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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/16879/2020

CAPH/30/2023 du 16.03.2023 sur JTPH/243/2022 ( OO ) , REFORME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16879/2020-1 CAPH/30/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU JEUDI 16 MARS 2023

 

Entre

A______ AG, sise ______ (SO), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 3 août 2022 (JTPH/243/2022), comparant par Me Christian GIAUQUE, avocat, rue Beau-Séjour 11, case postale 530, 1001 Lausanne, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par le syndicat C______, ______, auprès duquel il fait élection de domicile,

CAISSE DE CHÔMAGE C______, sise ______ [GE], partie intervenante, comparant en personne,


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/243/2022 du 3 août 2022, reçu par A______ AG le lendemain, le Tribunal des prud'hommes, statuant par voie de procédure ordinaire, a déclaré recevable la demande formée le 28 janvier 2021 par B______ contre A______ AG (chiffre 1 du dispositif), déclaré recevable la demande d'intervention formée le 21 avril 2022 par la CAISSE DE CHÔMAGE C______ (ch. 2), condamné A______ AG à verser à B______ 43'093 fr. 55 bruts avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 5 février 2020, sous déduction de 5'965 fr. 35 nets avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 12 novembre 2020 dus à la CAISSE DE CHÔMAGE C______ (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales usuelles (ch. 4), condamné A______ AG à verser à B______ 9'150 fr. nets avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 5 février 2020 (ch. 5), condamné A______ AG à verser à la CAISSE DE CHÔMAGE C______ 5'965 fr. 35 nets avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 12 novembre 2020 (ch. 6), dit que la procédure était gratuite et qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 8).

B.            a. Par acte expédié à la Cour de justice le 14 septembre 2022, A______ AG forme appel contre ce jugement, concluant, principalement et avec suite de frais judiciaires et dépens, à son annulation et au rejet de la demande formée par B______. Subsidiairement, elle conclut à la réforme du chiffre 3 du dispositif du jugement querellé en ce sens qu'elle soit condamnée à verser à B______ 42'503 fr. 20 bruts avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 5 février 2020, sous déduction de 5'965 fr. 35 nets avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 12 novembre 2020 due à la CAISSE DE CHÔMAGE C______.

A l'appui de son appel, elle produit une pièce non soumise aux premiers juges, soit un courrier qui lui a été adressé par D______ AG le 16 avril 2020.

b. Par courrier expédié à la Cour le 27 septembre 2022, la CAISSE DE CHÔMAGE C______ maintient "intégralement ses conclusions et demande à la Chambre de céans de les confirmer".

c. Dans sa réponse à l'appel du 4 octobre 2022, B______ conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour déclare irrecevable la pièce nouvelle produite par A______ AG, déboute cette dernière de toutes ses conclusions et confirme le jugement querellé.

Il produit à l'appui de sa réponse trois pièces non soumises aux premiers juges, soit un rapport d'expertise du 7 avril 2020 du Dr E______, mandaté par l'assurance de A______ AG, un courrier adressé à l'assurance de A______ AG par le Dr F______ le 17 février 2020 ainsi qu'un certificat médical établi le 11 mai 2020 par le Dr F______.

d. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant chacune dans leurs conclusions.

e. Par courrier du 3 février 2023, le greffe de la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ AG, sise à G______ (Soleure), a notamment pour but tous les services dans le domaine des "facility services", à savoir dans les domaines du ______, de ______, de ______, du ______, de ______, du ______ et de ______, ______, ______ et ______. H______ est le président du conseil d'administration de la société.

B______, né le ______ 1969, et A______ AG ont signé le 7 août 2012 un contrat de travail aux termes duquel le premier était engagé en qualité d'employé de nettoyage, pour une durée indéterminée, à partir du 1er juillet 2011 à temps plein. En janvier 2014, B______ a été promu au poste de coordinateur régional.

Le contrat prévoyait que le salaire mensuel brut était de 4'150 fr., versé treize fois l'an, le treizième salaire étant payé au prorata à la fin de chaque mois, pour un horaire hebdomadaire de quarante-deux heures. Le salaire brut comprenait le travail du samedi, du dimanche et des jours fériés, ainsi que le supplément pour le travail du dimanche et des jours fériés. Le droit aux vacances était de quatre semaines par année.

Le contrat prévoyait également que les heures supplémentaires étaient comprises dans le salaire et ne donnaient pas droit à une indemnisation. Les heures supplémentaires ordonnées devaient être récupérées en temps libre, pour le même temps, selon accord.

Le délai de congé était de deux mois pour la fin d'un mois de la deuxième à la neuvième année de service. Le contrat stipulait être conclu conformément à la "Convention de travail (CCT) du secteur du nettoyage pour la suisse allemande", laquelle était annexée au contrat. Il est admis en appel que les rapports de travail étaient soumis à la Convention collective de travail pour la branche du nettoyage en Suisse romande.

b. Le salaire brut de B______ a été augmenté plusieurs fois pour finalement s'élever, dès octobre 2019, à 6'100 fr. bruts par mois, auxquels s'ajoutaient 508 fr. 35 à titre de treizième salaire.

c. Par courriel du 20 décembre 2019 adressé à I______ et J______, tous deux supérieurs hiérarchiques de B______, A______ AG a exposé que les évaluations de l'année en cours montraient que les objectifs n'étaient de loin pas atteints. Il ne restait plus qu'un mois pour qu'une "amélioration massive" intervienne. Une économie de salaire de 83'982 fr., soit 4'467 heures, devait être réalisée en décembre. I______ et J______ devaient être conscients que le respect et la mise en œuvre du budget relevaient de leur responsabilité.

d. B______ a remis à A______ AG des certificats médicaux aux termes desquels il était en incapacité de travail totale pour cause de maladie du 8 au 31 janvier 2020.

Au mois de janvier 2020, onze autres collaborateurs de A______ AG ont également annoncé à cette dernière leur incapacité de travail.

e. Le 24 janvier 2020, K______ (employé de A______ AG), sa compagne L______, H______ et M______ ("Chief Operations Officer" [ci-après : COO] de A______ AG) se sont rencontrés dans un restaurant. Selon les notes manuscrites établies par M______ - produites par l'employeur -, lors de cet entretien K______ aurait affirmé qu'il avait travaillé "au noir" pour A______ AG de février à mars 2018 "et après", qu'il avait été payé en liquide par B______, que d'autres personnes avaient également travaillé "au noir", ce que presque tous les employés savaient, et que B______ avait également fait travailler "au noir" L______ et plusieurs autres employés sur un chantier au Tessin.

Ces notes manuscrites ne comportent aucune signature.

f. Par courrier du 31 janvier 2020, A______ AG a informé B______ que son certificat médical du 8 janvier 2020 coïncidait avec toute une série d'avis de maladie d'autres employés et d'autres membres du personnel supérieur de la société. Elle avait pu clarifier la situation avec un grand nombre de cadres supérieurs, raison pour laquelle elle avait mis fin sans préavis aux rapports de travail du "District Manager Switzerland". Elle ne reconnaissait par conséquent pas le certificat médical produit par B______ comme un justificatif de son absence et le priait de reprendre son poste de travail dès le 4 février 2020 à 8h00, faute de quoi elle considérerait qu'il ne souhaitait définitivement plus travailler pour elle et qu'il avait résilié les rapports de travail.

Par courrier du 3 février 2020, B______ a répondu à A______ AG, exposant ne pas comprendre pourquoi elle lui demandait de reprendre le travail alors que, selon son médecin, il n'y était pas apte. Il se trouvait en incapacité de travail totale depuis le 8 janvier 2020. Son incapacité de travail totale avait été prolongée jusqu'au 29 février 2020, ce qui ressortait du certificat médical qu'il lui adressait en annexe. Il considérait dès lors le contenu du courrier que A______ AG lui avait adressé le 31 janvier 2020 comme "non-pertinent".

Aux termes des certificats médicaux établis par le Dr F______, l'incapacité de travail de B______ s'est prolongée jusqu'au 31 mai 2020.

g. Par courrier du 4 février 2020, A______ AG a confirmé à B______ qu'elle ne reconnaissait pas son incapacité de travail à compter du 8 janvier 2020 et qu'elle considérait par conséquent son absence au travail comme un départ sans préavis. En outre, selon des enquêtes menées dans l'intervalle, il apparaissait qu'il avait rempli des rapports de travail de manière mensongère, en particulier en "manipulant délibérément" la déclaration des missions de travail, lui causant un préjudice. Cette situation étant intolérable, elle mettait fin à la relation de travail avec effet immédiat.

h. Par courrier du 11 novembre 2020, la CAISSE DE CHÔMAGE C______ a informé A______ AG qu'elle estimait que B______ avait droit au versement de salaires ou d'indemnités jusqu'au 31 août 2020. Dans la mesure où elle avait versé à ce dernier 5'965 fr. 35, elle était subrogée dans ses droits dans cette mesure. Aussi, elle invitait A______ AG à lui rembourser cette somme dans un délai de trente jours.

i. Par requête de conciliation du 26 août 2020 puis par demande en paiement du 27 janvier 2021, B______ a saisi le Tribunal, concluant notamment, en dernier lieu, à ce que A______ AG soit condamnée à lui verser 75'001 fr. bruts avec intérêts à 5 % l'an dès le 5 février 2020, comprenant 17'049 fr. bruts à titre d'heures supplémentaires, 30'500 fr. bruts à titre de salaire du 1er janvier au 31 mai 2020 [ce qui correspond à 6'100 fr. x 5 mois], 18'300 fr. bruts à titre de salaire pendant le délai de congé du 1er juin au 31 août 2020 et 9'150 fr. nets à titre d'indemnité pour "licenciement brutal", ainsi qu'à lui remettre un certificat de travail.

j. Dans sa réponse du 21 juin 2021, A______ AG a conclu à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions.

k. Par demande d'intervention principale du 20 avril 2022, la CAISSE DE CHÔMAGE C______ a déclaré se subroger dans les droits de B______ à hauteur de 5'965 fr. 35 nets, avec intérêts moratoires à 5 % l'an à partir de l'échéance légale pour la période du 10 juin au 31 août 2020 et a notamment conclu à ce que A______ AG soit condamnée à lui payer cette somme et à ce que cette procédure soit jointe à celle introduite par B______.

l. Les autres parties ont accepté la demande d'intervention et de jonction de la CAISSE DE CHÔMAGE C______.

m. Le Tribunal a entendu les parties et des témoins, dont les déclarations pertinentes peuvent être résumées comme suit :

m.a B______ a déclaré avoir commencé à travailler pour A______ AG en 2011. Il n'avait jamais employé personne "au noir" et n'avait jamais payé en liquide ni L______ ni aucun autre membre du personnel. D'une manière générale, il envoyait les permis de travail au service des ressources humaines afin que celui-ci vérifie si les employés étaient en règle et donne son accord à leur engagement. Il ne s'était pas rendu sur son lieu de travail le 4 février 2020 suite à la convocation qu'il avait reçue de A______ AG, car il était en arrêt maladie. Il ne se sentait pas bien, car il travaillait trop et n'avait pas supporté de prendre connaissance du courriel de H______ du 20 décembre 2019 demandant des économies de salaire.

m.b H______ a déclaré qu'en cas d'arrêt maladie d'un employé, la société suivait la procédure habituelle qui était dictée par les ressources humaines. En cas de doute sur l'arrêt maladie, l'assurance perte de gain enquêtait. En janvier 2020, il y avait eu onze absences simultanées, la société avait donc contacté l'assurance.

m.c Entendu en qualité de témoin, N______ a déclaré avoir travaillé pour A______ AG de 2015 à fin 2019. B______ et les responsables de région ne pouvaient ni engager de personnel ni en licencier. Ils pouvaient proposer des candidatures au Service des ressources humaines. B______ n'avait pas la compétence d'affecter du personnel à un chantier, c'était le siège qui s'en occupait. Il ne pouvait pas non plus payer directement les employés. Il ne connaissait pas L______. Il n'avait pas connaissance du fait que cette dernière aurait travaillé "au noir" ou aurait été payé en liquide. Il avait vu B______ la semaine précédant l'audience. Ce dernier ne lui avait pas montré les pièces de la procédure.

m.d Entendue en qualité de témoin, O______ a déclaré être nettoyeuse. Elle ne travaillait plus pour A______ AG depuis deux ans. Elle avait travaillé pour cette société avec B______. A sa connaissance, celui-ci n'avait jamais payé un employé directement en liquide, ni n'avait engagé un employé "au noir".

m.e Entendu en qualité de témoin, M______ a déclaré être conseiller commercial de A______ AG. Il avait été nommé COO ad interim en janvier 2020. Il n'était pas salarié de la société. La première semaine du mois de janvier 2020, H______ avait voulu rencontrer individuellement chacun des coordinateurs régionaux. Il y en avait environ quatorze. La réunion n'avait pas pu se tenir, car personne n'était venu. J______ – qui était le responsable du nettoyage d'entretien pour toute la Suisse, soit le supérieur des "district managers", eux-mêmes responsables des coordinateurs régionaux – avait indiqué que personne ne voulait parler individuellement à H______. Ce dernier avait alors licencié J______, estimant qu'il avait "fait du chantage" en lui disant "soit on fait comme je veux, soit personne ne viendra". Après le licenciement de J______, le tiers des coordinateurs régionaux "étaient présents". Les autres coordinateurs avaient tous envoyé des certificats médicaux le même jour. Il avait tenté de joindre tous les coordinateurs régionaux qui avaient envoyé un certificat médical – dont B______ – sans succès.

Il avait rencontré K______ deux semaines plus tard. Ce dernier lui avait téléphoné pour lui indiquer qu'il détenait des informations concernant le travail "au noir" à Genève de certains nettoyeurs que B______ aurait employés. Il avait ensuite tenu une rencontre avec K______, "l'amie" de ce dernier et H______. Lors de cette rencontre, K______ lui avait expliqué que son amie était présente car elle avait elle-même reçu de l'argent de B______ pour du travail "au noir". K______ lui avait expliqué que lui-même avait été plusieurs fois malade. Son amie l'avait alors remplacé sur le lieu de travail. Sur la fiche de "rapport d'heures", le nom de son amie ne figurait pas. C'était le nom d'un neveu ou d'un cousin de B______, qui portait le même patronyme.

M______ a confirmé la teneur de ses notes manuscrites du 24 janvier 2020. Il avait été extrêmement surpris par les révélations de K______. Il estimait devoir prendre celles-ci au sérieux, car elles étaient crédibles. K______ avait cité des lieux de travail ainsi que des jours et des heures de travail pendant lesquels le travail "au noir" se serait produit, ce qui était vérifiable.

Le témoin n'avait pas enquêté sur l'arrêt maladie de B______. Ce n'était pas un hasard que onze personnes eussent été en arrêt maladie le même jour, la deuxième semaine de janvier.

m.f A______ AG a expressément renoncé à l'audition de K______ qu'elle avait dans un premier temps proposé comme témoin, après que celui-ci, bien que dûment convoqué, ne se soit pas présenté devant le Tribunal.

n. Lors de l'audience du Tribunal du 2 mai 2022, les parties ont plaidé, en persistant dans leurs conclusions respectives.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

C.           Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu, en substance sur les points encore litigieux en appel, qu'il ne pouvait être considéré que B______ avait abandonné son emploi. Il avait en effet produit des certificats médicaux que A______ AG avait contestés, sans toutefois exiger de l'employé qu'il se soumette à la consultation d'un médecin de son choix. Elle avait ainsi conclu de manière hâtive que B______ ne souhaitait pas poursuivre son activité auprès d'elle, et l'avait elle-même licencié. Faute de motif et d'éléments de preuve permettant de remettre en cause les certificats médicaux produits par B______, le licenciement immédiat de ce dernier ne pouvait être fondé sur son absence. A______ AG n'était pas non plus parvenue à démontrer que B______ avait rempli des rapports de travail de manière mensongère, en particulier en manipulant délibérément la déclaration des missions de travail, de sorte que le licenciement immédiat ne pouvait pas non plus valablement reposer sur ce motif.

Par conséquent, le Tribunal a accordé à l'employé le montant de 18'300 fr. qu'il réclamait à titre de salaire (sans le 13ème salaire) pour les mois de juin à août 2020 (6'100 fr. x 3 mois), point qui n'est pas contesté en appel.

Par ailleurs, le Tribunal a considéré que B______ avait droit à son salaire du 1er au 10 janvier 2020 (salaire du 1er au 7 janvier puis trois jours de carence) et à ce qu’il aurait perçu de l’assurance perte de gain maladie du 8 janvier au 31 mai 2020 soit, conformément à la convention collective de travail, à 80% de son salaire. B______ ne réclamait pas la part du treizième salaire afférente aux mois de janvier à mai 2020, de sorte que le Tribunal ne pouvait pas condamner A______ SA à la lui verser. Ainsi, pour la période du 1er au 10 janvier 2020, l'employé avait droit à 1'967 fr. 75 bruts (6'100 fr. / 31 jours x 10 jours). Pour la période du 11 janvier au 31 mai 2020, il avait droit à 22'825 fr. 80 bruts ([(6'100 fr.
- 1'967 fr. 75) + (6'100 fr. x 4 mois)] x 80%). Les premiers juges ont donc alloué à l'employé 24'793 fr. 55 (1'967 fr. 75 + 22'825 fr. 80) pour la période en question.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué reprend les deux montants sus-mentionnés, soit 18'300 fr. et 24'793 fr. 55 (= 43'093 fr. 55).

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1, 145 al. 1 let. b et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit le fond du litige en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que l'appelant estime entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable -, pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Hormis les cas de vices manifestes, elle doit en principe se limiter à statuer sur les critiques formulées dans la motivation écrite contre la décision de première instance (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.3).

1.3 En l'espèce, l'appelante invoque, à l'appui de son appel, tant une constatation inexacte des faits qu'une violation du droit.

En tant que besoin, l'état de fait retenu par le Tribunal a été rectifié et complété ci-dessus, de sorte que les griefs de l'appelante en lien avec la constatation inexacte des faits ne seront pas traités plus avant.

2.             Les parties produisent en appel des pièces non soumises aux premiers juges.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu'aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a); ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Il faut distinguer les "vrais nova" des "pseudo nova". Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (ATF 138 III 788 consid. 4.2; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les "pseudo nova" sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.1 et 4A_643/2011 du 24 février 2012 consid. 3.2.2).

2.2 En l'espèce, l'appelante produit un courrier qui lui a été adressé le 16 avril 2020, soit bien avant que la cause ait été gardée à juger en première instance. Dans la mesure où l'appelante n'expose pas les raisons qui l'auraient empêchée de produire cette pièce en première instance, celle-ci est irrecevable.

Il en va de même des pièces produites par l'intimé. En effet, celles-ci ont toutes été établies avant que la cause ne soit gardée à juger en première instance et l'intimé n'expose pas les raisons qui l'auraient empêché de les produire en première instance.

3.             L'appelante reproche aux premiers juges d'avoir retenu que l'intimé n'avait pas abandonné son poste en n'y retournant pas après qu'elle lui ait adressé un courrier le sommant de le faire.

3.1 L'abandon de poste, au sens de l'article 337d CO, entraîne l'expiration immédiate du contrat; il est réalisé lorsque le travailleur refuse consciemment, intentionnellement et définitivement de continuer à fournir le travail convenu (ATF 121 V 277 consid. 3a). Dans ce cas, le contrat de travail prend fin immédiatement, sans que l'employeur doive adresser au salarié une résiliation immédiate de son contrat (ATF 121 V 277 consid. 3a et 112 II 41 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4C_303/2005 du 1er décembre 2005 consid. 2.2, 4C_370/2001 du 14 mars 2002 consid. 2a et 4C_244/2000 consid. 2a).

La décision du travailleur d'abandonner son emploi doit apparaître nettement. Lorsque l'abandon d'emploi ne résulte pas d'une déclaration expresse du salarié, il faut examiner s'il découle du comportement adopté par l'intéressé, c'est-à-dire d'actes concluants. Dans cette hypothèse, on se demandera si, compte tenu de toutes les circonstances, l'employeur pouvait, objectivement et de bonne foi, comprendre que le salarié entendait quitter son emploi (ATF 123 III 165 consid. 3a; 122 III 106 consid. 5a).

Selon la jurisprudence, lorsque l'absence injustifiée du travailleur est de courte durée, l'employeur ne peut déduire des circonstances que le travailleur a abandonné son emploi; il peut seulement lui reprocher un manquement de nature à justifier une résiliation immédiate des rapports de travail, au besoin après avertissement, soit en le mettant en demeure de reprendre le travail ou, le cas échéant, de présenter un certificat médical (arrêt du Tribunal fédéral 4C_370/2001 du 14 mars 2002, consid. 2a).

Il n'y a pas abandon d'emploi lors d'une absence du travailleur motivée par une prétendue maladie (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd., 2019, p. 771)

3.2 En l'espèce, l'intimé a remis, dans un premier temps, à l'appelante des certificats médicaux attestant de son incapacité de travail du 8 au 31 janvier 2020.

Par courrier du 31 janvier 2020, l'appelante a mis en demeure l'intimé de reprendre le travail dès le 4 février 2020, estimant que les certificats médicaux fournis par ce dernier n'étaient pas probants. Celui-ci a répondu à cette interpellation le 3 février 2020, exposant ne pas comprendre pourquoi il lui était demandé de reprendre le travail, alors qu'il en était incapable. Il a alors transmis un nouveau certificat médical, aux termes duquel son incapacité de travail était prolongée jusqu'au 29 février 2020. L'intimé a ainsi exprimé sa volonté de poursuivre les rapports de travail et exposé les motifs de son absence, qui tenaient à sa maladie.

L'appelante ne pouvait donc considérer sur cette base que l'intimé refusait définitivement de continuer à fournir sa prestation de travail, alors que celui-ci se disait en incapacité de travail.

Autre est la question de savoir si les doutes émis par l'appelante quant à l'incapacité de travail de l'intimé pouvaient justifier une résiliation immédiate des rapports de travail, laquelle sera examinée au prochain considérant (cf. consid. 4).

C'est donc à bon droit que le Tribunal a retenu que l'intimé n'avait pas abandonné son poste.

4.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu que la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail de l'intimé ne reposait pas sur des motifs valables. Elle soutient avoir démontré que l'intimé n'était pas en incapacité de travail, de sorte qu'il était en demeure de fournir sa prestation de travail, ce qui justifiait son licenciement immédiat. Au demeurant, elle avait démontré que l'intimé avait manipulé délibérément les déclarations de missions et avait rémunéré des travailleurs "au noir", ce qui constituait également un motif de résiliation immédiate de son contrat de travail.

4.1.1 L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment considérés comme de justes motifs, toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; ATF 130 III 28 consid. 4.1). Les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_395/2018 du 10 décembre 2019 consid. 5.1). Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété en dépit d'un ou de plusieurs avertissements (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 130 III 213 consid. 3.1; 130 III 28 consid. 4.1; 127 III 153 consid. 1; 124 III 25 consid. 3). L'employeur peut toutefois s'en abstenir lorsqu'il ressort de l'attitude de l'employé qu'une telle démarche serait inutile (ATF 127 III 153 consid. 1b).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO); il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC) et il dispose d'un large pouvoir d'appréciation. (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.2.2). Savoir si le comportement incriminé atteint la gravité nécessaire dépend des circonstances du cas concret (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Dans son appréciation, le juge doit notamment tenir compte de la position du travailleur au sein de l'entreprise, du type et de la durée des rapports contractuels, de la nature et de l'importance des manquements (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; 127 III 351 consid. 4a).

Il appartient à la partie qui se prévaut de justes motifs de résiliation immédiate d'en établir l'existence (art. 8 CC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_37/2010 du 13 avril 2010 consid. 4.1).

4.1.2 Il appartient en revanche au travailleur de prouver son incapacité de travail (art. 8 CC), preuve qui est généralement apportée par la production d'un certificat médical, lequel ne constitue cependant pas un moyen de preuve absolu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_587/2020 du 28 mai 2021, consid. 3.1.2; 4A_289/2010 du 27 juillet 2010 consid. 3.2; 4A_227/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3.1.3; 4C.346/2004 du 15 février 2005 consid. 4).

L'employeur peut mettre en cause la validité d'un certificat médical en invoquant d'autres moyens de preuve; inversement, le salarié a la faculté d'apporter la démonstration de son incapacité par d'autres biais. Pourront en particulier être pris en compte pour infirmer une attestation médicale le comportement du salarié (on cite souvent l'exemple du travailleur qui répare un toit alors qu'il souffre d'une incapacité de travail totale en raison de douleurs à un genou) et les circonstances à la suite desquelles l'incapacité de travail a été alléguée (empêchement consécutif à un congédiement; production de certificats émanant de permanences ou de médecins reconnus pour leur complaisance; présentation d'attestations contradictoires; attestations faisant uniquement état des plaintes du travailleur ou établies plusieurs mois après le début des symptômes). Si la force probante d'un certificat médical n'est ainsi pas absolue, la mise en doute de sa véracité suppose néanmoins des raisons sérieuses (arrêt du Tribunal fédéral 1C_64/2008 du 14 avril 2008 consid. 3.4).

Lorsque c'est la réalité de l'incapacité qui est mise en doute par le comportement du travailleur ou les circonstances, il est légitime que l'employeur puisse disposer des renseignements pour lever le doute. Il en est ainsi notamment lorsque l'assureur-maladie ou perte de gain met fin aux prestations en se fondant sur un rapport d'expertise, que le travailleur n'a pas contesté cette décision de l'assureur et que les certificats médicaux du médecin traitant ne comprennent, même sommairement, aucune indication sur le motif de l'incapacité ni prise de position relative au rapport d'expertise, l'ensemble des circonstances peut conduire le tribunal à considérer que l'incapacité de travail n'est pas prouvée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2012 du 4 septembre 2012 consid. 3; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 230-231).

Il incombe à l'employeur qui conteste le certificat médical du travailleur d'apporter la preuve des éléments mettant en doute l'attestation y contenue (art. 8 CC). Généralement, il le fera en faisant subir à l'intéressé, à ses frais, une consultation auprès de son médecin-conseil (Streiff/Von Kaenel/Rudolph, Arbeitsvertrag, Zürich, 2012, N. 12 ad art. 324 a/b CO, p. 424).

La réalité, l'étendue et la durée de l'incapacité de travail relève de l'appréciation des preuves par le tribunal (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 231).

Les moyens de preuve à la disposition des parties sont notamment le témoignage, les titres et l'interrogatoire des parties (art. 168 al. 1 CPC). Toute personne qui n'a pas la qualité de partie peut témoigner sur les faits dont elle a eu une perception directe (art. 169 CPC). Celui qui ne sait quelque chose que par ouï-dire n'est pas un témoin adéquat, mais ses déclarations peuvent constituer des indices ou servir, en tant qu'élément de fait auxiliaire, à apprécier d'autres déclarations (arrêt du Tribunal fédéral 5A_51/2014 du 14 juillet 2014 consid. 5.1).

4.2 En l'espèce, l'appelante a résilié le contrat de travail de l'intimé par courrier du 31 janvier 2020, invoquant deux motifs qui, selon elle, justifieraient chacun, indépendamment de l'autre, la résiliation immédiate.

4.2.1 Le premier motif invoqué par l'appelante à l'appui du licenciement immédiat de l'intimé consiste dans le refus de ce dernier de reprendre le travail le 4 février 2020, conformément à l'injonction qu'elle lui avait adressée, mettant en doute la réalité de l'incapacité de travail.

Le fait que l'intimé se soit dit en incapacité de travail concomitamment à onze autres collaborateurs occupant un poste similaire au sien, dans un contexte manifeste de tension, pouvait éventuellement être susceptible de faire naître un doute chez l'appelante quant à la véracité de l'incapacité de travail de l'intimé. Cela étant, cet élément ne permettait pas à lui seul de remettre en cause la force probante des certificats médicaux produits par l'intimé.

Aussi, il appartenait à l'appelante, en présence d'un tel doute, de mener les investigations propres à le lever, en particulier en demandant à son employé de consulter un médecin qu'elle aurait elle-même choisi et dont la mission aurait été d'infirmer ou de confirmer l'incapacité de travail de l'intimé.

Or, l'appelante ne démontre pas, du moins de manière recevable, avoir soumis l'intimé à un examen médical qui aurait infirmé son incapacité de travail.

Le fait que l'appelante ait contacté son assurance perte de gain afin que celle-ci mène une enquête sur la véracité de l'incapacité de travail de l'intimé ne suffit pas à cet égard. Il en va de même du fait - au surplus non établi de manière recevable - que ladite assurance aurait refusé de prester. En particulier, l'appelante n'a pas produit de manière recevable l'expertise que l'assurance perte de gain aurait conduite et qui aurait pu permettre, par hypothèse, de mettre en doute les certificats médicaux attestant de l'incapacité de travail de l'intimé.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que le licenciement immédiat de l'intimé ne pouvait être fondé sur le refus de ce dernier de reprendre le travail le 4 février 2020, faute pour l'appelante d'avoir apporté des motifs et éléments de preuves suffisants pour remettre en cause la valeur probante des certificats médicaux produits par l'intimé.

4.2.2 Le second motif invoqué par l'appelante pour justifier le licenciement immédiat de l'intimé réside dans le fait que ce dernier aurait rempli des rapports de travail de manière mensongère, en particulier en manipulant délibérément la déclaration des missions de travail, ce qui lui aurait causé un préjudice.

Les seuls éléments de preuve apportés par l'appelante à cet égard sont des notes manuscrites établies par M______, aux termes desquelles K______ - employé de l'appelante - et L______ - compagne de ce dernier - auraient exposé que la seconde aurait été payée en liquide par B______ pour le travail "au noir" qu'elle aurait effectué, ainsi que le témoignage de M______ confirmant la teneur de ses notes manuscrites.

Devant le Tribunal, M______ a déclaré qu'il avait estimé "devoir prendre au sérieux" les propos de K______, car ils étaient "crédibles" et vérifiables.

Pourtant, malgré que les faits reprochés à l'intimé étaient vérifiables – du moins selon ce dernier témoin – l'appelante n'apporte aucun élément qui démontrerait qu'elle en aurait vérifié le bienfondé.

Le seul fait qu'un témoin juge "crédibles" les accusations portées par un tiers contre l'un des employés de l'appelante ne suffit pas à prouver lesdites accusations et donc les manquements reprochés à l'intimé, ce d'autant plus que ledit témoin n'avait pas de perception directe des faits fondant lesdites accusations et qu'ils ne sont corroborés par aucune autre élément. En particulier, l'appelante a renoncé à l'audition de K______ et n'a pas sollicité celle de L______, soit des personnes qu'elle désigne comme des témoins directs des faits qu'elle allègue.

Enfin, contrairement à ce que soutient l'appelante, les contacts de l'intimé avec deux témoins avant leur audition ne sont pas aptes à prouver que celui-ci aurait manipulé des rapports de mission alors qu'il était employé par l'appelante, ces faits étant sans rapport les uns avec les autres. L'appelante ne peut pas non plus tirer argument du fait que l'intimé aurait produit au Tribunal des décomptes d'heures inexacts pour étayer ses prétentions, d'autant moins que cela n'a pas été établi.

Ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'appelante n'était pas parvenue à démontrer le second motif de licenciement qu'elle allègue.

4.2.3 Il résulte de ce qui précède que le licenciement immédiat de l'intimé ne reposait pas sur de justes motifs, étant souligné que pour le reste la Cour fait entièrement sienne l'argumentation des premiers juges.

Le jugement attaqué sera donc confirmé en tant qu'il condamne l'appelante à verser à l'intimé une indemnité nette de 9'150 fr. fondée sur l'art. 337c al. 3 CO (ch. 5 du dispositif), ce point n'étant pas remis en question en appel.

5.             A titre subsidiaire, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir commis une erreur de calcul s'agissant de la rémunération de l'intimé pour la période courant du 8 janvier au 31 mai 2020, en omettant de déduire trois jours de salaire, qui correspondraient au délai de carence prévu par la convention collective de travail. Elle conclut ainsi à ce que la somme brute de 590 fr. 35 (6'100 fr. : 31 jours = 196 fr. 80 x 3 jours) soit déduite du total de 43'093 fr. 55 allouée à l'intimé (ch. 3 du dispositif du jugement attaqué).

5.1.1 Si les conditions de l'art. 337 al. 1 CO ne sont pas remplies, le travailleur a droit à des indemnités pécuniaires à charge de l'employeur (art. 337c al. 1 à 3 CO). Tout d'abord, il a droit à ce qu'il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de congé ordinaire (art. 337c al. 1 CO; ATF 125 III 14 consid. 2b et c), sous déduction de ce qu'il a épargné par suite de la cessation du contrat de travail, ainsi que du revenu qu'il a tiré d'un autre travail ou du revenu auquel il a intentionnellement renoncé (art. 337c al. 2 CO).

Pour un contrat de travail de durée indéterminée, il est tenu compte du délai de résiliation, cas échéant augmenté de la durée de protection contre le licenciement en cas de maladie ou d'accident (arrêt du Tribunal fédéral 4C_413/2004 du 10 mars 2005 consid. 2.2).

5.1.2.1 A teneur des art. 356 ss CO, les clauses normatives d'une convention collective de travail n'ont d'effet qu'envers les employeurs et travailleurs qu'elles lient. La convention peut être étendue aux tiers en vertu de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail (LECCT), auquel cas ses clauses s'appliquent également aux employeurs et travailleurs auxquels elle est étendue (ATF 139 III 60 consid. 5.2; 134 I 269; 123 III 129 consid. 3; 102 Ia 16, JdT 1977 I p. 256; FF 1954 I 156).

L'art. 2 de la Convention collective de travail pour la branche du nettoyage en Suisse romande (ci-après : CCT) prévoit que la CCT s'applique aux entreprises qui exercent une activité régulière ou occasionnelle dans les cantons de Genève, de Vaud, de Fribourg de Neuchâtel, du Valais, du Jura, du Jura bernois, indépendamment de leur siège social, et qui offrent des prestations à titre principal ou accessoire dans le domaine du nettoyage, de la propreté et de l'hygiène et la désinfection ainsi que les services annexes liés à l'utilisation et à l'entretien de tous types de locaux, bâtiments, installations et équipements ou moyens de transport (al. 1). Elle s'applique à toutes les catégories de travailleurs exerçant au sein des entreprises assujetties, à l'exception du personnel administratif et du personnel d'encadrement technique (al. 3).

Le champ d'application de la CCT a été étendu par arrêté du Conseil fédéral du 14 mars 2018.

5.1.2.2 L'art. 324a CO prévoit que si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, telles que maladie, accident, accomplissement d’une obligation légale ou d’une fonction publique, l’employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois (al. 1).

La durée du droit au salaire est de trois semaines pendant la première année de service (art. 324a al. 2 CO) puis, conformément à l'échelle bernoise généralement appliquée à Genève, de quatre mois de la dixième à la quatorzième année de service (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 310-311).

Un accord écrit, un contrat-type de travail ou une convention collective peut déroger aux dispositions précitées à condition d'accorder au travailleur des prestations au moins équivalentes (art. 324a al. 4 CO). L'équivalence est généralement respectée lorsque l'employeur contracte une assurance qui alloue 80% du salaire pendant 720 jours, après un délai d'attente de 2-3 jours au maximum, moyennant un paiement de la moitié au moins des primes par l'employeur (ATF 135 III 640 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_98/2014 précité consid. 4.2.1).

Aux termes de l'art. 24 CCT, l'employeur garantit aux travailleurs, pendant la durée du contrat de travail, une indemnité pour la perte de gain due à la maladie. A cet effet, l'employeur conclut une assurance perte de gain maladie auprès d'un assureur (al. 1). L'indemnité s'élève à 80 % du salaire AVS (al. 3). Elle est versée dès le 3ème jour pendant la durée du contrat de travail, mais au maximum pendant 720 jours dans une période de 900 jours (al. 3).

5.2 En l'espèce, seul est litigieux le calcul du droit au salaire de l'intimé pour la période courant du 1er au 10 janvier 2020.

Conformément à la CCT, dont il n'est à juste titre pas contesté qu'elle respecte le principe d'équivalence, l'intimé était en droit de recevoir l'indemnité en cas de maladie, correspondant au 80 % de son salaire AVS, dès le 3ème jour d'incapacité de travail, soit après deux jours (et non pas trois) de carence.

Il convient ainsi de déduire du total alloué à l'intimé la somme brute de 393 fr. 60 (196 fr. 80 x 2 jours), qui, selon les calculs non contestés du Tribunal, représente le salaire des 8 et 9 janvier 2020.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué sera donc modifié en ce sens que la somme allouée à l'intimé est de 42'699 fr. 95.

6.             La procédure étant gratuite, il n'est perçu aucun frais ni alloué de dépens (art. 19 al. 3 let. c et 22 al. 2 LaCC, art. 71 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 1 :

 

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 14 septembre 2022 par A______ AG contre le jugement JTPH/243/2022 rendu le 3 août 2022 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/16879/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué et, statuant à nouveau sur ce point:

Condamne A______ SA à verser à B______ 42'699 fr. 95 bruts avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 5 février 2020, sous déduction de 5'965 fr. 35 nets avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 12 novembre 2020 dus à la CAISSE DE CHÔMAGE C______.

Confirme le jugement attaqué pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Monsieur Christian PITTET, juge employeur; Monsieur Pierre-André THORIMBERT, juge salarié; Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.