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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/207/2020

ACST/5/2020 du 31.01.2020 ( ELEVOT ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/207/2020-ELEVOT ACST/5/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 31 janvier 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______

et

association b______

contre

CONSEIL D'ÉTAT

et

COMITÉ RÉFÉRENDAIRE CONTRE L'ABOLITION DE L'IMPÔT SUR LES CHIENS



EN FAIT

1) Monsieur A______, de nationalité suisse, est domicilié dans le canton de Genève, où il exerce les droits politiques. Il est président de l'association  B______.

2) Le 22 décembre 2017, Messieurs C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______ et L______, députés au Grand Conseil, ont déposé auprès du Grand Conseil le projet de loi (ci-après : PL) 12246 modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP - D 3 05). Ce projet, qui proposait l'abolition de l'impôt sur les chiens, avait la teneur suivante :

Art. 1 Modifications
La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :

Art. 293, lettre C (abrogée)

Titre IV de Impôt sur les chiens (abrogé)
la 4e partie

Art. 391 à 396 (abrogés)

Art. 2 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2019.

3) Le 1er mars 2019, suivant la proposition de la minorité parlementaire, le Grand Conseil a adopté, par 49 oui contre 39 non, la loi 12246 dans la teneur proposée par le PL 12246.

4) Un référendum a été lancé contre la loi 12246. L'avis de lancement du référendum a été publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 22 mars 2019.

5) Par arrêté du 11 septembre 2019, publié dans la FAO du 13 septembre 2019, le Conseil d'État a constaté l'aboutissement du référendum contre la loi 12246.

6) Par arrêté du 16 octobre 2019, publié dans la FAO du 18 octobre 2019, le Conseil d'État a fixé au dimanche 9 février 2020 la date de la votation cantonale portant notamment sur la loi 12246.

7) Le 6 janvier 2020, la brochure explicative sur ladite votation cantonale a été rendue accessible sur le site internet officiel de l'État de Genève (https://www.ge.ch/votations/20200209/doc/Brochure-cantonale.pdf /).

8) Le matériel de vote, comportant la brochure explicative du Conseil d'État, a été distribué aux électeurs domiciliés dans le canton de Genève entre le 13 et le 18 janvier 2020. Il comprend, s'agissant de l'objet n° 1 consacré à l'abolition de l'impôt sur les chiens, une « synthèse brève et neutre » (p. 6), le texte de la loi (p. 7) et un « Commentaire des autorités » (p. 9 à 12), comportant une présentation de « L'impôt sur les chiens » (1/2 page), le « But de la loi 12246 » (1 page), le « Point de vue d'une minorité du Grand Conseil » (1/2 page) et le « Point de vue du Conseil d'État » (1/2 page), suivi de la recommandation de vote du Grand Conseil. Deux pages sont ensuite consacrées au « Commentaire du comité référendaire ».

9) Par acte déposé le 17 janvier 2020, M. A______, en sa qualité « de président de l'association B______ et de citoyen directement concerné », a saisi la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) d'un recours contre ladite brochure explicative en lien avec l'objet n° 1 de la votation considérée. Il a sollicité un correctif par les autorités via communiqué de presse ainsi qu'une correction de la version électronique de la brochure. La brochure accordait trop de place aux arguments des partisans du non vis-à-vis de ceux des partisans du oui. La présentation des arguments de la majorité du Grand Conseil était par ailleurs lacunaire. Plusieurs éléments importants avaient été omis du texte de la brochure, dont le prix insignifiant des « caninettes » (soit les sachets à disposition sur le domaine public et destinés au ramassage des déjections canines), le coût des services consommés par les propriétaires de chiens, le fait que les services publics étaient payés à double par les propriétaires de chiens et le rôle du chien à notre époque. Le texte comportait en outre des répétitions inutiles et des informations non pertinentes.

10) Le 20 janvier 2020, M. A______ a complété son recours. Il s'est plaint, en sus des griefs déjà exposés, de l'absence d'information concernant les centimes additionnels, le revenu lié à la médaille annuelle, l'utilisation de l'impôt sur les chiens et le soutien à l'économie par les propriétaires de chiens. Il contestait en outre l'intitulé du commentaire de la majorité du Grand Conseil et l'emploi, par le Conseil d'État, du terme « déresponsabiliser ».

11) Par réponse du 27 janvier 2020, le Conseil d'État, représenté par la chancellerie d'État, a conclu au rejet du recours, « sous suite de frais », s'en rapportant à l'appréciation de la chambre constitutionnelle s'agissant de sa recevabilité. Il a allégué en substance que la brochure explicative fournissait des explications complètes et objectives sur l'objet concerné. Elle indiquait les avantages et les inconvénients de la loi 12246 et mentionnait tant l'avis de la majorité du Grand Conseil ayant adopté la loi que celui de ceux qui défendaient le point de vue contraire.

12) Invité à se déterminer, le comité référendaire contre l'abolition de l'impôt sur les chiens n'a pas répondu dans le délai imparti par la chambre constitutionnelle.

13) Dans ses observations du 30 janvier 2020, M. A______ a repris les arguments déjà exposés dans son recours.

14) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Selon l'art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), la chambre constitutionnelle traite les litiges relatifs à l'exercice des droits politiques. Cette disposition est concrétisée par les art. 130B al. 1 let. b et c de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 180 de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05 ; ACST/14/2017 du 30 août 2017 consid. 2a). À teneur de cette disposition-ci, le recours à la chambre de céans est ouvert contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l'existence d'une décision. La brochure explicative, incluse dans le matériel de vote envoyé aux électeurs en vue d'une votation (art. 52 ss LEDP), fait partie des actes attaquables à ce titre, ainsi que le Tribunal administratif, puis la chambre administrative de la Cour de justice et enfin la chambre de céans l'ont jugé à maintes reprises (ACST/13/2018 du 7 juin 2018 consid. 1 ; ACST/7/2018 du 5 avril 2018 consid. 2a et jurisprudence citée).

En l'espèce, le recours porte sur le matériel de vote, en particulier la brochure explicative transmise aux électeurs enregistrés dans le canton de Genève. Il s'agit d'un acte attaquable en application de la jurisprudence précitée, de sorte que la chambre constitutionnelle est matériellement compétente pour connaître du présent recours.

2) a. Le recours satisfait aux exigences de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), étant précisé que l'exigence d'un exposé détaillé des griefs prévue pour les recours contre les actes normatifs n'est pas posée pour les recours en matière de droits politiques (art. 65 al. 3 LPA).

b. En matière de droits politiques, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause, indépendamment d'un intérêt juridique ou digne de protection à l'annulation de l'acte attaqué ou la prise de mesures rectificatrices de vices affectant un tel acte (ACST/7/2018 précité consid. 3a et jurisprudence citée ; sur d'autres sanctions d'irrégularités qu'une annulation du scrutin, cf. ACST/3/2016 du 24 février 2016 consid. 9b), sinon un intérêt, réputé exister, au bon fonctionnement des institutions démocratiques (Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. I, 3ème éd., 2014, n. 332).

En tant qu'il agit comme citoyen directement concerné, le recourant a qualité pour recourir, dès lors qu'il exerce ses droits politiques dans le canton de Genève et que l'objet litigieux concerne une votation cantonale genevoise. La qualité pour recourir de l'association doit, en revanche, être déniée. L'association qui, selon son intitulé, défend les intérêts de ses membres forme un recours corporatif devant la chambre constitutionnelle. Or, si un tel recours est ouvert aussi bien à l'encontre d'un acte normatif que d'une décision (Pascal MAHON, op. cit., n. 330), il ne l'est pas en matière de droits politiques, ni pour le contrôle de la validité d'initiatives (ACST/1/2018 du 2 mars 2018 consid. 2c ; ACST/14/2015 du 27 août 2015 consid. 2c et d), ni pour la contestation des actes s'inscrivant dans le cadre de la procédure des opérations électorales au sens de l'art. 180 LEDP (ACST/13/2018 précité consid. 3b).

c. Les recours en matière de votations et d'élections doivent être formés dans un délai de six jours (art. 62 al. 1 let. c LPA). Ce délai court dès le lendemain du jour où, en faisant montre à cet égard de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l'irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales (ACST/39/2019 du 27 novembre 2019 consid. 3a ; ACST/8/2016 du 3 juin 2016 consid. 4b et les références citées).

En l'occurrence, selon son allégation plausible, le recourant a reçu son matériel de vote le mercredi 15 janvier 2020. Il faut donc admettre que le recours, déposé au greffe de la chambre constitutionnelle le 17 janvier 2020, a été formé en temps utile. Contrairement à ce que soutient le Conseil d'État, et dans la mesure où le recourant agit également en sa qualité de citoyen directement concerné, on ne saurait partir de l'idée qu'il était censé avoir pris connaissance du texte de la brochure explicative contestée dès sa publication, le 6 janvier 2020, sur le site internet de l'État de Genève (cf. art. 53 al. 2 phr. 2 LEDP ; ACST/13/2018 précité consid. 2b).

3) Le recourant fait valoir en substance que le corps électoral a été informé de manière lacunaire sur plusieurs éléments de fait, faussant ainsi l'état d'information des citoyens avant la votation populaire du 9 février 2020.

a. La liberté de vote est garantie par l'art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et l'art. 44 Cst-GE. Elle protège la libre formation de l'opinion des citoyens et garantit ainsi aux citoyens qu'aucun résultat de vote ne soit reconnu s'il ne traduit pas de façon fidèle et sûre l'expression de leur libre volonté. Chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence. La liberté de vote garantit la sincérité du débat nécessaire au processus démocratique et à la légitimité des décisions prises en démocratie directe (ATF 145 I 207 consid. 2.1 ; 145 I 1 consid. 4.1 ; 143 I 78 consid. 4.3 et les références citées). Elle se décompose en plusieurs maximes, au nombre desquelles figure celle qui, dans le but de cadrer les rôles respectifs complémentaires de l'État et de la société civile en démocratie, régit l'intervention de l'autorité dans les campagnes référendaires et électorales, en termes à la fois de devoirs et de restrictions. Dans les campagnes précédant une votation ou une élection, les diverses règles résultant de la liberté de vote imposent aux autorités un devoir à la fois d'exactitude et de réserve, à savoir un devoir d'informer le corps électoral au sujet du vote ou de l'élection mais aussi, de façon très stricte en matière d'élections, un devoir de s'abstenir de toute intervention illicite (ATF 139 I 2 consid. 6.2 ; 131 I 126 consid. 5.1 ; 130 I 290 consid. 3 ; 121 I 252 consid. 2 et les références citées ; ACST/13/2018 précité consid. 5b ; ACST/7/2018 précité consid. 8 ; ACST/3/2016 précité consid. 5 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, 2018, n. 5104 ss, 5194 ss, 5301 ss ; Pascal MAHON, op. cit., n. 151 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd., 2013, n. 925 ss).

b. Le résultat d'une votation est faussé lorsque les autorités influencent de manière inadmissible les citoyens ; une influence de ce genre peut notamment s'exercer dans les explications officielles adressées aux citoyens. La liberté de vote admet les explications ou messages officiels relatifs à une votation, où l'autorité explique l'objet du scrutin et recommande son acceptation ou son rejet. L'autorité n'est pas tenue à un devoir de neutralité et elle peut donc formuler une recommandation de vote, mais elle doit respecter un devoir d'objectivité, de transparence et de proportionnalité. Les informations qu'elle apporte doivent prendre place dans un processus ouvert de formation de l'opinion, ce qui exclut les interventions excessives et disproportionnées s'apparentant à de la propagande et propres à empêcher la formation de l'opinion (ATF 140 I 338 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2018 du 16 janvier 2019 consid. 3). L'autorité viole ainsi son devoir d'information objective lorsqu'elle informe de manière erronée sur le but et la portée du projet. Les explications de vote satisfont à l'exigence d'objectivité lorsqu'elles sont équilibrées et répondent à des motifs importants, qu'elles fournissent une image complète du projet avec ses avantages et ses inconvénients, et qu'elles mettent les électeurs en mesure d'acquérir une opinion ; au-delà d'une certaine exagération, elles ne doivent être ni contraires à la vérité ni tendancieuses, ni simplement inexactes ou incomplètes. L'autorité n'est pas tenue de discuter chaque détail du projet ni d'évoquer chaque objection qui pourrait être soulevée à son encontre, mais il lui est interdit de passer sous silence des éléments importants pour la décision du citoyen ou de reproduire de manière inexacte les arguments des adversaires du référendum ou de l'initiative (ATF 143 I 78 consid. 4.4 ; 139 I 2 consid. 6.2).

Pour savoir si les électeurs ont acquis une opinion suffisante et objective sur l'objet soumis au vote, il convient de prendre en considération le contexte global et l'ensemble des informations diffusées. Dans ce cadre, il est sans importance que ces informations proviennent en partie des explications du gouvernement dans la brochure de vote ou de déclarations de membres de l'exécutif aux médias, ni que ces derniers s'y soient référés explicitement ou non (ATF 138 I 61 consid. 7.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 3.2).

c. Dans le canton de Genève, les électeurs reçoivent de l'État pour les votations cantonales le bulletin de vote, les textes soumis à la votation, des explications qui comportent, s'il y a lieu, un commentaire des autorités d'une part et des auteurs du référendum ou de l'initiative d'autre part, ainsi que les recommandations du Grand Conseil ou du Conseil municipal (art. 53 al. 1 LEDP). Le texte soumis à la votation et les explications peuvent cependant leur être remis plus tôt. La chancellerie d'État publie, sur support électronique et au plus tard six semaines avant le jour de la votation, les textes soumis à la votation et les explications qui les accompagnent (al. 2). En matière cantonale, le commentaire des autorités est rédigé par le Conseil d'État. Il comprend une synthèse brève et neutre de chaque objet soumis à votation, défend de façon objective le point de vue du Grand Conseil et indique le résultat du vote en mentionnant, le cas échéant, l'avis du Conseil d'État et d'importantes minorités. Le Conseil d'État soumet son projet de commentaire au bureau du Grand Conseil, dont il recueille les observations (al. 3).

4) Le recourant conteste en premier lieu le nombre de pages consacrées à l'avis de la majorité, qui serait moindre par rapport à celui de la minorité, du Conseil d'État et du comité référendaire. Or, contrairement à ce qu'il prétend, les avis exprimés dans les rubriques correspondantes répondent aux exigences de l'art. 53 LEDP, qui prévoit non seulement une synthèse brève et neutre de chaque objet soumis à votation, mais également le point de vue du Grand Conseil, l'avis du Conseil d'État et celui d'importantes minorités. Le fait que l'avis de la majorité du Grand Conseil tienne sur une page n'apparaît du reste pas disproportionné, étant précisé que ceux de la minorité du Grand Conseil et du Conseil d'État tiennent, chacun, sur un peu plus d'une demi-page. Comme il sera exposé ci-après, le point de vue de la majorité du Grand Conseil répond de manière pertinente et suffisante aux objections des adversaires de la modification de la loi, étant précisé qu'un argumentaire se construit par son contenu et non par la place qu'il occupe dans la brochure. Quant à celui des référendaires, qui ne contient au demeurant aucun élément nouveau par rapport aux explications des autorités, même s'il est exprimé de manière moins mesurée, il apparaît également nécessaire afin que le citoyen comprenne ce qui a conduit une fraction du corps électoral à demander la soumission au vote populaire de la loi adoptée par le Grand Conseil (cf. ACST/8/2016 précité consid. 9c). Les répétitions dont fait état le recourant, sans apporter de précisions à ce sujet, sont par ailleurs inhérentes aux différentes prises de position sur un même objet et ne sauraient avoir une influence sur la libre formation du droit de vote.

Le recourant se plaint ensuite du caractère lacunaire de l'avis de la majorité du Grand Conseil. Il perd cependant de vue que l'autorité n'est pas tenue de discuter chaque détail du projet ni d'évoquer chaque objection qui pourrait être soulevée à son encontre. Ainsi, le fait que le commentaire de la majorité du Grand Conseil ne mentionne pas le prix insignifiant de la « caninette » n'apparaît pas déterminant. Il est du reste précisé que les communes pourraient « aisément prendre en charge au travers du revenu de l'impôt des personnes physiques la mise à disposition et l'entretien de parcs à chiens, la fourniture de sachets de ramassage (caninettes) et le nettoyage de l'espace public ». Cette explication permet de saisir que le prix des caninettes ne constituerait pas un obstacle à l'abolition de l'impôt, ce qui suffit aux électeurs pour se former une opinion.

On ne saurait par ailleurs tenir la brochure pour incomplète du fait qu'elle ne contient aucune explication sur l'utilisation de l'impôt et de ses coûts. Ainsi qu'il résulte de la présentation de l'impôt sur les chiens figurant en page 10 de la brochure explicative, ce dernier est « un impôt fiscal ». Il s'agit de la participation des citoyens aux charges de la collectivité. L'impôt est perçu inconditionnellement, indépendamment de toute contre-prestation spécifique de la part de l'État (cf. sur cette notion : ATF 138 II 70 consid. 5.1 et les références). Ainsi, dans la mesure où l'impôt sert à financer les tâches générales incombant à l'État, on ne saurait reprocher aux autorités de n'avoir pas informé les électeurs sur son utilisation concrète. Les explications des autorités fournissent au contraire une image complète du projet en mentionnant, d'une part, les coûts que peut engendrer la possession d'un chien pour la collectivité publique (soit entretien des distributeurs de sachets de ramassage, nettoyage de l'espace public, engagement de personnel et mise à disposition et entretien de parcs à chiens) et, d'autre part, la diminution des moyens financiers que l'abolition de l'impôt ferait supporter aux communes.

Dans une argumentation proche de la précédente, le recourant reproche aux autorités d'avoir passé sous silence le fait que les propriétaires de chiens, à l'instar de tous les citoyens, sont déjà imposés pour le nettoyage du domaine public et les services de la police. Il résulte toutefois explicitement de la brochure explicative que l'impôt sur les chiens concerne uniquement les personnes faisant le choix de prendre un chien (« But de la loi 12246 » p. 10). Il s'ajoute, en cela, à l'imposition directe des revenus et du capital qui pèse sur l'ensemble des contribuables. Les explications des autorités ne laissent aucune ambiguïté sur ce point, de sorte que la critique du recourant est mal fondée.

Le recourant reproche également aux autorités d'avoir omis des informations importantes sur le prélèvement par les communes des centimes additionnels. Se référant au tableau « Montant des centimes additionnels prélevés par commune dans le canton de Genève » publié sur le site internet officiel de l'État de Genève, il relève que de nombreuses communes ne prélèvent pas de centimes additionnels. En omettant cette information, les autorités auraient induit les citoyens de ces communes en erreur, en leur faisant croire qu'ils payaient déjà un impôt communal sur les chiens. La brochure explicative ne fournit certes aucune explication détaillée sur le prélèvement des centimes additionnels par les communes. Elle se limite à informer l'électeur qu'il s'agit d'un impôt communal qui s'ajoute à l'impôt cantonal sur les chiens. L'absence de précision sur ce point n'est toutefois pas de nature à influencer la libre formation du droit de vote. Le débat reste en effet entier s'agissant de la question de l'abolition de l'impôt cantonal. Contrairement à ce que laisse entendre le recourant, les arguments de la brochure demeurent pertinents pour les électeurs des communes qui ne prélèvent pas de centimes additionnels, dans la mesure où ceux-ci restent néanmoins directement concernés par l'abolition de l'impôt cantonal. Ce raisonnement vaut également s'agissant des revenus que réalisent les communes pour l'acquisition des médailles annuelles, étant précisé que la perception d'un émolument varie d'une commune à l'autre. Le fait qu'une telle information ne figure pas dans la brochure explicative n'a ainsi aucune incidence sur la libre formation de l'opinion des électeurs. L'argument du recourant tiré d'une information insuffisante sur les revenus des communes doit partant également être écarté.

Il en va de même de l'absence d'information quant au rôle des propriétaires de chiens dans le soutien à l'économie, par le biais des dépenses annuelles estimées par le recourant à CHF 1'200.-. Contrairement à ce qu'il soutient, les dépenses relatives à l'entretien des chiens ont été mentionnées par le Conseil d'État dans son point de vue minoritaire (« Point de vue du Conseil d'État », p. 12). Le fait que l'argument du Conseil d'État visait à informer les électeurs sur les aides financières accordées par les services sociaux en cas de moyens insuffisants pour l'entretien du chien ne change rien au fait que l'électeur a été suffisamment renseigné sur les dépenses assumées par les propriétaires de chiens pour se former une opinion objective quant à l'objet soumis au vote. L'argument du soutien à l'économie par les propriétaires de chiens n'a du reste pas été soulevé lors des travaux préparatoires ayant précédé la modification de la loi sur les contributions publiques. On ne peut, dans ces circonstances, reprocher aux autorités d'avoir omis un élément important pour la libre formation de l'opinion.

Le recourant se plaint encore de l'utilisation du terme « déresponsabiliser », faisant valoir que le fait de payer un impôt n'a aucune incidence sur le comportement des propriétaires de chiens. Quoi qu'en dise le recourant, la question de la responsabilité du propriétaire par rapport aux coûts qu'engendre la possession d'un chien a été l'un des points centraux des travaux législatifs ayant précédé l'adoption de la novelle soumise à la votation. L'argument selon lequel l'abolition de l'impôt reviendrait à déresponsabiliser les propriétaires a été avancé par plusieurs députés lors des débats parlementaires (séance du Grand Conseil du vendredi 1er mars 2019 ; PL 12246-A) et figure dans le rapport de la majorité de la commission présenté au Grand Conseil dans le cadre des travaux préparatoires (rapport de la majorité déposé le 12 février 2019 ; PL 12246-A). Il s'agit là d'une appréciation des autorités, contenue dans le « point de vue d'une minorité du Grand Conseil », soit une partie spécifique de la brochure explicative destinée à cette fin (cf. ACST/8/2016 précité consid. 9c).

S'agissant enfin de l'argument tiré de l'absence d'information sur le rôle du chien à notre époque, force est de constater avec le Conseil d'État que le rôle social du chien, en particulier pour les personnes âgées, seules ou sans ressources financières, a été mentionné dans le commentaire des autorités, aussi bien par la majorité du Grand Conseil (« But de la loi 12246 », p. 10) que par le Conseil d'État (« Point de vue du Conseil d'État », p. 12). Il figure également dans le commentaire du comité référendaire (p. 15). Le recourant, qui semble avoir renoncé à cet argument dans son complément de recours, n'expose pas en quoi ces informations seraient incomplètes, et la chambre constitutionnelle ne le discerne pas. Le recours se révèle ainsi également mal fondé sur ce point.

Quant au titre consacré à l'avis de la majorité du Grand Conseil, soit « But de la loi 12246 », il n'est pas, contrairement à ce que soutient le recourant, susceptible d'induire l'électeur en erreur. Outre le fait qu'une loi émane nécessairement d'une majorité parlementaire, le commentaire mentionne explicitement que la suppression de l'impôt sur les chiens est soutenue par la majorité du Grand Conseil. Cela résulte par ailleurs également du résultat du vote figurant au bas de la page 12 de la brochure explicative, suivi de la recommandation de vote du Grand Conseil, imprimée en rouge, et « invit[ant] les citoyennes et les citoyens à voter OUI le 9 février 2020 [...] contrairement à l'avis du Conseil d'État ».

Pour le reste, le recourant se limite à contester le montant des dépenses liées à la perception de l'impôt sur les chiens, sans expliquer en quoi celui-ci serait erroné. Dans ces conditions, la chambre constitutionnelle ne voit pas en quoi l'information donnée par les autorités aurait influencé de manière inadmissible les citoyens.

Il s'ensuit que la brochure explicative ne contient aucune information qui induirait gravement le citoyen en erreur, ni aucune appréciation de nature à influencer ou fausser de manière essentielle le résultat du vote.

5) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Le recourant, qui succombe, sera astreint au paiement d'un émolument de CHF 500.- (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, ni d'ailleurs au Conseil d'État qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 janvier 2020 par Monsieur A______ contre la brochure explicative en vue du scrutin du 9 février 2020, relative à la loi modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP) du 1er mars 2019 ;

le déclare irrecevable en tant qu'il est formé par l'association B______ ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, président de l'association B______, au Conseil d'État et au Comité référendaire contre l'abolition de l'impôt sur les chiens.

Siégeant : M. Verniory, président, Mme Galeazzi, M. Pagan, Mme McGregor, M. Knupfer, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

 

le président siégeant :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :