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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3750/2020

ACST/38/2020 du 03.12.2020 ( ABST ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3750/2020-ABST ACST/38/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Décision du 4 décembre 2020

sur effet suspensif

dans la cause

 

A______ Sàrl
représentée par Me Malek Adjadj, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT


Attendu, en fait, que :

1) Le 1er novembre 2020, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d'État) a adopté l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l'arrêté du 1er novembre 2020), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020.

2) L'arrêté comprend notamment les articles ci-après :

Chapitre 1 Dispositions générales

Article 1 - État de nécessité

L'état de nécessité, au sens de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est déclaré.

Les mesures prévues dans le présent arrêté visent à prévenir la propagation du coronavirus.

...

Chapitre 5 Mesures visant les installations et les établissements accessibles au public

Article 11 - Fermeture

1 Sont fermés :

...

d. les installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, cafés-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public, à l'exception des cantines d'entreprises, d'établissements de formation ouverts et de structures d'accueil, moyennant un plan de protection. Les services à l'emporter et de livraison sont réservés ;

...

Chapitre 10 Dispositions finales

Article 20 - Clause abrogatoire

L'arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie COVID-19, du 14 août 2020, est abrogé.

Article 21 - Entrée en vigueur et durée de validité

1 Le présent arrêté entre en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00.

2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 29 novembre 2020 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin.

3) Par acte posté le 19 novembre 2020, la société A______ Sàrl a interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et à la suspension avec effet immédiat de l'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté du 1er novembre 2020, et principalement à l'annulation de l'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté, le tout « sous suite de frais et dépens ».

L'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté litigieux était contraire au principe de la liberté économique et violait les principes d'intérêt public suffisant, de proportionnalité et d'égalité de traitement.

Les statistiques à disposition de l'Office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) n'avaient pas permis de mettre en exergue une responsabilité des restaurateurs dans l'accroissement des contaminations liées au virus de la COVID-19. En août 2020, la publication des données chiffrées de l'OFSP révélait que seules 1.6 % des contaminations semblaient intervenir dans les bars et restaurants, soit un taux marginal par rapport au cercle familial (27.2 %) ou au lieu de travail (8.7 %). Si l'intensification des contaminations appelait la prise de mesures, la fermeture immédiate des établissements de restauration, alors que des plans de protection éprouvés avaient été instaurés, ne reposait sur aucun critère objectif permettant de discriminer ce type d'activités. Les recourants peinaient par ailleurs à saisir l'intérêt public à fermer totalement les établissements publics dont le nombre de clients par table avaient été réduit au strict minimum (cinq), alors que l'ouverture des écoles ou des transports en commun était garantie. La fermeture complète des établissements de restauration constituait la mesure la plus incisive, alors que des alternatives existaient. Les restaurants avaient réorganisé leur établissement en prenant toutes les précautions nécessaires à assurer la protection de la clientèle et des employés. Dans le cas de l'intéressée, le dispositif mis en place avait été très concluant, aucune contamination n'étant intervenue dans le restaurant.

La mesure violait en outre l'égalité de traitement non seulement en raison des biais de concurrence qu'elle créait entre les différents établissements de restauration (en particulier par rapport aux établissements proposant la vente à l'emporter de boissons et de plats), mais également au regard du traitement de l'ensemble du secteur de la restauration par rapport aux autres branches de l'économie exemptées d'une mesure aussi drastique. Tous les restaurants s'étaient vus imposer une fermeture, indépendamment de l'efficacité des mesures sanitaires mises en place. Enfin, quantité de domaines arbitrairement qualifiés « d'essentiels » étaient autorisés à rester ouverts.

4) Le 25 novembre 2020, le Conseil d'État a prolongé la durée de validité des mesures prévues par l'arrêté du 1er novembre 2020 jusqu'au 17 décembre 2020 à minuit (art. 21 al. 2 [nouvelle teneur] de l'arrêté modifiant l'arrêté, du 1er novembre 2020, d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population [ci-après : l'arrêté du 25 novembre 2020]).

5) Par communiqué de presse du même jour, publié sur le site Internet de l'État de Genève, le Conseil d'État a annoncé la réouverture des restaurants dès le 10 décembre 2020. Cette mesure faisait suite à une concertation entre cantons romands (Vaud, Neuchâtel, Fribourg, Genève et Jura) dans une volonté d'harmonisation et de clarté, au vu de l'amélioration de la situation sanitaire en Romandie. La date de l'annonce (le 25 novembre 2020) et celle de la réouverture (le 10 décembre 2020) devait permettre aux acteurs du secteur de la restauration de se préparer à la réouverture. La population pouvait planifier au mieux et dans le respect des mesures sanitaires ses futures sorties dans les établissements. Ces réouvertures étaient toutes placées a minima sous le régime de la Confédération, à savoir : fermeture de 23h00 à 06h00 ; quatre personnes maximum par table ; obligation de consommer assis et transmission des coordonnées. La distance physique, l'hygiène des mains et le port du masque en position assise demeuraient des consignes à respecter également.

6) Par réponse du 27 novembre 2020, le Conseil d'État s'est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours et conclu au rejet de la demande d'octroi de l'effet suspensif, le tout avec « suite de frais et dépens ».

L'existence de l'épidémie liée au coronavirus était incontestable. Il était notoirement connu que Genève était l'une des régions les plus touchées, ce canton ayant même été annoncé comme figurant sur la plus haute marche du podium européen en terme de prévalence des contaminations. Les hôpitaux étaient surchargés, certains patients ayant dû être transférés dans d'autres cantons. Il était dès lors indéniable qu'il existait un intérêt de santé publique justifiant certaines mesures, tandis que des aides étaient mises en place pour soutenir financièrement les restaurateurs. Avant de prononcer la fermeture des restaurants, le Conseil d'État avait adopté une série de mesures moins incisives, afin de permettre aux nombreux exploitants déjà durement touchés de pouvoir continuer leur activité. Ces mesures, bien que relativement contraignantes, n'avaient pas dissuadé la population de sortir, se réunir et faire la fête. La croissance dramatique des nouvelles contaminations à Genève et l'apparition de clusters dans les bars ou restaurants étaient là pour en témoigner.

Le pic atteint durant le mois d'octobre 2020 commandait la mise en oeuvre de mesures drastiques immédiates, dont on savait que les effets ne pourraient, le cas échéant, se manifester que deux semaines plus tard. Or, force était de constater que la situation semblait se stabiliser à la mi-novembre 2020, ce qui signifiait que les mesures étaient adéquates. Il ne serait pas raisonnable, alors que des efforts notables étaient faits, de permettre la réouverture immédiate des lieux de restauration, sous peine de voir le nombre de nouvelles contaminations repartir à la hausse. La pandémie n'était pas sous contrôle à l'heure actuelle et le nombre d'hospitalisations était encore trop élevé pour permettre de soulager réellement le système de santé. L'apparition d'une troisième vague déjà durant les fêtes de fin d'année ou au début du mois de janvier 2021 mettrait à néant tous les sacrifices déjà consentis et ce, pour une période indéfinie.

Les mesures prises par le Conseil d'État ne pouvaient dès lors souffrir de délais d'application, qui seraient impropres à réduire les risques. Elles seraient levées sitôt que la situation sanitaire le permettrait.

7) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) La recevabilité du recours sera examinée dans l'arrêt au fond, étant précisé que la chambre constitutionnelle est récemment entrée en matière sur un recours contestant des dispositions issues d'un arrêté de même type que celui présentement attaqué.

2) Les mesures provisionnelles, y compris celles sur effet suspensif, sont prises par le président ou le vice-président ou, en cas d'urgence, par un autre juge de la chambre constitutionnelle (art. 21 al. 2 et 76 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) ; a majore ad minus, elles peuvent être prises par la chambre statuant en composition régulière, d'autant que tant le président que le vice-président de celle-ci siègent en l'espèce.

3) a. Selon l'art. 66 LPA, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d'État, le recours n'a pas d'effet suspensif (al. 2) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, restituer l'effet suspensif (al. 3). D'après l'exposé des motifs du projet de loi portant sur la mise en oeuvre de la chambre constitutionnelle, en matière de recours abstrait, l'absence d'effet suspensif automatique se justifie afin d'éviter que le dépôt d'un recours bloque le processus législatif ou réglementaire, la chambre constitutionnelle conservant toute latitude pour restituer, totalement ou partiellement, l'effet suspensif lorsque les conditions légales de cette restitution sont données (PL 11311, p. 15).

b. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation, qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1). Pour effectuer la pesée des intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2014 du 14 mai 2014 consid. 4.1), l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

L'octroi de mesures provisionnelles - au nombre desquelles figure l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER / Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER / Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405). En matière de contrôle abstrait des normes, l'octroi de l'effet suspensif suppose en outre généralement que les chances de succès du recours apparaissent manifestes (Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 835 ss ; Claude-Emmanuel DUBEY, La procédure de recours devant le Tribunal fédéral, in François BELLANGER / Thierry TANQUEREL [éd.], Le contentieux administratif, 2013, 137-178, p. 167).

4) a. L'art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) garantit la liberté économique. Cette liberté comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu. Elle peut être invoquée aussi bien par les personnes physiques que par les personnes morales (ATF 143 II 598 consid. 5.1).

La liberté économique comprend le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (ATF 143 I 37 consid. 8.2). On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. Ne sont considérés comme concurrents directs que les entreprises situées dans la circonscription territoriale à laquelle s'applique la législation en cause (ATF 132 I 97 consid. 2.1). L'art. 35 Cst-GE contient une garantie similaire.

b. Conformément aux art. 36 Cst. et 43 Cst-GE, toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de restriction grave (al. 1) ; elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis (al. 3), sans violer l'essence du droit en question (al. 4).

Les restrictions graves à une liberté nécessitent ainsi une réglementation claire et expresse dans une loi au sens formel, les cas de danger sérieux, direct et imminent étant réservés (art. 36 al. 1 Cst. ; art. 43 al. 1 Cst-GE). Lorsque la restriction d'un droit fondamental n'est pas grave, la base légale sur laquelle se fonde celle-ci ne doit pas nécessairement être prévue par une loi, mais peut se trouver dans des actes de rang inférieur ou dans une clause générale. Savoir si une restriction à un droit fondamental est grave s'apprécie en fonction de critères objectifs (ATF 143 I 310 consid. 3.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_956/2016 du 7 avril 2017 consid. 4.2.1 et les références citées).

Pour qu'une restriction d'un droit fondamental soit conforme au principe de la proportionnalité tel que garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., il faut qu'elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (art. 36 al. 3 Cst. ; ATF 142 I 49 consid. 9.1).

5) a. La Confédération légifère sur la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies très répandues et les maladies particulièrement dangereuses de l'être humain et des animaux (art. 118 al. 2 let. b Cst.).

Le Conseil fédéral peut édicter des ordonnances et prendre des décisions, en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l'ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure ; ces ordonnances doivent être limitées dans le temps (art. 185 al. 3 Cst.).

Sur la base de l'art. 6 al. 2 let. a et b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme, du 28 septembre 2012 (LEp - RS 818.101), le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 (ordonnance COVID-19 - RS 818.101.26). D'après l'art. 1 al. 2 de cette ordonnance, les mesures visent à prévenir la propagation du coronavirus (COVID-19) et à interrompre les chaînes de transmission.

b. L'art. 40 LEp prévoit par ailleurs que les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes (al. 1). Elles peuvent en particulier (al. 2) : prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a), fermer les écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées ou réglementer leur fonctionnement (let. b), interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c). Les mesures ordonnées ne doivent pas durer plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour prévenir la propagation d'une maladie transmissible et elles doivent être réexaminées régulièrement (al. 3). Selon l'art. 75 LEp, les cantons exécutent la présente loi dans la mesure où son exécution n'incombe pas à la Confédération, en particulier en désignant les autorités compétentes (Message concernant la révision de la LEp du 3 décembre 2010, FF 2011 291, p. 398).

En outre, sur la base de l'art. 40 LEp, le canton peut prendre des mesures temporaires applicables régionalement si le nombre d'infections est élevé localement ou menace de le devenir (art. 8 al. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26).

c. À Genève, l'art. 21 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) prévoit que l'État encourage les mesures destinées à prévenir les maladies qui, en termes de morbidité et de mortalité, ont des conséquences sociales et économiques importantes ainsi que les mesures visant à limiter les effets néfastes de ces maladies sur la santé et l'autonomie des personnes concernées (al. 1). Il prend les mesures nécessaires pour détecter, surveiller, prévenir et combattre les maladies transmissibles en application de la LEp (al. 2) et encourager leur prévention (al. 3).

Selon l'art. 9 al. 1 LS, le médecin cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la présente loi, la législation cantonale ainsi que la législation fédérale, en particulier la LEp. L'art. 121 LS précise que la direction générale de la santé, soit pour elle le médecin cantonal notamment, exécute les tâches de lutte contre les maladies transmissibles prévues par la LEp (al. 1). Elle peut en particulier ordonner les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles dans la population ou des groupes de personnes (al. 2 let. a ch. 3).

Selon l'art. 1 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15), le Conseil d'État exerce le pouvoir exécutif et prend les décisions de sa compétence. Il peut en tout temps évoquer, le cas échéant pour décision, un dossier dont la compétence est départementale en vertu de la loi ou d'un règlement ou a été déléguée lorsqu'il estime que l'importance de l'affaire le justifie et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une matière où il est autorité de recours (art. 3 LECO).

6) En l'espèce, la mesure considérée constitue une ingérence dans la liberté économique de la recourante. Prima facie, il s'agit d'une atteinte grave. Si elle est certes temporaire, force est de rappeler que cette mesure a déjà été prise au printemps, et qu'à teneur de l'arrêté du 25 novembre 2020, elle se voit prolongée jusqu'au 17 décembre 2020.

A priori, la mesure a un fondement légal (cf. ACST/36/2020 du 23 novembre 2020 consid. 10) et poursuit un intérêt important, voire vital, de santé publique (ibid., consid. 11).

Selon la recourante, le principal problème posé par la mesure litigieuse tiendrait au respect du principe de la proportionnalité.

En l'occurrence, on pourrait à première vue admettre que la mesure litigieuse est apte à atteindre le but visé, dès lors que toute limitation des contacts interpersonnels contribue à la diminution des risques d'infection.

La question de savoir si des mesures moins incisives auraient pu être prises est en revanche plus délicate. Le 18 octobre 2020, le Conseil fédéral a ordonné des mesures très contraignantes à l'égard des établissements de restauration, soit l'obligation pour les clients de rester assis (art. 5a al. 1 let. a de l'ordonnance COVID-19), la fermeture des établissements entre 23h00 et 06h00 (let. b) et la limitation des clients par table à quatre (let. c). Ces mesures, entrées en vigueur le 29 octobre 2020 (RO 2020 4503), s'ajoutaient aux mesures déjà mises en place, soit notamment la collecte des coordonnées des personnes présentes (annexe 4 de l'ordonnance COVID-19) et la mise en oeuvre, par les exploitants d'établissements accessibles au public, d'un plan de protection, prévoyant des mesures en matière d'hygiène et de distance (art. 4 al. 2 let. a de l'ordonnance COVID-19), le respect de l'obligation de porter un masque facial (let. b) et des mesures limitant l'accès à l'établissement de manière à ce que la distance requise soit respectée (let. c).

Dans ce contexte, la nécessité d'une mesure aussi radicale que la fermeture complète des établissements offrant des consommations, alors même que des mesures contraignantes venaient d'entrer en vigueur sur le plan fédéral, ne s'impose pas à l'évidence. Pour autant, on ne saurait y voir une violation manifeste du principe de la proportionnalité. Ainsi que l'a rappelé l'intimé, il ne faut pas perdre de vue que le canton de Genève était l'une des régions les plus touchées par l'épidémie et que des mesures drastiques s'imposaient. À cela s'ajoute que la durée de la mesure litigieuse semble limitée, le Conseil d'État ayant annoncé la réouverture des restaurants dès le 10 décembre 2020 (cf. communiqué de presse du 25 novembre 2020 ; supra consid. 5 EN FAIT). Or, dans la mesure où une reprise d'activité, toujours strictement encadrée par les mesures contraignantes ordonnées par les autorités, devrait en principe s'effectuer très prochainement, il ne se justifie pas de déroger à la pratique restrictive en matière d'effet suspensif dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes. En revanche, si la mesure litigieuse devait se prolonger au-delà du 10 décembre 2020, la question de l'octroi de l'effet suspensif pourrait être revue à brève échéance dans le cadre d'une nouvelle demande de mesures provisionnelles, une appréciation différente de celle de la présente décision n'étant, suivant les circonstances, pas exclue.

À relever enfin que dans la mesure où l'arrêté concerne l'ensemble des établissements genevois offrant des consommations, le grief tiré de la violation de l'égalité de traitement ne paraît pas non plus, à première vue, suffisant pour accorder l'effet suspensif, étant précisé que chaque établissement était libre d'organiser ou non des services de livraison ou à l'emporter.

Il s'ensuit que la demande d'octroi de l'effet suspensif sera, en l'état, rejetée.

7) Le sort des frais sera quant à lui réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

refuse d'octroyer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Malek Adjadj, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mmes Lauber et McGregor, M. Knupfer, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :