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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/16258/2019

ACJC/1211/2025 du 05.09.2025 sur JTPH/248/2024 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16258/2019 ACJC/1211/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU VENDREDI 5 SEPTEMBRE 2025

 

Entre

A______, sise ______ [GE], appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 25 septembre 2024 (JTPH/248/2024),

 

et

Monsieur B______, domicilié ______ (Italie), intimé et appelant sur appel joint, représenté par Me Zoé SEILER, avocate, RENOLD & ASSOCIÉ.E.S, boulevard des Philosophes 15, 1205 Genève.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/248/2024 du 25 septembre 2024, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal des prud'hommes (ci-après: le Tribunal) a déclaré recevables la demande formée le 25 novembre 2019 par B______ à l'encontre de [l’Organisation] A______ (ci-après: A______ ou l'organisation), ainsi que la demande reconventionnelle formée par celle-ci (chiffres 1 et 2 du dispositif), condamné la précitée à verser à B______ la somme brute de 158'196 fr. 50, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018, à titre d'indemnités de départ (135'000 fr.) et pour vacances non prises (23'196 fr. 50) (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), condamné B______ à verser à la A______ la somme nette de 50'376 fr. 20, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018, à titre de remboursements d'allocations familiales, de primes d'assurance-maladie et de garantie de loyer (ch. 5), et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 18'892 fr. 20 (ch. 7), mis à charge de B______ à concurrence de 4'000 fr. et de la A______ à concurrence de 14'892 fr. 20 (ch. 8) et partiellement compensés avec les avances de frais de 1'790 fr. et de 11'392 fr. 20 effectuées respectivement par B______ et la A______, acquises à l'État de Genève (ch. 9 et 11), condamné en conséquence les précités à verser 2'210 fr., respectivement 3'500 fr., aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 10 et 12), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 13) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 14).

B.            a. Par acte expédié le 28 octobre 2024 au greffe de la Cour de Justice, la A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation des chiffres 3 à 14, subsidiairement 3, 4 et 6 à 14, du dispositif. Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour déboute B______ de sa conclusion en paiement d'une indemnité de départ, condamne celui-ci à lui verser les sommes de 5'000 fr. à titre de dommage et intérêts pour opérations comptables frauduleuses, 11'090 euros à titre de remboursement de frais de voyage privé, 10'000 fr. à titre de remboursement d'un prêt octroyé sans droit à C______ et 20'000 fr. à titre d'indemnité pour atteinte à son honneur, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018, sous suite de frais judiciaires et dépens.

b. Dans sa réponse du 18 décembre 2024, B______ a conclu au déboutement de la A______ de toutes ses conclusions.

Il a également formé un appel joint, sollicitant l'annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour condamne la A______ à lui verser la somme brute de 163'196 fr. 50 (158'196 fr. 50 + 5'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral), avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles, soit un article de D______ paru le ______ octobre 2024 intitulé "______" (pièce n° 3), ainsi que le compte-rendu des décisions prises lors de la ______ème session de l'assemblée générale de la A______ du ______ octobre 2024 (n° 4).

c. Dans sa réplique et réponse sur appel joint, la A______ a "modifié" ses conclusions, en ce sens qu'elle sollicitait principalement l'annulation des chiffres 3, 4 et 6 à 14 du dispositif du jugement entrepris et ne formulait plus de conclusions subsidiaires, et a conclu au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Elle a allégué produire en annexe une pièce nouvelle, qu'elle n'a toutefois pas transmise.

d. Dans sa duplique et réplique sur appel joint, B______ a persisté dans ses conclusions et a, pour le surplus, conclu à l'irrecevabilité de la modification et de la pièce nouvelle susvisées.

e. Par avis du greffe de la Cour du 3 juin 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.a La A______ est une organisation intergouvernementale, sise à Genève, dont le fonctionnement est assuré par trois organes, soit l'assemblée générale, le conseil exécutif et le secrétariat permanent.

a.b L'organisation et le fonctionnement de la A______ sont définis par une constitution et un règlement intérieur.

a.c L'assemblée générale, organe suprême de l'organisation, est composée de délégués représentant les États membres et se réunit tous les deux ans.

a.d Le conseil exécutif met en œuvre les décisions prises par l'assemblée générale et dirige les activités de l'organisation. Il est composé des représentants de vingt-cinq États membres et se réunit une fois par année.

a.e Le secrétariat permanent exécute les travaux de l'organisation sur les plans technique et administratif. Il est composé d'un secrétaire général, d'un secrétaire général adjoint et du personnel nécessaire à l'accomplissement de sa mission.

a.f Par déclaration du 7 décembre 2015, la A______ a formellement renoncé à l'immunité de juridiction et d'exécution pour tous litiges découlant des rapports de service de ses fonctionnaires ou anciens fonctionnaires.

b. Le secrétaire général est le plus haut fonctionnaire technique et administratif de l'organisation (art. 27 de la constitution). Chaque année, il a notamment la charge de préparer les rapports financiers et les budgets prévisionnels et de les soumettre au conseil exécutif (art. 29 de la constitution et 14 du règlement financier).

Il est nommé pour une période de six ans; son mandat est renouvelable une fois. Le contrat d'engagement du secrétaire général est signé par les présidents de l'assemblée générale et du conseil exécutif (art 77 du règlement intérieur).

Au même titre que les autres employés, le secrétaire général doit s'abstenir de toute action incompatible avec sa qualité de fonctionnaire international (art. 32 de la constitution).

c. Par résolution VII du 17 décembre 2012, l'assemblée générale a fixé l'indemnité de départ du secrétaire général, laquelle était calculée sur la base du dernier salaire multiplié par le nombre d'années de service, plafonné à douze années, étant précisé que toute période excédant six mois comptait comme une année.

Cette indemnité était due à l'expiration de la durée légale du mandat, en cas de résiliation anticipée pour cause d'incapacité à exercer les fonctions, de démission ou de décès.

Aucune indemnité n'était accordée "si le départ du salarié [était] dû à l'incompétence ou à des mesures disciplinaires punitives".

d.a Par décision du 27 juin 2013, B______ a été nommé secrétaire général ad intérim, à compter du 12 juillet 2013.

d.b Lors de la ______ème session de l'assemblée générale des ______ et ______ avril 2014, B______ a été élu secrétaire général.

d.c Lors de la ______ème session de l'assemblée générale des ______ et ______ mars 2018, B______ a été reconduit au poste de secrétaire général, pour une durée de six ans, soit jusqu’au 31 décembre 2024, et remercié pour ses efforts constants en faveur de l'organisation.

A teneur de son contrat de travail du 27 mars 2018, le salaire mensuel de base convenu était de 27'000 fr., auquel s'ajoutaient divers montants à titre de remboursements et d'indemnités pour les primes d'assurance-maladie, les frais de déménagement en Suisse, les frais de déménagement de la Suisse vers le pays d'origine à la fin du mandat ou encore pour les frais afférents aux personnes à charge.

L'indemnité de départ prévue par la résolution VII du 17 décembre 2012 devait être calculée sur le salaire mensuel de base susvisé (art. 5 let. p du contrat).

e. E______, fils de B______, a effectué en 2012 et 2014 des stages au sein de la A______. Il a ensuite été engagé pour une durée déterminée d'un an en juillet 2014, puis pour une durée indéterminée, en qualité de chargé des affaires humanitaires jusqu'en novembre 2018.

f.a Le ______ octobre 2018, le quotidien suisse F______ a publié un article dénonçant un climat délétère au sein de la A______, à la suite d'une lettre anonyme de plusieurs cadres du secrétariat permanent de l'organisation. B______ était accusé de se verser un salaire excessif, de népotisme pour avoir engagé son fils au détriment d'autres employés et de manque de transparence s'agissant de ses frais, ainsi que de contrats "suspects" et "potentiellement surfacturés".

f.b Plusieurs employés du secrétariat permanent de la A______ ont rédigé et signé une lettre pour dénoncer "les informations fausses et trompeuses" contenues dans cet article, ainsi que dans la lettre anonyme susvisée, avec laquelle ils étaient en total désaccord. Selon eux, le secrétariat permanent était supervisé de manière efficace par le secrétaire général et son adjoint et le système financier de l'organisation était transparent; il n'y avait pas de fraude ni de schéma de corruption au sein de celle-ci. E______ était un employé professionnel, efficace et bénéficiant de la confiance de ses collègues.

f.c Le ______ octobre 2018, le quotidien F______ a publié un nouvel article, révélant que la Russie avait retiré sa confiance à B______.

f.d Le ______ octobre 2018, la G______ a publié, sur son site internet, un article reprenant les accusations des cadres de la A______ à l'encontre de B______ parues dans F______.

Il ressort de cet article qu'entre 2009 et 2017, la Suisse avait versé environ
1.3 millions de francs à la A______, alors qu'elle savait celle-ci "à la dérive" et "défaillante", et avait connaissance de la "gestion peu scrupuleuse" et de la "stratégie obscure" de l'organisation. Les partenariats privés "aux résultats stériles" s'étaient également multipliés ces dernières années.

Cet article dénonce l'influence directe du pouvoir russe sur la A______, en évoquant le H______, principal contributeur de l'organisation.

g. Le 18 octobre 2018, B______ a démissionné de son poste de secrétaire général, "avec effet immédiat pour des raisons personnelles".

Il est admis que les rapports de travail ont pris fin le 31 octobre 2018.

h. Il ressort des pièces produites que la A______ avait calculé les indemnités dues à B______, à savoir une indemnité de départ de 135'000 fr. (27'000 fr. x 5 mois), une indemnité pour vacances non prises de 23'196 fr. 50
(16 jours), ainsi qu'une indemnité pour frais de déménagement de 7'000 fr.

i.a Par courrier du 22 novembre 2018, B______ a notamment indiqué au secrétaire général ad intérim de la A______ être disponible pour répondre aux éventuelles questions soulevées par son activité au sein de l'organisation.

i.b Par courriel du 23 novembre 2018, B______ a sollicité du président de l'assemble générale un entretien afin d'évoquer les problématiques liées à son départ, notamment les rumeurs qui le visaient et les articles parus dans la presse.

j. Les 4 et 5 décembre 2018, les présidents et vice-présidents de l'assemblée générale et du conseil exécutif, ainsi que le secrétaire général ad intérim, se sont réunis et ont notamment décidé de suspendre le paiement de l'indemnité de départ de B______.

Ils ont également décidé d'effectuer un audit financier, qui a été confié à I______ SA.

k. I______ SA a établi un rapport le 16 novembre 2019, ainsi que deux documents séparés le 5 décembre 2019, dans lesquels elle a mentionné les constatations faites en lien avec B______ et C______, comptable externalisée auprès de la A______ par J______ SA de 2014 à 2019.

I______ SA a relevé que B______ avait présenté à l'assemblée générale et au conseil exécutif une situation financière plus mauvaise (2014), permettant l'octroi d'une augmentation du budget en 2015, ou meilleure (2017) lors de l'année de sa réélection en 2018. En 2015, il avait présenté les chiffres 2014 corrects à l'assemblée générale, mais des chiffres erronés au conseil exécutif, et, en 2018, l'inverse s'était produit.

Concernant l'utilisation des cartes de crédit de la A______, I______ SA a observé que deux d'entre elles avaient été délivrées et utilisées par des personnes externes à l'organisation, soit K______ et L______, employés de l'agence H______, soit une institution gouvernementale rattachée au H______.

Entre 2014 et 2018, la totalité des retraits de caisse en espèces s'élevait à 1'841'387 fr. L'analyse des transactions de caisse faisait apparaître trois schémas de fraude pour un montant total 23'263 fr. Sur les 385 transactions sélectionnées, 209 étaient liées à l'un de ces schémas. Le premier taux de fraude le plus élevé concernait C______, avec 68% d'écritures comptables frauduleuses, et le deuxième concernait B______, avec 53%. Le premier schéma de fraude consistait à enregistrer dans le système de comptabilité un retour d'avance réduit par rapport à celui effectivement rendu par l'employé, permettant ainsi de subtiliser la différence de la caisse. Le deuxième et le troisième schémas de fraude concernaient les notes de frais et n'avaient pu être commis que par C______, qui était la seule au sein de l'organisation à avoir accès au système comptable. I______ SA relevait un problème par rapport à la documentation, qui était incomplète. Elle relevait également l'utilisation d'une classification non systématique et chronologique, le stockage de pièces justificatives dans différents entrepôts, ainsi que l'utilisation d'un index non alphabétique. I______ SA s'interrogeait sur les compétences de C______, qui tenait la comptabilité sans supervision.

B______ avait autorisé des prêts à court et long terme à différents employés de la A______, sans intérêts et, souvent, sans qu'ils ne soient formalisés par écrit, pour un total de 196'470 fr. Sur ce montant, 20'985 fr. avaient été consenti à B______. Au 31 décembre 2018, il n'y avait pas de solde ouvert au nom de ce dernier, mais I______ SA a relevé qu'un montant de 11'252 fr. avait été remboursé au travers de la caisse, "pour laquelle elle n'avait pas d'assurance", de sorte que le remboursement effectif dudit montant n'était pas attesté. La A______ avait interdit tout nouveau prêt par circulaire du 26 mars 2019.

B______ avait engagé son fils dès juillet 2014 et, en parallèle, avait continué à percevoir des allocations familiales à hauteur de 400 fr. par mois pour celui-ci.

I______ SA a découvert un paiement de 11'090 euros en faveur de la M______ (ci-après: M______), société appartenant à N______. Ce montant avait été facturé à la A______ pour des frais de voyage et d'hôtel afférents à un déplacement de B______ à O______ (Afrique du Sud) pour participer à l'exposition mondiale des télécommunications 2018. Le précité avait été invité à cet événement par une société chinoise, avec laquelle il avait signé un contrat durant celui-ci. B______ avait voyagé avec son fils. I______ SA a précisé que la A______ contestait cette dépense, au motif que celle-ci était liée à des activités et à des contrats "douteux".

La A______ avait remboursé des frais médicaux de Q______, soit la fille de l'épouse de B______.

I______ SA a également relevé une problématique liée à l'attribution d'indemnités journalières (per diem) allouées à B______ pour certaines missions. N'ayant toutefois pas pu récupérer les rapports relatifs à ses missions, I______ SA a précisé ne pas être en mesure de se déterminer sur le bien-fondé des per diems accordés.

C______ avait reçu de la A______, en juillet 2015, sur son compte bancaire personnel, un montant de 10'000 fr. Cette transaction était intitulée "C______, Services de comptabilité - Demande de prêt" et étayée par une demande de prêt du 21 juillet 2015 signée par B______. Ce montant avait ensuite été comptablement enregistré comme transféré du compte 7202 (frais de comptabilité) de l'organisation au compte 7200 (frais d'expertise) avec la mention "C______ Installation of P______ Payment System". Toutefois, aucune facture ou aucun reçu n'avait été trouvé en lien avec cette installation. De plus, l'employeur de C______ avait expliqué "que les procédures nécessaires à l'automatisation du paiement électronique des fournisseurs de P______ se limitaient à l'adaptation du modèle P______ aux besoins des banques, effectué par les banques avec [son] assistance technique". Dans ces circonstances, I______ SA était parvenue à la conclusion que l'écriture comptable susvisée visait à dissimuler ledit prêt et recommandait à la A______ d'envisager de réclamer à C______ le remboursement du montant de 10'000 fr.

l. Par courriel du 4 mars 2019, B______, informé de la création d'une commission chargée de contrôler son activité, a demandé au président de l'assemblée générale de la A______ de pouvoir s'exprimer lors de la 52ème session du conseil exécutif.

m.a Par courrier du 3 avril 2019, la A______ a confirmé à son organe de révision, R______ SA, que les documents comptables présentés pour l'année 2018 étaient complets.

m.b Dans son rapport du 3 avril 2019, R______ SA a recommandé l'approbation des comptes annuels de la A______ et a inscrit au bilan un montant de
169'196 fr. 50 à titre d'indemnité de départ à payer.

m.c Lors de la 52ème session du 8 avril 2019, le conseil exécutif a approuvé les comptes 2018, donné décharge au secrétaire général et demandé au secrétaire général ad intérim de continuer les procédures judiciaire relatives aux malversations financières, abus de pouvoir et aux conflits d'intérêts de B______ ("to continue the legal proceedings on the financial malfeasace, abuse of power and conflict of interest of former Secretary General B______ and this, after the conclusions of the audit").

D. a. Par acte du 25 novembre 2019, après l'échec de la tentative de conciliation, B______ a assigné la A______ en paiement de la somme totale de 179'221 fr. 90 due à titre d'indemnités de départ (135'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018), de vacances non prises (23'196 fr. 50, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018), de frais de déménagement (6'025 fr. 40, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018) et pour tort moral (15'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er août 2019).

Il a notamment allégué que la A______ avait reconnu, à plusieurs reprises, l'excellence de son travail. Il n'avait fait l'objet d'aucun reproche ou mesure disciplinaire, de sorte qu'il avait droit à l'indemnité de départ convenue contractuellement. En octobre 2018, la presse avait publié des articles portant atteinte à sa personnalité et à sa réputation professionnelle. Ceux-ci mettaient en doute la qualité de son travail et son honnêteté. Il n'avait pas eu connaissance de la lettre de dénonciation à la base de ces articles et n'avait pas pu exprimer son point de vue, tant devant la presse que la A______. Cette campagne de désinformation avait mis en doute sa probité, ainsi que sa capacité à diriger l'organisation, de sorte qu'il avait démissionné. Depuis son départ, il devait faire face aux rumeurs l'accusant de malversations financières et de faux dans les titres. Lors de la 52ème session du conseil exécutif du 8 avril 2019, il avait été accusé, sans fondement, de comportements criminels, en présence des vingt-deux membres et représentants des États-membres. Il n'avait pas retrouvé d'emploi, les accusations dont il était l'objet étant de nature à décourager tout employeur potentiel.

b. Dans sa réponse, la A______ a conclu, en substance, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Elle a également formé une demande reconventionnelle, concluant à ce que ce dernier soit condamné à lui verser les sommes de 75'376 fr. 20 et 11'090 euros, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018, dues à titre de dommage et intérêts pour écritures comptables frauduleuses (5'000 fr.), de remboursements de ses frais de voyage à O______ (11'090 euros), des allocations familiales perçues pour E______ (21'200 fr.), des frais médicaux perçus pour Q______ (11'656 fr. 20), de sa garantie de loyer (17'520 fr.) et d'indemnité pour tort moral (20'000 fr.).

Elle a notamment allégué que les articles de presse parus en octobre 2018 avaient terni son image et porté atteinte à son honneur. Afin de contrôler l'activité de B______, elle avait fait réaliser un audit indépendant. Celui-ci étant accablant pour le précité, elle avait décidé de ne pas lui verser d'indemnité de départ, en raison de son "incompétence". S'agissant des écritures comptables frauduleuses, elle réclamait la somme de 5'000 fr., ce montant étant susceptible d'être augmenté dans la mesure où elle ignorait la part desdites écritures imputables à B______. Le voyage effectué par ce dernier à O______ était sans lien avec ses missions pour le compte de l'organisation.

c. Le ______ juillet 2020, la G______ a publié, sur son site internet, une enquête portant sur la A______, son fonctionnement et la mainmise de la Russie sur ses activités.

Cette enquête a été reprise par plusieurs autres médias.

d. Dans sa réplique et réponse sur demande reconventionnelle, B______ a persisté dans ses conclusions et conclu, au surplus, au paiement supplémentaire de 18'077 fr. 40, avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018, à titre de remboursement de primes d'assurance-maladie, ainsi qu'au déboutement de la A______ de toutes ses conclusions.

Il a notamment allégué que R______ SA avait, depuis 2014, confirmé que les comptes étaient en état d'être approuvés. Chaque année, la précitée avait eu accès à l'ensemble des documents comptables pertinents, y compris les documents bancaires. L'assemblée générale et le conseil exécutif avaient systématiquement approuvé les comptes, sans jamais faire état d'un problème de gestion financière, et avaient donné décharge au secrétaire général à cet égard. I______ SA n'était pas intervenue de manière indépendante, mais comme mandataire de la A______. Aucun élément ne permettait de déterminer si la précitée avait eu accès à l'intégralité des documents et informations, celle-ci ne listant pas les documents qu'elle avait consultés. I______ SA n'avait jamais pris contact avec lui ou C______. S'agissant de la critique portant sur le fait que deux employés de l'agence H______ avaient reçu une carte de crédit de la A______, cela résultait d'accords conclus entre les précitées (produits au dossier). Les transactions effectuées au moyen de ces cartes de crédit étaient documentées (des tableaux, avec le sceau de l'agence H______ ont été produits à cet égard). La prétendue fraude mise à jour par I______ SA concernait des retraits en espèce pour un total de 23'263 fr. sur 1'841'387 fr., ce qui représentait une marge d'erreur usuelle. Les prêts accordés aux employés n'étaient pas interdits par les statuts ou la règlementation interne de l'organisation. Cette pratique était courante au sein de celle-ci. Lui-même avait remboursé l'intégralité du prêt qui lui avait été accordé. Le montant de 11'090 euros versé à la M______ concernait un voyage à O______, effectué dans le cadre d'une mission de l'organisation. Enfin, l'enquête publiée par la G______ démontrait que ses agissements n'avaient pas porté atteinte à la réputation de la A______ dans la mesure où les doutes émis sur le bon fonctionnement de celle-ci étaient apparus en 2009, soit avant sa nomination.

e. Dans sa duplique et réplique sur demande reconventionnelle, la A______ a persisté dans ses conclusions et conclu, au surplus, à ce que B______ soit condamné à lui verser 10'000 fr. à titre de dommage et intérêt pour le prêt accordé à C______, 27'078 USD et 760 fr. à titre de remboursement des indemnités journalières de mission (per diems), avec intérêts à 5% dès le
1er novembre 2018.

Elle a notamment allégué que I______ SA avait constaté que le travail de R______ SA ne permettait pas d'évaluer les risques de fraude, ni les autres violations commises par B______. Le réviseur n'avait effectué qu'un examen limité des états financiers de l'organisation. L'assemblée générale et le conseil exécutif avaient ainsi été induits en erreur et ils n'avaient pas pu contrôler l'activité de B______. Le rapport de I______ SA avait mis en lumière l'utilisation abusive des cartes de crédit. Au total, K______ et L______ avaient retiré 291'523.45 USD et les pièces justificatives ne permettaient pas de comprendre la nature de ces dépenses. I______ SA avait également découvert que B______ avait accordé à C______ un prêt de 10'000 fr., montant débité du compte de la A______. Afin de dissimuler ce prêt, le précité avait enregistré celui-ci dans les comptes de l'organisation comme une charge, alors que les adaptations du logiciel P______ ne nécessitaient pas une facturation à hauteur de 10'000 fr.

Elle a notamment produit un article de presse paru sur le site internet de S______ le 22 juillet 2020, intitulé "______", dont il ressort notamment que B______ avait, après sa démission de la A______, été engagé en qualité de directeur de la branche italienne de la compagnie suisse de N______.

f. B______ s'est encore déterminé sur l'écriture susvisée.

g. Par courrier du 29 mars 2021, la A______ a soulevé l'exception d'immunité, qui a été rejetée par jugement incident du 20 mai 2021.

h. Lors de l'audience du Tribunal du 4 octobre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

B______ a déclaré n'avoir aucune connaissance spécifique en matière de comptabilité. C______ saisissait les données, préparait les documents nécessaires et travaillait en collaboration avec l'organe de révision. Son rôle se limitait à signer les documents. Il n'avait commis aucune fraude. Le rapport de I______ SA était grandement discutable et éloigné de la réalité. Il avait effectué le voyage à O______, avec son fils, pour soutenir T______ – secrétaire général adjoint de la A______ –, qui y faisait une présentation; il s'agissait d'un voyage professionnel, lors duquel il avait pu nouer d'importants contacts avec une société chinoise. K______ et L______ étaient des représentants de l'agence H______. Des cartes de crédit leur avaient été remises pour faciliter et organiser la coopération avec cette agence. La campagne de dénigrement menée contre lui l'avait discrédité et durement impacté. Il n'avait jamais pu se défendre et n'avait pas retrouvé un emploi depuis.

i. Lors des audiences des 4 et 5 octobre, 15 et 29 novembre 2023, le Tribunal a entendu des témoins.

U______, employé de I______ SA, a déclaré avoir participé à l'élaboration du rapport du 16 novembre 2019 et signé celui-ci. Ce rapport avait été réalisé de manière professionnelle, mais un certain nombre de documents n'avait pas été remis par la A______, rendant ainsi difficile l'exhaustivité de leurs travaux. Il n'avait eu aucun contact avec B______ et C______. S'agissant des cas de fraude, l'examen avait porté sur la différence entre les montants retenus comptablement comme dépenses et ceux figurant sur les justificatifs disponibles. Dans 53% des cas, les justificatifs avaient été remis par B______. La différence entre le montant comptabilisé et le montant figurant sur le justificatif avait été prélevé par un individu ayant accès aux espèces. Il ne pouvait pas affirmer que le précité avait bénéficié de ces différences et il n'était pas exclu que les prélèvements abusifs avaient été effectués à son insu. Il n'avait pas souvenir que ce dernier ait violé le règlement sur la comptabilité. Si sa mission consistait à comprendre ce qui s'était passé pour remédier aux lacunes de l'organisation, en formulant des recommandations, un focus particulier avait été mis sur B______ et C______.

V______ a déclaré avoir œuvré, en sa qualité d'employé de R______ SA, à la vérification des comptes de la A______ de 2007 ou 2008 à 2018. L'ensemble des documents comptables, y compris les documents bancaires, était mis à sa disposition. Il n'avait pas souvenir d'avoir formulé des réserves; les comptes étaient correctement tenus. Son contrôle portait également sur la caisse, mais uniquement par sondage et non systématiquement pour toutes les années. Chaque année, il avait recommandé à la A______ d'approuver les comptes. Il n'avait pas cherché de fraude, car aucun indice ne permettait de soupçonner qu'il y en avait eu. C______ était sa principale interlocutrice et, en fin de mission, il débriefait avec B______. A sa connaissance, ce dernier n'était coupable d'aucun comportement malhonnête.

W______, employée de la A______ depuis 2010, a déclaré que B______ avait été un bon secrétaire général, mais qu'il n'avait pas été un bon manager. Elle-même, X______ et une troisième personne, avaient procédé à l'entretien d'embauche de E______. Ce dernier avait déjà travaillé pour l'organisation en tant que stagiaire et ils avaient donc donné un préavis favorable à son engagement, étant précisé que seul B______ disposait d'un pouvoir de décision à cet égard.

X______, employé de la A______ de janvier 2011 à octobre 2020, a déclaré que B______ avait très bien guidé l'organisation. Toutefois, afin d'alerter le président du conseil exécutif sur certaines actions de ce dernier, il avait cosigné un courrier, à l'initiative de T______. Celui-ci et W______ formulaient des reproches à l'encontre de B______ d'ordre financier, notamment des malversations. Lui-même avait signé ce courrier, car il considérait la différence de salaire entre les directeurs de la A______ indécente et immoral que B______ ait engagé son fils, même si celui-ci était compétent. Les articles de presse avaient discrédité de manière importante la A______; en réaction la Suisse avait notamment renoncé à une partie de ses engagements. W______ et T______ étaient à l'origine de la campagne de dénigrement contre B______. La précitée avait été l'instigatrice du premier article paru dans F______. I______ SA avait estimé qu'il manquait de nombreuses pièces bancaires, mais lui-même avait fourni tout ce qu'il pouvait, étant précisé que C______ avait été licenciée, parce qu'il manquait de nombreux documents. B______ suivait scrupuleusement les dispositions de la constitution et du règlement intérieur de l'organisation.

Y______, employée de la A______ de 2011 à 2019 en qualité de secrétaire, a déclaré que B______ n'avait pas fait l'objet de reproche ou de mesure disciplinaire; il était compétent. Elle avait été en charge de la "petite caisse" en francs suisses. Elle utilisait celle-ci pour divers achats et pour rembourser les collaborateurs sur la base de justificatifs. A la fin de chaque mois, elle rendait la caisse et les pièces justificatives à C______, laquelle contrôlait si le solde correspondait. B______ n'avait pas commis de fraude en lien avec des retraits en espèces. Elle avait bénéficié d'un prêt de la part de la A______ et ce, après le départ du précité.

Z______ a déclaré avoir travaillé pour la A______ de 2011 à octobre 2020. Il avait occupé les fonctions de directeur, secrétaire général adjoint, puis secrétaire général ad intérim. A sa connaissance, B______ n'avait pas fait l'objet de reproche, ni de mesure disciplinaire. La gouvernance du précité n'était pas critiquable, mais des collaborateurs ne partageaient pas cet avis, dans la mesure où B______ avait favorisé certains employés. Les tensions et crises internes avaient augmenté après le départ du précité. Ce dernier n'avait jamais agi de manière contraire à la philosophie de la A______ et sa gestion n'était pas problématique. R______ SA n'avait d'ailleurs jamais signalé de problème en lien avec la tenue des comptes. Des prêts avaient toujours été accordés aux collaborateurs de l'organisation et cette pratique avait perduré après le départ de B______. Dès août 2018, une campagne de désinformation avait été menée contre ce dernier par certains collaborateurs, qui avaient envoyé une lettre anonyme au président du conseil exécutif et à la Mission de Russie à Genève. Les termes de cette lettre avaient ensuite été repris par le quotidien F______.

C______ a déclaré avoir travaillé pour la A______ de septembre 2013 à mai 2019, étant précisé qu'elle était formellement employée de J______ SA. A la lecture de l'article paru dans F______, elle avait été choquée et avait signé le courrier visant à soutenir B______. Après le départ de ce dernier, elle avait entendu des rumeurs et accusations le concernant, visant à le discréditer. La nouvelle direction lui avait demandé de produire des preuves, qui n'existaient pas, sur la prétendue mauvaise gestion de B______. R______ SA recommandait chaque année au conseil exécutif d'approuver les comptes. Cette société n'avait jamais soulevé de problématique en lien avec la tenue des comptes.

N______, préalablement exhorté à dire la vérité et rendu attentif aux conséquences d'un faux témoignage au sens de l'art. 307 CP, a déclaré avoir créé la M______ en 2014. B______ avait été invité pour une conférence à O______, en sa qualité de spécialiste en matière de protection civile. Le montant de 11'900 euros concernait le déplacement de T______, lequel était intervenu lors de cette conférence pour le compte de la A______.

A l'issue de l'audience du 29 novembre 2023, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

j. Par jugement du 25 janvier 2023, rendu dans le cadre de la procédure pénale opposant la A______ à C______, le Tribunal de police a notamment déclaré cette dernière coupable d'abus de confiance et de faux dans les titres, pour s'être enrichie à dessein et au détriment du patrimoine de l'organisation d'un montant de 29'000 fr., au moyen d'opérations cachées et frauduleuses portant sur de petits montants. Pour dissimuler ces détournements, elle avait enregistré des écritures comptables dont le montant n'était pas conforme à la réalité économique.

Le Tribunal de police a, en revanche, acquitté C______ des faits reprochés en lien avec le détournement de la somme de 10'000 fr. A cet égard, ladite instance a considéré qu'il n'était pas établi que la précitée aurait dissimulé dans un compte de charges de l'organisation un prêt de 10'000 fr., octroyé en sa faveur en juillet 2015. Au contraire, il apparaissait que le remboursement de ce prêt avait été compensé par le travail qu'elle avait fourni pour l'installation d'un logiciel comptable.

E. Dans le jugement entrepris, sur les points encore litigieux en appel, le Tribunal a considéré que, conformément à la résolution VII du 17 décembre 2012, les seules exceptions au versement d'une indemnité de départ étaient les mesures disciplinaires punitives et l'incompétence. Si la A______ avait voulu prévoir d'autres exceptions, elle aurait aisément pu les mentionner ou compléter ladite résolution. Or, le rapport établi par I______ SA ne permettait pas de retenir que l'une des deux exceptions étaient réalisées. L'analyse des reproches formulés à l'encontre de B______ dans ce rapport devait être effectuée avec retenue, notamment en raison du fait que le précité n'avait jamais fait l'objet de critique avant sa démission, n'avait pas été auditionné par I______ SA et que celle-ci ne disposait pas de nombreux documents. De plus, lesdits reproches ne permettaient pas de retenir que B______ aurait agi avec la volonté de tromper l'organisation en présentant des états financiers erronés, aurait remis des cartes de crédits à deux externes à l'insu de celle-ci, aurait agi fautivement en accordant des prêts, serait à l'origine des fraudes détectées, aurait bénéficié de celles-ci ou les aurait couvertes, aurait fait supporter ses frais de voyage privé à O______ par l'organisation ou encore aurait été informé de la manipulation comptable afférente au versement de 10'000 fr. effectué en faveur de C______. Il avait ainsi droit à l'indemnité de départ prévue contractuellement, à laquelle s'ajoutait l'indemnité pour vacances non prises.

B______ n'avait pas démontré avoir subi une atteinte illicite à sa personnalité dont répondrait la A______. Au vu des accusations relayées par la presse, portées par des collaborateurs, il n'apparaissait pas déraisonnable que le conseil exécutif, lors de sa 52ème session, ait demandé la poursuite des procédures judiciaires. Les rumeurs colportées lors de cette séance étaient certes indélicates, mais insuffisantes pour retenir l'existence d'une atteinte particulièrement grave justifiant l'octroi d'une indemnité pour tort moral. De plus, la A______ n'était pas à l'origine des articles de presse et n'y avait pas contribué, de sorte qu'il ne pouvait pas lui être reproché d'avoir commis une faute à cet égard. Pour ces mêmes motifs, une violation du droit à l'honneur de la A______ ne saurait être imputée à B______.

 

EN DROIT

1.             1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le
1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.

1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance lorsque, dans les affaires patrimoniales, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Déposé dans le délai utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable à cet égard.

Formé dans la réponse à l'appel, laquelle a été déposée dans le délai de trente jours fixé à cette fin et dans le respect des formes énoncées ci-dessus (art. 312 al. 2 et 313 al. 1 CPC), l'appel joint est également recevable.

Par souci de simplification, la A______ sera ci-après désignée en qualité d'appelante et B______ en qualité d'intimé.

1.4 Les parties ne contestent pas, à juste titre, la compétence des juridictions genevoises pour connaître du présent litige, dans la mesure où l'appelante a, par déclaration du 7 décembre 2015, formellement renoncé à l'immunité de juridiction pour tous litiges découlant des rapports de service de ses fonctionnaires ou anciens fonctionnaires.

De plus, l'intimé accomplissait habituellement son travail à Genève et le siège de l'appelante s'y trouve également (art. 34 CPC).

2. La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), mais uniquement dans la limite des griefs motivés qui sont formulés
(ATF
142 III 413 consid. 2.2.4).

La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire s'applique et le procès est régi par la maxime des débats, qui prévoit que les parties allèguent les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produisent les preuves qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC, art. 243 et art. 247 al. 2 CPC a contrario).

3. L'intimé a produit des pièces nouvelles devant la Cour et l'appelante a "modifié" ses conclusions dans le cadre de sa réplique.

3.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

3.1.2 L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).

Les conclusions des parties doivent être interprétées à la lumière de la motivation, mise en relation avec la décision attaquée (ATF 137 III 617 consid. 6.2).

3.2.1 En l'occurrence, les pièces nouvelles produites par l'intimé sont toutes postérieures à la date du prononcé du jugement entrepris, de sorte qu'elles sont recevables, de même que les faits s'y rapportant, étant relevé que ceux afférents à sa pièce n° 4 ne sont pas pertinents pour la résolution du litige.

L'appelante n'a pas transmis à la Cour la pièce nouvelle qu'elle a déclaré produire. Il n'y a donc pas lieu à se prononcer sur la recevabilité de celle-ci.

3.2.2 Contrairement à ce que soutient l'intimé, les conclusions prises par l'appelante dans sa réplique, tendant à l'annulation des chiffres 3, 4 et 6 à 14 du dispositif du jugement attaqué, ne constituent pas une modification au sens de l'art. 317 al. 2 CPC.

En effet, celles-ci correspondent aux conclusions subsidiaires formulées par l'appelante dans son appel. Bien que la précitée ait, dans le cadre de celui-ci, principalement conclu à l'annulation des chiffres 3 à 14 du dispositif du jugement entrepris, elle n'a formulé aucun grief à l'encontre du chiffre 5, condamnant l'intimé à lui verser 50'376 fr. 20. Il se justifie ainsi de retenir que l'appelante n'entendait pas remettre en cause cette condamnation, de sorte que ses conclusions principales et subsidiaires étaient identiques.

Les conclusions litigieuses ne sont donc pas nouvelles, de sorte qu'elles sont recevables.

4. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir procédé à une constatation incomplète des faits, soit d'avoir omis de citer les qualifications utilisées dans les articles de presse produits pour décrire les agissements de l'intimé, de même que certains éléments du rapport de I______ SA, ainsi que des témoignages, démontrant, selon elle, les manquements et l'incompétence de ce dernier.

Contrairement à ce que soutient l'intimé, cette motivation est suffisamment explicite pour que la Cour puisse la comprendre, de sorte qu'elle est recevable au sens de l'art. 311 al. 1 CPC. L'état de fait présenté ci-dessus a donc été complété dans la mesure utile pour la résolution du litige, sur la base des actes et des pièces de la procédure.

Les nombreux faits allégués pour la première fois par l'appelante dans son acte d'appel concernant l'utilisation des cartes de crédit n'étant pas recevables, l'état de fait n'a pas été complété sur ce point.

5. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir alloué une indemnité de départ à l'intimé, alors que ce dernier avait, selon elle, violé ses obligations contractuelles, de sorte qu'il était "incompétent" au sens de la résolution VII du 17 décembre 2012.

5.1.1 Pour déterminer le contenu d'un contrat, le juge doit interpréter les manifestations de volonté des parties selon les règles déduites de l'art. 18 CO (ATF 144 III 93 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2024 du
3 avril 2025 consid. 6.1.1).

5.1.2 Conformément à l'art. 157 CPC, le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées. Une preuve est tenue pour établie lorsque le tribunal, par un examen objectif, a pu se convaincre de la vérité d'une allégation de fait (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1).

Autrement dit, le juge apprécie librement la force probante des preuves administrées en fonction des circonstances concrètes, sans être lié par des règles légales et sans être obligé de suivre un schéma précis (ATF 143 III 297
consid. 9.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2015 du 3 juillet 2015 consid. 3.2 et 4A_85/2014 du 16 juin 2014 consid. 3.2.2).

Cette appréciation se fait tant sur chaque moyen de preuve que sur le résultat global (Chabloz/Copt, Petit commentaire CPC, 2020, n° 6 ad art. 157 CPC).

Une expertise privée établie pour l'une ou l'autre des parties ne constitue pas un moyen de preuve au sens de l'art. 168 al. 1 CPC, quand bien même elle serait réalisée par un spécialiste expérimenté et reconnu; elle n'a que la valeur d'une simple allégation de la partie qui la produit et doit être prouvée si elle est contestée par la partie adverse (ATF 141 IV 369 consid. 6.2; 141 III 433
consid. 2.6; arrêts du Tribunal fédéral 4A_551/2015 du 14 avril 2016 consid. 4.2 et 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1).

5.1.3 À la fin du contrat, toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles (art. 339 al. 1 CO).

5.2 En l'espèce, l'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir interprété de manière restrictive l'exception "d'incompétence" – qui permet de refuser l'octroi de l'indemnité de départ – prévue dans la résolution VII du 17 décembre 2012, auquel le contrat de travail de l'intimé du 27 mars 2018 renvoyait (art. 5 let. p). Elle soutient que cette exception ne se limite pas à l'absence de compétences techniques, mais inclut également tous manquements aux devoirs et responsabilités.

Le grief de l'appelante n'est toutefois pas pertinent, les premiers juges ayant retenu que l'intimé n'avait pas fait preuve d'incompétence, en ce sens qu'il n'était pas établi qu'il aurait manqué à ses devoirs, ce qui n'est pas critiquable.

En effet, l'appelante se fonde exclusivement sur le rapport établi par I______ SA le 16 novembre 2019 pour démontrer que l'intimé aurait été "incompétent". Or, elle ne critique pas les constatations des premiers juges niant la force probante de ce rapport, qui ne constitue qu'une allégation de partie.

En particulier, elle ne conteste pas que I______ SA ne disposait pas de tous les documents utiles, notamment bancaires, pour la rédaction de son rapport. En effet, le témoin U______, qui a participé à la rédaction de celui-ci, a déclaré qu'un certain nombre de documents n'avait pas été remis par l'appelante, rendant difficile l'exhaustivité de son analyse. Le témoin X______ a confirmé que I______ SA avait estimé qu'il manquait de nombreuses pièces bancaires, précisant que C______ avait été licenciée pour ce motif. En outre, il n'est pas contesté que I______ SA n'a pas questionné l'intimé ou C______ lors de son examen, ce que le témoin U______ a confirmé, de sorte que son rapport est également lacunaire sur ce point et uniquement à charge de ces derniers.

A cela s'ajoute que les témoins W______ et X______ ont déclaré que l'intimé avait correctement assumé ses fonctions de secrétaire général. Ce dernier témoin a précisé que l'intimé suivait scrupuleusement les réglementations internes de l'appelante. A cet égard, le témoin Z______ a confirmé que la gouvernance de l'intimé n'était pas critiquable et que ce dernier n'avait jamais agi de manière contraire à la philosophie de l'appelante. Ce témoin et le témoin Y______ ont également déclaré que l'intimé n'avait jamais fait l'objet de reproche, ni de mesure disciplinaire.

Par ailleurs, comme relevé à juste titre par les premiers juges, l'organe de révision de l'appelante a systématiquement recommandé d'approuver les comptes. Entendu en qualité de témoin, le réviseur V______ a expliqué qu'aucun indice ne permettait de soupçonner qu'il y avait eu des fraudes, d'autant plus commises par l'intimé. Le fait que le contrôle du réviseur n'était pas systématique n'est pas déterminant, compte tenu du nombre d'années concernées. Ce témoin a d'ailleurs confirmé qu'à sa connaissance l'intimé n'était coupable d'aucun comportement malhonnête. A cet égard, il sied de relever que le témoin U______ – un des rédacteurs du rapport de I______ SA – a confirmé que, selon ses souvenirs, l'intimé n'avait pas violé le règlement de l'appelante sur la comptabilité. L'intimé n'établissait d'ailleurs pas les comptes de l'organisation, étant relevé qu'il a déclaré n'avoir aucune connaissance en matière de comptabilité, raison pour laquelle, sans doute, les services de C______ avaient été sollicités. Il n'est d'ailleurs pas contesté que l'assemblée générale et le conseil exécutif de l'appelante avaient octroyé une décharge au secrétaire général s'agissant de la gestion financière. Dans ces circonstances, il ne saurait lui être reproché d'avoir violé son devoir de diligence et ce, même si les constatations du rapports I______ SA étaient établies, ce qui n'est pas le cas.

L'appelante ne peut pas se prévaloir du fait que l'intimé avait octroyé des prêts à des employés, pour considérer que ce dernier était "incompétent". En effet, il ressort des enquêtes, en particulier des témoignages de Z______ et Y______, que cette pratique, non interdite par les règlements internes, avait toujours existé et perduré après le départ de l'intimé. L'appelante ne peut donc pas valablement reprocher à ce dernier un comportement "totalement inapproprié" à cet égard.

L'appelante ne peut pas non plus se prévaloir du fait que l'intimé avait remis des cartes de crédit à deux employés de l'agence H______. En effet, compte tenu des accords entre la précitée et l'appelante et des pièces produites concernant les dépenses effectuées au moyen desdites cartes, il est suffisamment établi que ces cartes n'ont pas été remises à l'insu de l'appelante, comme retenu par les premiers juges. A cet égard, il sera rappelé que les nombreux allégués contraires de l'appelante, formulés pour la première fois en appel, sont irrecevables.

L'appelante reproche également à l'intimé d'avoir présenté, à deux reprises, des comptes ne correspondant pas à sa réalité financière, telle qu'elle ressortait des documents audités, trompant ainsi le conseil exécutif et l'assemblée générale. L'appelante ne critique toutefois pas le constat des premiers juges à cet égard, à savoir qu'il n'est pas établi que l'intimé aurait sciemment présenté des états financiers erronés et ainsi agi avec la volonté de tromper lesdits organes. Bien que I______ SA relève, dans son rapport, que l'intimé a présenté des chiffres erronés au conseil exécutif en 2015 et à l'assemblée générale en 2018, elle précise aussi que le précité a présenté des chiffres corrects devant l'assemblée générale en 2015 et devant le conseil exécutif en 2018. Par ailleurs, malgré ces incohérences – insuffisantes pour retenir une violation contractuelle ou une "incompétence" –, les présidents de l'assemblée générale et du conseil exécutif ont tous deux signé le contrat de travail de l'intimé du 27 mars 2018, comme relevé par les premiers juges, réitérant ainsi leur confiance en ce dernier.

Compte tenu de l'ensemble de ce qui précède et à défaut d'éléments probants, les premiers juges étaient fondés à retenir que le rapport de I______ SA ne permettait pas de retenir que l'une des exceptions prévues dans la résolution VII du 17 décembre 2012 pour refuser à l'intimé le paiement de l'indemnité de départ, soit l'incompétence – dans le sens d'un manquement grave aux obligations de diligence, d'intégrité et de gestion – ou le prononcé de mesure disciplinaire, seraient en l'espèce réalisées.

Les reproches précis formulés par l'appelante à l'encontre de l'intimé pour lesquels elle réclame le paiement de dommages et intérêts, sur la base du rapport de I______ SA, seront examinés ci-après, étant déjà relevé qu'ils sont tous infondés.

L'intimé, qui a démissionné, a ainsi droit à l'indemnité de départ prévue contractuellement, soit au versement de la somme brute de 135'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2018, montant non contesté en appel.

Partant, les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement entrepris seront confirmés, étant relevé que le montant supplémentaire de 23'196 fr. 50 dû à l'intimé à titre d'indemnité pour vacances non prises n'est pas remis en cause (135'000 fr. + 23'196 fr. 50 = 158'196 fr. 50).

6. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir fait droit à ses conclusions en paiement de dommages et intérêts, alors que les manquements de l'intimé avaient, selon elle, été établis.

6.1.1 A teneur de l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence.

Comme toute responsabilité contractuelle, la responsabilité du travailleur suppose la réalisation de quatre conditions cumulatives: un dommage, la violation d'une obligation contractuelle, un rapport de causalité adéquate et naturelle entre ladite violation et le dommage ainsi qu'une faute, laquelle est présumée
(ATF 144 III 327, in SJ 2019 I 121; arrêts du Tribunal fédéral 4A_210/2015
du 4 octobre 2015 consid. 4.1 et 4A_310/2007 du 4 décembre 2007 consid. 6.2).

Il appartient à l'employeur de prouver la violation du contrat, le dommage et le rapport de causalité; pour sa part, le travailleur peut apporter la preuve libératoire de son absence de faute (arrêt du Tribunal fédéral 4A_332/2007 du
15 novembre 2007 consid. 3.1). Concrètement, l'employeur qui veut obtenir un dédommagement doit prouver des actes ou des omissions du travailleur qui soient – objectivement – contraires à ses obligations contractuelles et qui lui soient imputables à faute; il doit aussi établir l'existence d'un lien de causalité et une altération spécifique de son propre patrimoine (Witzig, Commentaire romand CO I, 2021, n° 1 ad art. 321e CO).

Le code précise que la mesure de la diligence incombant au travailleur se détermine par le contrat, compte tenu du risque professionnel, de l'instruction ou des connaissances techniques nécessaires pour accomplir le travail promis, ainsi que des aptitudes et qualités du travailleur que l'employeur connaissait ou aurait dû connaître (Witzig, op. cit., n° 2 ad art. 321e CO).

Il ne saurait y avoir de violation contractuelle entraînant la responsabilité du travailleur lorsque l'employeur ordonne ou tolère le comportement qui a causé le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2013 du 17 mars 2015 consid. 3.2.3). De plus, la faute concomitante de l'employeur peut entraîner une réduction de la responsabilité du travailleur, notamment en cas de mauvaise organisation du travail, de défaut d'instruction ou de contrôle insuffisant du travailleur (arrêts du Tribunal fédéral 4A_123/2007 du 31 août 2007 consid. 8.2; 4C.87/2001 du
7 novembre 2011 consid. 4b et 4C.103/2005 du 1er juin 2005 consid. 1.3).

6.1.2 Bien que l'art. 321e al. 1 CO ne mentionne que le "dommage", il faut comprendre le terme au sens large de "préjudice", qui englobe le tort moral, pour le cas d'une atteinte grave à la personnalité de l'employeur, telle une atteinte à l'intégrité corporelle ou à l'honneur (art. 49 CO).

Le fait que l'employeur soit constitué sous la forme d'une personne juridique (morale) ne le prive pas d'une réparation morale (Dunand, Commentaire du contrat de travail, 2022, n° 17 ad art. 321e CO).

6.1.3 Toute personne qui n'a pas la qualité de partie au procès peut témoigner sur des faits dont elle a eu une perception directe (art. 169 CPC).

La suspicion de partialité d'un témoin, résultant par exemple d'un lien conjugal, de parenté, d'alliance ou d'amitié avec une partie, doit être prise en considération au stade de l'appréciation du témoignage; néanmoins, la suspicion n'exclut pas d'emblée que la déposition soit tenue pour digne de foi et il incombe au juge du fait d'apprécier sa force probante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_181/2012 du
10 septembre 2012 consid. 3). De même, le fait qu'un témoin puisse paraître plus enclin à défendre les intérêts de l'une des parties n'implique pas nécessairement que son témoignage doive d'emblée être écarté (arrêt du Tribunal fédéral 5P.312/2005 du 14 décembre 2005 consid. 3.1.2). C'est notamment le cas pour un témoin employé au service d'une partie (arrêt du Tribunal fédéral 4A_29/2011 du 21 mars 2011 consid. 1.2).

6.2.1 En l'espèce, le rapport de I______ SA fait état de plusieurs opérations comptables frauduleuses en lien avec trois schémas spécifiques.

Cela étant, comme relevé par les premiers juges, à teneur dudit rapport, deux des trois schémas de fraude observés n'ont pas pu être commis par l'intimé, mais exclusivement par C______. Le fait que 53% des écritures frauduleuses observées, afférentes aux trois schémas, concernait ce dernier n'est donc pas déterminant. Par ailleurs, la seule existence d'une telle écriture afférente aux frais de l'intimé ne permet pas encore de retenir qu'il aurait commis une fraude.

Le troisième schéma de fraude, qui consistait à enregistrer dans le système un retour d'avance de fonds réduit par rapport à celui effectivement rendu par l'employé, avait pour objectif de subtiliser la différence de la caisse. Il sera relevé que l'intimé percevait un revenu de plus de 30'000 fr. par mois, de sorte qu'il est peu crédible qu'il ait subtilisé de petits montants totalisant 23'263 fr. sur cinq ans, d'autant plus que ce montant concerne les trois schémas de fraude observés et que la responsabilité de l'intimé pour deux de ceux-ci a été exclue. En tout état, l'appelante n'a pas établi que l'intimé aurait commis ou participé d'une quelconque manière à ce troisième schéma de fraude. Le témoin U______, auteur du rapport susvisé, a d'ailleurs déclaré ne pas être en mesure d'affirmer que l'intimé aurait subtilisé ces différences, précisant également que lesdites fraudes auraient pu être commises à l'insu de ce dernier. De plus, le témoin Y______, chargée de la "petite caisse" en francs suisses, a confirmé qu'elle remboursait dûment les collaborateurs sur la base des justificatifs remis et que l'intimé n'avait commis aucune fraude à cet égard.

A cela s'ajoute, comme relevé supra, que le rapport de I______ SA mentionne que la documentation afférente à certaines transactions de caisse était incomplète ou difficilement trouvable compte tenu du système de classement peu efficient. Il ne peut donc pas être exclu que des transactions ont été qualifiées par I______ SA, à tort, de frauduleuses à défaut des documents et justificatifs utiles.

Le fait que l'intimé a remboursé un prêt en versant 11'252 fr. dans la caisse n'est pas pertinent s'agissant des transactions litigieuses, contrairement à ce que soutient l'appelante. En effet, sur ce point, I______ SA s'est limitée à relever que le remboursement effectif de ce prêt ne pouvait pas être attesté à défaut "d'assurance" de la tenue de ladite caisse. L'appelante n'allègue d'ailleurs aucune fraude de la part de l'intimé à l'égard de ce prêt et I______ SA a relevé que les prêts octroyés à ce dernier étaient tous soldés au moment de sa démission.

Compte tenu de ce qui précède, l'appelante n'a pas établi, à satisfaction de droit, que l'intimé aurait commis, participé ou encore toléré, l'enregistrement d'écritures comptables frauduleuses et ainsi porté fautivement atteinte au patrimoine de l'appelante. A défaut d'avoir établi une violation contractuelle à cet égard, les premiers juges étaient fondés à débouter cette dernière de sa conclusion visant au paiement de la somme de 5'000 fr. à titre de dommage et intérêt pour opérations frauduleuses.

6.2.2 Il ressort du rapport de I______ SA que la M______ a facturé à l'appelante la somme de 11'090 euros pour des frais de voyage et d'hôtel afférents à un déplacement de l'intimé en Afrique du Sud.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, aucun "faisceau d'indices" ne permet de retenir que ces frais concernaient un voyage privé de l'intimé. Au contraire, I______ SA a expressément mentionné que ce dernier s'était déplacé pour assister à un événement, dont il n'est pas allégué qu'il serait sans lien avec les activités de l'appelante. Le témoin N______ a d'ailleurs confirmé que l'intimé avait été invité à cet événement en sa qualité de spécialiste en matière de protection civile, précisant toutefois que le montant de 11'090 euros concernait T______ et non l'intimé. L'appelante fait valoir que les déclarations de ce témoin ne seraient pas crédibles et devraient être écartées, dès lors qu'il était un ami de l'intimé. Aucun élément du dossier ne permet toutefois de mettre en doute la force probante de ses déclarations, étant relevé que les relations amicales liant le témoin à l'intimé ne suffisent pas, à elles seules, à affaiblir la crédibilité de son témoignage. En outre, il sera relevé que le témoin N______ a été exhorté à dire la vérité et rendu attentif aux conséquences d'un faux témoignage.

Le fait que la participation de l'intimé à cet événement n'a pas été évoquée dans un rapport interne, une publication scientifique ou encore médiatique, n'est pas déterminant, l'appelante ne soutenant pas que l'intimé n'y aurait pas assisté. Le fait que ce dernier s'y soit rendu en compagnie de son fils n'est pas non plus déterminant, ce dernier étant à cette époque également employé de l'appelante.

Il sera, en outre, relevé qu'initialement l'appelante contestait cette dépense en raison de la conclusion par l'intimé d'un contrat "douteux" avec une société chinoise lors de ce déplacement, ce qui est contradictoire avec le prétendu caractère privé de celui-ci soulevé dans le cadre de la présente procédure.

Dans ces circonstances, les premiers juges étaient fondés à retenir qu'aucun élément du dossier ne permettait de retenir que le déplacement litigieux concernait un voyage privé de l'intimé. Ces derniers ont donc, à bon droit, débouté l'appelante de sa demande en paiement de la somme de 11'090 euros à titre de remboursement des frais du voyage en Afrique du Sud.

6.2.3 I______ SA a également relevé que l'intimé avait, en juillet 2015, accordé un prêt de 10'000 fr. à C______. Ce montant avait, par la suite, été comptabilisé dans un compte de charges de l'appelante avec la mention "C______ Installation of P______ Payment System". I______ SA avait alors conclu que cette opération comptable visait à dissimuler ledit prêt.

Comme retenu par les premiers juges, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'intimé aurait effectué, participé, toléré ou encore été informé, de cette opération comptable, étant rappelé que seule C______ avait accès au logiciel comptable. I______ SA ne met d'ailleurs pas en cause l'intimé à cet égard.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait qu'elle risque de ne pas récupérer les sommes prêtées à C______ – celle-ci n'ayant pas été formellement son employée –, n'est pas pertinent pour établir une quelconque violation contractuelle de la part de l'intimé. L'appelante ne fait d'ailleurs plus valoir, en appel, que ce dernier aurait violé ses obligations contractuelles en accordant des prêts, notamment à C______. En outre, cette dernière a été acquittée des faits relatifs à cette opération comptable, par jugement du Tribunal de police du 25 janvier 2023, ceux-ci n'étant pas établis. Le juge pénal a retenu que le remboursement de ce prêt de 10'000 fr. avait été compensé par le travail que la précitée avait fourni pour l'installation du logiciel P______. Aucun élément au dossier ne justifie de s'écarter des constatations du juge pénal, d'autant plus que celui-ci dispose de moyens d'investigation plus étendus que le juge civil. En outre, les explications fournies par l'employeur de C______ à I______ SA s'agissant de l'installation dudit logiciel sont peu compréhensibles et ne sont, en tout état, étayées par aucune pièce.

Dans ces circonstances, les premiers juges étaient fondés à retenir que la responsabilité de l'intimé ne pouvait pas être engagée et à débouter l'appelante de sa conclusion visant au paiement de la somme de 10'000 fr. à titre de remboursement du prêt accordé à C______.

6.2.4 Enfin, l'appelante reproche aux premiers juges de ne pas avoir retenu qu'elle avait subi une atteinte à son honneur, alors que son image avait été profondément affectée par l'ampleur du scandale médiatique.

Les premiers juges n'ont pas considéré qu'elle n'avait pas subi d'atteinte à son honneur, mais ils ont estimé, à juste titre, qu'elle n'avait pas établi que l'intimé serait à l'origine de cette atteinte. En effet, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'intimé aurait contacté la presse ou contribué d'une quelconque manière à la rédaction des articles litigieux, étant relevé qu'il estime également avoir subi une atteinte à son honneur en raison de ceux-ci.

L'appelante ne peut pas non plus se prévaloir du fait que le scandale médiatique était le résultat direct des agissements de l'intimé, dès lors qu'il n'est pas établi, à satisfaction de droit, que ceux-ci étaient contraires à ses obligations contractuelles. Le fait que l'intimé ait présenté sa démission à la suite de la parution des articles litigieux n'est pas pertinent et ne saurait constituer un quelconque aveu d'une violation contractuelle ayant eu pour conséquence de porter atteinte à l'honneur de l'appelante. Ces articles ne traitent d'ailleurs pas que des agissements de l'intimé, mais également de l'influence directe du pouvoir russe sur l'appelante. L'enquête de la G______ mentionne, en outre, que les défaillances relatives au fonctionnement de l'appelante étaient connues de la Suisse depuis 2009, soit avant la nomination de l'intimé. De plus, il ressort de l'article publié par la G______ en juillet 2020 et de celui paru dans D______ en octobre 2024 que les problématiques de gestion de l'appelante ont perduré après la démission de l'intimé, de sorte que celles-ci ne lui sont pas imputables.

Les premiers juges étaient ainsi fondés à débouter l'appelante de sa conclusion visant au paiement de la somme de 20'000 fr. à titre d'indemnité pour atteinte à son honneur.

7. L'intimé fait grief au Tribunal de ne pas lui avoir alloué d'indemnité pour tort moral.

7.1 L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il doit en particulier manifester les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. Dans une certaine mesure, cette obligation perdure au-delà de la fin des rapports de travail (ATF 130 III 699 consid. 5.1).

Le salarié victime d'une atteinte à sa personnalité contraire à cette disposition du fait de son employeur ou des auxiliaires de celui-ci peut prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions fixées par l'art. 49 al. 1 CO (ATF 130 III 699 consid. 5.1).

Il y a violation de la personnalité notamment lorsque l'honneur d'une personne est terni, lorsque sa réputation sociale et professionnelle est dépréciée. Il n'est pas nécessaire que l'honneur soit effectivement lésé et il suffit que le comportement incriminé soit propre à ternir celui-ci, la perturbation devant toutefois présenter une certaine intensité (ATF 143 III 297 consid. 6.4.2; arrêts du Tribunal
fédéral 4A_506/2023 du 19 février 2015 consid. 3.4.1.1 et 4A_123/2020 du
30 juillet 2020 consid. 4.2).

En cas de violation de l'art. 328 al. 1 CO, l'employé peut prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions de l'art. 49 al. 1 CO. Selon cette disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N'importe quelle atteinte ne justifie pas une indemnité (ATF 125 III 70 consid. 3a); l'atteinte doit revêtir une certaine gravité objective et être ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime de s'adresser au juge afin d'obtenir réparation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_51/2024 du 10 décembre 2024 consid. 5.3.1; 4A_215/2022 du 23 août 2022 consid. 3.1 et 4A_326/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2).

Une indemnité est par exemple due au travailleur qui a été victime, dans l'entreprise de l'employeur, de harcèlement psychologique ou mobbing, lorsque, d'un point de vue objectif, il a subi une humiliation particulièrement sévère
(ATF 125 III 70 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_326/2020 précité consid. 3.2 et 4A_607/2011 du 10 novembre 2011 consid. 3).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si les circonstances justifient une indemnité pour tort moral dans le cas particulier
(ATF 137 III 303 consid. 2.2.2; 129 III 715 consid. 4.4).

7.2 En l'espèce, l'intimé soutient que T______ et W______ étaient à l'origine de la campagne de dénigrement initiée à son encontre, notamment par voie de presse. Les précités étant employés de l'appelante, celle-ci avait violé sa personnalité en portant atteinte à sa réputation professionnelle.

Cela étant, les articles de presse litigieux ont également porté atteinte à la réputation de l'appelante. Les dénonciations de ses employés ont été faites de manière anonyme et aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'elle aurait participé ou cautionné d'une quelconque manière les agissements et ces dénonciations. Dans ces circonstances particulières, les premiers juges étaient fondés à retenir que l'appelante n'était pas responsable du fait que ces accusations avaient été rendues publiques ni de l'atteinte causée à la réputation de l'intimé par voie de presse, dont elle a également été victime.

Le fait que le conseil exécutif a requis, lors de la session du 8 avril 2019, devant tous les représentants des États-membres, la poursuite des procédures judiciaires concernant les "malversations financières, abus de pouvoir et conflits d'intérêts" de l'intimé était certes indélicat, mais ne saurait constituer une atteinte particulièrement grave justifiant l'octroi d'une indemnité pour tort moral, comme retenu par les premiers juges. En effet, compte tenu des accusations formulées à l'encontre de l'intimé dans les articles de presse, il ne saurait être reproché à l'appelante de les avoir évoquées durant une session du conseil exécutif et d'avoir pris des mesures. Le fait que l'intimé n'a pas été entendu par les organes de l'appelante, malgré ses demandes répétées en ce sens, n'est pas pertinent à cet égard.

Par ailleurs, il ressort de l'article paru sur le site internet de S______ le
______ juillet 2020 que l'intimé a retrouvé un emploi de directeur au sein d'une société de N______, ce qui minimise l'atteinte portée à sa réputation professionnelle.

Dans ces circonstances, il ne se justifie pas de condamner l'appelante à verser à l'intimé une indemnité pour tort moral, d'autant plus compte tenu de l'indemnité de départ versée à ce dernier.

8. Par conséquent, compte tenu des considérants 6 et 7 supra, le chiffre 6 du dispositif du jugement entrepris sera confirmé.

9. 9.1 L'appel et l'appel joint étant infondés, il n'y a pas lieu de revoir les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC a contrario).

Les chiffres 7 à 14 du dispositif du jugement attaqué seront donc également confirmés.

9.2 Au regard de la valeur litigieuse supérieure à 50'000 fr., il y a lieu de percevoir des frais judiciaires pour la procédure d'appel (art. 114 let. c cum 116 al. 1 CPC; art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC).

Les frais de l'appel et de l'appel joint seront arrêtés à 4'000 fr. au total (art. 19 al. 3 let. c LaCC; art. 71 RTFMC) et partiellement compensés avec les avances de frais fournies par les parties, soit à raison de 1'750 fr. par l'appelante et de 1'500 fr. par l'intimé, qui restent acquises à l'Etat de Genève à due concurrence (art. 111 al. 1 CPC).

Chacune des parties étant entièrement déboutée de ses conclusions d'appel, respectivement appel joint, et compte tenu de la valeur litigieuse de celles-ci, les frais judiciaires seront mis à raison de 3'000 fr. à la charge de l'appelante et de 1'000 fr. à la charge de l'intimé.

L'appelante sera en conséquence condamnée à verser 1'250 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde de frais et la somme de 500 fr. sera restituée à l'intimé.

Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens, vu la nature prud'homale du litige (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 28 octobre 2024 par la A______ et l'appel joint interjeté le 18 décembre 2024 par B______ contre le jugement JTPH/248/2024 rendu le 25 septembre 2024 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/16258/2019.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel et d'appel joint à 4'000 fr., dit qu'ils sont partiellement compensés par les avances versées par les parties, acquises à l'Etat de Genève, et les met à raison de 3'000 fr. à charge de la A______ et de 1'000 fr. à charge de B______.

Condamne la A______ à verser 1'250 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 500 fr. à B______.

Dit qu'il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Pierre-Alain L'HÔTE, Madame Filipa CHINARRO, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.