démocratique » (ci-après : IN 176) visant la modification des art. 5A, 6 et 12 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), dont la teneur était la suivante :

« Art. 1 Modifications

Art. 5A Élaboration du projet de plan localise de quartier par le département

1 Le projet de plan localise de quartier est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d’État ou d’une commune ou des propriétaires concernés ; il est mis au point par le département, en collaboration avec la commune, et la commission d’urbanisme et les particuliers intéressés à développer le périmètre, sur la base d’un avant-projet étudié par le département, la commune ou des particuliers intéressés à développer le périmètre dans le cadre d’un processus de concertation avec ces derniers, les habitants, propriétaires et voisins du quartier ainsi que les associations et la commune concernées.

( )

Élaboration du projet de plan localise de quartier par les propriétaires

4 Les propriétaires concernés peuvent également solliciter en tout temps du Conseil d’État l’adoption, la modification ou l’abrogation d’un plan localise de quartier concernant leurs parcelles. À cet effet, ils doivent élaborer un projet de plan localise de quartier, dans le cadre d’un processus de concertation avec le département, les communes et les particuliers intéressés à développer le périmètre. Leur projet est transmis au Conseil d’État, lequel, après s’être assure qu’il répond sur le plan formel aux exigences légales, est alors tenu d’engager la procédure prévue a l’article 6.

5 Si différents projets de plans localisés de quartiers sont soumis au Conseil d’État et respectent sur le plan formel les exigences légales, une votation communale sera organisée pour déterminer celui qui devra être retenu pour engager la procédure prévue a l’article 6.

Art. 6 Procédure d’adoption

( )

Préavis communal

4 Simultanément a l’ouverture de l’enquête publique, le département transmet a la commune le projet de plan pour qu’il soit porte a l’ordre du jour du Conseil municipal. À l’issue de l’enquête, le département transmet en principe dans un délai de 60 jours, a la commune les observations reçues. L’autorité municipale doit communiquer son préavis dans un délai de 45 jours a compter de la réception des observations. Son silence vaut approbation sans réserve.

5 Le préavis de l’autorité municipale peut être défavorable, favorable ou favorable sous réserve de conditions, modifications ou compléments. Son silence vaut approbation sans réserve. Le préavis, y compris en cas de silence de l’autorité municipale, fait l’objet d’une publication dans la Feuille d’avis officielle et d’affichage dans la commune.

6 En cas de préavis ou de référendum défavorable, la procédure d’adoption du plan localise de quartier soumis a enquête publique est suspendue et la commune et/ou les propriétaires du périmètre concernés doivent proposer au Conseil d’État un projet de plan localise de quartier alternatif dans un délai de 12 mois conformément a la procédure prévue par l’article 5A. À défaut, la procédure d’adoption du projet de plan localise de quartier soumis a enquête publique sera reprise et ce plan sera retenu par le département.

 

7 L’enquête publique et l’avis aux propriétaires visés aux alinéas 1 et 2 sont toutefois facultatifs en cas d’accord de tous les propriétaires concernés et lorsque le périmètre du projet de plan localise de quartier est compris dans celui d’un plan directeur de quartier en force depuis moins de 10 ans. En l’absence d’enquête publique, le département transmet a la commune le projet de plan pour qu’il soit porte a l’ordre du jour du Conseil municipal. L’autorité municipale doit alors communiquer son préavis dans un délai de 45 jours a compter de la réception du projet de plan. Son silence vaut approbation sans réserve.

Modification d’un projet de plan localise de quartier en cours de procédure

9 Sous réserve de l’article 6, alinéa 6, seules les modifications essentielles du projet de plan localise de quartier, soit celles qui ont pour conséquence un changement fondamental de ses caractéristiques, nécessitent l’engagement d’une nouvelle procédure. Le département devra suivre les recommandations/conditions du préavis favorable du Conseil municipal qui respectent sur le plan formel les exigences légales et adapter le projet de plan localise de quartier.

Art. 12, al. 8 Disposition transitoire (nouveau)

8 Les modifications du ... (a compléter) apportées aux articles 5 A et 6, s’appliquent a tous les projets de plans localisés de quartier soumis a enquête publique après cette date.

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle ».

2) Par arrêté du 14 octobre 2020, publié dans la FAO du 16 octobre 2020, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement de l’IN 176.

3) Le 26 novembre 2020, le Conseil d’État a invité le comité à lui faire part de sa détermination au sujet de la validité de l’IN 176 sur différents points.

4) Le 4 janvier 2021, le comité a transmis au Conseil d’État ses déterminations au sujet de la validité de l’IN 176.

5) Par arrêté du 10 février 2021, publié dans la FAO du 12 février 2021, le Conseil d’État a partiellement invalidé l’IN 176 et supprimé l’art. 5A al. 5 LGZD projeté.

La votation communale prévue par l’art. 5A al. 5 LGZD projeté consistait à consulter la population communale, sous la forme d’un nouveau type de votation consultative. Il s’agissait dès lors d’une extension des droits politiques, qui nécessitait une modification formelle de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), que l’IN 176 ne prévoyait pas. Il n’était ainsi pas loisible au comité de proposer une modification d’une loi pour introduire un nouveau type de votation consultative, si bien que la disposition en cause n’était pas conforme au droit supérieur.

6) Par acte du 15 mars 2021, enregistré sous cause n° A/945/2021, Monsieur A______ et l’Association B______ (ci-après : B______) ont interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l’arrêté précité, concluant principalement à son annulation et à l’invalidation de l’IN 176, subsidiairement à l’invalidation des art. 5A al. 4 et 6 al. 6, 7 et 9 LGZD projetés, le tout sous suite de frais et dépens.

7) Le même jour, soit le 15 mars 2021, le comité a également interjeté un recours, enregistré sous la cause n° A/946/2021, auprès de la chambre constitutionnelle contre l’arrêté du Conseil d’État du 10 février 2021, concluant principalement à son annulation en tant qu’il déclarait l’IN 176 partiellement invalide et à ce que celle-ci soit déclarée valide dans son intégralité, conformément à sa teneur initiale, sous réserve de ses rectifications formelles, subsidiairement au renvoi de la cause au Conseil d’État pour nouvelle décision au sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

8) Le 12 avril 2021, le comité a demandé à être appelé en cause dans la procédure de recours dans la cause n° A/945/2021 et, ce faisant, à pouvoir déposer des observations et conclusions sur ledit recours.

Il était directement touché par la procédure de recours, dès lors que l’invalidation totale ou partielle de l’IN 176 qui, par hypothèse, irait plus loin que celle prononcée par le Conseil d’État, comme le demandaient les recourants, porterait atteinte à leur droit de soumettre une proposition législative au Grand Conseil et, le cas échéant, de défendre sa validité dans une procédure de recours. Un arrêt admettant le recours dans la cause n° A/945/2021 leur serait opposable, puisqu’il aurait un impact direct sur le sort de l’IN 176 qu’il avait lancée. Par ailleurs, contrairement aux recourants, il était partie à la procédure non contentieuse qui avait conduit à l’adoption de l’arrêté litigieux, si bien que le droit d’être entendu devait lui être reconnu dans toute la procédure de recours dirigée contre ledit arrêté. En d’autres termes, l’issue de la procédure de recours parallèle dans la cause n° A/945/2021 était susceptible d’influer directement sa situation de fait et de droit, si bien qu’il disposait d’un intérêt digne de protection à être appelé en cause dans le cadre de cette procédure.

9) Le 10 mai 2021, le Conseil d’État s’en est remis à l’appréciation de la chambre constitutionnelle au sujet de la demande d’appel en cause formée par le comité.

10) Le 18 mai 2021, M. A______ et B______ ont indiqué ne pas s’opposer à la demande d’appel en cause formée par le comité, pour autant que leur demande d’appel en cause dans la procédure n° A/946/2021 soit accueillie favorablement, puisque rien ne justifiait un traitement différent dans les deux causes.

11) Le 26 mai 2021, le comité a répliqué, indiquant que des conclusions conditionnelles étaient irrecevables et que la position de M. A______ et B______ était fondamentalement différente de la sienne, étant donné que ces derniers n’avaient pas participé à la procédure non contentieuse.

12) Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur la requête d’appel en cause.

Considérant, en droit, que :

1) a. L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure. La décision leur devient dans ce cas opposable (art. 71 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 al. 2 LPA).

b. Selon la jurisprudence cantonale, cette disposition doit être interprétée à la lumière de celles relatives à la qualité pour recourir en procédure contentieuse. L’institution de l’appel en cause ne doit ainsi pas permettre à des tiers d’obtenir des droits plus étendus que ceux donnés aux personnes auxquelles la qualité pour agir est reconnue, mais a pour but, notamment, de sauvegarder le droit d’être entendu des personnes n’étant pas initialement parties à la procédure (ATA/313/2021 du 9 mars 2021 consid. 1b et les références citées).

c. Ce dernier but est reconnu par la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_134/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.2) ; ainsi – et conformément du reste à ce que prévoit expressément l’art. 71 al. 1 LPA –, il peut aussi s’agir d’étendre au tiers l’autorité de chose jugée, afin que le jugement lui soit opposable par la suite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_373/2016 du 17 novembre 2016 consid. 2.1).

Par ailleurs, il n’existe pas de droit à être appelé en cause (ATF 131 V 133 consid. 13).

2) a. Selon l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir non seulement les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a), mais aussi toute personne qui est touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. La jurisprudence a précisé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2b et les références citées). L’exemple le plus évident concerne la partie à la procédure qui a obtenu le plein de ses conclusions au stade antérieur de la procédure, et n’est dès lors pas lésée par la décision ou le jugement de première instance (ATA/1352/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3b).

L’intérêt digne de protection consiste dans l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés. Le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général ou dans l’intérêt d’un tiers est exclu. Cette exigence a été posée de manière à éviter l’action populaire (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_442/2020 du 4 mars 2021 consid. 1.2.1).

c. La qualité pour recourir est par ailleurs reconnue, dans les recours pour violation des droits politiques, à toute personne physique ayant le droit de vote dans l’affaire en cause, aux partis politiques – pour autant qu’ils soient constitués en personnes morales, exercent leurs activités dans la collectivité publique concernée par la votation populaire en cause et recrutent leurs membres principalement en fonction de leur qualité d’électeurs –, ainsi qu’aux organisations à caractère politique formées en vue d’une action précise comme le lancement d’une initiative ou d’un référendum, indépendamment du point de savoir s’ils ont un intérêt personnel à l’annulation ou la modification de l’acte attaqué (ACST/12/2021 du 15 avril 2021 consid. 1c ; ACST/10/2021 du 23 mars 2021 consid. 2a ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 735).

3) En l’espèce, il se justifie de faire droit à la requête d’appel en cause du comité, qui a participé à la procédure non contentieuse ayant conduit à l’invalidation partielle de l’IN 176 dont il est à l’origine. En effet, outre le fait que le requérant a qualité pour recourir contre l’acte attaqué en tant qu’organisation à caractère politique formée en vue du lancement d’une initiative, il serait directement concerné par l’admission, même partielle, du recours dans la cause n° A/945/2021, au regard des conclusions des recourants, qui irait plus loin que l’invalidation partielle de l’initiative résultant de l’arrêté du Conseil d’État contesté, lequel a annulé le seul art. 5A al. 5 LGZD projeté.

En conséquence, l’appel en cause du comité sera ordonné et il lui sera imparti un délai pour produire ses observations et pièces sur le fond du litige.

4) Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

ordonne l’appel en cause du comité de l’initiative « Pour un urbanisme plus démocratique » (IN 176) ;

communique au comité de l’initiative « Pour un urbanisme plus démocratique » (IN 176) une copie du recours, de la décision attaquée et de la réponse de la partie intimée ;

dit que les pièces de la procédure peuvent être consultées au greffe de la chambre constitutionnelle ;

impartit un délai au 17 juin 2021 au comité de l’initiative « Pour un urbanisme plus démocratique » (IN 176) pour présenter ses observations sur le fond du litige ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Tobias Zellweger, avocat de l’appelé en cause, à Me François Bellanger, avocat des recourants, ainsi qu’au Conseil d’État.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière :

 

 

M. Niermaréchal

 

 

le juge délégué :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :