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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/6344/2020

CAPH/25/2023 du 27.02.2023 sur JTPH/50/2022 ( OS ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6344/2020 - 2 CAPH/25/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU LUNDI 27 FEVRIER 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d’un jugement rendu par le Tribunal des prud’hommes le 25 février 2022 (JTPH/50/2022), comparant par
Me Hervé Crausaz, avocat, Chabrier Avocats SA, rue du Rhône 40, case postale 1363, 1211 Genève 1, en l’Etude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, sise c/o C______ SA, ______, intimée, comparant par
Me Vanessa Maraia-Rossel, avocate, Gillioz Dorsaz & Associés, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l’Etude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/50/2022 du 25 février 2022 le Tribunal des prud’hommes a déclaré recevable la demande formée le 16 novembre 2020 par A______ contre B______ SA (ch.1). Quant au fond, le Tribunal des prud’hommes a condamné B______ SA à verser à A______ la somme nette de fr. 489.95 (quatre cent quatre-vingt-neuf francs et nonante-cinq centimes) avec intérêts moratoires dès le 21 décembre 2019 (ch. 2), condamne B______ SA à remettre à A______ un certificat de travail conforme aux considérants de la décision (ch. 3), dit qu’il n’est pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 4), et déboute les parties de toute autre conclusion (ch.5).

B.            a. Le 29 mars 2022, A______, ci-après citée comme l’appelante, a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu préalablement à ce que l’appel soit déclaré recevable, à ce que l’appel soit admis, à ce que le chiffre 5 du jugement JTPH/50/2022 soit annulé. Elle a conclu principalement à ce que B______ SA soit condamné à verser à l’appelante « un montant net de CHF 53'950.-, avec intérêts à 5% l’an dès le 21 décembre 2019, à titre d’indemnité pour licenciement discriminatoire (art. 5 al.2 et 4 LEg) », à ce que B______ SA soit condamné à verser à l’appelante « un montant net de CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 décembre 2019 à titre d’indemnité pour harcèlement sexuel (art. 5 al.3 LEg), et à ce que tout opposant soit débouté de tout autres ou contraires conclusions. Elle a produit une pièce à l’appui de son mémoire.

b. Dans son mémoire de réponse du 16 mai 2022, B______ SA, ci-après citée comme l’intimée, a conclu préalablement à ce que le mémoire de réponse soit déclaré recevable. Elle a conclu principalement à ce que l’appel interjeté soit rejeté et à ce que le jugement JTPH/50/2022 soit confirmé. Elle a conclu subsidiairement, à ce qu’il soit ordonné « la réouverture des enquêtes pour entendre Monsieur D______ et Madame E______ », à ce que l’appel interjeté soit rejeté et le jugement JTPH/50/2022 soit confirmé, et à ce que l’appelante soit condamnée aux éventuels frais de la présente procédure.

c. Dans son mémoire de réplique du 22 juin 2022, l’appelante s’est déterminée sur la réponse de l’intimée et a persisté dans ses conclusions.

d. Dans son mémoire de duplique du 11 août 2022, l’intimée s’est déterminée sur la réplique de l’appelante et a persisté dans ses conclusions.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Chambre des prud’hommes :

a. B______ SA est une société de droit suisse dont le but est notamment l’achat, la vente, la location et exploitation d’immeubles en Suisse et à l’étranger ainsi que l’exploitation et la gestion d’hôtels et de restaurants en Suisse et à l’étranger ; son siège est à Genève (cf. extrait du registre du commerce).

F______ en est administrateur-président, D______ en est administrateur-directeur et G______ en est administrateur ; tous ont la signature collective à deux.

La société exploite notamment l’Hôtel H______ (fait admis par les parties).

b. A______, diplômée de l’Ecole I______ de J______ [VD] (pièce 4 page 32 dem.), a été engagée par B______ SA, en qualité de Directrice d’exploitation de l’Hôtel H______, à partir du 4 décembre 2017, par contrat de travail à durée indéterminée signé le 29 septembre 2017 (pièce 3 dem.).

Le salaire mensuel convenu était de fr. 8'300.- brut dès le 1er juillet 2018, payé treize fois l’an.

c. Par courrier du 23 avril 2018, le Service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN) a requis de B______ SA la désignation d’un exploitant titulaire d’un certificat de capacité ou d’un titre équivalent au sens de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement (LRDBHD), A______ n’étant pas inscrite à la session d’examens de mai 2018 et la prochaine session n’ayant lieu qu’en novembre 2018 (pièce 4 page 164 dem.).

d. Le 30 août 2018, le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV) a mis en évidence des manquements lors de la vérification du respect des normes d’hygiène alimentaire dans le restaurant de l’Hôtel H______ (pièce 4 page 159 dem.) et une contestation a été prononcée le 5 septembre 2018 (pièce 4 page 157 dem.).

A______ a écrit à D______ à ce sujet le 10 septembre 2018 et ce dernier lui a répondu :

« Cette situation est inadmissible !

Comment se fait-il que je suis informé de ce problème fondamental et majeur seulement 1 semaine après qu’il ait eu lieu, voire plus ???

Dois-je vous rappeler que du fait de votre manque de diligence (ou négligence ?), nous avons dû entreprendre des démarches afin que ma licence permette l’exploitation de l’Hôtel H______ et de son restaurant ? De ce fait, je suis directement responsable de ce type d’accident mais vous ignorez peut-être également ce point de réglementation ( ) ».

L’employée a répondu le jour-même en s’excusant et annonçant les mesures prises, suite à quoi elle a eu un entretien avec D______ le 14 septembre 2018 (pièce 4 page 153 dem.).

Lors d’un entretien du 14 septembre 2018, A______ a reçu un courrier intitulé « Rapport d’entretien de recadrage » et signé par D______ et K______, directeur des ressources humaines, dans lequel il était écrit notamment :

« ( ), le dernier incident survenu lors de la visite des services d’hygiène, nous renforce dans l’idée que vous avez du mal à vous adapter au principe directeur de notre société. ( ).

( ) vous devez impérativement faire du reporting, ( ). Vous devez également accepter le fait que vous êtes « débutante » dans cette fonction et que vous avez le droit de ne pas savoir, mais ne pouvez en faire à votre guise, sans en référer. ( ) ».

Il lui était reproché des résultats d’exploitation insatisfaisants, une « attitude arrogante », un manque d’investissement au niveau du management et un fonctionnement en « mode urgence » entrainant erreurs et négligences et il lui était demandé de faire appel à « l’expérience des personnes compétentes, sans pour autant leur demander de faire [son] travail », d’aller vers les collaborateurs sans attendre que ceux-ci viennent à elle, d’avoir une attitude constructive et une meilleure gestion des priorités (pièce 4 page 151 dem.).

A______ a répondu à ce courrier le 2 octobre 2018 en lui reprochant son « contenu partial » et l’absence d’intégration de ses propos et y a indiqué qu’elle demandait le soutien de la direction dans ses diverses démarches (pièce 4 page 146 dem.).

e. Le 12 novembre 2018, L______, chef comptable, a écrit à A______ pour constater que ses rapports de bouclement n’étaient « une nouvelle fois, pas conformes » et qu’il était « inadmissible de devoir encore corrigés (sic) [ses] documents après 11 mois de présence  » (pièce 16 déf.).

f. Le 21 décembre 2018, a eu lieu une séance réunissant le conseil d’administration de B______ SA, soit pour lui F______, D______ et G______. Le procès-verbal établi à cette occasion indiquait au sujet de A______ que sa performance et son attitude étaient « inquiétantes et décevantes, tant au niveau de la relation avec les équipes qu’avec les directeurs/trices d’exploitations et les différents cadres », qu’elle avait eu plusieurs entretiens et un avertissement et que D______ préconisait son remplacement. Le document mentionnait que F______ aurait déclaré que des « mouvements dans les directions d’hôtel » n’étaient actuellement « pas souhaitable[s] » (pièce 23 déf.).

g. La Commission d’examens LRDBHD a informé A______ le 25 janvier 2019 de la réussite de ses examens de cafetier, restaurateur et hôtelier lors de la session de novembre 2018 (pièce 4 page 57 dem.).

h. L______ a écrit dans un émail à A______ le 21 février 2019 : « Comme tous les mois vos rendements sont faux !!! » et lui a reproché d’avoir réitéré une erreur pour laquelle il avait fait une remarque précédemment, ce que l’intéressée a contesté (pièce 4 page 135 dem.).

i. Le 12 avril 2019, M______, directeur des achats pour le groupe C______, a transféré à A______ un courriel de « IT C______ » l’informant du remplacement des vins de la N______ par ceux du Domaine O______ (pièce 22 déf.).

A______ a réagi par courriel à M______ en se déclarant surprise que l’information provienne de l’informaticien et non de lui. Elle a fait part de sa déception qu’il ne soit pas venu comme convenu leur faire déguster les vins au restaurant et a demandé la raison pour laquelle ils n’avaient pas été « considérés » pour une décision d’une telle importance. Elle déplorait un « très grand manque de respect » pour le travail.

M______ lui a répondu le 15 avril 2019 qu’il considérait que son courriel était « extrêmement déplacé », lui rappelant qu’elle avait été conviée et qu’elle avait refusé de venir ainsi que le fait qu’il lui avait transmis deux bouteilles pour dégustation.

j. Le 2 mai 2019, L______ a rédigé une note à l’attention de A______ concernant le contrôle mensuel du 30 avril 2019, dans laquelle il lui a reproché le montant du solde de la caisse principale de fr. 20'015.39 qui était « inadmissible », celui-ci ne pouvant excéder fr. 5'000.- ainsi que le fait d’avoir envoyé une collaboratrice faire un dépôt de fr. 17’000.-, ce qui était risqué et ne pouvait être fait qu’en présence de deux personnes (pièce 4 page 131 dem.).

A______ lui a alors adressé un email le 6 mai 2019 pour demander plusieurs clarifications quant aux procédures à suivre à ce sujet et notamment en son absence. D______ était en copie dudit courriel (idem).

L______ s’est dit surpris qu’elle n’ait pas demandé à ses « pairs » comment ils faisaient en dix-sept mois d’activité et lui a répondu au sujet des personnes en charge des versements d’espèces. Ce à quoi, A______ a répondu en s’étonnant qu’aucune note de service relative aux procédures comptables et financières ne lui ait été transmise depuis son engagement.

D______ a répondu à A______ le 7 mai 2019 que son « état d’esprit n’[était] pas acceptable » et qu’il y avait une « mauvaise foi évidente », lui rappelant que P______ l’avait formée et assistée pendant plus de six mois quotidiennement. Il lui demandait de ne plus reporter ses fautes sur les autres et de modifier son attitude.

k. Le 3 mai 2019, une discussion a eu lieu entre E______, directrice des ressources humaines, et A______, au cours de laquelle celle-ci a évoqué des problèmes relationnels avec M______ (faits admis par les parties).

Suite à cette discussion, E______ a demandé à rencontrer A______ afin de « clarifier les propos tenus par Mr M______ à votre encontre » (pièce 4 page 130 dem.).

Le 8 mai 2019, A______, D______ et E______ ont eu un entretien et le lendemain, ces derniers ont rencontré M______ (faits admis par les parties).

E______ a rédigé une note à la suite de ces rencontres, dans les termes suivants :

« Lors d’un entretien RH entre Mme E______ et Mme A______, en date du vendredi 03 mai 2019, Mme A______ a évoqué les problèmes relationnels qu’elle rencontrait avec Mr M______. Elle évoque d’abord des conflits professionnels et explique qu’elle pourrait reprocher à Mr M______ des faits de « harcèlement sexuel » ( ) ».

Au sujet de sa discussion avec A______ le 8 mai 2019, elle a mentionné que celle-ci lui avait exposé les faits de la manière suivante :

« Mr M______ fait souvent des blagues à connotations sexuelles, il aurait été jusqu’à à la prendre par le col et lui aurait dit « toi je vais te prendre » ( ).

La note mentionnait qu’à la question de savoir si elle s’en plaignait, l’intéressée avait répondu par l’affirmative et que D______ lui avait également fait part de retours qui lui avaient été faits concernant son attitude à elle qui n’était pas non plus adaptée, notamment un épisode au cours duquel elle était entrée dans le bureau de M______ en soulevant volontairement sa jupe, et ce, devant M. Q______, lequel partageait le bureau de M______. La note indiquait que A______ « confirm[ait] que les propos sont avérés ( ) et qu’il y a eu un jeu malsain entre eux et qu’elle y a pris part ». Par ailleurs, selon la note, celle-ci avait répondu par la négative à la question de savoir si elle souhaitait une enquête approfondie et avait juste indiqué son souhait que l’intéressé prenne ses distances.

Sous le titre concernant l’entretien du 9 mai 2019 avec M______, la note mentionnait que celui-ci avait réfuté avoir harcelé sexuellement A______ mais avait reconnu l’avoir prise une fois par le col pour la repousser car elle l’avait « provoqué avec une attitude inadéquate ». Il était également écrit que M______ avait déclaré qu’à plusieurs reprises, l’employée était entrée dans son bureau, avait soulevé sa jupe et dit « ça vous excite les mecs ».

La note concluait l’absence de harcèlement mais l’existence d’une « relation malsaine avec une responsabilité partagée ». Il était « rappelé aux deux collaborateurs de prendre leurs distances et signaler tout fait qui serait amené à se reproduire ». Enfin, la note exposait l’absence de nécessité d’une enquête interne et la clôture du dossier (pièce 4 page 129 dem.).

l. Suite à divers entretiens avec les collaborateurs entre les 3 mai et 11 juin 2019, E______ a rédigé une note interne dans laquelle elle a mentionné « Suite à tous ces entretiens, j’ai informé systématiquement Mme A______ de ce qui m’a été communiqué, dans certains cas elle dit ne pas être au courant, d’autres qu’elle a demandé à la gouvernante de régler les problèmes. ( ) ». Sous la mention « Divers » figuraient par ailleurs une liste de problèmes tels que « fiches de présences des collaborateurs non complétés », rapport [du cabinet d'audit] R______ non communiqué à D______, etc. (pièce 4 page 118 dem.).

m. E______ a rédigé une note interne datée du 25 juillet 2019 avec le titre « Compte rendu Entretien tél avec Mme A______ », dans laquelle elle mentionnait une « désorganisation totale » durant les vacances de l’intéressée et alors que la gouvernante était en arrêt de travail (pièce 4 page 127 dem.).

n. Par courrier remis en mains propres le 30 août 2019 et faisant suite à une réunion en présence de l’employée, D______ et de E______, B______ SA a résilié le contrat de travail la liant à A______ pour le 30 novembre 2019 avec libération de l’obligation de travailler (pièces 4 page 14 et 5 dem.).

Le même jour, par courriel, D______ a confirmé à F______ avoir procédé au licenciement de l’employée conformément à leur décision de « mardi passé ». Les autres administrateurs étaient en copie du courriel (pièce 26 déf.).

Il ressort de la chronologie des faits que la décision de licenciement a été prise le 20 août 2019.

o. Par courriel du 6 septembre 2019, A______ a écrit à B______ SA pour demander les motifs de son congé. Elle a fait valoir que son téléphone faisait partie des bénéfices liés à son contrat de travail et lui servait également à des fins privées, de sorte qu’elle demandait de le lui laisser jusqu’à la fin de son préavis ou de lui mettre à disposition un nouveau téléphone avec un abonnement aux fonctions identiques (pièce 4 page 5 dem.).

Dans sa réponse du même jour, la société a rappelé que l’employée s’était engagée à restituer le téléphone le 30 août 2019, au plus tard le 2 septembre 2019. Elle en demandait la restitution pour le 9 septembre 2019, étant précisé que A______ n’était pas autorisée à l’utiliser, étant libérée de l’obligation de travailler (pièce 4 page 5 dem.).

p. Par courrier recommandé du 11 septembre 2019, B______ SA a informé A______ des motifs du licenciement qui étaient :

·         « Résultats financiers et rendements insuffisants

·         Manque de compte-rendu auprès de la direction générale

·         Manque de connaissances et de communication concernant l’exploitation

·         Non-respect des procédures et standards du groupe

·         Non-respect des délais imposées concernant les rapports mensuels

·         Manque de rigueur dans la gestion de l’exploitation

·         Difficulté à gérer les situations opérationnelles concernant les collaborateurs

·         Manque de prises de décisions urgentes et nécessaires au bon fonctionnement de l’exploitation

·         Attitude inadaptée et conflictuelle à l’égard de plusieurs cadres du groupe C______

Cette liste non exhaustive de manquements a amené une perte de confiance indispensable aux bon rapports professionnels ( ) » (pièce 4 page 13 et 6 dem.).

q. A______ a été en incapacité de travail pour cause de maladie du 13 au 20 septembre 2019 (pièce 7 dem.).

r. L’employeuse a adressé un courriel à A______ le 18 novembre 2019 l’informant que si elle n’avait pas récupéré le téléphone de fonction avec la carte SIM avant le 30 novembre 2019, elle lui facturerait les frais liés à la résiliation définitive de la ligne (pièce 4 page 3 dem.).

s. Par courrier recommandé du 29 novembre 2019, A______, représentée par son conseil, a indiqué à B______ SA que son délai de congé arriverait à échéance le 31 décembre 2019, ayant été suspendu pendant son incapacité de travail. Elle a également fait opposition à son congé qui faisait en réalité suite à ses plaintes liées au comportement inadéquat de M______ à son égard (pièce 7 dem.).

t. Le certificat de travail daté du 31 décembre 2019 remis à A______ comportait la liste des tâches accomplies ainsi que les éléments suivants :

« ( ) Madame A______ a assuré les différentes tâches qui lui ont été confiées.

Cette expérience et son intérêt pour la profession lui ont permis de progresser, d’enrichir ses connaissances et de développer ses compétences.

Souriante et orientée clientèle, Mme A______ a entretenu de bons rapports avec ses collaborateurs ainsi qu’avec notre clientèle internationale. ( ) » (pièce 4 page 10 dem.).

u. Dans le courrier de son conseil du 20 janvier 2020, B______ SA a contesté le contenu de la lettre de A______ du 29 novembre 2019, précisant que la décision de licenciement avait été prise le 20 août 2019 par le conseil d’administration, soit avant l’incident du 23 août 2019 avec M______. Elle a également réfuté que l’employée s’était plainte à plusieurs reprises. Elle a rappelé que le règlement sur l’utilisation professionnelle des outils informatiques prévoyait que les outils de communication étaient mis à disposition des collaborateurs dans un but professionnel et qu’ils devaient être utilisés à cette fin, de sorte que l’intéressée n’avait aucun motif de conserver le téléphone. Dans la mesure où elle ne l’avait pas restitué dans le délai imparti, la somme de fr. 489.95 avait été prélevée sur son dernier salaire (pièce 8 dem., pièce 37 déf. Également).

Dans son courrier du 6 février 2020, la société a indiqué à l’employée que le téléphone était à sa disposition auprès des ressources humaines si elle souhaitait le récupérer (pièce 11 dem.).

v. Par requête de conciliation déposée à l’office postal le 7 avril 2020, A______ a assigné B______ SA en paiement de la somme de fr. 64'528.95 et en remise d’un nouveau certificat de travail rectifié.

Une audience de conciliation s’est tenue le 15 juillet 2020, sans succès, de sorte qu’à l’issue de celle-ci, une autorisation de procéder a été délivrée à A______.

w. Par demande ordinaire déposée à l’office postal le 16 novembre 2020, A______ a assigné B______ SA en paiement de la somme totale de fr. 64'528.95, avec intérêts moratoires dès le 31 décembre 2019 et avec suite de frais et dépens. Ladite somme se décompose comme suit :

- fr. 53'950.- à titre d’indemnité pour licenciement discriminatoire ;

- fr. 10'000.- à titre d’indemnité pour harcèlement sexuel ;

- fr. 489.95 à titre de remboursement d’une retenue indue sur son salaire ;

- fr. 89.- à titre de remboursement d’une somme déduite à tort.

La demanderesse a également conclu à la remise d’un certificat de travail rectifié selon le projet en pièce 10 dem., sous la menace de la peine d’amende prévue par l’art. 292 du Code pénal et à ce que la défenderesse soit condamnée à une amende d’ordre de fr. 1'000.- au plus par jour d’inexécution faute d’exécution dans les dix jours dès l’entrée en force de la décision.

A titre préalable, la demanderesse a requis la production par son adverse parties de la décision et du procès-verbal du conseil d’administration relatifs à son licenciement, des échanges de courriels intervenus au sein de la défenderesse portant sur son licenciement, du règlement interne s’agissant du traitement des cas de harcèlement et de harcèlement sexuel et des états financiers de la société pour 2018 et 2019.

A______ a allégué en substance qu’au cours de son emploi, elle avait été victime de harcèlement sexuel de la part de M______. Outre des remarques et blagues salaces et dégradantes régulières, ce dernier l’avait un jour attrapée par le col et lui disant « Toi, je vais te choper ». Par ailleurs, il lui avait été rapporté que lors d’une conversation entre M______ et d’autres personnes suite à la visite de la chambre témoin, l’intéressé avait demandé à la cheffe de réception ce qu’elle en pensait, ce à quoi celle-ci avait répondu qu’à la place des deux montagnards, elle verrait plutôt des vaches, et M______ avait alors répliqué « Tu veux quoi, une photo de ta Directrice à quatre pattes ? ». Elle s’était plainte du comportement de M______ à D______, sans succès, étant précisé que ces deux personnes étaient proches et se connaissaient depuis des années. De manière générale, durant son emploi, elle n’avait fait que subir des actes de « micromanagement » et avait été avertie plusieurs fois pour des « peccadilles » ou des faits pour lesquels elle n’avait pas reçu d’instructions. Lorsqu’elle avait dénoncé M______, D______ et ce dernier l’avaient à leur tour accusée d’être provocatrice, lui reprochant d’être entrée dans le bureau de M______ en soulevant de manière suggestive sa jupe alors qu’en réalité, elle n’avait fait que l’ajuster. Au vu de l’apaisement promis par D______ et sachant qu’elle n’avait aucune chance de se faire entendre, elle avait laissé aller la situation.

Elle estimait avoir fait l’objet d’un congé discriminatoire et de représailles venant sanctionner ses diverses plaintes. En réalité, D______ protégeait M______ et voulait se séparer d’elle de longue date, étant relevé que la direction de la défenderesse était composée d’hommes d’un certain âge se connaissant tous.

Concernant le téléphone portable, la demanderesse a exposé qu’elle l’avait restitué par pli recommandé du 31 décembre 2019, soit avant la fin des rapports de travail.

Elle a enfin produit un projet de certificat de travail libellé ainsi :

« ( ) Madame A______ a assuré les différentes tâches qui lui ont été confiées à notre pleine et entière satisfaction.

Grâce à son expérience et ses connaissances techniques, Madame A______ a réussi à redresser la société. L’intérêt de Madame A______ pour la profession a été particulièrement apprécié.

Souriante, agréable et orienté clientèle, Mme A______ a entretenu d’excellents rapports avec nos collaborateurs ainsi qu’avec notre clientèle internationale. Nous l’avons particulièrement appréciée. ( ) » (pièce 10 dem.).

x. Par mémoire réponse déposé le 12 février 2021 à l’office postal, la défenderesse a conclu à la constatation qu’une partie des conclusions en production de pièces de la demanderesse n’avait plus d’objet et au déboutement de celle-ci pour le surplus avec suite de frais.

A titre préalable, la défenderesse a conclu à la production par la demanderesse de tout document (lettre d’engagement, contrat de travail, etc.) prouvant sa date d’entrée en fonction chez son nouvel employeur, S______ SA.

B______ SA a d’abord fait valoir que contrairement aux dires de A______, sa candidature n’avait pas été imposée à D______ par le conseil d’administration ; ce dernier avait pris la décision de l’engager en concertation. En sa qualité de Directrice d’exploitation de l’hôtel, la demanderesse avait la responsabilité de la gestion de l’établissement et reportait directement à D______, Directeur général. Dès sa prise d’emploi, A______ avait été formée et accompagnée par P______, qui avait occupé le poste pendant dix-sept ans, et ce au quotidien pendant les six premiers mois, puis de manière plus sporadique.

La défenderesse a exposé ses griefs d’insatisfaction à l’égard du travail de la demanderesse, soit les résultats financiers insuffisants, les résultats pour 2018 et 2019 étant inférieurs tant au budget prévu qu’aux résultats des trois années précédentes (cf. pièces 4 à 7 déf., résultats 2016 à 2019 et comparaison avec le budget), un manque de compte-rendu et de communication, un manque de connaissances de l’exploitation, un non-respect des règles internes et procédures, un non-respect des délais, un manque de rigueur ou encore des manquements dans la gestion de ses équipes. A titre d’exemples, la demanderesse n’avait informé la direction que tardivement du rapport du service d’hygiène et des rapports [du cabinet d'audit] R______ (cf. pièces 8 et 9 déf., rapports R______ des 10 janvier et 16 mai 2019), n’avait pas suivi les règles relatives à la somme maximale en caisse ou à l’autorisation préalable de la direction avant les engagements et n’avait pas observé les délais internes en matière de remise de documents (rapports financiers). Il avait régulièrement des erreurs dans les inventaires, factures, rapports de bouclements, etc. Elle avait omis de s’inscrire à temps pour la cession d’examen de cafetier et n’avait pas informé les ressources humaines des problèmes au sein des équipes, ni n’avait réglé les conflits interpersonnels. La défenderesse lui reprochait également une attitude inadaptée et conflictuelle à l’égard de plusieurs cadres du groupe, se référant à sa réaction à l’égard de M______ suite à la décision de commander de nouveaux vins, alors même qu’elle avait été invitée à la dégustation ou encore à sa réponse à L______ début mai 2019. Celle-ci n’écoutait pas les commentaires qui lui étaient faits et refusait de se remettre en question. Ne constatant pas d’amélioration suite à l’entretien de recadrage du 14 septembre 2018, la question du licenciement de la demanderesse avait été mise à l’ordre du jour et discutée par le conseil d’administration en décembre 2018 mais celui-ci avait estimé qu’il n’était pas opportun de se séparer d’une directrice d’exploitation à ce moment-là, étant donné qu’un autre directeur d’exploitation avait résilié son contrat à cette époque. Il avait été décidé de lui laisser une dernière chance. Un nouvel entretien de recadrage avait eu lieu le 21 mars 2019. N’ayant constaté aucune amélioration notable suite aux divers rappels à l’ordre et avertissements, la décision avait été prise le 20 août 2019, de manière unanime, par le conseil d’administration de licencier la demanderesse. Cette décision n’avait pas été formalisée.

Concernant les accusations de A______ à l’encontre de M______, B______ SA a indiqué que le règlement interne – code de conduite était remis à chaque collaborateur lors de la prise de fonction et présenté oralement lors de la journée de bienvenue. Les collaborateurs gérant des équipes devaient en outre suivre une formation externe sur la gestion des conflits. M______ était directeur des achats pour le groupe depuis fin 1998 et la demanderesse et lui étaient de simples collègues de travail sans lien hiérarchique.

Concernant le premier incident relaté par la demanderesse, la défenderesse a contesté la version des faits de celle-ci : l’intéressée avait en réalité soulevé sa jupe de manière suggestive en disant « alors, ça vous excite les mecs ? « et c’était à ce moment-là que M______ l’avait prise par le col pour la repousser selon ses dires. Ce dernier avait informé D______ de cet incident peu après. Quant à A______, elle ne s’en était jamais plainte. Elle n’en avait parlé « en riant » qu’à l’occasion d’un entretien, le 3 mai 2019, portant sur un autre sujet. Les entretiens des 8 et 9 mai 2019 étaient de l’initiative de D______ et de E______. Suite à ces faits, la demanderesse ne s’était jamais plainte d’un propos ou comportement déplacé de M______ et avait d’ailleurs conservé la photo qu’elle avait de ce dernier affichée dans son bureau.

Le deuxième incident, ayant eu lieu le 23 août 2019, avait été rapporté à E______ de manière informelle par A______ et la première avait immédiatement contacté D______. Ils avaient convoqué M______ le 26 août 2019 pour un entretien et lui avaient adressé un avertissement le lendemain (pièce 34 déf.). Ils en avaient informé la demanderesse lors d’un entretien le 28 août 2019.

La défenderesse a produit plusieurs pièces à l’appui de ses allégués :

-          une note manuscrite relative à l’entretien de recadrage du 21 mars 2019 qui mentionnait notamment « Incident visite service hygiène », « Reporting », « Manque d’information », « Performance insuffisante et inquiétante », « Arrogance », « N’écoute pas (Rien !) », « Attitude d’employé pas de dirigeante », « Irrite les collaborateurs, cadres du groupe » ou encore « Respect des procédures et délais « documents » (pièce 3 déf.) ;

-          un échange de courriels des 18 et 19 mars 2018 au sujet d’un incident avec un client (pièce 10 déf.), dans lequel D______ écrit « Principe de base, si vous me demandez mon avis, demandez le moi avant et non pas après. En l’occurrence, vous avez fait un choix, vous devez l’assumer » ;

-          des courriels relatifs à des engagements pour un stagiaire, un plongeur et un apprenti (pièces 12, 13 et 14 déf.) ;

-          un extrait du règlement interne – code de conduite de la société contenant un article mentionnant que « C______ Genève ne saurait tolérer le harcèlement sur toute personne pour quelque raison que ce soit. Cela implique le harcèlement sexuel, ( ) », que tout responsable ou collaborateur qui y aurait recours serait sujet à des mesures disciplinaires et le fait que le collaborateur s’estimant victime de harcèlement devait immédiatement en parler à son supérieur hiérarchique, aux RH ou à un cadre haut placé (pièce 29 déf.) ;

-          un courriel de T______ [opérateur de téléphonie mobile] du 17 novembre 2017 indiquant une valeur de fr. 489.95 pour un téléphone [portable de la marque] U______ (pièce 35 déf.).

y. Lors de l’audience de débats du 10 mai 2021, les parties ont confirmé leurs conclusions et la demanderesse a retiré sa conclusion relative au prélèvement de fr. 89.-

La demanderesse a ajouté deux allégués, à savoir qu’elle avait commencé à travailler comme directrice de l’établissement S______ le 1er avril 2020 et que ce dernier avait accru ses bénéfices depuis son arrivée.

z. Dans le délai imparti, par pli du 31 mai 2021, la défenderesse s’est déterminée sur les allégués nouveaux de la demanderesse et a ajouté des allégués en lien avec les rapports R______ (liasse 14 Trib.)

aa. Lors de l’audience de débats du 28 juin 2021, A______, interrogée, a exposé que lorsqu’elle avait débuté son activité, elle était arrivée dans une équipe qui était en place depuis un certain temps avec ses habitudes et usages. Elle avait senti assez rapidement que ses idées différentes gênaient un peu et qu’il n’y avait pas d’ouverture d’esprit, ses propositions se heurtant constamment à des refus. Elle avait parlé de ces refus à D______ à plusieurs reprises. Elle se faisait souvent critiquer et la discussion avec ce dernier était difficile car elle se faisait rabaisser. A un moment, elle avait arrêté de proposer des choses. Elle a précisé qu’elle devait passer par M______ pour tout achat. Concernant le harcèlement sexuel, elle a indiqué qu’elle savait que M______ avait la réputation d’être difficile ; on lui avait dit qu’il fallait mieux « se le mettre dans la poche », car il s’occupait de beaucoup de choses dans l’établissement. Au début, leur relation s’était bien passée, avec de l’humour souvent ; son compagnon était un ami du fils de M______. La situation avait cependant dégénéré petit à petit ; il arrivait qu’il lui gratte la main avec l’index lorsqu’il lui serrait la main ou qu’il fasse des bruitages à connotation sexuelle (soupirs, gémissements) lorsqu’elle passait. Sachant qu’il était très proche de D______, elle avait utilisé l’humour pour se défendre. Elle n’avait pas osé en parler directement avec D______, avec lequel la communication était difficile. Elle avait préféré ne pas en parler car elle craignait pour sa place et pour les relations de travail. En effet, elle faisait déjà face à des refus, même s’il y avait parfois des choses qu’elle obtenait, et avait peur que cela empire. Elle s’était confiée à la responsable de la réception et à P______. Ces personnes étaient dans le groupe depuis longtemps, savaient ce qui s’y passait et lui avaient dit de ne rien dire et d’accepter. Elle voulait gérer la situation elle-même et elle travaillait beaucoup d’heures, si bien qu’elle avait intériorisé. Elle n’avait pas contacté de médecin ; elle ne voulait pas donner l’impression d’être faible.

Lorsque la nouvelle RH, E______, était arrivée le 1er mai 2019, à son souvenir, en remplacement de K______, elle s’était dit que ce changement était une bonne opportunité. Elle avait profité de sa visite de l’hôtel pour lui en parler. Cela commençait à être lourd pour elle et ses relations avec M______ se détérioraient. La rencontre avec E______ avait eu lieu en mai 2019. Elle avait parlé de ses relations avec M______ et indiqué que cela la bloquait dans ses achats. Lors de la réunion, E______ avait immédiatement parlé de harcèlement sexuel. Il y avait eu deux épisodes, celui où M______ l’avait attrapée par la collerette en lui disant « Toi, je vais te choper » et elle lui avait alors répondu « laisse tomber, tu es trop vieux ». C’était sa manière d’échapper la situation. Ce jour-là, elle était entrée dans le bureau de M______ pour faire valider un achat, s’était recoiffée et avait ajusté sa jupe. Lors de l’entretien avec D______, celui-ci lui avait dit qu’elle avait été « aguicheuse » et qu’il y avait deux témoins, soit M______ et Q______.

K______, témoin, qui avait travaillé durant trois ans aux ressources humaines jusque fin janvier 2019, a déclaré que A______ était arrivée chez la défenderesse dans le cadre d’un recrutement classique, à savoir que la sélection se faisait en concertation avec D______, F______, le propriétaire, et lui-même. D______, selon son souvenir, était favorable à son engagement. A______ n’avait pas un rôle facile car elle devait gérer un établissement qui générait 50% de chiffre d’affaires en restauration et 50% en hôtellerie, la restauration demandant une implication plus conséquente. Sur une échelle de 1 à 10, A______ avait géré au niveau de 7-8/10. Elle avait à gérer des fortes personnalités. Il s’agissait d’une équipe assez fidèle, des gens très ancrés dans l’entreprise alors qu’elle-même était jeune et novatrice. M______ avait un caractère, une personnalité et beaucoup d’ancienneté. Il pouvait avoir une opinion forte sur certains projets et il fallait souvent s’adapter à lui ; il communiquait peu par email par exemple. Il ne pouvait cependant répondre par rapport à la relation de l’intéressé avec la demanderesse ; il n’avait pas eu de plainte de sa part. M______ faisait des blagues qui pouvaient être mal prises et pouvait dire les choses de manière abrupte sans égard à son interlocuteur. Il avait pu faire certaines blagues salaces à son assistante de l’époque, V______, par exemple, une fois, il avait simulé un orgasme. Ils avaient su gérer le problème sans son intervention. M______ faisait des blagues un peu sexistes à son assistante et pouvait choquer. Il n'avait cependant pas eu de retours de personnes se plaignant du comportement de M______. Il n’avait pas vu de raison de s’inquiéter quant à ces blagues. De plus, D______ le contrôlait très bien ; il gérait la situation. K______ a précisé qu’il pensait que ce dernier savait très bien ce que M______ faisait.

K______ a ajouté se souvenir qu’il y avait eu un recadrage de A______ ; il y avait des lacunes s’agissant de la partie administrative et de la partie commerciale également. Interrogé au sujet de la note d’entretien de recadrage du 14 septembre 2018, le témoin a expliqué qu’en résumé, la défenderesse reprochait à la demanderesse de travailler de manière trop indépendante et de ne pas s’appuyer assez sur les ressources du groupe C______. Il pensait que D______ était plus exigeant et plus sévère avec A______ parce qu’elle était nouvelle dans la société, comparé aux autres directeurs qui étaient là depuis très longtemps ; elle n’était toutefois par son « souffre-douleur ». D______ était une personne très exigeante de manière générale avec les cadres. D______ et M______ étaient très proches et on sentait ce dernier très à l’aise avec le premier.

bb. Lors de l’audience du 5 juillet 2021, le Tribunal a procédé à l’audition de témoins.

M______, ayant travaillé pour C______ de 1998 à mai 2021, a expliqué qu’il était parti d’un commun accord, étant précisé qu’il avait déjà atteint l’âge de la retraite depuis une année. Il partageait son bureau avec Q______, le directeur technique. Il avait une très bonne relation professionnelle avec A______ au début mais elle était devenue mouvementé quelques mois avant son départ. Leurs relations professionnelles avaient été « chamboulées » par deux événements. Une fois, A______ était venue à son bureau et avait soulevé sa jupe en disant « les mecs, cela vous excite ». Il l’avait alors prise par le col et sortie du bureau en lui disant « mais tu es folle ». Q______ et lui-même étaient choqués. Sachant que D______ devait s’entretenir avec elle le lendemain, il avait préféré le prévenir de la situation. Il était allé voir ce dernier dans son bureau et lui avait expliqué la situation. Il a précisé qu’il n’aurait peut-être pas dû la prendre par le col mais il s’était emporté. Le comportement de la demanderesse ce jour-là était déplacé. D______ avait été extrêmement choqué de ce que la demanderesse avait fait et lui avait demandé s’il voulait faire un rapport écrit, ce à quoi il avait répondu par la négative. Il a précisé que s’il ne l’avait pas prise par le col et sortie, il n’en aurait pas parlé à D______ ; il avait compris que cela pourrait aller plus loin.

M______ a ensuite relaté le deuxième évènement. Il avait organisé une dégustation de vins à l’hôtel W______ pour effectuer une sélection de vins. A______ y était invitée mais n’était pas venue. Il en avait parlé à A______ quelques jours après et elle s’était emportée. Reprenant sa position de directeur des achats, il lui avait dit que c’était comme cela et pas autrement. Dès ce moment, leurs relations professionnelles s’étaient poursuivies uniquement par courriels.

Il y avait eu un troisième évènement. Lorsque la chambre témoin avait été terminée et mise en exploitation, il avait vu dans le regard de la cheffe de réception qu’il se « passait quelque chose ». Elle lui avait dit qu’elle avait un problème avec A______, que celle-ci n’était jamais là et qu’elle ne faisait pas bien son travail si bien qu’elle devait tout faire et faire des heures supplémentaires. Il lui avait répondu qu’il ne pouvait rien faire. Deux ou trois jours après, la cheffe de la réception lui avait dit que cela ne s’était pas arrangé avec la demanderesse. Ils avaient parlé un peu et il lui avait demandé son avis sur la chambre témoin. Lorsqu’elle lui avait dit qu’elle n'aimait pas les deux personnages sur le poster, il lui avait dit – et il le regrettait – « tu ne préfèrerais quand même pas voir ta directrice à quatre pattes ? ». A ce moment, ils étaient à la réception avec les différents directeurs d’hôtel venus visiter la chambre. Il ne pensait pas qu’ils avaient entendu. Cela lui avait valu plus qu’un avertissement. Il n’avait jamais pensé que X______ qu’elle le répéterait ; il se sentait en confiance. Il avait été convoqué et reçu un avertissement écrit. D______ lui avait dit que c’était la dernière fois et qu’il serait renvoyé en cas de nouvel évènement.

M______ a ajouté que sa relation avec D______ était purement professionnelle. Interrogé au sujet de V______, il a répondu que les bureaux étaient séparés par une cour intérieure donnant sur un salon de massages spécialisé et l’été, l’après-midi, on pouvait entendre ce qu’il s’y passait (bruits, gémissements). Un jour, une personne avait poussé des cris pendant cinq ou dix minutes et il était allé voir V______ et lui avait demandé comment elle faisait pour travailler et avait « prononcé quelques voyelles » - essayant peut-être d’imiter la personne en question – avant de lui demander de fermer la fenêtre. Ils avaient tous ri. Interrogé sur les propos de ce dernier relatives à ses blagues sexistes, M______ a répondu qu’il pensait qu’il s’agissait d’une vengeance personnelle de K______ qui avait débauché quelques employés à son départ et à qui il avait fait la remarque. Il faisait d’ailleurs souvent des blagues et il n’était pas le seul mais n’avait jamais été convoqué aux RH.

Le témoin a par ailleurs nié avoir gratté la main de la défenderesse avec l’index en faisant des bruitages.

X______, cheffe de réception de l’Hôtel H______, employée depuis 2022, a déclaré qu’elle avait une bonne relation avec A______. Au début, il avait été difficile de s’adapter au changement qu’elle amenait, l’ancienne directrice étant là depuis longtemps. A son arrivée, la demanderesse n’avait pas beaucoup d’expérience et il avait fallu beaucoup de temps pour qu’elle s’adapte. La demanderesse avait commencé à lui deléguer beaucoup de travail ainsi qu’aux autres personnes à la réception, ce qu’elle trouvait positif, l’ancienne directrice faisant tout et ne faisant pas confiance. A______ était présente dans l’hôtel. Elle n’avait pas l’habitude de se plaindre, ni de raconter ce qu’il se passait au sein du groupe bien qu’elle-même soit son “bras droit”. La première année, la demanderesse ne lui avait pas parlé de problèmes même si elle avait des pressions au sein du groupe. La deuxième année, elle n’était pas bien.

Concernant l’épisode de la visite de la chambre témoin, il y avait M______ et d’autres directeurs. A______ était dans son bureau. Lorsqu’elle avait demandé à M______ à son arrivée s’il fallait prévenir cette dernière de sa présence et de la visite, celui-ci avait répondu par la négative. Cela lui avait paru étrange que ni la demanderesse, ni elle-même ne soient présentes lors de la visite. Après la visite de la chambre, les personnes étaient redescendues à la réception et elle avait demandé si la chambre leur plaisait. Elle lui avait dit qu’elle n’aimait pas la photographie représentant deux personnes âgées qui marchaient et il lui avait dit “ne t’inquiète pas chérie, je mettrai ta photo”. M______ était toujours comme cela avec tout le monde. Il aimait bien rigoler et être proche mais avec elle, il avait ses limites car son époux travaillait aussi pour C______. Poursuivant sur cet évènement, X______ a ajouté qu’elle avait répondu qu’il n’était pas nécessaire de mettre sa photo et il avait réagi en lui disant “dans ce cas, je mettrai une photo de ta directrice avec les vaches” ou quelque chose comme cela. Elle lui avait alors répondu qu’il ne devait pas parler ainsi de sa directrice, et l’un des directeurs lui avait dit qu’elle avait bien fait car elle défendait sa directrice. Après leur départ, elle avait rapporté les faits à A______ qui lui avait demandé ce qui s’était passé. Celle-ci avait été un peu déçue ou choquée. Le témoin a indiqué ne pas savoir quelle était la réputation de M______ dans le groupe, ni avec la gente féminine.

Y______, secrétaire de D______ et travaillant pour C______ depuis février 2000, a expliqué que A______ était considérée comme toutes les autres personnes; ils étaient tous traités de manière égale avec beaucoup de respect. D______ traitait toutes les personnes de manière égale. A propos de M______, elle a dit qu’ils collaboraient beaucoup ensemble et leurs rapports étaient corrects. Elle n’avait rien constaté de particulier quant aux rapports de celui-ci avec les femmes. Elle n’était pas au courant de ce qui s’était passé entre A______ et M______. Personne ne s’était plaint auprès d’elle du comportement de ce dernier. Elle a expliqué qu’il y avait toujours un programme de formation établi par les ressources humaines et D______ et le directeur précédent faisait la formation du nouvel arrivant. En général, la formation durait une bonne semaine. Elle savait que P______ était souvent présente pendant deux ou trois mois à l’arrivée de A______.

V______, assistante de K______ de 2017 à juin 2019 au sein de C______, a indiqué qu’avec A______, leurs relations étaient professionnelles et elles avaient créé des liens pour prendre des nouvelles. Elle savait qu’il y avait des soucis entre A______ et M______. Elle avait vu plusieurs fois A______ en pleurs dans son bureau et celle-ci était venue plusieurs fois lui parler de l’avertissement qu’elle avait reçu. Elle-même avait de bonnes relations avec M______ mais il avait des comportements déplacés , des choses qui ne se faisaient pas dans une entreprise. Elle se souvenait qu’il parlait très fort dans le bureau et qu’il avait fait des bruits d’orgasme en pleine journée. A cette occasion, elle s’était rendue dans le bureau de l’intéressé et lui avait dit “mais ça ne va pas?”. Il manquait parfois de respect. Quand il y avait des femmes, il les regardait de la tête aux pieds. Il lui faisait le baisemain et à une reprise, lui avait fait un massage sur les épaules. Elle avait été offusquée sur le coup. Elle disait les choses à M______ sur le ton de l’humour et lui disait gentiment que ce n’était pas correct. Mais elle pensait qu’elle aurait eu beau lui dire “n’importe quoi”, cela n’aurait servi à rien. Elle racontait à K______, son supérieur, tout ce qu’elle trouvait incorrect. Si elle lui avait dit qu’elle gérait la situation, c’était parce que celle-ci n’était pas très grave. Elle a fait part à E______, qui venait d’arriver, du comportement de M______ qui était un “personnage” et qui pouvait avoir des propos un peu insultants, grossiers ou vulgaires sur les compétences de certaines personnes. D’autres personnes s’en étaient plaintes. A______ lui avait parlé de propos déplacés de M______, d’une histoire de tableau vers l’été 2019. Elle savait que rien n’aurait changé si les informations étaient remontées à la direction. M______ était “intouchable”. D______ et ce dernier étaient proches mais ne savait pas s’ils étaient amis.

cc. Lors de l’audience du 8 juillet 2021, le Tribunal a poursuivi l’audition des témoins.

Z______, comptable et night auditor, employé du groupe C______ depuis dix-huit ans, a déclaré qu’à l’arrivée de A______, son travail n’avait pas beaucoup changé mais il avait quelques tâches à effectuer en plus. Il avait senti certaines tensions vers la fin des rapports de travail au niveau relationnel la concernant; il avait entendu dire que c’était avec la direction. Apparement, la demanderesse était très orientée marketing, vente et le reste, soit l’administratif, n’était pas ce qu’elle préférait. Le travail administratif était assez lourd. C’était une période où les affaires marchaient fort et les chiffres étaient bons mais il ne pouvait dire s’ils étaient meilleurs.

P______, employée du groupe C______, depuis 1992, directrice de l’Hôtel H______ de 1999 à 2017, a indiqué qu’elle avait été en charge de la formation de la demanderesse pendant plusieurs mois, à raison de deux-trois heures tous les deux jours puis une ou deux fois par semaine ou en cas de besoin. Elle avait notamment préparé un document de trois-quatre pages concernant les différents rapports à rendre avec les délais. Si elle avait participé à sa formation pendant plusieurs mois, c’était par ce que c’était sa première expérience en tant que directrice. De plus, après dix-huit ans dans cet hôtel, elle avait envie que tout se passe bien, que les employés soient en confiance. Sa relation s’était bien passée avec la demanderesse mais elle s’était mise en retrait lorsqu’il y avait eu des tensions entre la direction et celle-ci, pour ne pas se retrouver en port-à-faux. Il y avait des soucis au niveau des procédures, les rapports à rendre dans les temps, les clôtures. Il yavait des choses qu’elle n’était pas intéressée à faire, comme tout ce qui était administratif. En revanche, A______ avait un très bon rapport avec les clients. Au début, les rapport avec les collaborateurs étaient un peu tendus: elle avait besoin de s’imposer et de montrer qu’elle était la directrice. La demanderesse n’était pas très proche du personnel, qui l’appelait elle en cas de problèmes en lui disant que leur directrice ne leur avait pas donné de solution. Elle-même connaissait très bien les employés qui étaient là depuis de nombreuses années. A______ lui avait parlé de l’épisode des vins dont M______ lui avait imposé l’achat mais ne s’était pas confiée par rapport à l’attitude de ce dernier à son égard.

La témoin a ajouté que M______ était un “personnage” qui travaillait dépuis de nombreuses années et que tout monde le connaissait. C’était une personne extravertie, qui parlait beaucoup et aimait un peu s’imposer. Dans son rôle de directeur des achats, il était parfois un peu difficile à convaincre. Il aimait bien les femmes- il ne les courtisait pas plus que quelqun d’autre. Il n’avait jamais eu de gestes déplacés à son égard. Il faisait des remarques par rapport à des femmes en mini-jupe et il aimait les jambes. Il ne l’avait toutefois jamais mise mal à l’aise ou fait des remarques déplacées. Il avait en revanche fait des blagues par rapport à l’environnement autour mais cela ne la touchait pas personnellement. Au début, A______ était très proche de M______; ils se voyaient à l’extérieur. Jusqu’à l’épisode des vins qui avait fait basculer la situation, cela allait très bien entre eux et la demanderesse avait une attitude joviale et ouverte.

Lorsqu’elle-même avait repris l’Hôtel H______ au départ de A______, il y avait beaucoup de personnes qui avaient été bousculées. Celle ci n’avait pas la même manière de travailler qu’elle au niveau administratif et elle ne retrouvait pas, par exemple, les dossiers des nouveaux employés. Il y avait également un trou dans les statistiques de mi-2018 à mi-2019. Il y avait des choses à rechercher et à reprendre. Il y avait des personnes qui s’étaient plaintes du management de la demanderesse lui disant qu’elles avaient de la peine à obtenir de l’aide et du soutien et que cette dernière était souvent absente de l’exploitation. La cheffe de la réception disait que la demanderesse lui déléguait trop de tâches. A la fin, certains avaient toutefois changés d’avis.

Elle a encore exposé que selon elle, D______ traitait tous les directeurs de la même manière. Avant l’arrivée de A______, il était ravi qu’elle rejoigne leur équipe parce qu’elle avait un profil dynamique, jeune et sportif.

L______, chef comptable et employé depuis vingt-huit ans au sein du groupe C______, a décrit les relations avec A______ comme étant difficiles. Il y avait toujours des retards dans la remise des documents. Il y avait eu des rappels téléphoniques et par courriels et les échanges n’étaient pas toujours très agréables. Au niveau des contrôles inopinés des caisses, celles de la demanderesse étaient rarement à jour et comportaent des différences. Un jour, il y avait eu fr. 17’000.- en caisse alors que le maximum autorisé était de fr. 5’000.-. A______ avait demandé à la comptable en charge du contrôle de se rendre à la banque alors qu’ils avaient des procédures, selon lesquelles à partir de fr. 10’000.-, il fallait être deux pour aller déposer l’argent en banque. Au niveau des débiteurs, les factures étaient mal classées et les rappels n’avaient pas été faits; la demanderesse répondait qu’elle avait fait le nécessaire mais il n’y avait pas de trace. La demanderesse ne reconnaissait pas ses torts et les erreurs se répétaient tous les mois. Lorsque P______ l’aidait, cela allait mais la situation avait empiré lorsque celle-ci avait arrêter de l’aider. Il avait alors demandé à P______ et à sa collaboratrice de cesser de faire son travail et de ne plus l’aider à corriger ses erreurs car cela ne l’aidait pas. A un moment donné, suite à des échanges d’emails désagréables, il avait mis D______ en copie, ce qui avait amélioré les échanges mais non le travail. Lorsqu’il discutait avec les autres directeurs, les ressources humaines ou le service technique, il constatait qu’il n’était pas le seul à avoir des documents en retard ou des erreurs dans les documents. Pour lui, le comportement de D______ avec A______ était identique à celui qu’il avait avec les autres directeurs.

Q______, directeur technique depuis sept ans, a confirmé qu’il partageait son bureau avec M______. Il se souvenit de l’épisode au cours duquel A______ était entrée dans leur bureau, avait soulevé un peu sa jupe et dit “ah les garçons ça vous excite?”. Cela l’avait un petit peu choqué. M______ s’était levé, avait reculé puis s’était avancé vers elle, l’avait prise par le col en disant “il n’y a pas de cela ici” et l’avait sortie de son bureau. M______ l’avait ensuite regardé en disant “je ne comprends pas cela, ce n’est pas normal, j’en référerai à la direction”. Lui-même avait une bonne entente avec A______ même s’ils n’étaient pas toujours d’accord. Elle était toujours souriante et polie. Pour lui, M______ était poli, correct et souriant. Il avait de l’humour autant que d’aures. Il n’avait pas vu de différences de traitement de sa part avec les femmes.

AA______, responsable technique, employé au sein du groupe C______ depuis 2001, a déclaré qu’il avait eu de très bon contacts avec A______ en tant que collègue de travail. Elle avait changé certaines habitudes à l’hôtel, ce qui n’avait pas plus à tout le monde. Q______ était son chef direct et appréciait moyennemant cette dernière; ses propos à l’égard de celle ci n’étaient pas toujours très sympathiques. Quant à M______, il l’avait entendu tenir des propos un peu sexistes à l’égard de la demanderesse. Ils étaient trois dans la chambre témoin de l’Hôtel H______ et M______ avait demandé à la cheffe de la réception si elle aimait bien la photo sur le mur. Celle-ci avait dit qu’elle n’aimait pas trop et il lui avait dit “tu préfères ta directrice à quatre pattes là-dedans?”, donc sur la photo à la place de la vache. M______ était sans gêne et un peu “abusant” de sa place de directeur des achats. Il avait des propos un peu sexistes à l’égard des femmes, soit des propos que l’on tenait dans les années 70-80 mais qui n’étaient désormais plus acceptables. Le témoin a relaté un épisode au cours duquel M______ avait dit à une architecte de s’acheter une culotte en papier et de finir son travail.

AB______, responsable informatique, a indiqué qu’il y avait eu des “déviances” de la part de A______, comme d’autres personnes du groupe, au niveau informatique. Il n’y avait pas de connaissance au niveau informatique malgré un handover effectué par l’ancienne directrice. Il avait même dû garder une année les accès informatiques de l’ancienne directrice pour qu’elle aide au lieu des deux-trois mois usuels lorsqu’un directeur quittait un établissement. A______ ne savait pas où étaient les PC. Lors de séances, il avait constaté une escalade de provocations entre celle-ci et M______.

dd. Par courrier du 1er septembre 2021, la défenderesse a transmis l’attestation écrite et signée par F______ (liasse 26 Trib.).

F______ y mentionnait notamment que D______ était plutôt favorable à l’engagement de la demanderese et tous les membres du conseil d’administration l’avaient soutenu dans cette décision. Par ailleurs, la question du licenciement de A______ avait été discutée lors de la séance du conseil d’administration du 21 décembre 2018 et il avait été décidé de ne pas la licencier immédiatement car un autre directeur avait donné sa démission à cette époque et ils avaient préféré ne pas multiplier les départs. La décision de la licencier avait été prise lors de la séance de travail du 20 août 2019 de manière unanime. Les motifs du congé étaient la performance insuffisante et le manque d’intégration au sein du groupe.

ee. Le Tribunal a repris l’interrogatoire des parties lors de l’audience du 4 octobre 2021.

A______ a affirmé qu’elle avait parlé de M______ à la cheffe de la réception, à P______ et à E______. Elle n’en avait parlé qu’à des femmes car selon elle, M______ était protégé au sein du groupe. Ce dernier et Q______ étaient très liés et se soutenaient mutuellement. Elle contestait avoir reconnu les faits lors de l’entretien avec D______. Celui-ci l’avait accusée d’être aguicheuse, ce qui l’avait choquée. Suite à cela, elle ne pouvait plus parler car il avait continué à parler. D______ lui avait demandé ce qu’elle voulait faire. Elle avait peur que cela aille plus loin et lui avait dit qu’elle prendrait ses distances avec M______ et qu’elle l’aviserait immédiatement si cela se reproduisait. Si elle avait répondu qu’elle ne voulait pas d’enquête, c’était parce qu’elle ne voulait pas que cela aille plus loin par peur de représailles.

D______ a expliqué que lorsque M______ lui avait rapporté l’épisode de la jupe, il lui avait demandé s’il se plaignait et il lui avait répondu par la négative. Cela serait devenu très embarassant si cela avait été plus loin et il aurait dû sanctionner. Il avait pris note de ses dires et n’avait pas voulu aller plus loin, dans des histoires inutiles. M______ n’avait pas plus de liberté qu’un autre. S’il y avait eu des histoires, il y aurait eu des problèmes avant. Il n’avait pas été informé par A______, ni par d’autres personnes, des comportements de M______ (bruitages, grattage de main, etc.). E______ était venue le voir dans son bureau et l’avait informé qu’au cours d’une discussion sur un autre thème avec A______, celle-ci avait prononcé le mot de “harcèlement”. Immédiatement, il avait décidé de convoquer les deux concernés et de les entendre séparément. La demanderesse avait reconnu les faits; il n’avait donc pas eu besoin de les confronter. Après les avoir entendus, il avait demandé que cesse immédiatement ce genre de situation inacceptable.

Concernant la formation d’un directeur d’exploitation, si l’on engageait un directeur expérimenté, le handover était très bref, soit quelques jours. Pour A______, ils étaient conscients qu’il y aurait des lacunes d’expérience et il avait été demandé à P______ de l’assister à ses débuts. Selon lui, cela avait duré trois mois quotidiennement et à raison de deux-trois fois par semaine pendant les trois mois suivants. Après six mois, il avait demandé à P______ d’arrêter d’assister la demanderesse. Il aimait bien de manière générale donner une chance à de jeunes débutants parce que la volonté de réussir et l’enthousiasme compensaient le manque d’expérience. Cela avait été le cas pour la demanderesse. Il lui avait fait confiance mais ses espoirs avaient été déçus.

D______ s’est exprimé sur les griefs d’insatisfaction à l’égard de A______, en particulier au sujet du reporting. Son management était basé sur la confiance et un directeur devait être autonome mais il était indispensable qu’il lui fasse du reporting de tout ce qui était particulier ou anormal. Dans le cas précis, cela était d’autant plus important qu’il était détenteur de la patente d’exploitation de l’hôtel. Il y avait eu des incidents au niveau de la gestion sanitaire de la cuisine, ce qui était très grave dans leur profession. Il l’avait appris par E______. De même, A______ ne l’avait informé d’un incident avec un client que lorsque celui-ci avait pris des proportions importantes. De même, les rapports R______, entreprise externe de contrôle et de conseil en matière de gestion sanitaire des cuisines, ne lui avaient pas été adressés. Une des faiblesses de la demanderesse était la partie administrative. Elle avait de la peine avec la rigueur dans le reporting et le suivi des documents, en particulier au niveau des ressources humaines et il était arrivé que l’intéressé engage une personne sans en informer le département RH. Au niveau des achats, il y avait un différend entre A______ et M______ qui compliquait la situation. Il y avait également des différends avec d’autres personnes dans d’autres départements. Il a confirmé qu’il avait demandé le licenciement de A______ en décembre 2018 et que celui-ci avait été validé le 20 août 2019.

G______ a confirmé qu’ils avaient parlé du licenciement de A______ le 20 août 2019. D______ leur avait fait par de la situation de cette dernière en rapport avec sa performance et ses relations. Les dires de D______ confirmaient ce qui avait été discuté lors de la séance du conseil d’administration du 21 décembre 2018. Il avait recommandé de mettre fin aux rapports de travail et ils avaient validé sa proposition. Lors de la séance du 21 décembre 2018, le conseil d’administration avait décidé de donner une dernière chance à la demanderesse d’autant plus qu’il y avait déjà le départ d’un directeur et que F______ ne souhaitait pas qu’il y ait trop de changements de directeurs dans un temps aussi court.

E______, interrogée aussi, a déclaré qu’elle se trouvait à l’Hôtel H______ en mai 2019, un vendredi, pour faire un point RH avec A______. Celle-ci avait dit qu’elle était mécontente concernant l’épisode des vins. Sur le ton de la plaisanterie, elle lui avait dit qu’elle pouvait se plaindre de harcèlement. Elle en avait parlé le lundi suivant à D______ et il lui avait répondu qu’il fallait les rencontrer. Elle a précisé que dans la mesure où l’intéressée en avait parlé en riant dans son bureau avec la photo A4 de M______ sur le mur, elle avait pensé qu’ils s’entendaient bien. Lors de l’entretien avec A______, en avril 2019 à son souvenir, elle avait découvert l’épisode de la jupe. Lors de l’entretien du 8 mai 2019, D______ avait d’abord expliqué à A______ le protocole à partir du moment ou le mot “harcèlement” était prononcé. Ensuite celle ci s’était plainte de difficultés relationnelles avec M______ et avait fait état de ses blagues et propos déplacés, sans donner d’exemple. Alors, D______ lui avait dit avoir eu une plainte de M______ en raison d’une attitude discutable de A______ et c’était là qu’avait été évoqué l’épisode de la jupe. Lors de cet entretien, cette dernière avait reconnu – selon ses mots – qu’il y avait un jeu malsain entre eux auquel elle avait pris part. Elle n’avait pas dit qu’elle avait réajusté sa jupe. E______ a confirmé qu’à deux reprises, ils avaient proposé une enquête à la demandersse et que celle-ci avait refusé et dit qu’il fallait que M______ garde ses distances et qu’elle garderait les siennes. Le terme “aguicheuse” n’avait jamais été prononcé mais en revanche, les termes “attitude discutable” l’avaient été. Si elle n’avait fait qu’une note, c’était parce que les protagonistes avaient reconnu leurs torts, qu’ils étaient deux adultes de même niveau hiérarchique et A______ ne voulait pas aller plus loin. Ils les avaient toutefois rendus attentifs au fait qu’ils devaient les informer du moindre évènement. Le procès-verbal d’entretien n’avait été ni transmis, ni signé par les deux concernés.

E______ a ajouté que la semaine suivante, A______ avait reproduit le geste de la jupe en rigolant à un déjeuner entre les directeurs. Elle avait supposé qu’elle était en train de raconter leur entretien. Elle n’avait pas entendu ce qui se disait. Elle avait commencé chez B______ SA en avril 2019 et M______ était parti en mars 2021. Pendant cette période, personne ne s’était plaint de l’attitude ou de propos de ce dernier.

D.           Dans le jugement attaqué, le Tribunal des prud’hommes a retenu, en substance, que B______ SA devait verser à A______ la somme nette de fr. 489.95 (quatre cent quatre-vingt-neuf francs et nonante-cinq centimes), avec intérêts moratoires dès le 31 décembre. Il a condamné B______ SA à remettre à A______ un certificat de travail conforme aux considérants de la décision. Il dit qu’il n’est pas perçu de frais, ni alloué de dépens et déboute les parties de toute autre conclusion.

a. Le Tribunal des prud’hommes a tout d’abord retenu que le congé donné à la demanderesse le 30 août 2019 était ni discriminatoire, ni abusif, dans la mesure où il ne reposait pas sur un motif abusif et n’était pas lié à des plaintes de la demanderesse.

b. Le Tribunal a ensuite retenu qu’il ne se justifie pas d’allouer une indemnité pour harcèlement sexuel à la demanderesse dans la mesure où la direction de la défenderesse a agi assez rapidement lorsqu’elle a été informée d’épisodes problématiques concernant la demanderesse.

c.  Quant à la restitution du téléphone, le Tribunal a retenu que la défenderesse a de par son comportement décidé d’en faire don à la demanderesse et n’a pas prouvé avoir subi un dommage.

d. Finalement, le Tribunal retient qu’il est inutile d’assortir la décision de rectification du certificat de travail d’une menace d’une peine ou d’une amende.

E.            Dans son acte d’appel, A______ reproche tout d’abord au Tribunal des prud’hommes d’avoir constaté les faits de manières inexactes dans ce sens que le Tribunal retient que la visite de la chambre témoin en présence de M______ avait eu lieu le 23 août 2019 et non le 20 août 2019. L’appelante reproche ensuite une constatation inexacte des faits s’agissant des motifs de licenciement en ce sens que le Tribunal a omis de tenir compte de la chronologie réelle des évènements, en particulier le moment auquel les insatisfactions formulées par H______ ont eu lieu. Elle reproche finalement une constatation inexacte des faits quant au harcèlement sexuel, des plaintes de A______ et de l’absence de mesures adéquates de H______.

A______ reproche ensuite au Tribunal des prud’hommes d’avoir violé le droit au sens de l’art. 310 let. A CPC, en ce qu’ils ont retenu que le licenciement n’était ni discriminatoire, ni abusif. L’appelante reproche par conséquent au Tribunal de ne pas avoir retenu d’indemnité pour harcèlement sexuel.

F.            Par réponse du 16 mai 2022, B______ SA a conclut au rejet de l’appel. Subisidiairement l’intimée, conclut au rejet de l’appel ainsi que d’ordonner la réouverture des enquêtes pour entendre M. D______ et Mme E______.

G.           Par réplique du 22 juin 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

H.           Par duplique du 11 août 2022, B______ SA a elle aussi persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             L’appel a été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ), dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 145 al. 1 let. a, 146 al. 1 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale de première instance rendue dans une affaire de nature pécuniaire, qui statue sur des conclusions dont la valeur litigieuse, compte tenu de l'ensemble des prétentions demeurées litigieuses en première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.1 L’appel est dès lors recevable.

2. L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. Le litige relevant de la loi sur l’égalité, la procédure simplifiée est applicable (art. 243 al.2 let. a CPC) et la Chambre des prud’hommes établit les faits d’office (art. 247 al.2 let. a CPC). Elle contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

2.1 Les éléments relevés par les parties, qui découlaient du dossier de première instance, ont été intégrés dans l'état de fait dressé ci-dessus dans la mesure de leur pertinence.

3. L’intimée reproche à l’appelante d’alléguer dans son appel des faits nouveaux qui seraient irrecevables.

3.1 Selon l’art. 317 al.1 CPC, les faits et moyens de preuves nouveaux ne sont pris en compte qu’aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) ; ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

3.2 Il faut distinguer les « vrais nova » des « pseudo nova ». Les « vrais nova » sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu’après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (ATF 138 III 788 consid. 4.2 ; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu’ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les « pseudo nova » sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés (CAPH/110/2022 du 20.07.2022 consid. 2.1.1). Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu’ils sont irrecevables lorsqu’en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance (arrêts du Tribunal fédéral 5A_621/2012 du 20 mars 2013 consid. 5.1 et 4A_643/2011 du 24 février 2012 consid. 3.2.2).

3.3 En l’espèce, l’appelante met en exergue la date à laquelle a eu lieu la visite de la chambre témoin à la suite de laquelle M______ aurait fait des remarques à caractère sexuel à l’encontre de A______.

Elle reproche en particulier au Tribunal d’avoir retenu que la visite de la chambre témoin en présence de M______ avait eu lieu le 23 août 2019 et non le 20 août 2019.

3.4 L’intimée reproche à l’appelante à juste titre de se prévaloir pour la première fois en appel de la date de la visite de la chambre témoin. En effet, aucune date ne ressort de la demande en paiement déposé au Tribunal des prud’hommes. Il s’agit dès lors d’un « pseudo nova » dont l’appelante ne peut se prévaloir ; ce premier grief est irrecevable.

4. L’appelante reproche ensuite au Tribunal une constatation inexacte des faits s’agissant des motifs de licenciement en ce sens qu’il aurait omis de tenir compte de la chronologie réelle des évènements, en particulier le moment auquel les insatisfactions formulées par H______ ont eu lieu.

4.1 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d’examen (art. 310 CPC) dans la limite des griefs qui sont formulés (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5 ; 5A_8/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2). En particulier, elle contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenu (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

4.2 Le fardeau de la preuve quant à lui incombe au titulaire du droit qui fait l’objet de la contestation (art. 8 CC). Un fait n’est établi que si le juge en est convaincu. Il est inadmissible de juger selon une simple vraisemblance là où il manque l’ultime conviction du juge et où il reste un doute dans l’état de fait ou de se baser sur des affirmations rendues vraisemblables mais non prouvées. L’importance du fardeau de la preuve réside précisément en ceci que les doutes qui subsistent doivent agir au détriment de celui auquel incombe la preuve (ATF 118 II 235 consid. 3c, JdT 1994 I 331, SJ 1983 p. 336 consid. 2b).

Les simples allégations des parties, fussent-elles plausibles, ne suffisent pas à prouver un fait, à moins qu’elles ne soient corroborées par des pièces qui accréditent la thèse soutenue (ATF 141 III 433 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_795/2013 du 27 février 2014 consid. 5.2 ; 5A_414/2012 du 19 octobre 2012 consid. 7.3).

4.3 En l’espèce, l’appelante reproche aux premiers juges une constatation inexacte de la chronologie des faits en alléguant que la visite de la chambre témoin en présence de M______ avait eu lieu le 20 août 2019, cependant sans l’apport d’une pièce pour corroborer ses dires. Il ressort toutefois des pièces versées à la procédure, ainsi que des témoignages qu’il y eu deux visites de la chambre témoin distinctes, à savoir le 20 août 2019 et le 23 août 2019. Il appert également que la visite de chambre témoin litigieuse a eu lieu le 23 août 2019 et que la décision de licenciement a été prise le 20 août 2019. En particulier, le courriel de D______ adressé à F______ le 30 août 2019 confirme que la décision de licenciement a été prise « mardi passé ». Le 30 août 2019 étant un vendredi, la référence à mardi passé signifie qu’il s’agit de la date du 20 août 2019 puisque le 23 août 2019 tombait sur un vendredi. De plus, les déclarations écrites de F______ du 27 août 2021 confirment que la décision de licenciement a été prise le 20 août 2019. Le témoignage de G______ confirme les déclarations de F______, ainsi que la date du 20 août 2019. Ce témoignage a finalement été à son tour confirmé par D______.

4.4 Comme le soulève justement l’appelante il y a eu des griefs d’insatisfactions à son égard depuis sa première année de service en 2018. Il ressort des pièces de la procédure que le 10 septembre 2018 D______ a adressé un courriel à A______ concernant les manquements constatés par le Service de la consommation le 30 août 2018. Ensuite, le 14 septembre 2018 l’appelante a reçu un courrier intitulé « rapport d’entretien et de recadrage ». Il lui est notamment reproché des résultats d’exploitation insatisfaisants. Le 12 novembre 2018 L______, chef comptable, lui a fait état de son insatisfaction quant à ses rapports de bouclement.

Le 21 décembre 2018, a eu lieu une séance réunissant le Conseil d’administration de B______ SA, soit pour lui F______, D______ et G______. Le procès-verbal établi à cette occasion indiquait au sujet de A______ que sa performance et son attitude étaient « inquiétantes et décevantes, tant au niveau de la relation avec les équipes qu’avec les directeurs/trices d’exploitations et les différents cadre », qu’elle avait eu plusieurs entretiens et un avertissement et que D______ préconisait son remplacement. Le document mentionnait que F______ aurait déclaré que des « mouvements dans les directions d’hôtel » n’étaient pas souhaitable[s] » (pièce 23 déf.).

Ces griefs d’insatisfaction ont été soulevés peu après l’entrée en fonction de l’appelante et sont intervenus avant que celle-ci ne se plaigne du comportement de M______.

Le 21 février 2019 L______ a à nouveau informé l’appelante que ses rapports de rendements contenaient des erreurs. Ce n’est que le 3 mai 2019 que l’appelante s’est plainte du comportement de M______ auprès de E______.

L’appelante relève que ces insatisfactions ne peuvent jouer un rôle déterminant dans la décision de licenciement et que ses plaintes en lien avec M______ du 3 mai 2019 et 20 août 2019 sont la cause du licenciement.

Dans la mesure où il n’est pas établi que l’épisode de la visite de la chambre témoin a eu lieu le 20 août, à savoir avant la décision de licenciement, le Tribunal des prud’hommes a correctement tenu compte de la chronologie des faits, telle qu’ils ressortent des pièces de la procédure.

Quoi qu’il en soit, il ressort des pièces que la question du licenciement de l’appelante a été discutée une première fois déjà le 21 décembre 2018 au sein du Conseil d’administration. Il appert donc que ce dernier avait déjà des griefs d’insatisfaction à l’égard de l’appelante avant qu’elle se plaigne du comportement de M______ et que l’épisode de la visite de la chambre témoin, dont l’appelante s’est plainte, a eu lieu trois jours après que la décision de licenciement ait été prise.

Il en résulte que la décision de licenciement a bien été prise sur la base de motifs d’insatisfaction qui avaient existé depuis la première année de service de l’appelante en 2018. Le Tribunal a à juste titre retenu que les motifs de licenciement énumérés dans le courrier du 11 septembre 2019 se sont avérés exacts au vu des pièces figurant au dossier et des témoignages.

4.5 L’appelante reproche finalement une constatation inexacte des faits quant au harcèlement sexuel, des plaintes de A______ et de l’absence de mesures adéquates de H______.

L’appelante soulève en particulier que le Tribunal se contredit en ce sens qu’il retient dans l’état de fait que A______ s’était plainte de M______ auprès de E______ le 3 mai 2019, mais qu’il indique ensuite dans sa partie en droit au considérant 3c) que « la direction n’était pas informée d’un comportement visant spécifiquement la demanderesse ».

4.6 Le grief de constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC) ne peut être soulevé que si la correction du vice est susceptible d’influer sur le sort de la cause (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 ; Jeandin, op. cit., n. 5 ad art. 320 CPC), ce qui n’est pas le cas lorsqu’il vise une constatation de fait n’ayant aucune incidence sur l’application du droit (ATF 127 I 38 consid. 2a).

Dans la mesure où le Tribunal retient plus loin (consid. 4.b) à nouveau que l’appelante a informé la direction d’épisodes problématiques la concernant avec M______, cette contradiction n’est pas déterminante et n’influe pas le sort de la cause.

Partant, les griefs de constatation inexactes des faits sont rejetés.

6. L’appelante fait en outre grief au Tribunal d’avoir violé le droit, en ce sens qu’il a retenu que le licenciement n’était ni discriminatoire, ni abusif.

6.1 Elle reproche en premier lieu au Tribunal de ne pas avoir qualifié les propos de M______ après la visite de la chambre témoin le 23 août 2019 comme ayant un caractère sexuel, portant atteinte à la dignité de A______.

6.2 La loi sur l’égalité protège contre deux types de licenciements : le congé discriminatoire (art. 3 LEg) et le congé de rétorsion (art. 10 LEg), qui fait suite à une réclamation (notamment adressée à un supérieur ou à un autre organe compétent au sein de l’entreprise) pour discrimination en raison du sexe (CAPH/110/2022 du 20.07.2022 consid. 6.2.1 ; Lempen, Le point sur la loi fédéral sur l’égalité in RFJ 2013, p. 276).

Pour que l’on se trouve en présence d’un congé-représailles tombant sous le coup de l’art. 10 LEg, il faut que la résiliation du contrat de travail par l’employeur fasse suite à une réclamation du travailleur portant sur une discrimination à raison du sexe. Bien qu’il ne soit pas nécessaire que la réclamation soit fondée, elle doit être formulée de bonne foi, la protection contre le congé n’étant pas donnée dans l’hypothèse d’un abus de droit manifeste de la part de l’employé (Wyler/Heinzer, Droit du travail, 4ème éd. 2019, p. 842 ; Barone, in Bigler-Eggenberger/Kaufmann, Commentaire de la loi sur l’égalité, 2009, n. 9 ad art. 10 LEg et les références citées).

Un licenciement qui suit une réclamation est présumé être un congé de rétorsion (Lempen, Le point sur la loi fédérale sur l’égalité in RFJ 2013 p. 272 et la référence citée, p. 277). L’art. 10 LEg se caractérise ainsi par un renversement du fardeau de la preuve par rapport aux règles générales en matière de congé abusif (Wyler/Heinzer, op. cit. p. 843). La partie employeuse peut renverser cette présomption en prouvant que la résiliation des rapports de travail repose sur un motif justifié. La notion de motif justifié est plus large que celle de juste motif applicable en cas de résiliation immédiate du contrat de travail. Un licenciement est, par exemple, considéré comme justifié, au sens de l’art. 10 LEg, s’il est motivé par des absences répétées et non excusées du travail ou par la non observation continuelle d’instructions (Lempen, ibid). Doit ainsi être considéré comme tel tout motif qui peut raisonnablement donner lieu à la résiliation (Wyler/Heinzer, ibid.).

D’après l’art. 10 al.2 LEg, la protection commence à courir dès que le travailleur se plaint d’une discrimination à l’employeur et qu’il formule une réclamation auprès d’un supérieur ou d’un autre organe compétent au sein de l’entreprise. Elle s’éteint six mois après la clôture de la procédure interne ou judiciaire, selon qu’à l’issue des démarches internes, le travailleur a ou non introduit une requête de conciliation ou une demande en justice (Wyler/Heinzer, p. 843-844).

6.3 Le harcèlement sexuel est un cas particulier d’atteinte à la personnalité au sens de l’art. 328 CO.

L’art. 4 LEg définit le harcèlement sexuel comme un comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle.

Le harcèlement sexuel peut prendre différentes formes : remarques sexistes, commentaires grossiers ou embarrassants, usage de matériel pornographique, attouchements, invitations gênantes, avances accompagnées de promesses de récompense ou de menaces de représailles (Message du 24 février 1993 concernant la LEg, FF 1993 I 1219). Bien que l’art. 4 LEg ne se réfère qu’à des cas d’abus d’autorité, la définition englobe tous les comportements importuns de caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb, arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1 et 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 7.2).

6.4 En l’espèce, le Tribunal a à juste titre retenu l’existence de harcèlement sexuel de la part de M______ qui avait un comportement déplacé récurrent à l’égard des femmes dont l’appelante.

L’appelante soulève à son tour à juste titre également que le Tribunal aurait omis de qualifier les propos de M______ après la visite de la chambre témoin comme ayant un caractère sexuel portant atteinte à sa dignité.

6.5 Selon elle, aurait dû être retenu par conséquent l’existence d’un licenciement discriminatoire au sens de l’art. 5 al.2 LEg.

Le travailleur qui prétend, sur la base de l’art. 336 CO, que le congé qui lui a été notifié est abusif doit en apporter la preuve (art. 8 CC). Il doit établir non seulement le motif, mais aussi l’existence d’un lien de causalité entre l’état de fait fondant le caractère abusif du congé et la résiliation du contrat de travail (CAPH/110/2022 du 20.07.2022 consid. 6.2.2).

Pour déterminer si un congé est abusif, il convient de se fonder sur un motif réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2015 du 15 février 2016 consid. 3.1). Il doit par ailleurs exister un lien de causalité entre le motif répréhensible et le licenciement. En d’autres termes, il faut que le motif illicite ait joué un rôle déterminant dans la décision de résilier le contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_437/2015 du 4 décembre 2015 consid. 2.2.2).

Selon l’art. 6 LEg, l’existence d’une discrimination à raison du sexe est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable (CAPH/10/2022 du 18.01.2022 consid. 4.3.1). Cette disposition introduit un assouplissement du fardeau de la preuve par rapport au principe général de l’art. 8 CC, dans la mesure où il suffit à la partie demanderesse de rendre vraisemblable la discrimination par l’apport d’indices objectifs (ATF 131 II 393 consid. 7.1). L’art. 6 LEg précise que l’allègement du fardeau de la preuve s’applique notamment à la résiliation des rapports de travail.

N'est pas abusif le congé donné à l’encontre d’un collaborateur dont le caractère difficile a fait naître une situation conflictuelle sur le lieu de travail, et intervient après que l’employeur a pris toutes les mesures nécessaires pour tenter de résoudre le conflit (CAPH/110/2022 du 20.07.2022 consid. 6.2.3). S’il s’abstient d’agir ou ne prend que des mesures insuffisantes, l’employeur enfreint son devoir d’assistance, déduit de l’art. 328 CO, et commet un abus en licenciant l’employé.

Le juge établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). L’appréciation du caractère abusif du licenciement suppose l’examen de toutes les circonstances du cas d’espèce (ATF 132 III 115 consid. 2.5 et les références citées).

En l’espèce, le grief tombe à faux puisque dans le cadre de sa libre appréciation des preuves (art. 157 CPC), le Tribunal a détaillé les raisons qui lui ont permis d’aboutir à la conclusion que le licenciement était essentiellement dû à des manquements objectifs de l’appelante et sans relation avec les plaintes exprimées par celle-ci. Il a pour cela procédé à une analyse de la situation et des témoignages recueillis, en passant en revue les éléments objectifs importants ayant conduit l’intimée à licencier son employée, lesquels ressortent du jugement entrepris et ne sont pas critiquables (CAPH/107/2020 du 25.05.2020 consid. 4.2).

La Cour de céans considère que l’intimée a pris les mesures nécessaires pour tenter de résoudre le conflit entre l’appelante et M______ dans le cadre des plaintes de harcèlement. De plus, la situation conflictuelle sur le lieu de travail résultait des performances insatisfaisantes de l’appelante ce qui ressort des pièces à l’appui de la procédure, ainsi que des témoignages recueillis, de sorte que la direction de l’intimée a songé à licencier A______ en 2018 déjà, à savoir avant que cette dernière n’exprime ses plaintes quant au harcèlement.

Le Tribunal des prud’hommes a ainsi à juste titre retenu que licenciement reposait sur les divers griefs d’insatisfaction à l’égard de l’appelante qui ont été exprimés depuis l’année 2018 déjà et qui étaient partant indépendantes de ses plaintes.

Ces circonstances conduisent la Cour de céans à considérer que l’intimée a valablement démontré les raisons qui l’ont conduite à licencier l’appelante. Par conséquent, le licenciement n’est pas discriminatoire.

7. L’appelante reproche finalement au Tribunal d’avoir violé l’art. 5 al.3 LEg en n’octroyant pas d’indemnité pour harcèlement sexuel.

7.1 Selon l’art. 5 al.3 LEg, lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, le tribunal peut condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que l’employeur ne prouve qu’il a pris les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin. L’indemnité due sera fixée compte tenu de toutes les circonstances et sera calculée sur la base du salaire moyen suisse. Si l’employeur prouve qu’il a rempli son devoir de diligence, il ne peut être condamné au versement de cette indemnité (ATF 126 III 395 consid. 7b).

7.2 En l’espèce, l’appelante reproche au Tribunal d’avoir retenu que l’intimée ait prise des mesures appropriées.

Il ressort des pièces de la procédure que la direction de l’intimée a rapidement réagi après avoir eu connaissance des plaintes. Elle a notamment organisé une réunion le 8 mai 2019 et a proposé de procéder à une enquête interne, qui n’était toutefois pas souhaité par l’appelante. L’on ne peut ainsi lui reprocher un manque de diligence.

Le Tribunal a partant à juste titre retenu que la direction de l’intimée a pris les mesures nécessaires quant au comportement de M______ dirigé vers l’appelante.

Le licenciement non abusif doit dès lors être confirmé et les prétentions de l’appelante en paiement d’indemnités doivent être rejetées.

8. Au vu de ce qui précède, l’appel est infondé. Le jugement attaqué sera confirmé.

9. Il n’est pas perçu de frais judiciaire dans la procédure au fond dans les litiges relevant de la loi sur l’égalité (art. 114 let. a CPC).

10. Il n’est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 2 :


A la forme
:

Déclare recevable l’appel formé par A______ contre le jugement JTPH/50/2022 du 25 février 2022 par le Tribunal des prud’hommes dans la cause C/6344/2020-2.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu’il n’est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Serge FASEL, président ; Madame Fiona MAC PHAIL, juge employeur, Monsieur Kasum VELII, juge salarié, Monsieur Javier BARBEITO, greffier.

 

Le président :

Serge FASEL

 

Le greffier :

Javier BARBEITO

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.