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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/15071/2020

CAPH/87/2023 du 03.07.2023 sur JTPH/175/2022 ( OS ) , REFORME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15071/2020-4 CAPH/87/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 3 JUILLET 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 9 juin 2022 (JTPH/175/2022), comparant par Me Serge FASEL, avocat, FBT Avocats SA, Rue du 31-Décembre 47, Case postale 6120, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Francesco LA SPADA, avocat, Rue De-Beaumont 3, Case postale 24, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement du 9 juin 2022, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevable la demande formée le 4 mai 2021 par B______ contre A______ SA (ch. 1 du dispositif) et condamné A______ SA à verser à B______ la somme brute de 5'000 fr., avec intérêts moratoires à 5% l’an dès 31 juillet 2020 (ch. 2), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions légales et usuelles (ch. 3), condamné A______ SA à verser à B______ la somme nette de 44'646 fr., avec intérêts moratoires à 5% l’an dès 31 juillet 2020 (ch. 4), dit que la procédure était gratuite et qu’il n’était pas alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).

B.            a. Par acte déposé à la Cour de justice le 6 juillet 2022, A______ SA a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu, avec suite de frais, à son annulation et, cela fait, à ce qu'il soit constaté que le licenciement de B______ n'était pas abusif, subsidiairement, à l'annulation du ch. 4 du dispositif du jugement attaqué à la réduction du montant octroyé à la précitée à titre de licenciement abusif.

b. B______ a conclu, principalement, au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. A______ SA est une société de droit suisse dont le but est la fourniture de conseils et services entrant dans le cadre [de] ______, la constitution et la gestion de sociétés et de ______; son siège est à Genève.

C______ en est l'administrateur et dispose de la signature individuelle.

b.a B______, née en 1987, a été engagée par A______ SA en qualité d’assistante administrative, à 100%, à partir du 1er juillet 2011, par contrat de travail à durée indéterminée daté du 22 juin 2011.

Le salaire annuel convenu était de 62'400 fr. brut, versé treize fois l’an (soit 4'800 fr. bruts par mois).

b.b Par avenant au contrat de travail du 4 mars 2014, B______ a été nommée trust officer junior dès le 1er mars 2014 et son salaire mensuel brut a été augmenté à 6'500 fr., versé treize fois l’an.

Dès le 1er janvier 2018, son salaire mensuel brut s'est élevé à 6'868 fr.

b.c B______ a perçu les sommes brutes suivantes à titre de bonus: 5'272 fr. pour l’année 2014, 3'163 fr. pour l’année 2015, 5'334 fr. 30 pour l’année 2016 et 7'467 fr. 95 pour l’année 2017.

Lors de chaque versement, A______ SA a remis un courrier à B______ indiquant le montant du bonus, et précisant qu’il n’était pas contractuel et était donc exceptionnel.

c.a En octobre 2017, B______ a annoncé sa grossesse à C______.

c.b B______ s'est trouvée en incapacité de travail à 20% du 19 février au 28 février 2018, puis à 40% du 1er mars au 8 avril 2018. Dès le 9 mars 2018, elle a été en incapacité de travail totale.

B______ a été en congé maternité du 4 mai au 23 août 2018.

Ayant ensuite pris ses vacances et suivi une formation, entre le 24 août et le 5 octobre 2018, elle a repris ses fonctions le 8 octobre 2018.

c.c Dès le 1er mars 2018, A______ SA a engagé D______, pour une durée indéterminée, afin de remplacer B______ durant son congé maternité.

d. Par courriel du 11 octobre 2018, C______ a adressé à tous les employés, un règlement du personnel avec entrée en vigueur le même jour.

Ledit règlement prévoyait notamment un droit aux vacances de 25 jours par an dès la quatrième année de service. S’agissant du bonus, il était prévu que la décision d'en verser et la fixation du montant étaient soumises à l’entière discrétion de l’employeur, lequel pouvait tenir compte du résultat de l’entreprise, de la prestation individuelle et du comportement de l’employé. Il était en outre spécifié que le bonus ne faisait pas partie du salaire contractuel.

e.a Le 11 octobre 2018, B______, D______, E______, responsable des ressources humaines, et C______ se sont entretenus dans le but de faire un point de situation sur l’état des dossiers de B______.

e.b La question de l’aménagement des horaires de travail de cette dernière pour allaiter a été abordée durant ledit entretien. Entre le 15 et le 29 octobre 2018, B______ a eu des échanges de courriels avec C______ et E______ sur ce point. Il a finalement été convenu, le 29 octobre 2018, qu’elle pourrait bénéficier d'une heure trente par jour pour l'allaitement de son enfant.

f.a Une réunion s'est tenue le 4 avril 2019. Selon E______, C______ lui avait expliqué que des collègues s'étaient plaints de ce que B______ parlait trop et les empêchait de travailler, ce qu'il avait expliqué lors de ladite réunion. B______ lui avait alors dit qu'elle la détestait et qu'elle lui interdisait de parler de son salaire à ses collègues. Elle-même avait contesté et avait demandé à C______ de faire venir d'abord quatre, puis tous les employés qu'elle avait interrogés. Aucun n'avait confirmé les dires de B______. Cette dernière lui avait alors dit qu'elle lui souhaitait la pire des mort à elle et à ses enfants.

Concernant l’altercation verbale survenue le 4 avril 2019 entre B______ et E______, F______, D______ et G______ ont confirmé que presque l’intégralité du personnel de A______ SA avait été convié à une réunion et que la responsable des ressources humaines avait tenu des propos choquants à l’endroit de B______. Selon D______, E______ avait insulté B______ devant tous les collaborateurs. Celle-ci n’avait pas répondu et avait pleuré. C______ n’avait pas réagi lors de cet épisode, ce qu'a également confirmé le témoin E______.

f.b Par courriel du 5 avril 2019 adressé à C______ et E______, B______ s'est plainte des attaques qu'elle subissait de la part de E______ depuis plusieurs mois. Elle appréciait de travailler pour A______ SA mais déplorait l'attitude de la précitée à son égard. Elle avait toujours entretenu de bonnes relations avec ses collègues de travail. Elle demandait que la responsable des ressources humaines ne divulgue plus de données personnelles la concernant et qu’elle la consulte directement en cas de plainte d’autres collaborateurs.

g. Par courriel du 6 avril 2019 adressé à C______, E______ lui a expliqué qu’elle avait entendu de certains collègues que B______ aurait tenu des propos intolérables à son sujet et qu’elle tentait de manipuler ses collègues contre elle. Les propos diffamatoires et menaces à son égard persistaient.

h. Par courriel du 9 avril 2019, E______ a informé C______ que B______ modifiait ses horaires de travail dans le système informatique.

i. B______ a obtenu son diplôme en gestion fiduciaire internationale, intitulé STEP, le 18 avril 2019.

j. Faisant suite à une conversation du 24 mai 2019, B______ a confirmé à C______, par courriel du 14 juin 2019, sa volonté d’obtenir une augmentation de salaire au vu de du diplôme qu'elle avait obtenu, rappelant son parcours au sein de A______ SA et son investissement.

C______ lui a répondu que le moment n'était pas opportun pour une telle demande au vu de la situation financière difficile à laquelle A______ SA faisait face à ce moment-là. Elle avait été attraite devant la justice française dans le cadre de deux affaires importantes impliquant de ses clients et elle risquait une amende de plusieurs millions. Elle avait perdu plusieurs clients importants et avait dû investir dans un nouveau logiciel afin de se conformer aux nouvelles réglementations.

k. Par courrier du 18 juin 2019, A______ SA a résilié les rapports de travail de B______ pour le 31 août 2019, pour des raisons économiques selon ce qui était indiqué.

Une employée en qualité d'assistante de trust officer a également été licenciée en août 2019 pour "raison économique".

l.a Par courriel du 24 juin 2019, C______ a annoncé l’engagement de H______ dès le 1er juillet 2019, au sein de A______ SA, précisant que le personnel avait été réduit pour des raisons économiques, que son taux d’activité ne serait dès lors que de 60% et qu’elle reprendrait principalement les dossiers de B______. Il a aussi précisé que la société avait perdu certains mandats importants et qu’elle continuait d’en perdre.

Lors de son audition devant le Tribunal, H______ a expliqué que A______ SA avait initialement prévu de l’engager en tant qu’assistante des trust officers. Finalement, il avait été convenu qu’elle occuperait un poste de trust officer et qu’elle reprendrait la gestion des dossiers de B______. Elle n’avait pas de diplôme STEP, ni de diplôme comptable. Lors de son engagement, son salaire mensuel brut s’élevait à 5'700 fr.

l.b Par courriel du 27 juin 2019, C______ a annoncé aux employés de A______ SA que I______, comptable depuis 10 ans au sein de celle-ci, devenait directeur avec effet immédiat.

m. Par courrier du 26 août 2019 adressé à A______ SA, B______ a formé opposition à son congé.

B______ s'est trouvée en arrêt de travail pour cause de maladie du 28 août 2019 au 31 janvier 2020.

n. Par requête de conciliation déposée le 31 juillet 2020, B______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 50'645 fr. 45.

A la suite de l'échec de la tentative de conciliation, par demande simplifiée déposée au greffe du Tribunal des prud’hommes le 4 mai 2021, B______ a assigné A______ SA en paiement de la somme totale de 53'038 fr. 22.

Ladite somme se décompose comme suit, les deux premiers montants n'étant plus litigieux, A______ SA les ayant payés:

-     1'940 fr. 85 net, plus divers intérêts moratoires, à titre de différence de salaire de mars, avril, mai et août 2018 ;

-     1'455 fr. 37 brut, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 juillet 2020, à titre d’indemnité pour vacances non prises ;

-     44'642 fr. net, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 juillet 2020, à titre d’indemnité pour licenciement abusif ;

-     5'000 fr. net, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 mars 2020, à titre de bonus pour l’année 2018.

A l'appui de ses conclusions, B______ a, en substance, allégué ne pas avoir perçu de bonus pour l’année 2018 du seul fait de son congé maternité, ce qui était constitutif d’une discrimination. En effet, elle avait perçu un bonus chaque année depuis qu’elle avait été nommée trust officer junior en 2014 et tous les autres employés de A______ SA avaient perçu un bonus pour l’année 2018. Le motif de la résiliation de son contrat n’était pas économique, vu l'engagement de personnels intervenu suite à la résiliation de son contrat. Son licenciement était lié à sa maternité. Une altercation s'était produite le 4 avril 2019 en présence de C______ et E______ lors de laquelle des reproches injustifiés avaient été formulés à son encontre par celle-ci. Elle avait consulté un médecin le 5 avril 2019 lequel lui avait prescrit un arrêt de travail, mais elle était tout de même retournée travailler le lendemain sans présenter son certificat médical à son ancien employeur.

o. Dans sa réponse du 9 juillet 2021, A______ SA a conclu au déboutement de B______ de ses conclusions en paiement pour licenciement abusif et en paiement du bonus pour l'année 2018.

Elle a notamment allégué que B______ n’avait pas perçu de bonus pour l’année 2018 en raison de ses longues absences et de ses relations de travail peu harmonieuses avec ses collègues. Quant au licenciement de celle-ci, il était intervenu pour des raisons économiques en lien avec une réorganisation et n’était nullement lié à sa maternité dans la mesure où elle était revenue depuis neuf mois au moment de la résiliation de son contrat. L’attitude de B______ avait été indolente au cours des derniers mois de collaboration. Son ancienne employée avait modifié ses horaires de travail dans le système informatique, faisant croire qu’elle effectuait plus d’heures. Par ailleurs, le traitement de certains dossiers était approximatif. D’autres postes avaient également été supprimés en août 2019 et la nomination du nouveau directeur n’avait pas été accompagnée d’une augmentation de salaire. Enfin, la remplaçante de B______, H______, avait été engagée à 60%, et était au bénéfice d’une plus grande expérience dans le domaine des trusts et des sociétés. La société avait ainsi fait une économie de 40% au niveau de la rémunération.

p. Dans ses déterminations sur la réponse adressée au Tribunal des prud’hommes le 30 août 2021, B______ a en substance allégué avoir toujours montré sa motivation, s'être tenue à disposition de A______ SA durant son arrêt maladie et indiqué que sa remplaçante était mieux payée qu’elle.

q. Les parties ont été entendues par le Tribunal.

q.a B______ a expliqué qu'à partir de son retour de congé maternité, les relations avec E______ avaient été très mauvaises. L’aménagement de ses horaires de travail qui lui avait été accordé pour allaiter du 8 octobre 2018 au 4 mai 2019 n’avait pas aidé à améliorer lesdites relations.

Elle n’avait toujours pas retrouvé d’emploi et était toujours au bénéfice d’indemnités journalières de l’assurance-chômage, jusqu’au mois d’août 2022. Ensuite, elle devrait s'adresser à l’Hospice général. C______ savait, quand il l'avait licenciée, que son mari ne travaillait pas depuis huit ans et qu'il la mettait dans une situation financière périlleuse.

q.b A______ SA, soit pour elle C______, a expliqué qu’aucun bonus n’avait été versé à B______ pour 2018 dans la mesure où elle avait été absente durant l’année suite à son congé maternité et ses vacances et qu’elle avait effectué une demande d’allégement de ses horaires de travail pour allaiter. Elle était la seule trust officer à ne pas en avoir perçu. S’agissant de l’aménagement de l’horaire de travail pour allaitement, la société n’avait pas connaissance de ce droit avant la requête de B______. Après s’être renseignée, elle avait finalement accepté l’aménagement des horaires de travail conformément à la loi. Quant au motif du licenciement, il était purement économique. L’échange automatique d’informations avait eu pour conséquence une grosse baisse de la clientèle, et ceci depuis 2016. Elle avait engagé J______ en juillet 2019 en qualité de directrice. C______ avait pris sur ses revenus (bonus et dividendes) pour la payer. H______, qui avait remplacé B______, effectuait un 60% et était davantage qualifiée que celle-ci. Ce poste n’avait pas été proposé à B______ dans la mesure où elle n’aurait pas pu effectuer son travail à ce taux. La différence salariale était de 500 fr. à 1'000 fr. par mois. A______ SA a encore précisé n’avoir aucun reproche à formuler à l’endroit de B______.

r. Le Tribunal a entendu plusieurs témoins.

r.a Les témoins D______ et G______ ont indiqué qu’elles avaient perçu un bonus en 2018. Selon D______, B______ était très professionnelle et ses dossiers étaient parfaitement traités.

r.b Le témoin E______ est employée par K______ SA, une société sœur de A______ SA qui occupe les mêmes locaux; sans être employée par A______ SA, elle s'occupe des affaires de cette dernière, dont elle est office manager. Elle a exposé que B______ avait été remplacée durant son congé maternité. A______ SA était dans une situation délicate et C______ avait décidé de la restructurer. La société avait perdu de nombreux clients à la suite de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'échange de données à la fin de 2017 ou au début de 2018. Elle s'était séparée d'un trust manager et d'une assistante. B______ avait été licenciée pour un motif économique. Les bonus étaient alloués en fonction de la rentabilité des employés. Tous les employés de A______ SA en avaient perçu un en 2018, à l’exception de B______, dans la mesure où elle était en congé maladie, puis en congé maternité une majeure partie de l’année. En contrepartie, elle avait perçu son salaire en intégralité durant son congé maternité. Le témoin a encore expliqué avoir fêté ses 30 ans de service au mois de mai 2019. Un repas avait été organisé par C______, lequel lui avait demandé si elle acceptait que B______ y participe, ce à quoi elle avait répondu positivement pour autant que celle-ci lui présente ses excuses. B______ ayant refusé, elle avait donc été exclue de ce repas. Quand B______ avait présenté sa demande d'aménagement de son horaire de travail pour allaiter, elle avait ressenti beaucoup de pression de la part de celle-ci à ce sujet. Deux employées de K______ SA, L______ et M______, avaient été licenciées à leur retour de congé maternité pour des raisons économiques. Cela étant, elles ne donnaient pas satisfaction dans leur travail.

r.c Le témoin F______, supérieur direct de B______, a expliqué estimer que celle-ci avait toujours effectué son travail de manière satisfaisante, précisant qu’il n’était intervenu ni dans la décision de licenciement, ni dans celle du bonus, qui revenaient aux ressources humaines. La société avait perdu beaucoup de mandats en 2019.

r.d Le témoin N______ a indiqué que le chiffre d’affaires de A______ SA avait baissé de façon constante de 2017 à 2020, passant de 6,6 millions de francs à 5,8 millions de francs, étant resté de 6,3 millions de francs en 2018 et 2019. En 2020, la FINMA avait imposé de nouvelles règles et certains clients avaient quitté A______ SA, ce qui expliquait la baisse du chiffre d'affaires.

Les charges du personnel atteignaient 3,8 millions de francs en 2017, 3,6 millions de francs en 2018 et 4,1 millions de francs en 2019. Le résultat de A______ SA s'était soldé par une perte de 18'800 fr. en 2017- et le bénéfice s'élevait à 1'300 fr. en 2018 et à 115'000 fr. en 2019. L’effectif du personnel était de 18,5 postes à temps complet en 2017, de 16,3 postes en 2018, de 15,7 en 2019 puis de 14,5 en 2020. A______ SA avait pris des mesures dans le but d’assurer sa pérennité.

r.e La témoin M______ a exposé avoir travaillé pour la société K______ SA, laquelle partageait les locaux avec A______ SA et qui dépendait également de C______. En 2014, le jour de son retour de congé maternité, elle avait été licenciée pour des raisons économiques. Elle pensait que son licenciement était dû à sa grossesse.

s. A l’issue de l’administration des preuves, les parties ont plaidé et le Tribunal a gardé la cause à juger.

t. Dans son jugement du 9 juin 2022, le Tribunal a relevé que B______ avait été remplacée, certes à un taux et à un coût moins élevé, mais que le salaire à un taux de 100% de H______ s’élèverait à 9'500 fr. brut par mois, soit à une somme bien plus élevée que le salaire de B______ alors que A______ SA prétendait avoir licencié son ancienne employée pour des raisons économiques. De plus, J______ avait été engagée en qualité de directrice durant l’été 2019 et un autre employé, I______, avait été promu directeur dès juillet 2019. A______ SA n’avait pas prouvé avoir diminué ses charges de personnel, puisque le témoin N______ avait déclaré qu’elles avaient augmenté de 300'000 fr. entre 2018 et 2019 et que le bénéfice de A______ SA se montait à 1'300 fr. en 2018 et à 115'000 fr. en 2019.

B______ avait été licenciée quatre jours après avoir demandé une augmentation de salaire, afin de prendre en considération son nouveau diplôme STEP, alors que cela faisait presque huit années qu’elle travaillait au sein de la société et que son travail avait toujours donné satisfaction et qu’elle n’avait jamais reçu d’avertissement.

A son retour de congé maternité, B______ avait été confrontée à un changement d’attitude de la direction à son égard et les relations avec la responsable des ressources humaines s'étaient tendues à un point extrême. B______ ayant été humiliée, devant les autres collaborateurs de l’entreprise, par les propos insultants de la part de la responsable des ressources humaines, et ceci, sans que A______ SA n’intervienne de quelque façon que ce soit pour faire cesser ces agissements inadmissibles; elle s'est vue mise à l’écart lors d’un repas d'entreprise auquel tous les collaborateurs de A______ SA étaient été présents.

Au vu des éléments qui précèdent, le Tribunal a considéré que A______ SA n'avait pas apporté le moindre début de preuve de l'existence du motif économique invoqué. Le licenciement était dès lors abusif.

Ce licenciement avait particulièrement affecté B______, vu son suivi médical, ce d’autant plus qu’elle n’avait toujours pas retrouvé d’emploi, de sorte que le paiement d'une indemnité pour licenciement abusif de six mois se justifiait.

Enfin, il était évident que c’était en raison de la grossesse et de l'absence de son ancienne employée durant son congé maternité que A______ SA avait décidé de ne pas lui verser de bonus pour 2018. Cette posture était manifestement discriminatoire. Quand bien même le règlement du personnel prévoyait que le bonus était laissé à l’entière discrétion de l’employeur et qu’il ne faisait pas partie du salaire contractuel, tous les employés de A______ SA en avaient perçu un pour l’année 2018. Il était donc particulièrement choquant et discriminatoire que B______ n’en ait pas bénéficié.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC), dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC) et celle-ci est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 cum 247 al. 2 let. b ch. 2 et 58 CPC).

2. L'appelant a allégué des faits que l'intimée qualifie de nouveaux et elle soutient qu'ils sont irrecevables.

2.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Ces conditions sont cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1 et la référence).

S'agissant des pseudo nova (unechte Noven), soit ceux qui existaient déjà au début des délibérations de première instance, il appartient au plaideur qui entend les invoquer devant l'instance d'appel de démontrer qu'il a fait preuve de la diligence requise, ce qui implique notamment d'exposer précisément les raisons pour lesquelles le fait ou le moyen de preuve n'a pas pu être introduit en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1; 143 III 42 consid. 4.1). Dans le système du CPC, tous les faits et moyens de preuve doivent en principe être apportés dans la procédure de première instance; la diligence requise suppose donc qu'à ce stade, chaque partie expose l'état de fait de manière soigneuse et complète et qu'elle amène tous les éléments propres à établir les faits jugés importants (arrêts du Tribunal fédéral 5A_756/2017 du 6 novembre 2017 consid. 3.3; 5A_445/2014 du 28 août 2014 consid. 2.1; 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1).

2.2 L'appelante a allégué devant la Cour qu'elle avait constitué des réserves patronales à hauteur de 500'000 fr., raison pour laquelle les charges de personnel avaient augmenté de ce montant en 2019; elle se réfère à cet égard au procès-verbal d'audition de N______ devant le Tribunal. Ledit procès-verbal ne comporte toutefois pas la mention de ces réserves patronales. Le fait que le conseil de l'intimée ait consulté les comptes de l'appelante dans lesquels figurerait la mention desdites réserves ne dispensait pas l'appelante d'alléguer ce fait.

Il s'agit d'un fait nouveau, et partant irrecevable dans la mesure où il aurait pu être allégué devant le Tribunal.

3. L'appelante conteste que le congé puisse être qualifié d'abusif.

3.1
3.1.1 Chaque partie peut décider unilatéralement de mettre fin à un contrat de travail de durée indéterminée (art. 335 al. 1 CO). Ce droit est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO). L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive. Cette liste n'est pas exhaustive; elle concrétise avant tout l'interdiction générale de l'abus de droit. Un congé peut donc se révéler abusif dans d'autres situations que celles énoncées par la loi; elles doivent toutefois apparaître comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément envisagées (ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 514 s.;
132 III 115 consid. 2.1 p. 116; 131 III 535 consid. 4.2 p. 538).

Ainsi, le caractère abusif du congé peut résider dans le motif répréhensible qui le sous-tend, dans la manière dont il est donné, dans la disproportion évidente des intérêts en présence, ou encore dans l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but (ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 515; 132 III 115 consid. 2.2 et 2.4).

Pour dire si un congé est abusif, il faut se fonder sur son motif réel. Déterminer le motif d'une résiliation est une question de fait (ATF 136 III 513 consid. 2.3; arrêt 4A_652/2018 précité consid. 4.1). En revanche, savoir si le motif ainsi établi donne lieu à un congé abusif ou non relève du droit (arrêts 4A_266/2020 du 23 septembre 2020 consid. 3.1; 4A_310/2019 précité consid. 5.2).

3.1.2 Un motif économique constitue un intérêt digne de protection qui exclut généralement de considérer que le congé est abusif. Des motifs économiques peuvent se définir comme des motifs non inhérents à la personne du salarié, c'est-à-dire des raisons liées à la situation économique de l'entreprise, comme sa fermeture totale ou partielle, sa restructuration ou sa rationalisation, qui rendent nécessaires la suppression ou la modification de postes de travail (CAPH/46/2007 du 14 mars 2007 publié in JAR 2008 p. 386). Pour être digne de protection, le motif économique doit dépendre d'une certaine gêne de l'employeur, ce qui exclut la seule volonté d'augmenter les profits. En principe, la mauvaise marche des affaires, le manque de travail ou des impératifs stratégiques commerciaux constituent des motifs économiques admissibles (ATF 133 III 512 consid. 6.2, JdT 2008 I 29; arrêt du Tribunal fédéral 4A_190/2011 du 6 juin 2011 consid. 2.4). Ainsi en va-t-il lorsque l'entreprise se trouve dans une situation financière difficile, en raison d'un recul des commandes, et qu'elle ne peut plus assumer le paiement des salaires convenus (arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2011 du 23 février 2012 consid. 2.3.3). L'employeur a le droit d'anticiper des difficultés prévisibles dans la marche des affaires; il n'a pas besoin d'attendre d'être dans des difficultés économiques pour prendre les mesures de restructuration qui s'imposent (ATF 133 III 512 consid. 6.3, JdT 2008 I 29; Dunand, in Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 88 et 90 ad art. 336 CO).

Des motifs économiques peuvent être invoqués lorsqu'ils ne constituent pas un prétexte. Ainsi, la résiliation n'est pas abusive lorsque le poste du travailleur est effectivement supprimé ou que celui-ci n'a pas été (même indirectement) remplacé par un employé nouvellement engagé (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 802).

3.1.3 Lorsque le caractère difficile d'un travailleur engendre une situation conflictuelle dans l'entreprise, préjudiciable à l'accomplissement du travail, l'employeur ne peut licencier ce travailleur qu'après avoir introduit sans succès les autres mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui en vue d'améliorer la situation, telles que des modifications de son organisation ou des instructions adressées aux autres travailleurs. L'art. 328 al. 1 CO impose à l'employeur de respecter et de protéger la personnalité du travailleur; si l'employeur omet ces mesures ou s'il se contente de démarches insuffisantes et qu'il procède néanmoins au licenciement, il viole son obligation de protéger la personnalité du travailleur et le licenciement est alors abusif. En raison de la finalité du droit de résiliation, d'une part, et de la disproportion des intérêts en présence, d'autre part, le licenciement peut également être tenu pour abusif lorsqu'il répond à un motif de simple convenance personnelle de l'employeur (ATF 132 III 115 consid. 2 p. 116; ATF 131 III 535 consid. 4 p. 537; 125 III 70 consid. 2 p. 72).

L'abus n'est pas obligatoirement inhérent au motif de la résiliation; il peut également surgir dans ses modalités. La partie qui veut mettre fin au contrat, même pour un motif légitime, doit exercer son droit avec des égards et s'abstenir de tout comportement biaisé ou trompeur. Une violation manifeste du devoir imposé par l'art. 328 al. 1 CO, en relation avec le licenciement, peut caractériser l'abus. Par contre, un comportement de l'employeur simplement discourtois ou indélicat est insuffisant car il ne ressortit pas à l'ordre juridique de sanctionner ces attitudes (ATF 132 III 115 consid. 2; ATF 131 III 535 consid. 4; 125 III 70 consid. 2).

3.1.4 En application de l'art. 8 CC, c'est en principe à la partie qui a reçu son congé de démontrer que celui-ci est abusif (ATF 130 III 699 consid. 4.1,
SJ 2005 I 152; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 précité consid. 2.2.2).

En ce domaine, la jurisprudence a tenu compte des difficultés qu'il pouvait y avoir à apporter la preuve d'un élément subjectif, à savoir le motif réel de celui qui a donné le congé. Le juge peut ainsi présumer en fait l'existence d'un congé abusif lorsque l'employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel et mensonger le motif avancé par l'employeur et que celui-ci ne parvient pas à en apporter la confirmation. Si elle facilite la preuve, cette présomption de fait n'a pas pour résultat d'en renverser le fardeau. Elle constitue, en définitive, une forme de "preuve par indices". De son côté, l'employeur ne peut rester inactif; il n'a pas d'autre issue que de fournir des preuves à l'appui de ses propres allégations quant au motif du congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_92/2017 précité consid. 2.2.2).

3.2 En l'espèce, l'appelante a justifié le licenciement de l'intimée par un motif économique.

Elle a exposé perdre des clients depuis 2016, de sorte qu'il ne s'agissait pas d'une situation nouvelle lorsqu'elle a licencié l'intimée en 2019. L'appelante a certes réalisé un bénéfice de 1'300 fr. seulement en 2018. Ses résultats avaient toutefois encore été moins bons l'année précédente puisqu'elle avait subi une perte de 18'800 fr. en 2017, mais elle n'explique pas qu'elle aurait alors pris des mesures particulières pour remédier à cette situation. Elle a également exposé qu'elle avait été attraite devant la justice française dans le cadre de deux affaires importantes impliquant de ses clients et qu'elle risquait une amende de plusieurs millions; elle avait par ailleurs investi dans un logiciel coûteux. Si l'intimée n'a pas contesté ces allégations, il n'est en revanche pas possible de savoir à quel point le risque d'amende était concret et si le coût du logiciel était à ce point élevé qu'il nécessitait de faire des économies sur d'autres postes, tel celui des salaires.

Au surplus, alors qu'elle soutient qu'elle a dû se séparer de l'intimée pour des motifs économiques, l'appelante a engagé une nouvelle employée en qualité de trust officer dès le 1er juillet 2019, laquelle a repris les dossiers de l'intimée et effectue donc les mêmes tâches que celle-ci. Le taux de cette nouvelle employée est certes inférieur à celui de l'intimée. Cela étant, alors que son taux d'activité est 40% inférieur, le salaire cette employée n'est inférieur que de 17% par rapport à celui de l'intimée. Ainsi, même si elle a repris un peu plus de 60% des dossiers de l'intimée, il n'apparaît pas que l'opération procure une véritable économie à l'appelante. Les charges de personnel ont d'ailleurs augmenté entre 2018 et 2019. L'allégation de l'appelante selon laquelle cette augmentation est due à la constitution de réserves patronales à hauteur de 500'000 fr. est irrecevable (cf. supra consid. 2.2) et elle n'est, en tout état de cause, pas étayée par d'autres éléments figurant à la procédure.

L'appelante n'explique par ailleurs pas qu'elle aurait proposé à l'intimée de réduire son taux d'occupation, ce qu'elle aurait pu faire si seul l'aspect financier était problématique, étant relevé que le fait que l'intimée ait sollicité une augmentation de salaire ne signifiait pas nécessairement qu'elle aurait refusé de réduire son taux d'activité, mais qu'elle souhaitait une revalorisation de sa rémunération à la suite de l'obtention de son diplôme en gestion fiduciaire internationale.

A l'inverse, il peut être relevé qu'après le retour de congé maternité de l'intimée, de vives tensions sont apparues entre elle et E______, responsable des ressources humaines. Celles-ci se sont en particulier manifestées lors d'une réunion qui s'est tenue le 4 avril 2019, lors de laquelle des reproches ont été adressés à l'intimée sur son attitude au travail et les échanges verbaux entre le deux précitées ont été particulièrement vifs. Aucune n'a souhaité présenter d'excuse à l'autre et l'intimée a été exclue d'un repas qui a eu lieu en mai 2019 à l'occasion des 30 ans de service de E______. Cette dernière a par ailleurs signalé à C______, le 9 avril 2019, que l'intimée modifierait ses horaires de travail dans le système informatique. L'appelante adresse par ailleurs divers reproches à l'appelante, relevant dans son appel que si les prestations de l'intimée étaient satisfaisantes, son attitude, au vu des éléments précités, n'était pas adéquate et qu'elle dégradait l'ambiance au travail, ce qui n'est pas établi. Enfin, d'autres employées ont été licenciées à leur retour de congé maternité "pour des raisons économiques". A cela s'ajoute que l'intimée avait, quatre jours avant son licenciement, sollicité une augmentation de salaire à la suite de l'obtention d'un diplôme. Le congé apparaît donc fondé sur d'autres motifs que celui invoqué.

En définitive, au vu de l'ensemble des circonstances, la réalité du motif invoqué à l'appui du licenciement n'est pas avérée et les reproches formulés à l'encontre de l'intimée ne sont pas démontrés. Le congé doit être qualifié d'abusif et le jugement attaqué sera confirmé à cet égard.

4. L'appelante conteste le montant de l'indemnité allouée à l'intimée.

4.1 Selon l'art. 336a al. 1 et 2 CO, la partie qui a résilié abusivement doit à l'autre une indemnité à fixer par le juge et correspondant à six mois de salaire au plus. Le montant doit être évalué selon les règles du droit et de l'équité, conformément à l'art. 4 CC.

L’indemnité en raison du congé abusif a une double finalité, punitive et réparatrice (ATF 132 II 115 consid. 5.6, trad. in JdT 2006 I p. 152; arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2017 du 25 juillet 2018 consid. 4.1). Par sa fonction punitive, elle exerce, ou devrait exercer, un effet préventif, alors que, par sa fonction réparatrice, elle devrait atténuer pour le travailleur l'impact de la résiliation (Bruchez/Mangold/Schwaab, Commentaire du contrat de travail, 4ème éd. 2019, n. 2 ad art. 336a CO, p. 389). La finalité en partie réparatrice de l’indemnité résulte des mots mêmes utilisés par le législateur pour la désigner ("indemnité"); elle découle aussi du fait que cette indemnité est versée non pas à l’État, comme une amende pénale, mais à la victime elle-même. L’indemnité ne représente pas des dommages-intérêts au sens classique, car elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve aucun dommage; revêtant un caractère sui generis, elle s’apparente à la peine conventionnelle (ATF 123 III 391 consid. 3).

Selon la jurisprudence, le juge doit notamment tenir compte de la gravité de la faute de l'employeur, de la manière dont le licenciement a été donné, de la gravité de l'atteinte à la personnalité du travailleur, de l'intensité et de la durée des rapports de travail, des effets économiques du licenciement, de l'âge et de la situation personnelle du travailleur, des conditions existantes sur le marché du travail, de la situation économique des parties, d'une éventuelle faute concomitante du travailleur licencié (arrêt du Tribunal fédéral 4A_166/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.1 ; Bruchez/Mangold/Schwaab, op. cit., n. 3 ad art. 336a CO, pp. 390 s.; Dunand, op. cit., n. 14 ad art. 336a CO, p. 692 et les réf. citées).

4.2 En l'espèce, le Tribunal a motivé l'octroi d'une indemnité pour licenciement abusif équivalent à six mois de salaire, soit le maximum légal, par le fait que son licenciement avait particulièrement affecté l'intimée, vu son suivi médical, ce d’autant plus qu’elle n’avait toujours pas retrouvé d’emploi. L'appelante soutient que d'autres motifs n'ont pas été pris en compte par le Tribunal qui auraient dû le conduire à fixer une indemnité moindre.

Le Tribunal a en effet mentionné des circonstances pertinentes pour la fixation de l'indemnité pour licenciement abusif, étant relevé que les raisons pour lesquelles l'appelante n'a pas retrouvé d'emploi ne sont pas précisément connues. L'appelante relève en outre avec raison que certaines autres circonstances n'ont pas été évoquées. A cet égard, il convient de mentionner que l'intimée était jeune (32 ans) à la date du licenciement. Son cas se distingue donc dans une assez large mesure de celui de l'employé licencié peu de temps avant sa retraite, après avoir effectué l'ensemble de sa carrière dans l'entreprise. Un élément à prendre également en compte est le niveau de formation de l'intimée, qui peut être qualifié de bon puisqu'elle dispose d'un diplôme en gestion fiduciaire internationale, ce qui devrait favoriser ses chances de retrouver un emploi avec un salaire comparable, même si elle n'a pas encore retrouvé de travail.

Ainsi, en tenant compte des diverses finalités de l'indemnité et de l'ensemble des éléments pertinents pour fixer sa quotité, l'indemnité allouée, qui correspond au maximum légal, est excessive. Une indemnité de 30'000 fr., correspondant à environ quatre mois de salaire, sera octroyée, laquelle représente une somme non négligeable, tant pour l'appelante qui doit s'en acquitter que pour l'intimée qui la reçoit.

Le ch. 4 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors modifié en conséquence.

5. L'appelante conteste que le Tribunal pouvait allouer la somme de 5'000 fr. à l'intimée à titre de bonus et invoque une violation de l'art. 322d CO.

5.1 La gratification, aux termes de l'art. 322d al. 1 CO, est une rétribution spéciale que l'employeur accorde en sus du salaire à certaines occasions telles que Noël ou la fin de l'exercice annuel. Lorsque la gratification est entièrement facultative, en ce sens que son versement n'a pas été convenu, que ce soit expressément ou par actes concluants, l'employé n'y a alors pas droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_714/2016 du 29 août 2017 consid. 3.2.2.2).

L'art. 3 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) prévoit qu'il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse (al. 1); l’interdiction de toute discrimination s’applique notamment à l’embauche, à l’attribution des tâches, à l’aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail (al. 2). L’existence d’une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable; cette disposition s’applique à l’attribution des tâches, à l’aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail (art. 6 LEg).

5.2 En l'espèce, l'intimée a régulièrement perçu entre 2014 et 2017 un bonus, même s'il avait été à chaque fois précisé qu'il n’était pas contractuel et était donc exceptionnel. Le règlement du personnel adopté en 2018 précisait également que la décision de verser un bonus et la fixation du montant étaient soumises à l’entière discrétion de l’employeur, lequel pouvait tenir compte du résultat de l’entreprise, de la prestation individuelle et du comportement de l’employé.

En 2018, tous les employés ayant la même fonction de trust officer que l'intimée ont reçu un bonus, sauf cette dernière. L'appelante a justifié ce non versement par le fait que l'intimée avait été absente durant l’année suite à son congé maternité et ses vacances.

L'appelante n'a pas rendu vraisemblable que tous les employés ayant reçu un bonus en 2018 n'avaient jamais été absents. Ils ont vraisemblablement, à tout le moins, pris des vacances cette année-là, de sorte que cette circonstance n'est pas pertinente. De plus, si l'intimée n'a pas pu travailler une partie de l'année 2018, c'est en raison d'une incapacité de travail, partielle puis totale, puis de son congé maternité. Le refus du bonus, qui a été versé à tous les autres employés exerçant la même fonction que l'intimée, est donc dû à sa maternité, ce qui est discriminatoire au sens de la loi sur l'égalité. L'allocation d'un bonus est certes laissée à l'appréciation de l'employeur. Cela étant, il peut être déduit des explications de l'appelante que si l'intimée n'avait pas été absente en raison de son congé maternité, elle aurait reçu un bonus.

Le fait que l'intimée ait par ailleurs reçu 100% de son salaire durant son congé maternité n'est pas déterminant dans la mesure où l'appelante ne peut se prévaloir de cette prestation volontaire pour justifier par ailleurs une inégalité de traitement.

C'est donc sans violer le droit que le Tribunal a condamné l'appelante à verser à l'intimée la somme brute de 5'000 fr., avec intérêts moratoires à 5% l’an dès 31 juillet 2020.

6. Aux termes de l’art. 114 let. a CPC, il n’est pas perçu de frais judiciaires dans les litiges relevant de la LEg, indépendamment de la valeur litigieuse, ni alloué de dépens (art. 116 al. 1 CPC et art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par A______ SA conte le jugement rendu le 9 juin 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/15071/2020.

Au fond :

Annule le ch. 4 de son dispositif et, cela fait, statuant à nouveau sur ce point:

Condamne A______ SA à verser à B______ la somme nette de 30'000 fr., avec intérêts moratoires à 5% l’an dès 31 juillet 2020.

Confirme ce jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.