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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/12744/2019

CAPH/117/2022 du 28.06.2022 sur JTPH/220/2021 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

Recours TF déposé le 14.09.2022, rendu le 07.07.2023, REJETE, 4A_390/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

 

 

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12744/2019-5 CAPH/117/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 28 juin 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante et intimée d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 15 juin 2021, comparant par Me Manuel BOLIVAR, avocat, rue des Pâquis 35, 1201 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

 

et

Hoirie de feue B______ soit pour elle :

Madame C______, domiciliée ______,

Monsieur D______, domicilié ______,

Monsieur E______, domicilié ______,

appelants et intimés, comparant Me Nathalie BÜRGISSER SCHEURLEN, promenade de Saint-Antoine 20, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle ils font élection de domicile.


 

EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPH/220/2021 du 15 juin 2021, notifié le lendemain, le Tribunal des prud'hommes a, statuant par voie de procédure ordinaire, condamné B______, C______ et E______, conjointement et solidairement, à verser à A______ les sommes de 230'145 fr. 70 brut et 3'012 fr. 45, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2019 (chiffres 2 et 4) et arrêté les frais de la procédure à 4’640 fr., mis à la charge des défendeurs, sans allouer de dépens (chiffres 7 à 11).

b. Le Tribunal a, sur les points litigieux en appel, retenu que A______, engagée sans expérience, avait travaillé à plein temps du 16 avril 2013 au 31 janvier 2019, étant logée et nourrie. Sa rémunération aurait dû s'élever à 265'078 fr. brut, sous déduction du salaire en nature et, compte tenu des montants reçus, 53'873 fr. brut lui restaient dus, portant intérêts dès la fin des rapports de travail, soit le 1er février 2019. Elle avait aussi droit à 172'370 fr. brut à titre d'heures supplémentaires, de travail de nuit et du dimanche, ayant été active une heure de plus chaque jour de la semaine, deux heures le samedi matin et deux heures le dimanche soir, et ayant effectué des veilles de nuit durant toute la durée du contrat de travail. Son solde de vacances de 20.82 jours devait être rémunéré à hauteur de 3'902 fr. 70 et, en raison du prélèvement indu de la cotisation de solidarité de 1 % et de l'assurance accident non professionnel, elle avait droit au remboursement de 3'012 fr. 45 net.

c. B______ étant décédée le ______ 2021, la procédure se poursuit contre son hoirie, composée de ses enfants, C______ et D______, et contre E______.

B. a. Par acte expédié le 16 août 2021, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation des chiffres 2 et 4. Elle conteste le salaire retenu, le calcul des vacances et le dies a quo des sommes dues et conclut à la condamnation des intimés à lui verser, conjointement et solidairement, 236'618 fr. 31 brut et 3'012 fr. 45 net, avec intérêts à 5% l'an dès le 15 mars 2016.

b. Par acte expédié le 17 août 2021, l’hoirie de B______ et E______ ont aussi formé appel de ce jugement. Ils requièrent l'annulation des chiffres 2 à 11 et invitent la Chambre de céans à leur donner acte de leur accord de verser à A______ 2'815 fr. 80 brut au titre de salaire afférent aux vacances et 721 fr. 50 pour le remboursement des cotisations solidarité indûment perçues.

c. En répondant à cet appel, A______ a formé un appel joint, concluant à l'annulation du chiffre 2 du jugement déféré, portant ses prétentions à 311'950 fr. 82, plus intérêts à 5% dès le 15 mars 2016.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née le ______ 1976, de nationalité bolivienne, titulaire d'un permis B, a donné naissance à F______, le ______ 2012. Selon une attestation de G______ [institution de gestion en assurances sociales], elle a été déclarée aux assurances sociales obligatoires et accidents de juin 2009 à novembre 2012, soit durant 39 mois. Elle gardait alors les enfants de H______ et s'occupait à mi-temps du ménage, préparant le repas des enfants que lorsque l’employeur en était empêché, à une fréquence restée inconnue (cf. témoins H______ et I______, attestation susvisée). Aucune autre activité, de quelque nature que ce soit, ne ressort de la présente procédure, ni avant ni après l’engagement susvisé.

b. B______, née le ______ 1924, a vécu dès 1961 dans une maison individuelle au chemin 1______ aux J______ [GE], dans laquelle elle dormait au premier étage. En 2012, il lui arrivait de se déplacer avec un déambulateur mais elle avait conservé une mobilité relativement indépendante. Sa santé s’est progressivement dégradée et elle a eu recours à une chaise roulante vers la fin 2018. Elle pouvait alors rejoindre le premier étage grâce à l'installation d'une chaise électrique.

c. C______ et E______, fille et beau-fils de B______, ont engagé oralement A______, dès le 16 avril 2013, en qualité d’employée domestique, pour s’occuper d'elle, moyennant un salaire mensuel convenu de 2'000 fr. brut, porté à 2'100 fr. brut dès avril 2016, sur lequel des cotisations d'assurance-chômage (2,2 %), d'assurance-chômage solidarité (1 %) et d'assurance-accident non professionnel (33 fr. 10) étaient prélevées. L'employée et sa fille étaient, dès l'engagement, logée au rez-de-chaussée de la maison, dont le salon de 25 m2 avait été équipé d'un canapé-lit pour deux personnes ; elles bénéficiaient d'un accès au jardin, au hall d'entrée et à la cuisine.

d. F______ a fréquenté la crèche K______, à L______ [GE], trois après-midis par semaine, de 13 heures 30 à 17 heures, de septembre 2014 à juin 2015 puis, selon le même horaire, quatre après-midis par semaine, de septembre 2015 à juin 2016. Elle a ensuite commencé sa scolarité dans une école située à proximité du domicile. Sa mère l'amenait ou allait la chercher à la crèche, puis à l'école, mais pas systématiquement ; elle l'a aussi conduite chez une logopédiste, une fois par semaine, en 2017 et 2018. Une amie de sa mère, M______, s'occupait d'elle le matin, une à deux fois par semaine, entre 2014 et mai 2018.

e. B______ était assistée par l'IMAD dès août 2012. Des carnets de santé de cette institution, versés à la procédure, ressort principalement ce qui suit :

- une infirmière, ou aide-infirmière, passait régulièrement au domicile de B______, pratiquement chaque jour, voire deux fois par jour à certaines périodes ;

- en novembre 2012, B______ avait conservé son autonomie et sa mobilité ;

- 7 chutes de B______ la nuit ont été répertoriées (août 2012, février 2013 (2x), novembre 2013, avril 2015, avril 2018 et septembre 2018) ;

- B______ ne mangeait que si elle était accompagnée ;

- les médicaments de la semaine étaient préparés par l'IMAD ;

- le représentant de l'IMAD lui mettait ses bas de contention. Une tentative a été faite pour que A______ s'en occupe, le 22 octobre 2013, abandonnée le lendemain, la tâche s'avérant trop technique ;

- en janvier 2014, B______ sortait tous les jours et montait seule les escaliers ;

- pendant l'activité de A______, la première mention d'un déambulateur intervient le 20 mai 2014. B______ en faisait encore usage en octobre 2018 ;

- en mai 2014, pendant environ un mois, son fils l'a conduite à plusieurs reprises au Centre Ambulatoire de Psychiatrie et Psychothérapie de la personne âgée des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : CAPPA et HUG), où elle restait de 9 heures 30 à 16 heures 30, heure à laquelle A______ l'attendait à l'arrêt de bus. Elle a poursuivi ses consultations au CAPPA, irrégulièrement, jusqu'en avril 2015 ;

- il est fait mention de l'usage d'une chaise percée dès le 3 octobre 2018, étant précisé qu'en mars 2019, elle l 'utilisait seule ;

- elle a assisté aux cours de peinture de sa fille les mardis, encore en 2018.

f. Une attestation de l’IMAD a confirmé ces faits. De 2013 à 2020, B______ a reçu des prestations conséquentes. Une aide-soignante se rendait chez elle cinq jours par semaine, en charge de sa petite toilette, de son habillement et du passage des bas de contention. Une autre aide-soignante venait deux fois par semaine pour la douche et une infirmière effectuait une visite hebdomadaire pour la prise de tension, la préparation du pilulier et les soins qui pouvaient s’avérer nécessaires. Elle bénéficiait d’un système d’appel à l’aide, de 2013 à 2018. Selon cette attestation, "la dame de compagnie de Madame B______ n'a jamais été amenée à suppléer le personnel de l'IMAD" dans ces charges.

g. B______ a été hospitalisée aux HUG ou placée en institution à plusieurs reprises. Elle était à l'hôpital avant l'engagement de A______, du 19 mars au 16 avril 2013. Elle y a ensuite séjourné du 30 avril au 24 juin 2013, du 26 août au 9 octobre 2013 et du 12 septembre au 2 octobre 2018 (122 jours). Elle était aussi en unité d’accueil temporaire de répit (UATR), du 19 décembre 2014 au 10 janvier 2015 puis du 6 au 21 août 2015, soit une absence du domicile de 38 jours. Elle a également séjourné à K______ [établissement de soins palliatifs] du 17 octobre au 27 novembre 2018 (42 jours).

h. Par contrat écrit du 3 décembre 2018, E______ a engagé O______ en qualité de stagiaire d’aide à domicile, chargé plus particulièrement d’assister A______. Il devait assurer une présence indispensable auprès de B______, qui ne devait jamais être laissée seule. Il était chargé du réveil, à 7 heures 45, de la préparation du petit-déjeuner, pris à 8 heures 30, du repas de midi, à 12 heures 30 ou 13 heures, et du repas du soir, à 18 heures 30 ou 19 heures. Le somnifère devait être administré aux environs de 23 heures. Il devait l’aider à se déplacer, l’accompagner aux toilettes, la servir à table, veiller à son confort, lui administrer ses médicaments, lui donner à boire souvent et régulièrement, et lui tenir compagnie autant que possible. Selon les conditions météorologiques, il devait la promener en chaise roulante dans le quartier. Il dormait au premier étage, à côté de la chambre de B______.

i. Durant son engagement, elle a bénéficié de quatre semaines de vacances de 2014 à 2017 mais d'aucun jour en 2013 ni en 2019. Pour 2018, l'employée a signé une fiche de vacances mentionnant avec un complément de sa main qu'un solde de 4 jours lui était dû.

j. A______ a reçu de ses employeurs 142'400 fr. brut de salaire de 2013 à 2019.

k. Elle a été licenciée le 19 octobre 2018 pour le 31 janvier 2019, date envisagée de l’entrée en EMS de B______, mais elle a pu conserver son logement jusqu'au début du mois de juin suivant.

l. Le 23 août 2019, après l'échec de la conciliation, A______ a assigné C______, E______ et B______, leur réclamant paiement de 110'442 fr. 47 brut pour solde de salaire, 340'924 fr. 23 brut pour des heures supplémentaires, du travail de nuit et du dimanche non-rétribué, 9'325 fr. 15 brut pour les jours de vacances non pris en nature et 3'012 fr. 45 net à titre de remboursement des déductions indues sur son salaire, soit 712 fr. pour les cotisations de solidarité et 2'300 fr. 45 pour les primes d'assurance accident non-professionnel. Elle sollicitait également la délivrance des fiches de salaire mensuelles et des certificats de salaire annuels pour toute la durée des rapports contractuels, corrigés conformément aux salaires dus.

Elle avait accepté son emploi alors qu'elle bénéficiait d'une expérience d’employée domestique acquise auprès de nombreuses familles à Genève, mais n'avait, malgré cela, perçu qu’un salaire mensuel brut inférieur au salaire minimum d’un employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle utile au poste. Elle s'occupait de toutes les tâches domestiques au service de B______, incluant sa prise en charge de jour et de nuit, la préparation des repas, les courses, le ménage, la lessive et le repassage. Il lui avait été imposé d'être logée sur place. Elle dormait au salon, sur un canapé, avec sa fille, car la chambre n’était pas chauffée, ce qui ne respectait pas les exigences du contrat-type.

Du 16 avril à mi-mai 2013, elle avait travaillé du lundi au vendredi de 8 heures à 20 heures chaque jour. Après l’hospitalisation de B______, de mi-juin 2013 à septembre 2013, elle travaillait du lundi au dimanche, de 8 heures à 24 heures. Dès octobre 2013, son horaire était identique, du lundi au vendredi, avec une heure de pause. Elle travaillait aussi le samedi, de 7 heures à 10 heures, et le dimanche, de 20 heures à 24 heures, jusqu’en janvier 2019.

De 2013 à 2015, elle devait être à disposition de B______ jusqu'à minuit, pour parer à toute nécessité. Elle avait d'ailleurs dû intervenir durant la nuit à quelques reprises. Dès 2016, elle devait intervenir en moyenne trois fois par nuit, B______ étant agitée, malgré la prise de somnifères ; elle appelait à l’aide et il lui arrivait de chuter de son lit plusieurs fois par année. Son état de santé aggravé ne lui permettait plus de rester seule et la charge de travail de A______ en était augmentée d’autant. À cette date, l'installation d'une chaise électrique facilitait l'accès de B______ au premier étage.

E______ lui versait quelque 500 fr. par mois pour sa nourriture et celle de B______, ce qui était insuffisant, et elle achetait sur son argent le supplément nécessaire pour elle et sa fille.

m. C______, E______ et B______ ont conclu au rejet de la demande. Ils avaient accueilli A______ peu après la naissance de sa fille, alors qu’elle n’avait nulle part où loger. Ils avaient vécu en harmonie, dans une magnifique maison et elle ne s'était jamais plainte de surmenage, n'avait fait valoir des heures supplémentaires ni qu'elle devait s’occuper la nuit de B______. Elle avait pour seule charge de faire les courses et de partager les repas qu’elle préparait pour elle-même et son enfant avec B______. Au-delà, elle vaquait à ses occupations, à sa convenance et sans contrainte d’horaires, comme elle l’aurait fait dans un appartement qui aurait été le sien.

B______ était indépendante et l'IMAD s’occupait de sa santé. Le ménage et les tâches ménagères étaient effectuées par une aide-ménagère jusqu’à fin 2015, C______ prenant ensuite le relais. Ainsi, l’activité de A______ représentait trente heures par semaine, au plus. Les salaires allégués étaient admis et elle recevait en outre deux cents francs par semaine, toutes les autres dépenses, exceptionnelles ou non, dépassant ce montant lui étant remboursées sur présentation d’un justificatif.

Malgré l'absence d'une expérience utile au poste, l'activité de A______ était rémunérée selon le salaire minimum qui lui était le plus favorable. Elle vivait au rez-de-chaussée de la maison, aménagé afin qu’elle s’y sente parfaitement à l’aise, équipé de radiateurs électriques, et avait bénéficié chaque année de l’intégralité de ses semaines de vacances.

n. C______ et E______ ont déclaré que B______ était prise en charge par ses enfants le samedi et le dimanche. D______ s’occupait de sa mère le samedi dès 10 heures et sa sœur prenait la relève du samedi soir au dimanche soir, jusqu'au retour de A______, à 20 heures, voire plus tard.

C______ dormait sur place du samedi au dimanche, par convenance personnelle selon elle et non parce que sa mère avait besoin d’une présence en permanence. De 2013 à 2019, elle ne s’était jamais levée durant la nuit pour s’occuper d’elle. Elle prenait des médicaments avec le repas du soir et un somnifère vers 22-23 heures. Elle avait commencé à utiliser un déambulateur en 2016 et une chaise roulante en 2018. L’IMAD venait matin et soir pour l'habiller et la déshabiller.

o. Il ressort, en sus de ce qui a déjà été retenu, ce qui suit des témoignages recueillis durant la procédure :

- P______, voisine de B______ durant une année, vraisemblablement en 2014, puis résidante du même quartier, a connu A______ par l'intermédiaire de leurs filles. Elles se retrouvaient au parc, presque tous les matins de la semaine, lorsque le temps le permettait, de 9 heures 30 à midi. Sinon, elles se rencontraient chez l’une ou l’autre pour que leurs filles jouent ensemble. Environ cinq matins par mois, elle allait chercher F______ car sa mère devait rester travailler. Lorsqu’elles prenaient le café chez B______, A______ se rendait immédiatement auprès d’elle si elle appelait. Dès 2015, après la scolarisation de leurs filles, elles se voyaient l’après-midi au parc et B______ était présente, parfois en marchant, parfois en chaise roulante, quelquefois accompagnée de ses sœurs. Le soir, A______ partait souvent vers 18 heures, 18 heures 30, pour aller préparer le repas. Elle lui avait dit qu'elle devait ranger la maison et préparer à manger ; elle avait dû plusieurs fois faire la toilette de B______, lorsque l’infirmière n’était pas passée, et elle l’avait vue une fois l’aider à mettre ses bas de contention. Il lui arrivait aussi de la changer, à cause de son incontinence. Lorsqu’elle l’accompagnait au parc, il lui arrivait de s’absenter pour faire des courses. Elle occupait le salon du rez-de-chaussée de la maison, aménagé en chambre. P______ ignorait ses horaires, si elle s’occupait du linge et si elle avait occupé d’autres places d’employée de maison avant leur rencontre.

- Q______, marraine de F______, voyait A______ environ une fois par mois, lorsqu’elle avait besoin d’elle. Elle lui avait dit ne pas avoir d’horaire de travail, commençant vers 8 heures le matin mais devant parfois se lever la nuit pour aider B______. Lorsqu’elle lui rendait visite, souvent le vendredi vers 17 heures, elle voyait B______ dans le parc, devant la maison en train de discuter, dans sa chambre ou dans la cuisine. Elle avait un déambulateur, n'était pas indépendante et A______ l’aidait à se déplacer. Selon cette dernière, elle était incontinente et tombait souvent du lit. Il fallait lui changer ses bas de contention et lui préparer ses médicaments. Elle devait rentrer tôt le dimanche soir pour lui donner le souper. Elle notait tous les achats dans un carnet et s’était plainte de ne pas avoir assez d’argent et de ne pas être remboursée en totalité. Q______ lui avait souvent dit qu'elle devait se reposer.

- R______ se rendait souvent au parc, en fin d’après-midi en semaine, en 2013 selon elle, à une époque où B______ était en chaise roulante. À chaque fois, elle la voyait avec A______. Elles étaient là avant elle et s’y trouvaient encore lorsqu’elle partait, environ trente minutes plus tard. F______ était généralement présente au parc. Elle avait envisagé de remplacer A______ pendant ses vacances mais y avait renoncé en raison du salaire.

- I______, amie de A______ depuis le début des années 2000, ignorait si elle travaillait à cette époque. Lorsque son amie était au service de B______, elle la rencontrait environ deux fois par mois, à son domicile ou au parc, généralement vers 16 heures. Si elle n’était pas dehors, elle semblait occupée à des tâches ménagères. Elle lui avait dit qu’elle devait effectuer des tâches ménagères, préparer les repas et faire les courses, tout ce que l’on doit faire dans une maison, sans lui préciser son horaire. À l'intérieur, B______, de sa chambre, appelait de plus en plus souvent son amie, pour lui passer un livre ou lui remonter ses chaussettes ; elle pouvait rester seule par moments, par exemple lorsque son amie faisait les courses. Après les repas du soir, à 19 heures, celle-ci l'aidait à remonter dans sa chambre. I______ n’avait jamais vu B______ marcher. Son amie devait la tenir pour la sortir du monte-escalier et la mettre sur la chaise. A______ mangeait avec elles, mais rapidement, s’occupant du service.

- S______, fille d’une amie de A______, a remplacé cette dernière les week-ends, pendant environ six mois en 2014, puis pendant ses vacances, jusqu’en 2018. Elle commençait le samedi à 10 heures et finissait le dimanche à 16 heures, pour une rémunération globale de 150 fr. Elle devait dormir sur place pour surveiller B______. Elle avait rarement été dérangée la nuit, entendant parfois du bruit mais sans avoir à intervenir, ni être appelée. Il n'y avait jamais eu de chute. Le samedi, B______ prenait son petit-déjeuner au lit et le repas de midi au rez-de-chaussée puis montait se reposer. Pendant ce temps, S______ prenait sa pause puis, vers 16 heures, elles allaient se promener, pendant une heure ou deux. Au retour, elle préparait le repas du soir, qu’elles prenaient vers 18 heures 30, 19 heures. Après les rangements, elle l'aidait à se mettre en pyjama, puis l'amenait à sa chambre, restant attentive. Elle lui donnait ses médicaments lors des repas et un somnifère vers 22 heures, et reprenait son travail le lendemain à 8 heures 30. Elle l’aidait à se nettoyer et à se changer mais n’avait jamais eu à changer les draps la nuit. Après avoir vidé la chaise percée, elle préparait le petit-déjeuner vers 9 heures et le servait trente minutes plus tard. Au long de ces remplacements, elle avait suivi une routine semblable, mais sans devoir aider B______ à descendre les escaliers en raison de la pose d’un monte-escalier. Un membre de l’IMAD venait une fois par semaine le vendredi pour lui faire sa toilette, la doucher et préparer les médicaments. Une autre personne de l’IMAD venait à 8 heures pour mettre les bas de contention, tous les jours avant qu'elle ne le fasse. Le frigo était garni par A______, qui lui laissait de l’argent si elle devait en compléter le contenu. E______ amenait parfois de l’argent. Son épouse passait de temps en temps mais restait peu, au maximum 10 minutes les week-ends et deux heures pendant ses remplacements.

- Selon D______, qui s’occupait de sa mère le samedi avant d'être relayé par sa sœur, a déclaré que celle-là aimait bien rester dans son lit, lisait beaucoup et regardait aussi la télévision, ce qui lui permettait de travailler. Il l’aidait à se déplacer avec son déambulateur jusqu'à ce qu'elle ait une chaise roulante, en 2018. L’après-midi, s’il faisait beau, ils allaient se promener. Il s’absentait parfois, jamais plus d’une heure. Sa mère avait porté des protections dès 2018 ; avant, il se contentait de l’accompagner aux toilettes. Il n’avait jamais eu à changer son lit souillé. A______ ne lui avait jamais parlé de sa charge de travail et il ignorait les conditions de son engagement.

- T______ se rendait régulièrement auprès de sa grand-mère. Elle y retrouvait toujours sa tante, C______, le dimanche, et A______ durant la semaine. Parfois, cette dernière n'était pas là à son arrivée. Elle arrivait pendant sa présence, mais pas toujours. Sa grand-mère avait déjà un déambulateur en 2013 ; elle aurait alors pu se déplacer seule, mais c'était dangereux. Sa santé s’était dégradée au fil du temps. En 2015-2016, elle se déplaçait avec son déambulateur mais difficilement. Dès cette période, elle avait moins fréquenté sa grand-mère, en raison de ses études. A______ semblait heureuse et bien installée. F______ était toujours présente.

- Parmi une vingtaine d'autres aides-soignantes de l’IMAD, U______ s'est occupée de B______ pendant de nombreuses années. Elle consignait dans des cahiers ad hoc les événements particuliers de ses visites. Au début, elle venait tous les matins, entre 8 et 9 heures, y compris le week-end, pour lui mettre les bas de contention, après la toilette, mais elle ne les lui enlevait pas le soir. Ensuite, il avait fallu l'aider à prendre une douche, chaque vendredi matin vers 10 heures. Elle devait aussi lui préparer ses médicaments, une fois par semaine. Elle ignorait combien de fois par jour il fallait changer les protections et qui s'en occupait, ne pensant pas qu'elle était capable de le faire elle-même. La consigne était de ne pas la laisser se déplacer seule. À une période qu’elle n'a pu préciser, B______ pouvait rester seule un certain temps mais devait être vue une fois par heure pour s’assurer qu’elle était hydratée et se portait bien. La plupart du temps, elle disait qu'elle avait bien dormi. U______ ignorait si elle était tombée du lit à une ou plusieurs reprises. Elle l'aurait noté si on le lui avait dit. Elle ne connaissait pas les horaires ni le cahier des charges de A______, qui était présente pratiquement tous les jours à son arrivée. Elle avait eu très peu affaire à elle, n'avait jamais fait de point de situation avec elle ni su ce qu'elle faisait pendant qu'elle était là.

- Infirmière à l’IMAD, V______ a eu à s’occuper de B______, au cours d’une prise en charge progressive, d’abord pour préparer le semainier. Il y avait eu ensuite des chutes, à deux ou trois reprises, et elle ne pouvait rester toute seule nuit et jour. Ils étaient intervenus pour une aide à la toilette et la pose des bas de contention, sauf erreur tous les matins. B______ souillait parfois ses protections durant la nuit et A______ devait les changer. Elle ignorait si une présence dans la maison était nécessaire durant la journée mais B______ était très dépendante. Elle avait besoin d’aide pour lui préparer ses repas, la servir et l’aider à s’habiller, pour sa toilette et prendre correctement ses médicaments, mettre son pyjama et se coucher. Elle n’était plus capable d’entretenir sa maison.

Durant les vacances de A______, B______ était placée en UATR.

- W______, amie de A______, avait appris par sa sœur, X______, qui avait travaillé pour B______ puis pour sa fille et son beau-fils, qu'ils cherchaient une personne de compagnie pour vivre sur place. A______ étant alors dans une situation économique difficile, à la recherche d'un emploi, elle avait demandé à sa sœur de la recommander pour ce poste. C’était une bonne opportunité pour elle, lui permettant d'économiser un loyer. A______, qu'elle voyait quelque fois le mercredi et le dimanche [au quartier de] Y______, était contente et lui avait parlé d'un travail tranquille, lui laissant du temps pour aller au parc avec F______, appréciant la nourriture et ne se plaignant ni du froid ni de fatigue. Elle s’occupait des repas de B______ et était attentive à elle, quelqu'un lui faisant sa toilette. Elle avait été réveillée une fois pendant la nuit.

- Z______, acupuncteur de B______ pendant plus de vingt ans, s'est rendu chez elle un vendredi sur deux, en fin de matinée, dès environ 2015, quand elle ne pouvait plus se déplacer. C'était le plus souvent A______ qui lui ouvrait la porte. Il restait environ une heure auprès de sa patiente, qui aimait bien discuter mais pas les aiguilles. Elle était au lit lorsqu'il arrivait. Pendant la séance, A______ préparait le repas de midi. B______ sortait toujours accompagnée, soit de sa fille soit de l’employée. Elle passait une grande partie de sa journée à se reposer, à lire ou à recevoir des visites. Il conservait le souvenir qu'elle pouvait se rendre seule aux toilettes, avec son déambulateur, jusqu'à son entrée en EMS.

- O______, engagé par E______ pour s'occuper de B______ du 3 décembre 2018 au 14 juin 2019, devait habiter sur place pour être le plus disponible possible. Il dormait dans une chambre correctement chauffée, à côté de celle de B______. Il travaillait du lundi au samedi à 10 heures et reprenait le dimanche à 21 heures 30. Il s’occupait de la toilette de B______ lorsqu’il fallait changer ses protections, plusieurs fois par jour, même le soir ou la nuit. Selon le temps, il faisait une promenade avec elle. Parfois, il n’y avait pas assez de nourriture pour le repas du soir, il avançait de l’argent et E______ le remboursait. Il n’avait pas vraiment de pause car il pouvait être appelé à tout moment. Il y avait des appels quasiment tous les jours, tous les soirs et toutes les nuits. B______ passait la plus grande partie de son temps dans sa chambre, à regarder la télévision ou à lire. Il s’occupait du ménage, passait l’aspirateur et la serpillère, faisait la vaisselle après les repas et la lessive, y compris les robes de chambre, et changeait les draps tous les deux ou trois jours. Il servait le dîner entre 18 et 19 heures et aidait ensuite B______ à aller au lit. Il retournait auprès d’elle vers 22 heures, pour contrôler qu’elle prenne son somnifère. Un employé de l'IMAD passait le matin et le soir et s'occupait des bas de contention mais il l’avait aussi fait, environ une fois par semaine. Il ne pouvait pas s’absenter en dehors des week-ends et de ses cours de français, le matin, à l’UOG, n'étant alors pas remplacé. Il pouvait recevoir des visites. Il s’était plaint d’avoir trop de travail.

p. Selon C______, sa mère était indépendante jusqu'à l'arrivée de A______, engagée pour s'occuper d'elle la semaine et le samedi jusqu'à 10 heures, devant revenir le dimanche à 20 heures, horaire qu'elle ne respectait pas nécessairement, même si cela ne lui avait jamais été reproché. Son frère et elle s'occupaient de leur mère les week-ends. Elle dormait sur place le samedi, par convenance, et n'avait jamais eu à se relever la nuit. Elle l'accompagnait aux toilettes avant de la coucher. Elle lui remettait ses médicaments après qu’elle avait fait une chute de son lit pour avoir pris trop de somnifères. A______ avait eu à changer les protections de sa mère ou les draps de lit après un accident, peu fréquemment et durant les derniers temps de la relation contractuelle. E______ lui donnait 200 fr. par semaine pour tous les frais du ménage et n’avait refusé qu’une fois de rembourser des achats alimentaires, car il n’en avait vu la trace dans le frigidaire. C______ était présente à la maison presque tous les après-midis et A______ vivait sa vie et vaquait à ses occupations.

q. A______ a précisé qu’elle faisait les courses environ trois fois par semaine. Elle ne se souvenait pas du nombre de chutes de B______ mais il s’agissait d’une succession de chutes. Lorsque B______ était à N______, elle s’occupait de l’entretien et du nettoyage de la maison et du jardin et lui rendait visite une fois par semaine. Lors des autres hospitalisations, elle lui rendait visite tous les après-midis de la semaine.

D. À l’appui de sa décision, le Tribunal a retenu que les relations contractuelles des parties étaient régies par la CTT-Edom. A______ n'avait pas prouvé avoir bénéficié de quatre ans d'expérience utile au poste antérieurement à son engagement et devait être rémunérée selon le salaire minimum applicable à un employé non qualifié, du 16 avril 2013 au 16 avril 2017, puis selon celui d'un employé non qualifié avec au moins quatre ans d'expérience utile au poste. Il a tenu sans développements que A______ avait exercé son activité à plein temps (préparation et service de trois repas quotidiens, rangement et nettoyage de la cuisine, promenade au parc accompagnement à la salle-de-bains et toilette compte tenu de la dépendance de B______ et malgré l’intervention quotidienne de l'IMAD), s'exerçant à raison de huit heures par jour. En référence aux témoignages de O______ et S______, qui avaient exercé une activité semblable, l’employée avait droit à un salaire total brut de 265'078 fr., dont il convenait de déduire le salaire en nature. Le logement n'étant pas contraire à la CTT-Edom et la nourriture fournie étant suffisante, le tarif AVS était applicable dans son intégralité et 68'805 fr. devaient être déduits du susdit montant à titre de salaire en nature (69.5 mois œuvrés à 990 fr.). Ayant reçu 142'400 fr. brut de salaire de 2013 à 2019, il lui restait dû 53'873 fr. brut, portant intérêts dès la fin des rapports de travail, soit dès le 1er février 2019.

A______ n'avait pas démontré l'existence d'heures supplémentaires en semaine mais celle de deux heures supplémentaires le samedi matin et autant le dimanche soir, durant toute la durée du contrat de travail. Compte tenu des hospitalisations de B______ et des vacances de l'employée, celle-ci avait effectué 158.4 heures supplémentaires en 2013, 627.82 entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015, 409.19 du 1er janvier 2016 au 16 avril 2017, 257.64 du 17 avril au 31 décembre 2017 et 394.03 du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2019 lui donnant droit à une rémunération totale de 43'182 fr. brut. Pour les dimanches, les 514.61 heures supplémentaires qu’elle avait effectuées pour les mêmes périodes lui donnaient droit à une rémunération totale de 15'115 fr. Ces deux montants portaient intérêts dès le 1er février 2019.

Se fondant sur le témoignage de V______ selon lequel B______ ne pouvait rester seule durant la nuit, sans que A______ ait à intervenir durant la nuit, elle avait effectué des heures de veille 6 nuits par semaine, de 22 heures à 8 heures, soit 259.8 heures de nuit par mois en moyenne (10 x 6 x 4.33) durant 69.5 mois, représentant 18'056 heures de nuit, dont à déduire les périodes de vacances et les hospitalisations. Il restait ainsi 15'109 heures à rémunérer 7 fr. 55 l’unité, portant à 114'073 fr. la somme due à l’employée, plus intérêts dès le 1er février 2019.

Les preuves recueillies concernant les vacances permettaient de retenir que l’employée en avait intégralement bénéficié de 2014 à 2017, mais qu'elle n’en avait pris que trois semaines en 2018 et n'en avait pas pris en 2013 et 2019. Elle n'avait pu compenser cela durant les périodes d'hospitalisation de B______, faute d'accord à ce sujet. Elle avait ainsi droit à 14.16 jours (20/12 x 8.5) en 2013, à 5 jours en 2018 et à 1.66 jours en 2019 (20/12 x 1), soit un solde de vacances de 20.82 jours correspondant un salaire de 3'902 fr. 70 (4'077/21.75 x 20.82), plus intérêts dès le 1er février 2019.

En raison d’un salaire inférieur à 148'200 fr. les employeurs ne pouvaient prélever la cotisation de solidarité de 1 %, ni le montant mensuel de 33 fr. 10 pour l'assurance accident non professionnel sur le salaire de A______ et devaient lui rembourser 3'012 fr. 45, plus intérêts dès le 1er février 2019.

E. aa. Dans son appel principal, A______ reproche aux premiers juges le dies a quo des condamnations prononcées, critique leur calcul du droit aux vacances et conteste les déductions opérées, qui ne tenaient pas compte des vacances. Le dies a quo des intérêts ne devait pas être celui de la fin du contrat, mais la date moyenne de la durée de la relation contractuelle, soit le 15 mars 2016. Le calcul du droit aux vacances devait intégrer les indemnités liées aux heures supplémentaires et au travail effectué le dimanche et la nuit et lui procurer, pour les années 2013, 2018 et 2019, un supplément de 2'126 fr. 51. S'agissant des déductions opérées, le Tribunal n’avait pas pris en compte que, durant les vacances, l’employeur n’avait pas démontré qu’elle aurait été logée ou nourrie ou aurait bénéficié d’une indemnité en compensation du salaire en nature de sorte que, pour ses 19 semaines de vacances, elle avait droit à un paiement supplémentaire de 4'346 fr. 10.

ab. L'hoirie et E______ ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel en tant que la conclusion en paiement de 4'346 fr. 10 en compensation du salaire en nature pendant les vacances était nouvelle et au rejet de l'appel pour le surplus. Le dies a quo des intérêts avait été déterminé conformément à la loi et devait être confirmé. L’employée avait toujours été payée à la fin de chaque mois et n’avait droit à aucun intérêt moratoire durant la période d’engagement. Elle n'y avait droit, pour le paiement des vacances, qu’après sa première interpellation, correspondant au dépôt de sa demande devant les Prud’hommes. Les conclusions relatives au droit aux vacances étaient admises à concurrence de 19,82 jours au lieu de 20,82, le droit aux vacances en 2018 n'étant que de quatre jours. Ce droit devait être calculé sur la base d’un salaire complet de 3'090 fr. brut à l’échéance du contrat et les intimés reconnaissaient devoir à l'appelante 2'815 fr. 80, intérêts inclus.

ac. Dans sa réplique, A______ a souligné que ses conclusions relatives aux déductions pour le logement et la nourriture n’étaient pas nouvelles mais découlaient de la loi et de la jurisprudence et avaient déjà été formulées en première instance.

ad. En dupliquant, l'hoirie et E______ ont persisté à soutenir que A______ n’avait jamais allégué ne pas avoir reçu l’intégralité de son salaire pendant ses vacances et n’avait pris aucune conclusion en paiement, de sorte que cette conclusion était bien nouvelle et irrecevable.

ba. Par leur appel, l'hoirie et E______ acceptent de verser à A______ 2'815 fr. 80 brut pour le salaire afférent aux vacances et 721 fr. 50 en remboursement des cotisations solidarité indûment perçues. Au-delà, ils ne lui devaient rien. Le Tribunal avait mal apprécié le temps de travail de l'employée qui, au regard des preuves recueillies, consacrait 28 heures à son activité hebdomadaire. Elle n’effectuait pas la toilette de B______, l’employé de l'IMAD s’en chargeant lors de ses passages quasi quotidiens. A______ avait admis aider B______ à mettre son pyjama et à se laver les dents avant de l'accompagner dans sa chambre, tâches achevées vers 20 heures, voire 20 heures 15. Les promenades de l'après-midi ne correspondaient à aucune instruction, c’était A______ qui les proposait à B______, pour les accompagner, elle et sa fille, et ce n'était pas du temps de travail. B______ allait parfois à l'atelier de peinture de C______, lisait beaucoup et ne sortait pas par mauvais temps. A______ allait tous les jours récupérer sa fille à l'école et s'occupait d'elle. C______ était présente tous les après-midi et O______ emmenait promener sa mère les après-midis dès décembre 2018, selon le temps. Les deux heures du samedi, relevant du temps de travail hebdomadaire, n’étaient pas des heures supplémentaires. Il n'y en avait pas non plus le soir après le repas ni le dimanche soir. O______, qui avait remplacé A______ dès le 3 décembre 2018, venait le dimanche soir à 21h30. A______ n'avait jamais allégué avoir annoncé l'accomplissement d'heures supplémentaires ni ne s'était plainte d'une charge de travail excessive. Elle avait l'air heureuse et considérait son travail comme tranquille. Son droit aux vacances en 2018 était de 4 jours non 5. B______ était restée longtemps indépendante et l'IMAD s’occupait quasiment tous les jours de sa petite toilette et de lui mettre ses bas de contention, en sus d’une douche par semaine et de la préparation du pilulier. Une présence permanente auprès de B______ n’était donc pas nécessaire. O______ avait été engagé en qualité d'assistant de A______ en raison de la dégradation importante de l'état de santé de B______ et son activité ne pouvait servir de référence au travail antérieur de l’employée. A______ était restée gratuitement dans l'appartement après la fin des rapports de travail, jusqu'en avril 2019. En conséquence, il n’y avait pas d’heure supplémentaire à rémunérer ni de veille de nuit. 19,82 jours de vacances étaient admis, sur la base d’un revenu de 3'090 fr. par mois et la prime accident n’avait pas à être remboursée.

bb. A l'occasion de sa réponse, A______ a formé un appel joint, concluant à l'annulation du chiffre 2 du jugement déféré et à l'allocation de 311'950 fr. 82 plus intérêts dès le 15 mars 2016. Elle avait tout fait pour démontrer qu'elle avait toujours travaillé à plein temps, commençant sa journée de travail vers 8 heures du matin et la terminant aux alentours de 20 heures, au service d’une personne ayant toujours eu besoin d'une assistance permanente, qui avait de la peine à se déplacer dès le début des rapports de travail. Les griefs concernant les horaires de travail, les heures supplémentaires et les tâches de nuit n'étaient pas fondés. Elle avait prouvé avoir travaillé 37 heures supplémentaires par semaine pendant presque 6 ans et ces heures ne pouvaient être compensées pendant les UATR, ces placements correspondant à ses vacances. Le calcul des heures de nuit était conforme au droit, par substitution de motifs et, pour celui des vacances, elle se référait à ses précédentes conclusions. Les considérations des appelants concernant les primes d'assurances accident non professionnel, basées sur des pièces nouvelles, étaient irrecevables. S'agissant de son appel joint, elle bénéficiait avant son engagement d'une expérience utile au poste, selon le témoignage H______, et son salaire aurait dû s'élever d'abord à 3'756 fr. puis à 4'029 fr. Elle reprend ses calculs en conséquence, y compris durant les premiers mois de travail, pour la durée des hospitalisations, les heures supplémentaires et le travail du dimanche soir.

bc. En réponse à l'appel joint, dont les chiffres 5 et 6 seraient irrecevables et le reste rejeté, l'hoirie et E______ réitèrent que l’employée n'avait pas d'expérience utile au poste avant son engagement, conformément à ce que le Tribunal avait retenu. A______ prétendait, pour la première fois et sans preuve, avoir pris ses vacances pendant les hospitalisations de B______, de sorte que ce sujet n'était pas litigieux et ne pouvait être soumis aux juges de l'appel, en vertu des art. 317 al. 2 et 227 al. 1 CPC, dont les conditions n'étaient pas réalisées. Le calcul des heures supplémentaires était exagéré, puisqu'il correspondait quasiment à une activité de 24h/24 et ne correspondait pas aux enquêtes. De surcroît, ces heures supplémentaires n'avaient jamais été annoncées. Enfin, il n'y avait jamais eu d'instruction pour une activité le dimanche soir.

bd. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions et arguments développés à cette fin.

be. L'hoirie et E______ ont dupliqué. L’employée avait admis (chiffre 61 de la demande du 6 novembre 2019) la quotité de vacances prises entre 2014 et 2017, sans prétendre ne pas avoir été intégralement payée en ces circonstances. Ses conclusions étaient en conséquence nouvelles et, partant, irrecevables.

EN DROIT

1.             1.1 Les appels sont recevables, dans la mesure observée ci-dessous (cf. ad 1.3), pour avoir été interjetés auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) dans les délai et forme utiles (art. 130, 131, 142 al. 1 et 311 CPC) par des parties qui y ont intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à l'encontre d'une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue par le Tribunal des prud'hommes dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance était supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC)

L'appel joint est également recevable pour avoir été déposé dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 312 et 313 al. 1 CPC).

Par souci de simplification et pour respecter la date de dépôt des appels devant la Cour, A______ sera désignée en qualité d'appelante et l'hoirie de feue B______ et E______ en qualité d'intimés.

1.2 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC) et celle-ci est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et art. 58 CPC).

1.3 Dans sa demande, l'appelante a précisé qu'elle avait été logée sans discontinuer au domicile de B______ et avait reçu, également sans interruption, 500 fr. par mois pour la nourriture, sans émettre de prétentions en compensation pendant ses périodes de vacances (cf. ch. 33, 34 et 61 de la demande), de sorte que cette question n'était pas litigieuse en première instance. Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte au stade de l'appel que s'ils sont produits sans retard (let. a) et ne pouvaient l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Cette disposition régit de manière complète et autonome la possibilité pour les parties d'invoquer des faits et moyens de preuve nouveaux, sans faire d'exception pour les cas où le juge établit les faits d'office (ATF 138 III 625 c. 2.2).

En l'occurrence, l'appelante allègue pour la première fois en appel les faits relatifs aux déductions pour le logement et la nourriture durant ses vacances, sans indiquer pour quelle raison ils ne pouvaient être articulés en première instance. Ces faits, nouvellement allégués en appel, ne sont donc pas recevables.

1.4 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3). Conformément à l'art. 311 al. 1 CPC, elle le fait cependant uniquement sur les points du jugement que les parties estiment entachés d'erreurs et qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante - et, partant, recevable - pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

2. Les parties admettent, à juste titre, l'application du contrat-type de travail de l'économie domestique du 13 décembre 2011, entré en vigueur le 1er janvier 2012 (CTT-EDom, RS/GE J 1 50.03). La Cour examinera tout d'abord les griefs de l’appelante en lien avec le salaire initial.

2.1 La durée de la semaine de travail des travailleurs de l'économie domestique à temps complet est de 45 heures (art. 5 al. 1 CTT-EDom). Le travailleur bénéficie d'une pause d'au minimum une demi-heure pour les repas de midi et du soir et d'une pause d'un quart d'heure par demi-journée, lesquelles ne sont pas comprises dans la durée du travail (art. 5 al. 3 CTT-EDom).

Le salaire minimal pour un employé de maison non qualifié, c'est-à-dire ne disposant pas d'une expérience professionnelle utile au poste d'au moins 4 ans, était de 3'625 fr. en 2013, 3'700 fr. en 2014 et 3'756 fr. dès 2016. En 2016, le salaire minimal pour un employé non qualifié avec au moins 4 ans d’expérience professionnelle utile au poste était de 4'029 fr., porté à 4'077 fr. en 2018.

Selon l'art. 322 al. 2 CO, si le travailleur vit dans le ménage de l'employeur, son entretien et son logement font partie du salaire, sauf accord ou usage contraire. Aux termes de l'art. 11 CTT-EDom, le travailleur logé par l'employeur a droit à une chambre particulière pouvant être fermée à clé, bien éclairée, bien chauffée et disposant des meubles nécessaires. Il doit disposer d'installations de toilettes et de bains convenables. La chambre est un logement de fonction, dont le tarif journalier est de 11 fr. 50.

2.2 En l’espèce, la seule activité dont l’appelante a pu rapporter la preuve ne permet pas de retenir qu’elle était au bénéfice d’une expérience utile au poste de quatre ans avant son engagement, une garde d’enfants à mi-temps et la préparation de quelques repas, fût-ce durant un an et demi, voire 39 mois, ne remplissant pas les conditions nécessaires à cet effet. Au surplus, son curriculum vitae ne suffit pas à démontrer que les expériences alléguées auraient été effectuées. Elle devait par conséquent être rémunérée selon le salaire minimum applicable à un employé non qualifié, du 16 avril 2013 au 30 avril 2017, puis, dès cette date et compte tenu de l’expérience acquise, selon le salaire d’un employé non qualifié avec au moins quatre ans d’activité utile au poste.

Par conséquent, en partant du principe qu’elle travaillait à plein temps selon les modalités qui seront examinées ci-après, l’appelante aurait dû percevoir, brut, 30'812 fr. 50 en 2013 (8.5 mois x 3'625 fr.), 88'000 fr. pour 2014 et 2015 (24 mois x 3'700 fr.), 60’096 fr. de janvier 2016 à avril 2017 (16 mois x 3'756 fr.), 32'232 fr. de mai à décembre 2017 (8 mois x 4'029 fr.) et 53'001 fr. de janvier 2018 à janvier 2019 (13 mois x 4'077 fr.) soit un montant total de 264'141 fr. brut.

L'appelante vivait sur place, dans un logement dont il n'a pas été démontré qu'il ne serait pas conforme à la CTT-Edom, et n’avait pas à supporter le coût de sa nourriture. Par conséquent, en application du tarif AVS applicable dans son intégralité, le montant de 990 fr. par mois devaient être déduits de son salaire, soit de 68'805 fr. Ayant en outre perçu 142'400 fr. durant son emploi, 52'936 fr. brut lui restent dus.

La décision entreprise sera modifiée dans cette mesure.

3. Les intimés contestent la réalisation d’heures supplémentaires.

3.1 Il incombe au travailleur de prouver avoir effectué des heures supplémentaires au sens de l'art. 321c CO et le nombre de celles dont il demande la rétribution (art. 8 CC; ATF 129 III 171 consid. 2.4 p. 176; arrêts 4A_390/2018 du 27 mars 2019 consid. 3; 4A_28/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3; 4A_482/2017 du 17 juillet 2018 consid. 2.1). S'il n'est pas possible d'établir le nombre exact d'heures effectuées, le juge peut, par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO, en estimer la quotité. L'évaluation se fonde sur le pouvoir d'appréciation des preuves et relève donc de la constatation des faits (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 276; arrêt 4A_338/2011 du 14 décembre 2011 consid. 2.2, in PJA 2012 282). Si l'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, il ne dispense pas le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d'heures supplémentaires accomplies (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471; 122 III 219 consid. 3a p. 221; arrêt 4A_482/2017 précité consid. 2.1). La conclusion selon laquelle les heures supplémentaires ont été réellement effectuées dans la mesure alléguée doit s'imposer au juge avec une certaine force (arrêts 4A_285/2019 du 18 novembre 2019 consid. 6.2.3; 4A_482/2017 précité consid. 2.1; 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2 et les arrêts cités).

3.2.1 Le Tribunal a tenu pour acquis, sans réellement le motiver, que l’appelante avait exercé son activité à plein temps, à raison de huit heures par jour du lundi au vendredi, en se référant uniquement aux témoignages de O______ et de S______. La durée et le moment de l’activité de ceux-ci constituent cependant une comparaison insuffisante, le premier nommé étant arrivé moins de deux mois avant la fin des rapports de travail entre les parties, alors que la santé dégradée de la personne à prendre en charge nécessitait l’engagement d’un second assistant, et la deuxième ayant essentiellement effectué des remplacements. Il y a lieu de considérer, en sus de ces éléments, l’importance de la disponibilité à laquelle l’appelante était astreinte. Elle commençait sa journée peu vers 8 heures 30, préparait le petit-déjeuner et les repas de midi et du soir, s’occupait des rangements nécessaires, allait promener la personne en charge pendant une heure ou deux l’après-midi, lui donnait ses médicaments lors des repas et un somnifère le soir. Il lui arrivait aussi de l’aider à se nettoyer et à se changer, sans jamais changer la literie et, dès que cela fut nécessaire, de vider la chaise percée, ces activités s’étant intensifiées vers la fin des rapports de travail. Du fait de ces activités et de la disponibilité qu’elle devait à B______, nonobstant les pauses qu’elle pouvait prendre le matin, l’après-midi et après le repas du soir, il y a lieu de retenir un emploi à temps complet qui, du lundi au vendredi, représentait, conformément à la CCT-Edom, 45 heures de travail. Le temps qui lui restait suffisait à s’occuper de sa fille en bas âge, notamment lorsqu’elle retrouvait le témoin P______ au parc, régulièrement, la plupart des matins.

Aucun horaire n’ayant été stipulé entre les parties et les heures réellement accomplies n’étant pas strictement établies, c’est en application de l'art. 42 al. 2 CO que cet horaire de travail hebdomadaire doit être retenu.

Dès lors que le travail à effectuer l'occupait à plein temps du lundi au vendredi, les deux heures du samedi matin que l'appelante accomplissait doivent être considérées comme des heures supplémentaires. Il en va différemment de l’appréciation de son activité du dimanche soir. Selon les preuves administrées, l’appelante rentrait à 20 heures, voire plus tard, alors que la personne assistée avait mangé et était couchée. Les tâches restant alors à accomplir, soit éventuellement l’accompagner aux toilettes et vérifier la prise d'un somnifère, ne sauraient excéder celles qui relèvent des veilles de nuit.

3.2.2 Les heures supplémentaires du samedi matin correspondaient, théoriquement, à 8.66 heures supplémentaires par mois (2 x 4.33), durant toute la durée de la prestation, et devaient être rémunérées selon l'évolution du salaire horaire brut actualisé (in casu : 18 fr. 59 en 2013, 18 fr. 97 en 2014 et 2015, 19 fr. 26 en 2016, 20 fr. 66 dès le 17 avril 2017 et 20 fr. 91 en 2018).

3.2.2.1 En 2013, le salaire horaire brut majoré à 125 % équivalait à 23 fr. 24. Compte tenu des hospitalisations de la personne assistée, l’appelante aura effectué 43.73 heures supplémentaires (4 en avril, aucune en mai, 2 du 25 au 29 juin, 8.66 en juillet, 5.75 en août (10 jours d'hospitalisation), aucune en septembre, 6 en octobre [3 samedis], 17.32 en novembre et décembre]), correspondant à un salaire brut de 1'016 fr. 30.

3.2.2.2 En 2014 et 2015, le salaire horaire brut majoré à 125 % équivalait à 23 fr. 72. Compte tenu des vacances de l’appelante (8 semaines) et des hospitalisations de la personne assistée (19.12.2014 au 10.01.2015 [4 samedis] et 6.08 au 21.08.2015 [2 samedis]), celle-là aura effectué 179.84 heures supplémentaires ([24 x 8.66]
– [14 x 2]), correspondant à un salaire brut de 4’265 fr. 80.

3.2.2.3 Du 1er janvier 2016 au 16 avril 2017, le salaire horaire brut majoré à 125 % s’inscrivait à 24 fr. 08. Compte tenu de ses huit semaines de vacances, l’appelante aura effectué 116.09 heures supplémentaires (13.5 mois x 8.66), correspondant à un salaire brut de 2’795 fr. 45.

3.2.2.4 Du 17 avril au 31 décembre 2017, le salaire horaire brut majoré à 125 % s’inscrivait à 25 fr. 83. Durant cette période, l’appelante a effectué 73.60 heures supplémentaires (8,5 x 8.66) correspondant à un salaire brut de 1’901 fr. 10.

3.2.2.5 Du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2019, le salaire horaire brut majoré s’inscrivait à 26 fr. 13. Dans ce laps de temps, l’appelante a pris 3 semaines de vacances et B______ s’est trouvée hors du domicile à l’occasion de 9 samedis ([12.09 au 02.10 et 17.10 au 27.11]), étant posé que des heures supplémentaires après l’engagement de O______ n’ont pas été démontrées. Elle a donc droit à 7 mois complet et un samedi le mois de ses vacances, plus quatre samedis entre le 12 septembre et la fin de l’année 2018, aucune heure supplémentaire n’étant due en janvier 2019, soit 71.45 heures supplémentaires (7 x 8.66 et 5 x 2.165) correspondant à un salaire brut de 1’867 fr.

3.3 L’appelante a donc droit à 11'845 fr. 65 brut à titre d'heures supplémentaires.

Le chiffre 2 du dispositif de la décision attaquée sera dès lors modifié en conséquence de ce qui précède.

4. Les intimés font grief aux premiers juges d'avoir retenu que l'appelante avait effectué des veilles de nuit alors que l'appelante reproche au Tribunal le calcul des heures de veilles de nuit.

4.1 Selon la CTT-Edom, en vigueur dès 2016 et jusqu’à la fin des relations de travail entre les parties, lorsque le travailleur accomplit des veilles de nuit, les salaires minimaux sont majorés d’une indemnité de 7 fr. 55 par heure de veille, pour les heures entre 20 heures et 7 heures (art. 10 al. 1bis CTT-EDom).

Le travail à rémunérer, au sens de l'art. 319 CO, s'entend de toute occupation humaine qui tend, de manière planifiée, à la satisfaction d'un besoin. Il ne s'agit pas nécessairement d'un comportement actif. Lorsque le travailleur se tient prêt à fournir sa prestation, cette seule disponibilité à travailler contribue en effet à la satisfaction des besoins de l'employeur. Le service de disponibilité est une prestation de travail ; il ne se conçoit que contre rétribution (art. 320 al. 2 CO), car le travailleur ne fournit pas cette prestation de manière désintéressée, mais en vue de la prestation principale (rémunérée) (ATF 124 III 249 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_96/2017 du 14 décembre 2017 consid. 2.1 et 4A_334/2017 du 4 octobre 2017 consid. 2.2 et 2.3).

Par définition, le service de piquet implique une disponibilité. Il correspond au temps pendant lequel le travailleur se tient, en sus du travail habituel, prêt à intervenir, le cas échéant, pour remédier à des perturbations, porter secours en cas de situation d'urgence, effectuer des visites de contrôle ou faire face à d'autres situations particulières analogues. Lorsqu'il est assuré dans l'entreprise, le service de piquet (ou de garde) est une prestation de travail et donne lieu à rémunération ; peu importe que le travailleur ait eu ou non à intervenir concrètement, ni qu'il ait disposé de temps de repos pendant sa permanence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_96/2017 du 14 décembre 2017 consid. 2.1 et les références citées ; CAPH/89/2018 déjà cité consid. 4.1.2).

Lorsque ni la convention individuelle ni la convention collective ne prévoient le montant de l'indemnité, l'employeur est redevable de la rémunération habituelle (art. 322 al. 1 CO) et, si cela ne peut être établi, une décision doit être prise sur la base de l'équité (ATF 124 III 249 consid. 3a et la référence citée).

4.2 Les premiers juges ont retenu que l’appelante devait assurer une présence en tout temps durant la nuit car, selon le témoin V______, B______ ne pouvait pas rester seule. L’appelante n’ayant pas eu à intervenir durant la nuit, ils ont considéré qu'elle effectuait des heures de veille de 22 heures à 8 heures, soit 10 heures par nuit 6 jours par semaine ou 259.8 heures de nuit par mois en moyenne (10 x 6 x 4.33), durant 69.5 mois, pour un total de 18'056 heures de nuit, dont il fallait déduire les périodes de vacances et les hospitalisations, ramenant ce chiffre à 15'109. L’appelante avait droit pour ces heures rémunérées à 7 fr. 55 l’unité, à 114'073 fr.

4.3.1 En l'espèce, les intimés contestent en vain ne pas avoir demandé à l'appelante d’effectuer des veilles de nuit puisqu’il ressort de leurs déclarations qu'ils souhaitaient disposer d'une personne présente sur place en cas d'imprévus. Peu importe dès lors que résider sur place ait pu constituer un avantage pour l’appelante, car elle agissait dans l'intérêt des employeurs et non à titre gracieux et désintéressé. Ceci ressort notamment du fait qu’en l’absence de l’employée, le samedi soir ou à l’occasion de ses vacances, il y avait toujours quelqu’un d’autre de présent la nuit au domicile de la personne à surveiller et, en tant qu'elle a affirmé dormir auprès de sa mère par convenance, sa fille n’est pas crédible.

4.3.2 Les parties n'ayant pas convenu d'un tarif conventionnel pour ce service, il y a lieu de s’inspirer de l'art. 10 al. 1bis CTT-Edom, introduit le 1er janvier 2016, pour fixer le tarif applicable en équité avant cette date, et de l’appliquer après celle-ci. Ce tarif prévoit que lorsque le travailleur accomplit des veilles de nuit, les salaires minimaux sont majorés d'une indemnité de 7 fr. 55 par heure de veille, lesquelles correspondent au temps pendant lequel le travailleur se tient à disposition, en sus du travail habituel. Il y a donc lieu de retenir, pour le cas d’espèce, que ces heures de veille n’étaient effectives qu’après l’accomplissement des autres tâches déjà retenues et qu’il fallait à l’employée un temps raisonnable pour s’occuper de son enfant chaque soir. Par conséquent, l'appelante s’est trouvée en situation de veille six jours par semaine, après avoir administré les somnifères, activité déjà prise en compte, de 23 heures à 7 heures, pendant toute la durée du contrat, sous déduction des hospitalisations de la personne à surveiller (160 jours ou 23 semaines), sans les placements UATR puisqu’ils correspondaient à des vacances de l’appelante, de la durée de celles-ci (19 semaines) et des veilles effectuées par O______ pendant 8 semaines – la surveillance n’ayant pas à être exercée par deux personnes -, soit 248 semaines à rémunérer (298 de mi-avril 2013 à fin janvier 2019 sous déduction de 50 semaines), correspondant à 11'904 heures (248 x 6 x 8) pour un montant total de 89'875 fr. 20.

Le chiffre 2 du jugement entrepris sera modifié en ce sens que l'appelante a droit, pour les heures de veille, au paiement de 89'875 fr. brut.

5. Les parties contestent l'appréciation faite par le Tribunal concernant les vacances, s'agissant de leur durée et du montant dû.

5.1 Il incombe à l'employeur, en tant que débiteur du droit aux vacances, de prouver qu'il s'est acquitté de son obligation, c'est-à-dire qu'il a accordé effectivement au travailleur le temps libre rémunéré qui lui était dû (ATF 128 III 271 consid. 2a/bb).

5.2 En l'espèce, l'appelante a déclaré qu’elle n'avait pas pris de vacances en 2013 ni en 2019, qu’elle avait bénéficié de toutes ses vacances de 2014 à 2017 et qu’elle n’avait eu que trois semaines en 2018. Les intimés admettent ces allégués à l'exception de la semaine manquante en 2018 et démontrent, par la production d'une fiche signée de l'appelante, que 4 jours n’avaient pas été pris. Au regard de cette pièce, il sera retenu que l'appelante a droit à 19,82 jours de vacances.

5.3.1 Il reste à déterminer l'indemnité due pour les 19,82 jours de vacances non prises.

Le salaire afférent aux vacances (art. 329d al. 1 CO) doit être calculé sur la base du salaire complet; en particulier, les indemnités versées à titre d'heures supplémentaires ou pour du travail effectué de nuit ou le dimanche seront prises en compte pour autant qu'elles revêtent un caractère régulier et durable (ATF 138 III 107 consid. 3; 132 III 172 consid. 3.1). A la fin des rapports de travail, une éventuelle indemnité pour vacances non prises doit également être calculée sur la base du salaire complet (arrêt 4A_161/2016 du 13 décembre 2016 consid. 2.1 et les références).

Par conséquent, le droit de l'appelante pour son solde de vacances doit être basé sur le salaire mensuel complet à prendre en considération, de 4'077 fr., plus les heures de veille et les heures supplémentaires. Celles-ci ont été reconnues respectivement à hauteur de 15'109 heures donnant droit à un salaire total de 114'073 fr. ou, par mois, de 1'641 fr. 35 et de 11'845 fr. 65 pour le total des heures supplémentaires, soit, par mois, 170 fr. 45. Le droit au solde de vacances s'inscrit en conséquence à 5'366 fr. 25 ([4'077 + 1’641.35 + 170.45] / 21.75 x 19.82) et le jugement entrepris sera modifié en conséquence.

5.3.2 Il n'y a pas lieu d'allouer à l'appelante le montant sollicité de 4'346 fr. 10 car elle a toujours admis être restée dans son logement de fonction durant ses vacances et n'a pas allégué qu'elle n'aurait pas reçu le montant mensuel qu'elle percevait pour la nourriture.

6. Les intimés contestent devoir rembourser à l'appelante les cotisations de solidarité et d'assurance accident non-professionnel prélevées à hauteur de 3'012 fr. 45, admettant toutefois devoir rembourser 721 fr. 50 prélevés indûment à titre de cotisations de solidarité.

6.1.1 Conformément à l’art. 3 al. 2 LACI les cotisations à l’assurance chômage s’élèvent à 2.2 % jusqu’au montant maximal du gain mensuel assuré dans l’assurance-accidents obligatoire, à savoir un montant annuel de 148'200 fr. Une cotisation de solidarité de 1 % est prélevée sur les parts de salaire dépassant ce montant.

6.1.2 L’assurance accident non-professionnel est à charge de l’employé.

6.2 Dans le cas d’espèce, le salaire annuel de l’appelante étant resté inférieur à 148'200 fr., les intimés ne pouvaient prélever la cotisation de solidarité de 1 % et ils devront rembourser ce montant, ainsi qu'ils l'admettent. Ils n’ont par ailleurs pas démontré qu’ils pouvaient prélever le montant mensuel de 33 fr. 10 pour l’assurance accident non-professionnel de l'appelante, ils doivent également lui rembourser ces montant.

7. L'appelante conteste le dies a quo des montants qui lui sont dus, sollicitant que les intérêts soient calculés à partir d’une date moyenne au regard de la durée du contrat.

7.1 Conformément aux règles générales du droit des obligations, le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire au taux de 5 % l'an (art. 104 al. 1 CO). La demeure suppose entre autres conditions que la créance soit exigible et, sauf cas spéciaux, que le créancier ait interpellé le débiteur (cf. art. 102 CO; arrêt 4C.2/2003 du 25 mars 2003, consid. 10.3 et la référence citée).

En droit du travail, l'art. 339 al. 1 CO prévoit qu'à la fin du contrat toutes les créances qui en découlent deviennent exigibles et certains auteurs admettent que, lorsque le contrat prend fin par licenciement, le débiteur est en demeure, sans que le créancier n'ait besoin de l'interpeller (art. 102 al. 2 CO; arrêt 4C.2/2003 du 25 mars 2003, consid. 10.3 et les références citées).

7.2 Il n’y a eu en l’espèce aucune interpellation durant les rapports de travail et c’est donc à raison que le Tribunal a fixé le dies quo des intérêts moratoires au lendemain de la fin des rapports de travail, conformément à un principe établi de longue date (ATF 4C.320/2005 du 20 mars 2006 in JAR 2007 p. 219). Le chiffre 4 du jugement, qui reprend cette somme, doit donc être confirmé.

8. En résumé, les intimés seront condamnés à verser à l'appelante une somme totale 160'023 fr. 10 brut (52'936 + 89'875.20 + 11'845.65 + 5'366.25) et 3'012 fr. 45 net avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er février 2019.

9. L'issue de la procédure ne commande pas de revoir la répartition des frais de première instance.

10. Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 3'300 fr., seront mis à la charge de l’hoirie de B______, soit pour elle C______ et D______, et E______, à raison des deux tiers, soit 2'200 fr., et à la charge de A______ à raison d'un tiers, dans la mesure dans laquelle ces deux parties succombent (art. 106 al. 1 CPC). A______ bénéficiant de l'assistance judiciaire, les frais lui incombant seront provisoirement pris en charge par l'État de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 123 CPC).

11. Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 5:


A la forme
:

Déclare recevables les appels formés par A______ d’une part et l’hoirie de B______, soit pour elle C______ et D______, et E______ d’autre part, contre le jugement JTPH/220/2021 du 15 juin 2021 dans la cause C/12744/2019-5.

Déclare irrecevable la conclusion en paiement de 4'346 fr. 10 formée par A______.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne l'hoirie de B______, soit pour elle C______ et D______, et E______, conjointement et solidairement, à verser à A______ la somme brute de 160'023 fr. 10 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er février 2019.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 3'300 fr.

Les met à concurrence de 2'200 fr. à la charge de l'hoirie de B______, soit pour elle C______ et D______, et E______, conjointement et solidairement, et les compense entièrement avec l'avance de frais fournie, qui demeure acquise à l'État de Genève, et, à concurrence de 1'100 fr., à la charge de A______, provisoirement supportés par l'État de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Louis PEILA, président; Madame Anne-Christine GERMANIER, juge employeur; Monsieur Willy KNOPFEL, juge salarié; Madame Chloé RAMAT, greffière.


 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.