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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/324/2021

ACST/3/2021 du 25.02.2021 ( ABST ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/324/2021-ABST ACST/3/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 25 février 2021

sur effet suspensif

dans la cause

 

COMMUNAUTÉ GENEVOISE D'ACTION SYNDICALE
et
Monsieur A______
et
Madame B______

et
Madame C______
et
SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DE TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS
représentés par Me Christian Bruchez, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT


Attendu, en fait, que :

1) Le 1er novembre 2020, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d'État) a adopté l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 (ci-après : l'ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26 et l'arrêté du 1er novembre 2020), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020.

2) L'arrêté comprend notamment les articles ci-après :

Chapitre 1 Dispositions générales

Article 1 - État de nécessité

L'état de nécessité, au sens de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est déclaré.

Les mesures prévues dans le présent arrêté visent à prévenir la propagation du coronavirus.

...

Chapitre 5 Mesures visant les installations et les établissements accessibles au public

Article 11 - Fermeture

1 Sont fermés :

...

e. les commerces de vente au détail et les marchés. Les services à l'emporter et de livraison sont réservés. Le click & collect est autorisé ;

...

Article 12 - Mesures dans les établissements et installations accessibles au public non sujets à fermeture

1 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, doivent mettre à disposition de leur clientèle une solution hydro-alcoolique.

2 Ils s'assurent qu'aucune personne ne pénètre dans l'installation ou l'établissement sans désinfection préalable des mains.

3 Les personnes qui pénètrent dans une installation ou un établissement doivent se désinfecter les mains.

4 Elles doivent porter un masque en permanence dès l'entrée dans l'installation ou l'établissement.

5 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, s'assurent que toutes les personnes portent un masque.

6 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, s'assurent que la distance interpersonnelle soit préservée en toutes circonstances sur toute la surface des locaux accessibles.

7 Les exploitants d'installations et d'établissements, ou leur remplaçant, s'assurent que les surfaces que la clientèle touche avec ses mains (comme les poignées des caddies et les paniers, les scanners ou les écrans tactiles) soient nettoyées régulièrement avec du savon ou un produit de nettoyage courant. À chaque caisse de paiement, la clientèle doit disposer d'une solution hydro alcoolique.

...

Chapitre 7 Mesures relatives à la protection des employés

Article 17 - Lieu de travail

1 Les employeurs veillent à ce que les activités de leurs employés en présentiel soient limitées au minimum indispensable, en particulier pour les personnes vulnérables.

2 Ils doivent garantir le strict respect des mesures de prévention énoncées à l'article 10 de l'ordonnance COVID-19 (situation particulière).

...

Chapitre 10 Dispositions finales

Article 20 - Clause abrogatoire

L'arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie COVID-19, du 14 août 2020, est abrogé.

Article 21 - Entrée en vigueur et durée de validité

1 Le présent arrêté entre en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00.

2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 29 novembre 2020 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin.

3) Le 25 novembre 2020, le Conseil d'État a adopté l'arrêté modifiant l'arrêté, du 1er novembre 2020 (ci-après : l'arrêté du 25 novembre 2020), publié dans la FAO du 25 novembre 2020.

4) L'arrêté comprend notamment les articles ci-après :

Article 1 - Modifications

L'arrêté du Conseil d'État, du 1er novembre 2020, d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population est modifié comme suit :

...

Article 11, al. 1 let. b (nouvelle teneur), al. 1 let. e (abrogée), al. 2 (nouvelle teneur) et al 3 (abrogé)

...

Article 12 Mesures générales dans les établissements et installations accessibles au public non sujets à fermeture (nouvelle teneur de la note)

Article 12A Mesures complémentaires pour les commerces de détail (nouveau)

1 L'exploitant de commerce, ou son remplacement, met en oeuvre et fait respecter les mesures de protection figurant à l'annexe 3 « Mesures visant les commerces de détail » du présent arrêté et la clientèle est tenue de les respecter.

2 En dérogation à l'article 9 al. 3 de la loi sur les heures d'ouverture des magasins (LHOM, I 1 05), l'heure de fermeture du samedi est 20h00.

...

Article 21, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 17 décembre 2020 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin.

Annexe 3 Mesures visant les commerces de détail (nouvelle)

Limitation d'accès et contrôle de la densité

Les exploitants des commerces de détail, ou leur remplaçant, doivent :

Ø  limiter l'accès des espaces dans lesquels les personnes peuvent se déplacer librement pour que chacune des personnes présentes (personnel, clientèle) dispose d'au moins 10m2 sur la surface totale au sol disponible permettant de respecter en tout temps la distance de sécurité de 1,5 mètres ;

Ø  interdire l'entrée aux clients lorsque la densité maximale est atteinte ;

Ø  séparer, lorsque cela est possible, les flux entrants et sortants, notamment en période d'affluence ;

Ø  empêcher tout regroupement de personnes, tant à l'extérieur du magasin (organiser la file d'attente, indiquer les distances à respecter), qu'à l'intérieur notamment devant les ascenseurs, au niveau des escalators, à l'approche des caisses ou aux abords de certains rayons ou étals (fruits et légumes, jouets, cosmétiques, produits festifs) ;

Ø  afficher, à l'entrée et à l'intérieur des ascenseurs, le nombre maximal de personnes admises, de manière à ce que la distance interpersonnelle soit maintenue ;

Ø  éliminer tous les goulots d'étranglement susceptibles de ralentir le flux de la clientèle et de rapprocher les personnes entre elles ;

Ø  renoncer sans exceptions aux actions et promotions qui génèrent un afflux de clients vers un secteur du commerce et des interactions superflues, de type « ventes flash », « dégustations », « séances de dédicace » ou « emballage de cadeaux » ainsi qu'aux animations de type « visite du Père Noël ».

Solution/gel hydroalcoolique et hygiène des mains

...

Masques

...

Nettoyage

...

Aménagements et adaptations

...

Ventilation

...

Affichage

...

Article 2 - Entrée en vigueur

Le présent arrêté de modification entre en vigueur le 28 novembre 2020 à 00h01.

 

5) Par décision du 3 décembre 2020 dans la cause A/3980/2020 (ACST/39/2020), la chambre constitutionnelle a refusé d'octroyer l'effet suspensif au recours visant l'arrêté du 25 novembre 2020.

La mesure litigieuse visait, prima facie, un but sanitaire puisqu'elle avait pour objectif de diluer sur la journée les clients des magasins, facilitant en cela le respect des mesures sanitaires visant les commerces de détail décrites à l'annexe 3 de l'arrêté litigieux. Compte tenu de l'objectif poursuivi par la mesure, soit la protection de la population et l'empêchement de la propagation de la maladie à coronavirus (COVID - 19), le Conseil d'État pouvait a priori se fonder sur les art. 113 Cst GE et 40 LEp pour déroger aux règles légales qui régissent la fermeture des magasins (cf. art. 9 al. 3 LHOM). La mesure, qui était limitée dans le temps (soit jusqu'au 17 décembre 2020), n'apparaissait au demeurant pas manifestement disproportionnée.

6) Suite au dépôt le 9 décembre 2020, par M. A______, Mmes C______ et B______, le SIT et la CGAS d'une nouvelle « demande urgente de restitution de l'effet suspensif » dans la cause A/3980/2020, la chambre constitutionnelle a, le 11 décembre 2020, considérant que les chances de succès du recours n'apparaissaient toujours pas prima facie à ce point manifestes qu'il se justifierait de déroger à la pratique de refuser l'effet suspensif dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, rejeté derechef la demande d'octroi de l'effet suspensif.

7) Le 12 décembre 2020, après consultation des cantons, est entrée en vigueur une modification de l'ordonnance COVID-19 situation particulière prévoyant que les installations et les établissements accessibles au public, en particulier les magasins, devaient demeurer fermés entre 19h00 et 6h00, ainsi que le dimanche, les 25 et 26 décembre 2020 et le 1er janvier 2021 (art. 5abis de COVID-19 situation particulière). La même règle s'appliquait aussi notamment aux établissements de restauration (art. 5a de l'ordonnance COVID-19 situation particulière). Tout canton pouvait toutefois prévoir d'étendre ces heures d'ouverture notamment si le « Re » était inférieur à 1 durant au moins sept jours consécutifs et que le nombre de nouvelles infections par 100'000 personnes était inférieur à la moyenne suisse au cours des sept derniers jours également (art. 7 al. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière).

8) Par arrêté entré en vigueur le 12 décembre 2020 et publié dans la FAO du 14 décembre 2020, le Conseil d'État a modifié l'arrêté COVID-19 de la manière suivante :

« Article 12D Allègements accordés par le canton (nouveau)

1 Le Conseil d'État est l'autorité compétente pour appliquer l'article 7, alinéas 1 à 4, de l'Ordonnance COVID-19.

2 Si le taux de reproduction est supérieur à 1 durant 3 jours consécutifs ou si l'une des conditions prévues à l'article 7, alinéa 2, lettres a et c, de l'Ordonnance COVID-19 n'est plus remplie, les conditions d'ouverture fixées aux articles 5a, alinéa 1, lettre b et 5abis de l'Ordonnance COVID-19 s'appliquent. »

9) Selon le point épidémiologique hebdomadaire du médecin cantonal genevois pour la semaine 51, du 14 au 20 décembre 2020, le « Re » était estimé à 1,03 à Genève le 7 décembre 2020, le seuil de 1 ayant déjà été franchi dès le 5 décembre 2020. L'épidémie était en augmentation.

10) Le 21 décembre 2020, le Conseil d'État a adopté l'arrêté modifiant l'arrêté, du 1er novembre 2020, (ci-après : l'arrêté du 21 décembre 2020), publié dans la FAO du 22 décembre 2020.

L'arrêté comprend notamment les articles ci-après :

Article 1 - Modifications

L'arrêté du Conseil d'État, du 1er novembre 2020, d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population est modifié comme suit :

...

Article 12bis Heures d'ouverture des magasins et des établissements accessibles au public qui proposent des services (nouveau)

Les installations et les établissements accessibles au public suivants doivent demeurer fermés entre 19h00 et 6h00, ainsi que le dimanche, les 25 et 26 décembre et 1er janvier :

a. les magasins et les marchés à l'extérieur, y compris les services correspondants proposés en libre-service ; font exception les pharmacies et les boulangeries ;

b. les commerces et les établissements qui proposent des services comme les bureaux de poste, es banques, les agences de voyage et les coiffeurs, y compris les services correspondants proposés en libre-service ; font exception :

1. Les établissements de santé tels que les hôpitaux, les cliniques, les cabinets médicaux ainsi que les cabinets et établissements gérés par des professionnels de la santé au sens du droit fédéral et cantonal,

2. Les services du domaine social (centres de conseil),

3. Les services de l'administration publique et de la police,

4. Les guichets des entreprises de transports publics,

5. Les services de location de voiture.

 

Article 12A (nouvelle teneur)

1 L'exploitant de commerce, ou son remplacement, met en oeuvre et fait respecter les mesures de protection figurant à l'annexe 3 « Mesures visant les commerces de détail » du présent arrêté et la clientèle est tenue de les respecter.

2 En dérogation à l'article 9 al. 3 de la loi sur les heures d'ouverture des magasins (LHOM, I 1 05), l'heure de fermeture du samedi est 19h00.

...

Article 21, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 22 janvier 2021 à minuit.

Annexe 3 § Limitation d'accès et contrôle de la densité (nouvelle teneur)

Limitation d'accès et contrôle de la densité

Les exploitants des commerces de détail, ou leur remplaçant, doivent :

limiter l'accès des espaces dans lesquels les personnes peuvent se déplacer librement comme suit :

[...]

 

Ø  interdire l'entrée aux clients lorsque la densité maximale est atteinte ;

Ø  séparer, lorsque cela est possible, les flux entrants et sortants, notamment en période d'affluence ;

Ø  empêcher tout regroupement de personnes, tant à l'extérieur du magasin (organiser la file d'attente, indiquer les distances à respecter), qu'à l'intérieur notamment devant les ascenseurs, au niveau des escalators, à l'approche des caisses ou aux abords de certains rayons ou étals (fruits et légumes, jouets, cosmétiques, produits festifs) ;

Ø  afficher, à l'entrée et à l'intérieur des ascenseurs, le nombre maximal de personnes admises, de manière à ce que la distance interpersonnelle soit maintenue ;

Ø  éliminer tous les goulots d'étranglement susceptibles de ralentir le flux de la clientèle et de rapprocher les personnes entre elles ;

Ø  renoncer sans exceptions aux actions et promotions qui génèrent un afflux de clients vers un secteur du commerce et des interactions superflues, de type « ventes flash », « dégustations », « séances de dédicace » ou « emballage de cadeaux » ainsi qu'aux animations de type « visite du Père Noël ».

...

Article 2 - Entrée en vigueur

Le présent arrêté de modification entre en vigueur le 23 décembre 2020 à 00h01.

 

11) Par point de presse du même jour, publié sur le site Internet de l'État de Genève, le Conseil d'État a rappelé que les faits démontraient que l'entretien de contacts sociaux limités, ainsi que la promotion des gestes barrières (distance physique, désinfection des mains, port du masque), restaient les clés pour sortir de la crise pandémique. Une situation épidémiologique favorable se caractérisait notamment par un taux de reproduction inférieur ou égal à 1. Si les statistiques transmises par l'Office fédéral de la santé publique le vendredi 18 décembre 2020 permettaient au canton de Genève de revendiquer un statut d'exception, le taux de reproduction connu, ce lundi 21 décembre, était désormais supérieur à 1. Les conditions pour bénéficier d'une exception n'étaient donc plus remplies dans le canton de Genève. En outre, le nombre de cas au niveau cantonal restait élevé et les capacités hospitalières demeuraient sous forte tension.

12) Le 9 janvier 2021, le Conseil fédéral a abrogé l'art. 7 al. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière sur les exceptions cantonales concernant notamment les heures d'ouverture des installations et des établissements accessibles au public (RO 2021 2).

13) Dès le 18 janvier 2021, le Conseil fédéral a ordonné la fermeture des magasins vendant des marchandises qui ne sont pas de première nécessité et levé la limitation de leurs heures d'ouverture (art. 5e de l'ordonnance COVID-19 situation particulière, RO 2021 7).

14) Par arrêté du 20 janvier 2021, publié dans la FAO et entré en vigueur le même jour, le Conseil d'État a modifié l'arrêté COVID-19, le prolongeant jusqu'au 28 février 2020 et ordonnant notamment la fermeture des magasins et marchés, sauf notamment les magasins d'alimentation et les autres magasins pour autant qu'ils vendent des denrées alimentaires ou d'autres biens de première nécessité et de consommation courante conformément à l'ordonnance COVID-19 situation particulière.

15) Par acte posté le 1er février 2021, Monsieur A______, Mesdames C______ et B______, le Syndicat interprofessionnel de travailleurs et travailleuses (ci-après : le SIT) et la Communauté genevoise d'action syndicale (ci-après : la CGAS) ont conjointement interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), concluant préalablement, notamment, à l'octroi de l'effet suspensif au recours, et, principalement, à l'annulation de l'art. 12A al. 2 de l'arrêté du Conseil d'État du 21 décembre 2020.

Les chances du recours étaient manifestes. Les motifs sanitaires invoqués par le Conseil d'État dans le cadre de la procédure n° A/3980/2020 en lien avec l'arrêté du 25 novembre 2020, soit dans sa réponse du 22 décembre 2020, pour le moins vagues et nébuleux, s'ils justifiaient à l'évidence des mesures techniques imposées aux magasins prévues à l'article 12A al. 1 de l'arrêté du 21 décembre 2020, ne pouvaient en revanche en aucun cas justifier ce droit donné aux magasins par son article 12A al. 2, de prolonger l'horaire d'ouverture le samedi jusqu'à 19h00, en dérogation à l'art. 9 al. 3 de la loi sur les heures d'ouverture des magasins du 15 novembre 1968 (LHOM - I 1 05). Il n'était en particulier pas possible de considérer, de manière sérieuse, que la simple possibilité donnée aux magasins de rester ouverts jusqu'à 19h00 le samedi soir s'imposait impérativement pour des motifs sanitaires en ajoutant quoi que ce soit aux mesures de protections précises prévues par l'art. 12 A al. 1 de l'arrêté querellé. L'étude de l'institut Pasteur produite par le Conseil d'État l'appui de cette réponse du 22 décembre 2021 ne traitait d'ailleurs pas du tout la question des extensions des horaires d'ouverture des magasins en lien avec la lutte contre la transmission du virus. Il n'était donc pas possible pour cette autorité d'en tirer un quelconque argument. Si une telle extension d'horaires d'ouverture était réellement recommandée pour des motifs sanitaires, le Conseil d'État aurait aisément pu produire une recommandation claire, précise et documentée dans ce sens, établie par les experts scientifiques le conseillant en matière sanitaire. S'y ajoutait que l'argument lié à l'importance des achats de Noël ne pouvait plus être avancé en février 2021. Les art. 112 et 113 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) ne pouvaient pas davantage justifier la dérogation à l'art. 9 al. 3 LHOM, étant relevé que le Conseil d'État n'avait pas fondé sa nouvelle version de l'arrêté du 21 décembre 2020 sur lesdites dispositions constitutionnelles, qui ne lui donnaient pas de compétences supplémentaires en la matière, mais sur l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre les épidémies de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 (Ordonnance COVID-19 - RS 818. 101. 26), elle-même fondée sur la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme, du 28 septembre 2012 (LEp - RS 818.101).

La dérogation à l'art. 9 al. 3 LHOM que le Conseil d'État avait introduite par voie réglementaire à l'article 12A al. 2 litigieux ne constituait pas une règle restreignant les droits fondamentaux destinée à assurer l'ordre public. Elle avait uniquement pour effet de modifier une règle législative existante et directement applicable, destinée à assurer la tranquillité publique et le repos, et que le peuple n'avait pas voulu modifier. Cette problématique relevait du respect de la séparation des pouvoirs et non pas de la restriction des droits fondamentaux, de sorte que l'argumentation du Conseil d'État fondée sur la proportionnalité était sans pertinence en l'espèce.

Étant donné que cette réglementation illégale dérogeant à la LHOM, annoncée comme provisoire à la fin novembre 2020, était appliquée depuis deux mois déjà, le refus d'octroyer l'effet suspensif au recours permettrait au Conseil d'État de maintenir encore pour plusieurs semaines une politique du « fait accompli » dans un domaine où le peuple genevois avait clairement fait savoir sa position de refus. Avec les semaines qui passaient, le maintien d'une telle situation de passage en force devenait toujours plus intolérable dans un État de droit. Il n'appartenait pas au conseil d'État d'utiliser la crise sanitaire pour contourner ce débat politique.

Enfin, selon les mesures imposées par les autorités fédérales, seuls restaient pour l'essentiel ouverts les commerces alimentaires. Or, pour ces commerces aucune prolongation de l'horaire de fermeture n'avait été décidée par le Conseil d'État lors de la première vague pandémique du printemps 2020, ce qui démontrait au besoin que la prolongation d'horaires du samedi ne se justifiait aucunement pour des motifs sanitaires.

Il n'existait donc aucun motif digne de protection pour refuser d'octroyer l'effet suspensif au recours.

16) Par réponse du 12 février 2021, le Conseil d'État a conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif au recours.

L'existence de l'épidémie de COVID-19 était incontestable. Il était aussi notoire que le canton de Genève était l'une des régions de Suisse qui avait été globalement la plus touchée. Les conséquences de la pandémie sur le système de santé étaient également connues : les hôpitaux avaient été surchargés et certains patients aveint dû être transférés dans d'autres cantons durant la seconde vague. Même actuellement, une centaine d'hospitalisations pour cause de COVID-19 actif étaient en cours, sans parler des patients transférés dans les services de réadaptation. Il existait dès lors un intérêt public indéniable justifiant certaines mesures. La pandémie n'était pas sous contrôle. Si le nombre de cas positifs était certes stable, il était encore trop élevé. Malgré les mesures, on ne constatait pas de baisse importante des cas de contamination. L'apparition d'une troisième vague restait donc une menace réelle, surtout dans le contexte de l'apparition du ou des nouveaux variants.

Or la mesure autorisant l'ouverture des commerces jusqu'à 19h00 tendait à diluer sur la journée les clients des magasins en augmentant la période pour venir faire leurs achats. Le fait qu'ils soient moins nombreux simultanément dans un même lieu favorisait le respect des distances de sécurité et diminuait le risque de files d'attente à l'entrée des magasins. Cette mesure allait de pair avec l'introduction de la jauge à 10 m2.

La mesure querellée avait été prise dans un contexte de crise sanitaire et de pandémie, et non de politique, cette dernière question n'étant pas la priorité dans ledit contexte. La situation sanitaire, plus ou moins identique à celle de novembre 2020, primait et avait pour conséquence que les commerces de détail avaient la possibilité, à ce jour, de rester ouverts le samedi jusqu'à 19h00.

Par conséquent, il convenait d'admettre que les mesures prises par le Conseil d'État ne pouvaient souffrir de délais d'application, lesquels seraient impropres à réduire les risques. Les mesures concernées seraient levées sitôt que la situation sanitaire le permettrait.

17) Les recourants ont, le 12 février 2021, produit un courriel du conseiller d'État en charge du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : DSES) du 10 février précédent. Il en ressortait en substance l'intention du Conseil d'État de procéder à une modification de la LHOM dans le sens notamment d'une harmonisation des horaires d'ouverture des magasins durant la semaine ainsi que le samedi, et ce jusqu'à 19h00. Le dépôt d'un tel projet de loi démontrait que le Conseil d'État voulait pérenniser une prolongation de l'horaire d'ouverture du samedi pour des motifs économiques et que les arguments sanitaires invoqués pour justifier l'adoption de l'art. 12A al. 2 de l'arrêté COVID-19 n'étaient qu'un prétexte à la mise en oeuvre anticipée de ladite réforme de la LHOM.

18. Sur quoi, cette écriture a été transmise au Conseil d'État pour information et la cause a été gardée à juger le 22 février 2021 sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt au fond.

2) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d'urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3) a. Selon l'art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d'État, le recours n'a pas d'effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l'effet suspensif (al. 3). D'après l'exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en oeuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l'absence d'effet suspensif automatique se justifie afin d'éviter que le dépôt d'un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l'effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11311, p. 15).

b. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

L'octroi de mesures provisionnelles - au nombre desquelles figure l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER / Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/ Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). En matière de contrôle abstrait des normes, l'octroi de l'effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 835 ss ; Claude-Emmanuel DUBEY, La procédure de recours devant le Tribunal fédéral, in François BELLANGER / Thierry TANQUEREL [éd.], Le contentieux administratif, 2013, 137-178, p. 167).

4) a. Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n'est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s'agit d'un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'égalité de traitement, de l'interdiction de l'arbitraire ou la violation d'un droit fondamental spécial (ATF 140 I 381 consid. 4.4).

b. Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti au moins implicitement par toutes les constitutions cantonales ; tel est le cas à Genève, et ce de manière expresse en vertu de l'art. 2 al. 2 Cst-GE. Il impose le respect des compétences établies par la constitution et prohibe à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe. En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3). Les règlements d'exécution doivent ainsi se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2 ; ATA/1684/2019 du 19 novembre 2019 consid. 9a).

c. Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_360/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.5).

5) a. La Confédération légifère sur la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies très répandues et les maladies particulièrement dangereuses de l'être humain et des animaux (art. 118 al. 2 let. b Cst.).

Le Conseil fédéral peut édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure ; ces ordonnances doivent être limitées dans le temps (art. 185 al. 3 Cst.).

Ces ordonnances, même si leur contrôle juridique est limité, doivent respecter le principe de la proportionnalité (Jörg KÜNZLI, in Bernhard WALDMANN/Eva aria BELSER/Astrid ÉPINEY [éd.], Bundesverfassung - Basler Kommentar, 2015, n. 34 ad art. 185 Cst.).

b. Sur la base de l'art. 6 al. 2 let. a et b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme, du 28 septembre 2012 (LEp - RS 818.101), le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance COVID-19 situation particulière. D'après l'art. 1 al. 2 de cette ordonnance, les mesures visent à prévenir la propagation du coronavirus (COVID-19) et à interrompre les chaînes de transmission. L'art. 10 de l'ordonnance prévoit des mesures de protection à l'égard des employés en matière d'hygiène et de distance.

c. Selon l'art. 40 al. 1 LEp, les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes. Elles coordonnent leur action. D'après l'al. 2, elles peuvent en particulier prendre les mesures suivantes : a. prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations ; b. fermer des écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées, ou réglementer leur fonctionnement ; c. interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones, ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis.

d. Au niveau cantonal, le Conseil d'État est responsable de la sécurité et de l'ordre public (art. 112 al. 1 de Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 [Cst-GE - A 2 00]). En cas de catastrophe ou d'autre situation extraordinaire, le Conseil d'État prend les mesures nécessaires pour protéger la population (art. 113 al. 1 Cst-GE). Les mesures prises en état de nécessité restent valables lorsque le Grand Conseil les approuve : à défaut, elles cessent de porter effet après une année au plus tard (art. 113 al. 3 Cst-GE).

Ces dispositions, qui fondent le droit d'urgence et de nécessité, permettent de déroger aux règles constitutionnelles et légales. Cela étant, le principe de la proportionnalité commande de porter le moins atteinte possible à l'ordre constitutionnel et légal (cf. ACST/12/2020 du 1er avril 2020 consid. 12 ; supra consid. 4b).

e. Dans le canton de Genève, les heures d'ouverture des magasins sont réglementées dans la LHOM, qui s'applique à tous les magasins sis sur le territoire du canton de Genève (art. 1). Le département chargé de la régulation du commerce, soit pour lui, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : le service) est chargé de l'application de la présente loi (art. 2).

En vertu de l'art. 9 LHOM, sous réserve des régimes particuliers indiqués ci-après ou prévus par le règlement, et des dispositions relatives aux fermetures retardées, l'heure de fermeture ordinaire des magasins est 19h00 (al. 1). L'heure de fermeture du vendredi est 19h30 (al. 2). L'heure de fermeture du samedi est 18h00 (al. 3). Les magasins peuvent rester ouverts un soir par semaine jusqu'à 21h00 (art. 14).

Selon l'art. 7 al. 1 LHOM, le service peut accorder des dérogations aux dispositions de la présente loi, lorsqu'un intérêt commercial ou touristique évident le justifie, pendant les périodes comprises entre le 10 décembre et le 3 janvier et entre le 1er juin et le 30 septembre ou, en dehors de ces dates, à l'occasion de manifestations spéciales. Le service prend l'avis des associations professionnelles intéressées. Selon l'art. 14A LHOM, pendant la période du 10 décembre au 3 janvier, les magasins peuvent rester ouverts, en plus de l'ouverture hebdomadaire jusqu'à 21h00, un soir jusqu'à 21h30, avec faculté de servir la clientèle jusqu'à 22h00.

6) Dans son communiqué de presse du 17 février 2021, le Conseil fédéral a indiqué : "Le nombre d'infections a poursuivi sa baisse ces dernières semaines. La situation épidémiologique reste toutefois fragile en raison des nouvelles souches, plus contagieuses, du virus. Lors de sa séance du 17 février 2021, le Conseil fédéral a analysé la situation. Il propose un assouplissement prudent et progressif, afin de redonner davantage de place à la vie économique et sociale tout en évitant au maximum une troisième vague épidémique. Dans une première étape, il s'agit de n'autoriser que les activités présentant un risque limité de contamination. Les commerces, les musées et les salles de lecture des bibliothèques doivent ainsi pouvoir rouvrir dès le 1er mars, de même que les espaces extérieurs des zoos et des jardins botaniques ainsi que les installations de sport et de loisirs. Les manifestations privées de 15 personnes au maximum doivent à nouveau être possibles à l'extérieur. Les jeunes jusqu'à 18 ans doivent de nouveau avoir accès à la plupart des activités sportives et culturelles. Le Conseil fédéral se prononcera définitivement sur ces assouplissements le 24 février, après avoir consulté les cantons".

7) Le Conseil fédéral a ordonné le 24 février 2021 la réouverture dès le 1er mars 2021 des magasins vendant des marchandises qui ne sont pas de première nécessité.

8) En l'espèce, le recours est dirigé contre l'arrêté du 21 décembre 2020 modifiant l'arrêté, du 25 novembre 2020, d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population, à savoir un acte édicté par le Conseil d'État contenant des règles de droit. En vertu de l'art. 66 al. 2 LPA, le recours n'a dès lors pas effet suspensif. Il convient donc d'examiner s'il y a lieu de l'octroyer, ce qui, en matière de contrôle abstrait des normes, suppose généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes.

Invoquant une violation du principe de la séparation des pouvoirs, les recourants contestent la compétence du Conseil d'État pour adopter la mesure prévue à l'art. 12A al. 2 de l'arrêté litigieux. D'après les intéressés, la LHOM prévoit de manière impérative, sans possibilité de dérogation générale, une fermeture des magasins le samedi à 18h00. En tant qu'elle vise un intérêt purement économique, la mesure ne peut pas se fonder sur l'ordonnance COVID-19. Il n'existerait ainsi aucune base légale permettant au Conseil d'État d'étendre les heures d'ouverture des magasins le samedi.

Or, contrairement à ce que prétendent les recourants, la mesure litigieuse vise en l'état, prima facie, un but sanitaire puisqu'elle a pour objectif de diluer sur la journée les clients des magasins en augmentant la période pendant laquelle ceux-ci peuvent venir faire leurs achats. Les clients seraient ainsi moins nombreux simultanément dans un même lieu, favorisant ainsi le respect des distances interpersonnelles et diminuant le risque de files d'attente à l'entrée des magasins. Ainsi que l'a indiqué l'intimé, une telle mesure vise en particulier à empêcher tout regroupement de personnes, notamment à l'extérieur des magasins, et à soulager l'organisation des files d'attente. Elle facilite en cela le respect des mesures sanitaires visant les commerces de détail décrites à l'annexe 3 de l'arrêté litigieux. Compte tenu de l'objectif poursuivi par la mesure, soit la protection de la population et l'empêchement de la propagation de la maladie à coronavirus (COVID-19), le Conseil d'État pouvait a priori se fonder sur les art. 113 Cst GE et 40 LEp pour déroger aux règles légales qui régissent la fermeture des magasins (cf. art. 9 al. 3 LHOM).

Une telle mesure, dont il convient de rappeler qu'elle était limitée dans le temps (soit jusqu'au 28 février 2021 : arrêté du 20 janvier 2021), le Conseil fédéral ayant entretemps autorisé, dès le 1er mars 2021, la réouverture des magasins, n'apparaît au demeurant pas manifestement disproportionnée. Elle paraît apte à atteindre le but de protection de la santé des personnes, sans qu'une mesure moins incisive vienne s'imposer à l'évidence. Quant à la proportionnalité au sens étroit, l'intérêt public à la protection de la population paraît l'emporter sur l'intérêt poursuivi par le droit cantonal, soit le respect du repos nocturne et la préservation de la tranquillité publique (cf. ATF 140 II 46 consid. 2.5.1 p. 54). La protection des employés est quant à elle suffisamment garantie par les règles fédérales de la loi sur le travail et la convention collective de travail, ainsi que par l'art. 17 al. 1 (selon lequel les employeurs veillent à ce que les activités de leurs employés en présentiel soient limitées au minimum indispensable) et al. 2 (respect des mesures de prévention énoncées par l'art. 10 de l'ordonnance COVID-19) et les nombreuses mesures sanitaires visant les commerces de détail décrites à l'annexe 3 de l'arrêté du 21 décembre 2020 (cf. art. 12A al. 1 de l'arrêté du 25 novembre 2020).

Il suit des considérants qui précèdent que, d'après un premier examen du recours, les chances de succès de celui-ci n'apparaissent pas prima facie à ce point manifestes qu'il se justifierait de déroger à la pratique de refuser l'effet suspensif dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes.

9) En l'espèce, se fondant sur un courriel adressé le 20 février 2021 par le Conseiller d'Etat au Grand Conseil annonçant un projet de loi modifiant la LHOM, précisément sur la question des horaires d'ouverture des magasins, les recourants font valoir en substance qu'il n'est plus possible de soutenir que la mesure litigieuse viserait un but sanitaire, tant la prolongation de l'horaire du 18h00 à 19h00 le samedi visée par le projet de loi poursuivrait en réalité des motifs économiques.

Ce point de vue ne convainc pas dans la situation sanitaire telle qu'elle prévaut actuellement. La chambre de céans a déjà examiné, prima facie, la question de savoir si le Conseil d'État pouvait se baser sur les dispositions fondant le droit d'urgence et de nécessité pour déroger aux règles légales régissant la fermeture des magasins. Elle a retenu que tel était le cas : à première vue, la mesure visait un but sanitaire, dont l'objectif était de diluer sur la journée les clients des magasins, facilitant en cela le respect des mesures sanitaires visant les commerces de détail décrites à l'annexe 3 de l'arrêté litigieux (ACST/39/2020 précité). Tel est encore le cas.

Autre sera la question de pérenniser ou non une modification des horaires d'ouverture des magasins le samedi au-delà de la crise sanitaire, dans le but affiché du Conseil d'État de lutter contre une concurrence qui s'est amplifiée dans ce secteur, ce qui se décidera au terme du processus législatif initié par cette autorité, et qui se déroulera sous une forme ordinaire, avec possibilité de référendum cas échéant.

Il s'ensuit que la demande d'octroi de l'effet suspensif sera rejetée.

10) Le sort des frais sera quant à lui réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

 

refuse d'octroyer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Christian Bruchez, avocat des recourants, ainsi qu'au Conseil d'État.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

 

Le président :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :