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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/24100/2020

CAPH/52/2022 du 11.04.2022 sur JTPH/339/2021 ( OS ) , REFORME

Recours TF déposé le 30.05.2022, rendu le 15.08.2022, RETIRE, 4A_245/2022
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24100/2020-4 CAPH/52/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 11 avril 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d’un jugement (JTPH/339/2021) rendu par le Tribunal des prud’hommes le 13 septembre 2021, comparant par le syndicat B______, ______, auprès duquel elle fait élection de domicile ;

et

C______ SA, sise ______, partie intimée, comparant par Me Andreas DEKANY, avocat, rue du Conseil-Général 4, case postale 5422, 1211 – Genève 11, en l’Etude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTPH/339/2021 du 13 septembre 2021 le Tribunal des prud’hommes, groupe 4, a, à la forme, déclaré recevable la demande formée le 16 janvier 2021 par A______ (ch. 1 du dispositif), et statuant au fond, débouté la demanderesse de ses conclusions (ch. 2 du dispositif), dit qu’il n’était pas alloué de frais ni dépens (ch. 3 du dispositif) et débouté les parties de toute autre conclusions (ch. 4 du dispositif).

Ce jugement a été notifié aux parties par plis recommandés du 13 septembre 2021. L’appelante l’a reçu en l’Etude de son conseil le 14 septembre 2021.

b. Par acte expédié par pli recommandé le 29 septembre 2021 et adressé au greffe de la Cour de Justice, A______ appelle de ce jugement, et ce par la plume de son syndicat. Elle conclut au fond à l’annulation du jugement entrepris, et cela fait, à titre principal, à ce que la Cour condamne C______ SA à lui verser la somme de 22'924 fr. 40 nets, plus intérêts 5% l’an dès le 1er septembre 2020, qu’elle soit condamnée outre à lui verser la somme de 2'912 fr. bruts, plus intérêts à 5% l’an dès la date moyenne, soit dès le 15 janvier 2020, et que l’intimée soit déboutée de toutes autres, contraires ou plus amples conclusions, et qu’il soit dit qu’il n’est pas perçu de frais judiciaires ni alloué des dépens . A titre subsidiaire, l’appelante conclut à l’annulation des chiffres 2 et 4 du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants (liasse I).

c. Par mémoire-réponse du 3 novembre 2021, C______ SA a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris (liasse II).

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, en persistant dans leurs conclusions respectives déjà prises en première instance (écritures du 22 novembre 2022 respectivement du 13 décembre 2022 (liasses III, IV)).

B.            La Cour retient, sur le vu du dossier et des conclusions prises en appel, les éléments de faits pertinents suivants :

a. C______ SA est une société de droit suisse dont le but est la gestion de patrimoine ainsi que toutes activités liées à la gestion des affaires privées de personnes physiques ou morales. Son siège est à Genève.

D______ en est l’administrateur président, avec signature collective à deux (Extrait du Registre du commerce = pièce 2 dem.).

b. La société fonctionnait – dans le cas d’espèce – en tant que family office pour « le client et sa famille » (PV 20 avril 2021 p. 2).

Le client en question était E______ (pièce 2 déf.), né le ______ 1923 et décédé le ______ 2020 à l’âge de 97 ans (pièces 1, 3bis déf.). Son épouse était décédée le ______ 2020 [six mois avant lui] (pièce 3bis déf.). Banquier de profession, le défunt était, de 1964 à 1984, associé, président du conseil et directeur général d’une banque privée à Genève (source : FNSNF/ EPFL/ UNIL, Registre des élites suisses, www.unil.ch/elitessuisses) (ci-après : « le client »).

La société s’occupait à mettre à disposition du client (et de son épouse) des employés administratifs, des aides-soignants et veilleuses de nuit (PV 20 avril 2021, p. 2).

Le planning de la mise à contribution du personnel dédié à ce couple était assumé par F______ (F______@E______.com) (pièce 4 dem. ; pièce 6 déf.).

Une autre société fournissait le personnel médical ; elle assurait les veilles lorsque les employés de C______ SA n’étaient pas de service (PV 20 avril 2021, p. 3).

c.  A______, aide-soignante de formation (PV 20 avril 2020 p. 2), née le ______ 1965, a été engagée par C______ SA, en qualité de veilleuse de nuit auprès du client, à 100%, pour des nuits de garde débutant à 21h00 et se terminant à 08h00, à raison de 5 nuits par semaine (45 h/semaine), pour un salaire mensuel de 5'385 fr. brut, versé douze fois l’an, à partir du 1er octobre 2019, et ce par contrat de travail à durée indéterminée singé le même jour (pièces 2 et 3 dem.). En moyenne, elle était censée effectuer 21 nuits par mois (pièce 4 p. 2 et 3 dem.). Elle devait surveiller et assister de client, ainsi que, le matin, lui prodiguer les soins de base (pièce 12 dem.).

d. Le client, bien que fort âgé, était lucide et parfaitement apte à donner des directives (pièce 4 p. 2 dem.); cependant, ses décisions, notamment celles impliquant des dépenses, étaient soumises à la ratification par ses quatre enfants (PV 20 avril 2021 p. 3).

e.  Le client, très âgé, était physiquement diminué (pièce 1 déf.). De ce fait, il nécessitait un encadrement 24 heures sur 24 (PV 20 avril 2021 p. 3), et notamment, la présence continue d’aides-soignants (PV 20 avril 2021 p. 3), et, durant la nuit, d’une veilleuse de nuit. Il souffrait d’insomnies (témoin G______, PV 15 juin 2021, p. 4 ; pièce 4 p. 2 dem.) et ses nuits étaient parfois agitées, ce qui requérait une surveillance constante (témoin H______, PV 15 juin 2021, p. 2). Jusqu’en juin 2020, il pouvait encore se déplacer, notamment pour se rendre, avec l’assistance du personnel, aux toilettes et dans la salle des bains (PV 20 avril 2021 p. 2; témoin G______, PV 15 juin 2021 p. 4).

f.  A côté de la chambre du client se trouvait une pièce censée permettre au personnel de veille de pouvoir y dormir. Le client disposait d’une sonnette pour appeler la veilleuse de nuit. Il appelait tantôt 5 à 6 fois, comme 20 à 25 fois par nuit (témoin H______, PV 15 juin 2021 p. 2). Il y avait parfois des nuits calmes (ibid).

g. A partir du mois de juin 2020, le client était définitivement alité (liasse 4 p. 8), et, à partir du mois de juillet 2020, il nécessitait des soins palliatifs (témoin G______, PV 15 juin 2021 p. 4). Il décédera le ______ 2021 (pièce 3bis déf.).

C.           a. A______ a effectué, du 1er octobre 2019 au 5 avril 2020 (hormis une période maladie du 22 au 28 janvier 2020) des semaines de 55h, alternant avec des semaines de 44h, c’est-à-dire 5 nuits, suivies par 4 nuits (pièce 3 dem.).

Le travail de nuit, et notamment, le nombre de nuits qu’elle avait effectuées, l’a progressivement épuisée (témoin Dr. I______, PV 15 juin 2021 p. 6).

b. Par e-mail du 24 avril 2020, après avoir reçu de F______ le planning pour le mois de mai 2020, A______ a sollicité de pouvoir diminuer le nombre de nuits mensuel (pièce 4 p. 2 dem.).

F______ lui a alors suggéré d’en discuter directement avec « Monsieur » et de lui revenir (e-mail du 25 avril 2020, pièce 4 p. 2 dem.).

Par e-mail du 26 avril 2020, A______ a informé F______ qu’elle avait parlé à « Monsieur » et que ce dernier ne comprenait pas pourquoi elle travaillait plus que « le pourcentage sur le contrat » (pièce 4 p. 3 dem.). Il lui a en outre proposé une augmentation de salaire de 50 fr. à 100 fr. par mois (PV 20 avril 2021 p. 2 ; témoin G______, PV 15 juin 2021 p. 4). Informés de cette idée de leur père, ses quatre enfants s’y sont opposés (PV 20 avril 2021 p. 3).

Par e-mail du 27 avril 2020, A______ a informé F______ que « dorénavant, je souhaite travailler 15 ou 16 [nuits] maximum dans le mois » (pièce 4 p. 3 dem. et pièce 8 p. 2 dem.).

Sur ce, par un e-mail du même 27 avril 2020, F______ a fait parvenir à « Monsieur » (i. e. le client) l’e-mail suivant (pièce 4 p. 4 dem.) :

« J’ai reçu un e-mail, ce jour, de A______ [prénom] qui demande de réduire son nombre de nuits mensuel. Actuellement, elle travaille à 100%, ce qui correspond à 21 nuits par mois. A______ souhaite diminuer à 15 nuits par mois. Validez-vous une modification de son contrat de travail suite à cette diminution et si oui, à partir de quelle date ? En cas de réponse positive, je vous prie de m’indiquer qui je dois contacter pour effectuer les nuits que A______ ne fera plus ».

Par e-mail du 28 avril 2020, F______ a informé A______ que « Monsieur » ne pouvait, pour le moment, donner une suite favorable à son souhait de diminuer son activité, « car il est en manque de personnel. Un nouveau point de situation sera fait fin mai » (pièce 4 p. 5 dem.).

c. Par e-mail du 8 mai 2020, A______ a demandé à F______ si elle était tenue de prendre deux semaines de vacances en une fois, car elle souhaitait prendre ces vacances fractionnées en jours « parce que Monsieur a besoin de moi : quand je suis là, il est rassuré (..) » (pièce 6 déf.).

Par e-mail du 11 mai 2020, F______ lui a répondu par la négative, exposant que, selon la loi, l’employeur devait veiller à ce que les vacances comprennent au moins deux semaines consécutives (pièce 6 déf.).

d. A l’issue de sa garde de nuit du 28/29 mai 2020, le client a déclaré à A______ – en présence d’un témoin – qu’elle n’avait plus besoin de venir (témoin G______, PV 15 juin 2021 p. 4).

C’est arrivé à plusieurs reprises que le client déclare ne plus vouloir revoir la personne qui s’occupait d’elle la nuit. Quand la personne ne lui convenait pas, il demandait quelqu’un d’autre (témoin G______, PV 15. 6. 2021, p. 4).

e. Par e-mail du 29 mai 2020, F______ a informé A______ que « pour vous reposer, Monsieur vous libère ce weekend : vous n’avez pas besoin de venir faire les nuits du 30 et 31 mai 2020 » (pièce 5 dem).

Et par e-mail du 2 juin 2020, F______ a fait savoir à A______ que « Monsieur vous libère aussi les nuits de mardi 2 et de mercredi 3 juin, afin que vous reveniez vendredi 5 juin à 21h en pleine forme » (pièce 6 dem).

f. Au mois de mai 2020, A______ a effectué une semaine de 44h, une autre de 55h, une troisième de 44h, et la dernière de 33h (pièce dem.).

g. Dans la période du 1er octobre 2019 au 31 mai 2021, A______ a effectué 104 nuits ayant duré 11 heures (pièce 3 dem).

i. Durant son temps de travail (21h00-08h00), A______ ne pouvait prendre une pause (appréciation de preuves). Elle était seule aux côtés du client et avait instruction de contacter une infirmière désignée en cas de problématique médicale (liasse 8 p. 12). Elle a effectué 104 nuits de garde à 11h chacune (21h00 – 08h00) (cf. pièce 3 déf.).

D.           a. Le 1er juin 2020, A______ est tombée malade. Elle a fait constater l’incapacité de travail par le Dr. I______ le matin du 4 juin 2020 (témoin I______, PV 15 juin 2021 p. 6). Elle était victime d’un choc émotionnel et était épuisée, car elle travaillait trop (ibid). Le praticien lui a délivré derechef un certificat d’arrêt de travail – rétroactif au 1er juin 2020 et valable jusqu’au 30 juin 2020 (ibid).

b. A______ a transmis copie de ce certificat médical par WhatsApp à F______, le 4 juin 2020 à 10h03 (pièce 3 déf.). Le certificat médical n’indiquait pas la cause de l’incapacité de travail (ibid).

c. Par e-mail du 4 juin 2020 08h48, F______ avait adressé les lignes suivantes à D______ (pièce 2 déf.):

« Monsieur te prie de bien vouloir licencier A______ [prénom] pour la fin juin, donc avec 1 mois à donner, sauf erreur, donc elle terminera contractuellement au 31.07.2020. On la libère de l’obligation de travailler et ce qui devrait lui permettre de solder ses vacances, n’est-ce pas ? Merci de lui faire parvenir la lettre ASAP ».

d. L’équipe des intervenants auprès du client a été étoffée par l’engagement, le 15 juin 2020, de H______, veilleuse de nuit (PV 20 avril 2021 p. 3 ; témoin H______, PV 15 juin 2021 p. 2 ; liasse 4 p. 9), et, le 1er juillet 2020, de J______, veilleuse de nuit (PV 20 avril 2021, p. 3 ; témoin J______, PV 15 juin 2021 p. 3). Cette dernière, engagée pour un 20% d’un temps plein, n’effectuait, en juillet 2020 que quatre nuits de garde (témoin J______, PV 15 juin 2021 p 3).

E.            a. Par courrier recommandé du 19 juin 2020, le [syndicat] B______, intervenant pour A______ a, entre autres, requis de C______ SA le paiement à son affiliée des heures supplémentaires effectuées depuis le 1er octobre 2019, critiqué l’horaire excessif, source d’épuisement, et évoqué la demande de son affiliée, formée le 27 avril 2020, de voir réduit son taux d’activité à 15 nuits par mois (pièce 7 dem.).

C’était la première fois que A______ avait sollicité le paiement de ses heures supplémentaires (PV 20 avril 2021 p. 4).

b. Par courrier-réponse du 30 juin 2020, C______ SA a précisé qu’à l’époque – le 27 avril 2020 – A______ voulait obtenir - en s’adressant directement au client - la réduction de son temps de travail avec effet immédiat - ce que ce dernier, pris au dépourvu, ne pouvait lui accorder. Par ailleurs, elle aurait dû adresser sa demande par écrit à l’employeur, et non pas au client ; « à ce jour, nous n’avons toujours pas reçu de demande de réduction du temps de travail de votre mandante ». S’agissant des heures supplémentaires, il serait « d’usage dans notre société » de les payer en fin d’année civile. L’employée, dans le cas concret, ne les lui aurait jamais réclamées. La société a reconnu lui devoir, à ce titre, et pour la période considérée, l’indemnisation, au taux de base de 28 fr./h, de 89 heures supplémentaires, soit un montant de 2'492 fr. (pièce 8 dem.).

c. Par virement du 2 juillet 2020, C______ SA a payé à A______ le montant de 2'492 fr. brut, sous déduction des charges sociales, à titre d’indemnité pour 89 heures supplémentaires (pièce 2bis/12 dem.).

d. Par courrier recommandé du même 2 juillet 2020, adressé directement à A______, C______ SA lui a signifié la résiliation des rapports de travail pour fin le 31 août 2020, avec dispense d’effectuer le préavis. Le congé n’était pas motivé (pièce 9 dem.).

e. Par courrier recommandé de son syndicat du 7 juillet 2020, A______ a formé opposition au congé et demandé à ce qu’il soit motivé (pièce 10 dem.). S’agissant de sa demande, formulée le 27 avril 2021, d’obtenir la réduction du nombre de ces nuits par mois, elle a rappelé s’être adressée, par écrit, à F______, « et non vers le client » (pièce 10 dem.).

f. Par courrier-réponse au syndicat du 15 juillet 2020, C______ SA a expliqué que A______ n’avait pas été licenciée suite à sa demande de paiement des heures supplémentaires - montant qu’elle lui aurait payé de toute manière - ni encore après que l’employée ait fait part de son épuisement ; le motif du congé était la « réduction des équipes auprès de la personne chez qui travaillait votre mandante ; cette personne de 97 ans, est désormais alitée en continu et en soins palliatifs. Afin d’éviter de la fatiguer, il nous a été demandé de réduire au maximum le nombre d’intervenants à ses côtés » (pièce 11 dem.).

g. Par courrier de son syndicat du 25 août 2020, A______ a demandé à C______ SA de lui verser encore le supplément légal de 25% pour le travail supplémentaire ; par ailleurs elle fait part de se ses « sérieux doutes » quant aux motifs du congé allégués ; affirmant avoir fait l’objet d’un congé-représailles, elle a réclamé le paiement d’un montant de 22'647 fr. 55 nets, soit l’équivalent à quatre salaires, à titre d’indemnité pour licenciement abusif (pièce 13 dem.).

g. Par courrier de son conseil au syndicat du 29 septembre 2020, C______ SA a affirmé que, premièrement, elle voulait résilier le contrat de travail de l’employée au début juin 2020 déjà, mais qu’elle n’avait pas été en mesure de le faire, étant donné que celle-ci était en incapacité de travail à ce moment-là, et que ce n’est qu’en prenant connaissance du courrier (du syndicat) du 19 juin 2020, qu’elle avait appris que l’employée était absente en raison d’un épuisement, ce qu’elle ignorait avant cette date, que, deuxièmement, les heures supplémentaires auraient de toute façon été payées, même si l’employée ne l’avait pas demandé, et que, troisièmement, il lui avait été demandé de réduire au maximum le nombre d’intervenants aux côtés du client. Enfin, elle a reconnu devoir encore le supplément réclamé pour le travail supplémentaire, 583 fr. (pièce 15 dem.).

h. Les rapports de travail ont pris fin le 31 août 2020.

i. N’ayant retrouvé d'emploi, A______ s’est inscrite au chômage (liasse 1, p. 10 ; pièce 19 dem.).

Procédure

A.           a. Le 17 novembre 2020, A______ a fait déposer auprès de l’Autorité de conciliation du Tribunal des prud’hommes une Requête de conciliation dirigée contre C______ SA, et conclu au paiement d’un montant de 22'924 fr. 40 nets à titre d’indemnité pour licenciement abusif, ainsi que de 4'032 fr. à titre d’indemnité pour pauses non prises (pièces 17, 18 dem.).

b. A l’issue de l’audience de conciliation du 19 janvier 2021, A______ s’est vu délivrer l’Autorisation de procéder (pièce 18 dem.).

B. a. Par mémoire-demande de son syndicat du 26 janvier 2021, parvenu au Greffe du Tribunal des prud’hommes le 27 janvier 2021, A______ a assigné C______ SA en paiement de 22'924 fr. 40 nets, avec intérêt moratoire 5% l’an dès le 1er septembre 2020, à titre d’indemnité pour licenciement abusif (4 salaires mensuels) et de 2'912 fr. bruts, plus intérêts moratoires 5% l’an dès le 15 février 2020 (liasse I). La valeur litigieuse indiquée s’élevait à 25'836 fr. 40 (liasse 1 p. 1).

La demanderesse y a exposé, en substance, avoir fait l’objet d’un congé-représailles au sens de l’art. 336 al. 1 let. d CO. En effet, ce congé aurait été prononcé parce qu’elle venait de réclamer le paiement de ses heures supplémentaires; l’allégué de la défenderesse selon laquelle il fallait réduire le nombre des intervenants auprès du client n’était qu’un prétexte puisque dès sa libération, elle avait été remplacée par une personne fraîchement engagée (liasse 1, p. 12 - 14).

Elle a réclamé, à ce titre, une indemnité équivalent à quatre salaires mensuels « moyens », précisant que le salaire mensuel devait comprendre l’indemnité afférentes aux heures supplémentaires. Ce salaire moyen s’élevait à 5'731 fr. 10 bruts (9 mois x 5'385 fr.+ 2'392 fr. + 623 fr./ 9 mois) (liasse 1 p. 15).

S’agissant des pauses qu’elle estimait dues en vertu de l’art. 15 al. 1 let. c LTr, la demanderesse a affirmé n’avoir pas pu les prendre. Un horaire de 11h justifiait l’octroi d’une pause d’une heure. Considérant les 104 nuits effectuées, elle a retenu une indemnisation au taux de base de 28 fr. / h x 104 x 1h, soit d’un montant de 2'912 fr. brut (liasse 1 p. 16).

La demande était accompagnée d’un chargé de 18 pièces (liasse 2).

c. Par mémoire-réponse du 3 mars 2021 la défenderesse a conclu au déboutement de la demanderesse de toutes ses conclusions.

Le mémoire-réponse était accompagnée d’un chargé de 6 pièces (liasse 5).

La défenderesse a exposé que « la seule et unique raison du licenciement de la demanderesse [est] la réduction du personnel autour du client, suite à l’alitement définitif de ce dernier, peu de temps avant son décès » (liasse 4 p. 6). Jusqu’à la lettre du [syndicat] B______ du 19 juin 2020, elle ignorait l’état d’épuisement de la demanderesse. Enfin, s’agissant de l’indemnité pour les heures supplémentaires, celle-ci aurait de toute façon été payée à la demanderesse (liasse 4 p. 6 - 9 et p. 14). A ce propos, l’usage serait, dans la société, de les payer à la fin de l’année (liasse 4, p. 11). La décision de licencier la demanderesse aurait été prise avant que celle-ci ne réclame le paiement de ses heures supplémentaires et avant d’apprendre d’un « soi-disant » état d’épuisement (liasse 4 p. 4). En effet, la défenderesse avait reçu instruction (du client) de licencier la demanderesse le matin du 4 juin 2020 à 08h48 déjà, mais, ayant toutefois reçu, un peu plus tard, à 10h03, le certificat médical de la demanderesse attestant de son incapacité de travail à partir du 1er juin 2020 (pour 30 jours), elle ne pouvait réaliser l’intention de la licencier (liasse 4 p. 10). S’agissant des pauses, la demanderesse était parfaitement à même de les prendre pendant que le client dormait (liasse 4 p. 15).

d. Les parties ont pu répliquer et dupliquer (liasses 7 et 8). Elles ont persisté dans leurs positions respectives, et déposé des listes de témoins. La demanderesse a fait figurer sur sa liste, sous rubrique « audition des parties », le nom de F______ (dossier judiciaire).

C. a. Lors de l’audience de débats du 20 avril 2021, le Tribunal a procédé à l’audition des parties – la défenderesse ayant comparu par M. D______. Elles ont confirmé, dans leurs déclarations, les allégués contenus dans les écritures de leurs conseils respectifs. La défenderesse a notamment affirmé que « les heures supplémentaires [étaient] payées chaque année en décembre, en une fois ( ) Pour A______, il n’y a pas eu de paiement en décembre 2019, car nous attendons une année complète avant un paiement » (PV 20 avril 2021 p. 4).

Selon le jugement du Tribunal, la défenderesse aurait précisé à cette occasion que F______ était une de ses employés et que son rôle était la gestion administrative auprès du client (liasse 14 p. 6).

A l’issue de l’audience, la demanderesse a dit qu’elle renonçait à l’audition de F______ (PV 20 avril 2021 p. 4).

b. Lors de l’audience de débats du 15 juin 2021, le Tribunal a procédé à l’audition des témoins H______ (PV 16 juin 2021 p. 1-2), J______ (PV 16 juin 2021 p. 3), G______ (PV 16 juin 2021 p. 4-5) et du Dr. I______ (PV 16 juin 2021 p. 6).

c. A l’issue de cette audience, le Tribunal a gardé la cause à juger (PV 15 juin 2021 p. 7).

D. a. Dans son jugement du 13 septembre 2021, le Tribunal a considéré, en substance, que la demanderesse n’avait pas apporté la preuve du caractère abusif du congé du 2 juillet 2020. En effet, il a estimé que les explications fournies par la défenderesse quant à la nécessité de réduire le personnel soignant au service du patient, au vu de l’aggravation de son état de santé, étaient convaincantes et paraissent difficilement contestables. Tant le certificat médical dressé par le Dr. K______ le 9 février 2021 (pièce 1 déf) que le décès du patient intervenu seulement quelques mois après le licenciement de la demanderesse démontraient le bien-fondé du motif du licenciement. Enfin, il ressortait des pièces et de l’audition du témoin G______ que c’était le patient lui-même qui ne souhaitait plus que la demanderesse travaillât à son service. Enfin, la demanderesse n’avait pas prouvé que la défenderesse aurait engagé une aide-soignante pour la remplacer dès la libération de son obligation de travailler (liasse 14, p. 11).

b. Quant aux prétentions formulées par la demanderesse, celles-ci avaient été dans l’ensemble prises en compte par la défenderesse. En effet, la société lui avait payé ses heures supplémentaires dans le mois suivant sa réclamation, à savoir en juillet 2020. Il ressortait à cet égard de l’interrogatoire de la défenderesse que cette dernière avait l’habitude de payer les heures supplémentaires de ses employés en une fois, au mois de décembre. En outre, la société avait cherché à trouver des solutions dans l’organisation des horaires de travail de la demanderesse. En effet, cette dernière avait été libérée de ses nuits les 30 et 31 mai ainsi que les 2 et 3 juin 2020, afin qu’elle puisse se reposer. Quant à la diminution de son taux de travail, c’était le patient et non la défenderesse qui l’avait refusée. Enfin, si l’augmentation de salaire de la demanderesse proposée par le patient n’avait finalement pas eu lieu, ce n’était pas du fait de la défenderesse mais des enfants de ce dernier, qui l’ont refusée (liasse 11, p. 12).

c. S’agissant des pauses, il ressortait des enquêtes qu’une chambre était mise à disposition des aides-soignantes. Quant au niveau d’agitation du patient – durant les nuits – les témoignages divergeaient. Selon le témoin H______, il pouvait plus ou moins bien dormir et se réveiller plusieurs fois par nuit, soit entre cinq et vingt-cinq fois, mais il y avait parfois des nuits calmes; quant au témoin J______, elle avait déclaré que les nuits se passaient bien et que le patient n’était pas particulièrement agité. En outre, elle n’allait contrôler le patient que de temps en temps durant les nuits . Dès lors, aucun élément ne permettait de penser qu’il était impossible pour la demanderesse de se reposer pendant ses nuits (liasse 11, p.1-2).

d. Les moyens développés par les parties en appel, identiques à ceux qu’elles avaient articulés en première instance, seront exposés et examinés, dans la mesure nécessaire, dans la partie « En droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Recevabilité et questions préalables :

1.1.  Interjeté contre une décision finale (art. 308 al. 1 let. a CPC) auprès de l’autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 142 al. 1 et 3, art. 145 al. 1 let. c, art. 311 CPC), l’appel est recevable.

1.2.  L’appel peut être formé pour a. violation du droit et/ou b. constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

1.3.  Le juge d’appel dispose d’un pouvoir d’examen complet et revoit librement les questions de fait comme les questions de droit (art. 310 CPC). Il n’est pas lié à l’état de faits dressé par l’instance précédente (ATF 144 III 394 consid. 4.1.4 = JdT 2019 II 147 ; Seiler, Die Berufung nach ZPO, Zurich, 2013, p. 206). Il contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le premier juge et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (art. 157 CPC ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1., TF 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

1.4.  Dans les litiges de travail dont la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr., et qui de ce fait sont régis par la procédure simplifiée (art. 243 al. 1 CPC), le juge établit les faits d’office (art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC). La disposition – qui correspond à l’ancien art. 343 al. 4 CO – consacre la maxime d’enquête sociale et autorise, voire oblige, le juge à fonder son prononcé sur tous les faits pertinents établis lors des débats, même si les parties ne les ont pas invoqués à l’appui de leurs conclusions (ATF 107 II 233 consid. 2 b ; OG ZH, arrêt LA170003-O du 5 juillet 2017, consid. 6 ; Fraefel, in: Oberhammer/ Domej/Haas (éd), Kurzkommentar ZPO, 2e éd., Bâle, 2014, N. 11 ad art. 247 CPC; Brunner, in : Brunner/Gasser/Schwander, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), 2e éd. Zurich, 2016, N. 11 ad art. 247 CPC; Streiff/Von Kaenel/Rudolph, Arbeitsvertrag, Zurich, 2012, p. 46).

1.5.  Par ailleurs, le juge applique le droit d’office (art. 57 CPC).

1.6.  Enfin, le juge peut retenir d’office des faits notoires ; ceux-ci n’ont pas besoin d’être allégués ou prouvés. Les faits notoires sont ceux dont l’existence est certaine au point d’emporter la conviction du juge, qu’il s’agisse de faits connus de manière générale du public ou du juge. Pour être notoire, un renseignement ne doit pas être constamment à présent à l’esprit ; il suffit qu’il puisse être contrôlé par des publications accessibles à chacun (ATF 143 IV 380 consid. 1.1.1. ;
135 III 88 consid. 4.1).

1.6.1. En l’espèce, la Cour a retenu, sur le vu d’un registre public, d’accès facile, comme notoire (art. 151 CPC) le fait que le « client » dont il est question dans ce dossier était feu E______, banquier de son état, et, en son temps, personnalité économique d’importance à Genève. Cet élément factuel permet une meilleure compréhension de l’arrière-plan du litige.

1.7.       Les parties n’ont pas thématisé la position de F______ : était-elle employée de la famille E______ comme semble le faire penser le fait qu’elle communiquait avec les parties par le biais d’une adresse e-mail, F______@E______.com, mandataire ou employée de l’intimée ? Le Tribunal n’a pas instruit ce point.

1.7.1. En appel, l’intimée mentionne, incidemment, que l’intéressée était « chargée de la gestion pour le compte de C______ SA auprès du client » (liasse II p. 7). Dans sa réplique, l’appelante n’a pas réagi à cet allégué (liasse III, passim).

1.7.2. Le point peut rester indécis. Ce qui paraît constant est que l’intéressée se trouvait liée non pas à la famille du client, mais à l’intimée, que ce soit par un mandat ou par un contrat de travail. Dans les deux cas de figure, elle assumait, de ce fait, la position d’auxiliaire de l’intimée au sens de l’art. 101 CO (ATF
125 III 70 ; 107 Ia 168 = JdT 1983 I 315). Partant, les communications faites par l’appelante à cette personne sont censées avoir été faites à l’intimée.

1.8.  L’appelante avait formé son opposition au congé selon la forme et le délai prescrits par l’art. 336 b al. 1 CO, et, par ailleurs, introduit sa cause, par le dépôt d’une Requête de conciliation, dans les 180 jours à compter de la fin des rapports de travail (délai péremptoire de droit matériel : cf. art. 336 b al. 2 CO), et enfin, déposé sa demande au Tribunal des prud’hommes dans les trois mois consécutifs à l’échec de la conciliation (cf. délai péremptoire procédural, art. 209 al. 3 CPC).

2.             Droit applicable :

2.1.  L’appelante impute son état d’épuisement - état dont elle se serait plainte auprès de l’employeur en avril 2020 déjà - au non-respect, par ce dernier, de la loi fédérale sur le travail (LTr, RS 822.11). Il convient donc d’examiner si cette loi s’applique au type d’entreprise exploitée par l’intimée ou si l’intimée bénéficie de l’exception prévue à l’art. 2 al. 1 let. g LTr, selon laquelle la loi ne s’applique pas aux ménages privés.

2.2.  L’intimée exploite une entreprise qui, entre autres, s’occupe, professionnellement (« gewerblich »), de l’aide au domicile de personnes âgées (« Seniorenbetreuung »). Ce modèle d’affaires met en jeu un rapport triangulaire : un rapport de mandat entre le bailleur de service et le client ; un rapport de travail entre l’employé mis à contribution auprès du client et le bailleur de service, et enfin, un rapport de fait entre le client et le travailleur.

2.3.  Selon la jurisprudence et la doctrine, un tel modèle d’affaires est concerné tant par la loi sur le travail et que par la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services (LSE, RS 823.11). L’entreprise bailleresse de ce type de service (i. e. « Seniorenbetreuung ») ne saurait profiter de l’exception de l’art. 2 al. 1 let. g LTr ; elle tombe, pour son activité – fût-elle déployée par la mise à disposition de travailleurs auprès de ménages privés, i. e. au domicile du « client » – dans le champ d’application de la loi sur le travail (TF 2C_470/2020 du 22 décembre 2021 consid. 4.1 – 4.5 [destiné à la publication]; Wagner, Die rund-um-die-Uhr-Betreuung in der Pflege, in: AJP/PJA 2016 p. 774) et de la loi sur le service de l’emploi (TF 2C_132/2018 du 2 novembre 2018, consid. 5.2-5.3 et consid. 6.1 – 6.2).

2.3.1. En effet, en cas de location de services, le client (i. e. « l’entreprise locataire de services » ; « Einsatzbetrieb ») constitue une entreprise (« Betrieb ») au sens de l’art. 1 al. 2 LTr (TF 2C_470/2020 du 22 décembre 2021 consid. 3.4.3 ; Wagner, op. cit p. 768 ss).

2.4.       Les deux lois prévoient des régimes d’autorisations. Le travail de nuit régulier ou périodique requiert, en principe, l’obtention de l’autorisation du SECO (art. 17 al. 5 LTr ; le non-respect de cette exigence est punissable (cf. art. 59 al. 1 LTr ; Von Kaenel, in : Geiser/Von Kaenel/Wyler (éd), Loi sur le travail, Berne, 2005, N. 25 ad art. 10 LTr). La location de services est soumise à autorisation tant au niveau cantonal que fédéral (SECO) (cf. art. 12 al. al.1 et 2 LSE ; TF 2C_132/2018 du 2 novembre 2018, consid. 4.3.1 ; Matile/Zilla, Travail temporaire, Zurich, 2010, chap. IV/A ad art. 12 LSE, p. 34).

2.4.1. En l’espèce, l’appelante, par la plume de son syndicat, avait déjà soutenu en première instance l’absence d’autorisations (liasse 1, allégué 12) ; l’intimée avait, dans sa réponse à la demande, contesté cette affirmation (liasse 3, p. 5 « ad 12 »), mais elle n’a pas étayé cette contestation.

2.4.2. Il est exact que, sur le vu de l’art. 27 al. 1 LTr, l’Ordonnance 2 relative à la loi sur le travail (OLT 2, RS 822.112) dispense les « Entreprises de soins à domicile » (art. 17 OLT 2) – dont l’intimée paraît faire partie - de l’obligation de solliciter une autorisation officielle pour occuper des travailleurs pendant la totalité ou une partie de la nuit (cf. art. 4 al. 1 OLT 2).

2.4.3. La question de la sollicitation et obtention desdites autorisations peut rester ouverte, dès lors que, sur le plan du droit du travail leur absence ne saurait dégager l’employeur de ses obligations vis-à-vis du travailleur.

2.5.       Dans la location de service, le « client » (« Einsatzbetrieb ») assume une position d’employeur de fait ; il exerce, vis-à-vis du travailleur, par délégation du bailleur de services/employeur, une partie du droit de donner des directives (art. 321 d CO ; « Aufspaltung der Arbeigeberfunktion und des Weisungsrechts » ; TF 2C_132/2018 du 2 novembre 2018, consid. 4. 3. 3 ; TF 2C_543/2014 du 26 novembre 2013 consid. 2.1; Kull, Arbeitsvermittlungsgesetz (AVG), Berne, 2014, N. 10 ad art. 12 LSE).

2.5.1. En particulier, si le client n’est pas content avec le travailleur que le bailleur de services lui a envoyé, il peut s’adresser à ce dernier et, cas échéant, en réclamer le remplacement. Toutefois, le droit de donner congé n’appartient qu’au bailleur de services qui seul est l’employeur du travailleur (TF 2C_132/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.3.3 ; Bachmann, Verdeckter Personalverleih, ArbR 2010 p. 68 ss).

2.5.2. Le risque que le locataire de services réclame un autre travailleur temporaire, ou n’ait plus besoin de ses services, fait partie du risque d’entreprendre du bailleur de services ; ce dernier ne saurait vouloir faire supporter ce risque au travailleur.

3.      Licenciement abusif :

3.1.       Reprenant les moyens développés en première instance, l’appelante soutient avoir fait l’objet d’un licenciement abusif. Elle se dit victime d’un congé-représailles au sens de l’art. 336 al.1 let. d CO. Ce congé notifié le 2 juillet 2020 aurait été prononcé parce qu’elle venait – en tout cas le 19 juin 2020 – de réclamer, par la plume de son syndicat, le paiement de ses heures supplémentaires, d’une part, et d’autre part, parce qu’elle y aurait fait état de son épuisement dû à ses horaires excessifs. L’intimée pour sa part réitère, comme elle l’avait déjà fait devant le Tribunal, l’absence de causalité entre les faits « incriminés » et le congé donné – dès lors que ce congé avait déjà été décidé le 4 juin 2020, soit avant d’avoir été informée de l’état d’épuisement de l’appelante et avant d’avoir été confrontée à sa prétention en paiement des heures supplémentaires.

3.2.  A teneur de l’art. 336 al. 1 let. d CO, le licenciement est réputé abusif lorsqu’il est prononcé parce que le travailleur fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail (cf. ATF 138 III 513 consid. 2.4).

3.2.1. Pour juger si le congé est abusif, ce qui est une question de droit, il faut se fonder sur le motif réel, dont la détermination relève quant à elle du fait (ATF
138 III 513 consid. 2.3 ; 131 III 535 consid. 4.3 ; TF 4C_282/2006 du 1er mars 2007 consid. 4.3).

3.2.2. Le fardeau de la preuve incombe au travailleur (art. 8 CC). Or, comme le fait à établir est de nature psychique, la preuve est difficile à apporter. C’est pourquoi la jurisprudence admet qu’il suffit que le lien de causalité naturelle entre le motif abusif (par hypothèse établi) et la résiliation soit établi au degré de la vraisemblance élevée ou de la probabilité prépondérante (« hohe Wahrscheinlichkeit », respectivement « überwiegende Wahrscheinlichkeit ») (TF 4A_19/2015 du 20 mai 2015 consid. 4.1). En outre, le Tribunal fédéral retient que le juge peut présumer en fait l’existe d’un congé abusif lorsque l’employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l’employeur (ATF 130 III 699 consid. 4.1 ; 123 III 246 consid. 4b ; TF 4A_21/2019 du 27 mai 2019 consid. 5); dans ce cas, l’on a affaire à une forme de preuve par indices (TF 4A_266/2020 du 23 septembre 2020 consid. 3.1 = JAR 2021 p. 331 ; TF 4A_92/2017 du 26 juin 2017 consid. 2. 2. 2. ; cf. Wyler/Heinzer, Droit du travail, Berne, 2019, p. 805 ; Staehelin, Zürcher Kommentar, 2014, N. 36 ad art. 336 CO).

3.2.3. Une temporalité étroite (« enger zeitlicher Zusammenhang») entre le moment de la prétention a été articulée et celui du licenciement constitue un indice de causalité (Rehbinder/Stöckli, Berner Kommentar, 2014, N. 59 ad art. 336 CO ; CAPH GE JAR 2000 p. 350).

3.3.  En l’espèce, de l’avis de la Cour, il ne saurait faire aucun doute que le congé notifié à l’appelante le 2 juillet 2020 – soit immédiatement après la fin du délai de protection (cf. art. 336 c al. 1 let. b CO : 30 jours lors de la première année de service) - l’a été en réaction à la lettre du syndicat du 19 juin 2020. L’appelante y a fait valoir, en des termes les plus courtois, deux prétentions découlant des rapports de travail : le paiement de ses (nombreuses) heures supplémentaires depuis le 1er octobre 2019, et un grief en rapport avec l’horaire excessif, source d’épuisement.

3.3.1. Ces deux prétentions étaient articulées de bonne foi (art. 3 CC), et, qui plus, paraissaient fondées.

3.3.2. En effet, en droit, les heures supplémentaires fournies lors d’un mois doivent être, au plus tard, indemnisées lors de la paie du mois subséquent (cf. art. 323 al. 1 CO ; Streiff/Von Kaenel/Rudolph, Arbeitsvertrag, Zurich, N. 12 ad art. 321c CO). Il en va, à fortiori, de l’indemnisation du travail supplémentaire (art. 13 LTr ; Liebhart, in : Etter/Facincani/Sutter (éd), Arbeitsvertrag, Bern, 2021, N. 79 ad art. 321 c CO ; Dunand, in : Dunand/Mahon (éd), Commentaire du contrat de travail, Berne, 2013, N. 31 ad art. 321 c CO). Il est douteux que les parties, s’agissant d’une prestation salariale, puissent convenir que l’indemnisation intervienne « plus tard » (cf. TF 4A_192/2008 du 9 octobre 2008 consid. 5 = ARV/DTA 2009 p. 34 ; Streiff/Von Kaenel/Rudolph, op. cit. N. 2 et N. 8 ad art. 323 CO). En l’espèce, l’intimée a allégué l’existence d’un usage dans l’entreprise, dans ce sens ; il n’en a pourtant pas apporté de preuves.

3.3.3. A teneur des art. 328 al. 1 CO et de l’art. 6 al. 1 LTr, il incombe à l’employeur de protéger, entre autres, la santé physique du travailleur. Lui imposer – que ce soit par contrat ou par « usage » - des horaires excessifs, telles des semaines de 11 heures de travail de nuit, pendant cinq jours consécutifs (= 55 h / semaine), peut, à la longue, - l’expérience de la vie et le cours ordinaire des choses le montrent - poser un problème de santé.

3.3.4. Les entreprises de soins à domicile (art. 17 OLT 2) font partie de catégories d’entreprises spéciales visées par l’OLT 2. Il est précisé, à leur égard, que, en cas de travail de nuit, la durée du travail quotidien peut s’élever à un maximum de 11 heures dans un intervalle de 13 heures, pour autant qu’elle n’excède pas 9 heures en moyenne par semaine civile (art. 10 al. 4 OLT 2), et que le travail de nuit sans alternance avec un travail de jour peut s’étendre, certes, à un maximum de six nuits sur sept nuits consécutives, pour autant que la semaine de cinq jours soit observée en moyenne sur l’année civile (cf. art. 10 al. 5 OLT 2). En d’autres termes, l’horaire hebdomadaire moyen ne saurait dépasser 45 heures (5 x 9 heures), dans une année civile.

3.3.5. Le fait que l’appelante ait accepté, lors de la conclusion de son contrat, ou par comportement concluant y subséquent, de fournir, une cadence de 55 heures / semaine, fût-ce en alternance avec des semaines à 44 heures – ne saurait lui être opposé. La moyenne ainsi fournie dépasse largement les 45 heures /semaine. Or, le travailleur est, de par l’art. 27 al. 2 CC, protégé contre l’aliénation excessive, fût-elle librement consentie, de sa liberté (cf. VersGer SG, arrêt AVI 2016/69 du 18 décembre 2017 consid. 2. 2).

3.3.6. L’incapacité de travail de l’appelante, survenue à partir du 1er juin 2020, a été, selon les déclarations de son médecin traitant entendu en qualité de témoin, la conséquence de ses horaires excessifs, cause de son état d’épuisement.

3.3.7. Les objections de l’intimée, formulées en trois branches, sont dénuées de pertinence.

3.3.7.1.    Son premier – et principal argument – tient au fait que le licenciement de l’appelante aurait déjà été décidé le 4 juin 2020, soit bien avant le 2 juillet 2020 (pièce 2 déf.).

3.3.7.2.    Le licenciement est la manifestation d’un droit formateur unilatéral; il s’agit d’une manifestation de volonté qui s’interprète, en cas de doute, selon le principe de la confiance (art. 18 CO ; Vionnet, L’exercice des droits formateurs, Zurich, 2008, p. 182). Selon la jurisprudence, les déclarations adressées à une personne doivent être interprétées d’après le sens que le destinataire pouvait raisonnablement leur attribuer en le considérant comme réellement voulu, sur la base de l’attitude antérieure du déclarant et des circonstances qu’il connaissait au moment où la déclaration lui a été faite (ATF 94 II 104 consid. 2 ; Engel, Traité des obligations en droit suisse, Berne, 1997, p. 238 ss).

3.3.7.3.    A vrai dire, l’appelante n’a pas à se laisser opposer des simples intentions de son employeur, et encore moins, des intentions non communiquées, et partant, qu’elle ignorait. Elle n’avait pas non plus à comprendre les propos du client, tenus, en présence du témoin G______, le 29 mai 2020, selon lesquels elle n’avait plus besoin de revenir, comme licenciement – dès lors que, selon la loi (LSE) cette compétence revient au seul bailleur de service, et non pas au client.

3.3.7.4.    Mais, qui plus est, l’e-mail de F______ à D______ du 4 juin 2020 08h48 (pièce 2 déf.) ne renferme pas l’expression d’une intention de l’intimée de licencier l’appelante : l’auteure du message fait simplement état du souhait du client de « bien vouloir licencier A______ [prénom] pour la fin juin » et formule un mode opératoire. L’on ne saurait donc donner à cette information interne une intention patronale de déférer illico à ce souhait.

3.3.7.5.    Le deuxième argument de l’intimée, à savoir n’avoir pas été informée de l’état d’épuisement de l’appelante avant le courrier du syndicat du 19 juin 2020, frise la témérité. Les faits retenus montrent clairement que l’appelante s’était vue confrontée avec ce problème, et ce déjà en avril 2020. L’appelante lui avait demandé, par le biais de F______, l’auxiliaire de l’employeur (art. 101 CO), une importante réduction du nombre de ses mises à contribution nocturnes; elle s’était adressée, sur invite de cette dernière, dans un premier temps, au client, et puis, elle était revenue vers cette dernière, et ce par écrit. L’allégué de l’intimée que l’appelante aurait omis de s’adresser à l’employeur, et ce par écrit, et par conséquent totalement infondé.

3.3.7.6.    Il est exact que l’appelante – à l’époque non conseillée par un homme de loi – eût dû, à défaut d’obtenir le consentement immédiat de l’employeur, passer par la technique du congé-modification. Elle ne l’a pas fait - raison pour laquelle l’intimée a continué à lui demander la cadence habituelle. Il s’agit là d’une approche formaliste qui faisait abstraction du sens réel de la démarche de l’appelante : d’obtenir, par l’octroi d’un horaire plus acceptable, la protection de sa santé, et partant, de sa personnalité.

3.3.7.7.    Lorsque, comme en l’espèce, l’incapacité de travail du travailleur est, par ailleurs, due à une violation des droits de la personnalité imputable à l’employeur, ce dernier ne saurait s’en prévaloir pour se séparer du travailleur « dès que faire se peut » c’est-à-dire, dès l’écoulement du délai de protection (art. 336 c al. 1 let. b CO). Nemo audiatur propriam turpitudinem allegans (TF 4A_159/2016 du 1er décembre 2016, c. 3.1; TF 4A_381/2011 du 24 octobre 2011 consid. 3 ; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 809).

3.3.7.8.    L’on ne saurait, à ce propos, suivre l’intimée et le Tribunal (jugement, consid. 2 c, p. 12) lorsqu’il est expliqué que la demande en diminution du taux d’activité (nombre de nuits travaillés par mois) de l’appelante se serait heurtée « au refus du patient ». Le client est roi, certes, mais pas au point de ruiner la santé de la collaboratrice que l’entreprise lui envoie pour veiller sur lui. C’est au bailleur de services de veiller à ce que ses salarié(e)s bénéficient de conditions de travail qui respectent l’art. 6 al. 1 LTr.

3.3.7.9.    Le troisième argument de l’intimée consiste à faire état du fait que, subséquemment à la lettre du syndicat du 19 juin 2020, les heures supplémentaires auraient été indemnisées, et à relever par ailleurs, qu’à partir du début juin 2020, le client, décédé le ______ 2020, n’avait plus besoin d’un encadrement fourni, est également sans pertinence. Or, le paiement survenu corrobore, au contraire, le bien-fondé de la démarche de l’appelante. Quant à encadrement réduit du client, les faits démontrent, au contraire également, que l’appelante avait été remplacée au pied levé.

3.3.8.      Vu ce qui précède, le jugement du Tribunal sera réformé sur ce premier point. La Cour retient que le licenciement a été abusif.

3.4.  Selon l’art. 336 a al. 1 et 2 CO, l’employeur qui résilie le contrat abusivement doit verser au travailleur une indemnité. Celle-ci est fixée par le juge, compte tenu de toutes les circonstances ; toutefois, elle ne peut dépasser le montant correspondant à six mois de salaires du travailleur.

3.4.1.      L’appelante réclame une indemnité pour licenciement abusif de 22’924 fr. 40, montant correspondant à, grosso modo, quatre salaires mensuels (liasse I p. 18).

3.4.2.      Le juge est libre dans la fixation du montant de l’indemnité et il statue en équité (art. 4 CC). Il prend en considération un ensemble de critères – tels que, notamment, l’âge du travailleur, la durée des rapports de travail, la difficulté encourue pour retrouver une emploi (chômage), les intérêts en présence, et, en particulier, le motif moralement répréhensible du congé (cf. Facincani/Bazzel, in : Etter et Alii (éd), Arbeitsvertrag, Berne, 2021, N. 6 ad art. 336 a CO ; Dunand, in : Dunand/Mahon, Commentaire du contrat de travail, Berne, 2013, N. 14 ad art. 336 a CO).

3.4.3.      En l’espèce, il convient de prendre en considération le bien-fondé des prétentions que l’appelante avait fait valoir, le fait que le motif allégué par l’intimée à l’appui du congé donné s’avère fallacieux, et que le congé donné est réputé à présent congé-représailles. On retiendra l’âge (58 ans) de l’appelante, le dévouement et la qualité – incontestée – du travail fourni ; l’atteinte portée à sa personnalité (santé), et le fait qu’elle ait dû s’inscrire au chômage. L’on tiendra cependant également compte de la brièveté des rapports de travail – ils n’ont durés que neuf mois.

3.4.4.      Compte tenu de ces éléments, et tout bien pesé, il se justifie d’accorder à l’appelante une indemnité pour licenciement abusif correspondant à deux salaires mensuels de base, soit un montant de 10'770 fr. net (2 x Fr. 5'385 fr.).

3.4.5.      L’indemnité prévue par l’art. 336 a CO n’est pas assujettie aux cotisations sociales (ATF 123 V 5). Il s’agit donc d’un montant net.

4.             Pauses :

4.1.  L’appelante affirme n’avoir pu bénéficier de ses pauses durant les 104 nuits accomplies à 11h, et elle réclame, de ce chef, comme en première instance, une indemnité de 2'912 fr. bruts, soit 104 x 28 fr. (liasse I, p. 20 ; liasse 1 p. 16).

4.2.  A teneur de l’art. 15 al. 1 let. b et c LTr, « le travail sera interrompu par des pauses d’au moins b. une demi-heure, si la journée de travail dure plus de 7 heures ; c. une heure, si la journée de travail dure plus de 9 heures ».

4.2.1. L’art. 15 al. 2 LTr précise que « les pauses comptent comme travail lorsque le travailleur n’est pas autorisé à quitter sa place de travail ».

4.2.2. En cas de travail de travail partiellement ou totalement effectué de nuit, la durée de travail quotidienne ne peut selon l’art. 17 a al. 1 LTr. dépasser neuf heures pauses incluses, et doit de plus être comprise dans un laps de temps de maximum 10 heures (cf. Stöckli, in : Geiser/Von Kaenel/Wyler (éd), Loi sur le travail, Berne, 2005, N. 1 ad art. 17 a LTr : Gross/Franz/Marro, in : Blesi/Pietruszak/Wildhaber (éd), Kurzkommentar ArG, Bâle, 2018, N. 15 ad art. 15 LTr).

4.2.3. S’agissant des entreprises de soins à domicile au sens de l’art. 17 OLT 2, ladite OLT 2 ne comporte pas d’exceptions par rapport aux arts. 15 et 17 a al. 1 LTr.

4.2.4. Les pauses que le travailleur doit passer à sa place de travail (p. ex. pour remplir des tâches de contrôle ; activité de surveillance et de soins ; nécessité de pouvoir intervenir immédiatement) sont des périodes durant lesquelles il est prêt à travailler (TC VD , 13 mai 2014 in : JAR 2015 p. 571 consid. 3 c ; TC SG, arrêt du 30 août 2001 consid. 6.ee in: JAR 2020 p. 159; TC AG, jugement du 30 avril 1979 in : JAR 1981 p. 196 ss ; Geiser, in : Portmann/Von Kaenel, Fachhandbuch Arbeitsrecht, Zurich, 2018, N. 16.77 p. 664). Certes, elles servent à l’alimentation et au repos du travail effectué, mais elles n’offrent pas la détente habituelle qu’une pause apporte lorsque le travailleur peut quitter sa place de travail ; ces moments comptent comme temps de travail (Müller Roland A, in : Geiser/Von Kaenel/Wyler, Loi sur le travail, Berne, 2005, N.22 ad art. 15 LTr ; TC TI, arrêt du 24 juillet 2015 consid. 5.2 in : JAR 2016 p. 515).

4.2.5. Est réputé place de travail, au sens de l’art. 15 al. 2 LTr, « tout endroit où le travailleur doit se tenir pour effectuer le travail qui lui est confié, que ce soit dans l’entreprise ou en dehors » (cf. art. 18 al. 5 OLT 1, RS 822.111).

4.2.6. Le fardeau de la preuve que les pauses ont été accordées incombe à l’employeur. Il incombe au travailleur, qui en demande la rémunération, d’apporter la preuve des circonstances l’ayant empêché d’en bénéficier (art. 8 CC).

4.4.       En l’espèce il est constant que l’appelante a effectué un horaire de nuit de 21h00 à 08h00, soit de 11 heures par garde, cinq jour sur sept, alternant avec des semaines à 4 nuits de garde de même longueur (cf. pièce 3 déf).

4.4.1. Dès lors, et conformément à l’art. 15 al. 1 let. c LTr, l’appelante avait droit à 1 heure de pause par garde de nuit.

4.5.  L’intimée considère – suivi par le Tribunal – qu’en l’espèce l’appelante, disposant d’une chambre sise à côté de celle du patient (= client) pouvait s’y reposer et y dormir – le client disposant d’une sonnette pour l’appeler. L’appelante conteste avoir pu y prendre ses pauses, voire d’avoir pu s’y reposer ; elle affirme, par ailleurs, sans avoir été contredite, qu’elle ne pouvait s’absenter de la demeure du patient pour prendre ses pauses.

4.5.1. La Cour ne partage pas l’analyse du Tribunal. Il ressort des faits établis que l’appelante, aide-soignante de formation, avait été engagée en qualité de veilleuse de nuit. Elle devait veiller, ne pas s’absenter et ne pas dormir ; elle devait être joignable à tout moment, sur demande (« sonnette ») du patient – qui, en règle générale, dormait mal, et dont les nuits étaient agitées. Sa mission comportait, implicitement, également un devoir de surveillance proactive; il lui incombait en effet de surveiller le patient sans que ce dernier ne l’appelât et d’effectuer cette surveillance à intervalles réguliers - il s’agissait d’un patient âgé de 97 ans, qui, de ce seul fait, pouvait, à tout moment durant la nuit, être victime d’un arrêt cardiaque ou respiratoire.

4.5.2.      Il a été jugé, s’agissant d’un gardien de nuit dans un établissement pénitentiaire, le fait, pour ce dernier, d’avoir été surpris en train de dormir sur une chaise relax personnelle, dans une pièce séparée, constituait un motif de licenciement immédiat (TF 8C_1032021 du 8 juillet 2021 consid. 3.3.2).

4.6.       A vrai dire, le travail de l’appelante ressemblait à un service de piquet (« Pikettdienst ») ou de garde assuré dans l’entreprise. Par définition, le service de piquet implique une disponibilité constante (cf. art. 14 al. 1 OLT 1, RS 822.111). L’intégralité du temps mis à disposition de l’employeur au cours d’un service de piquet effectué dans l’entreprise compte comme durée du travail (cf. art. 15 al. 1 OLT 1).

4.7.  La question de la rémunération des pauses n’est pas réglée dans la loi sur le travail ; elle relève du droit privé (cf. Müller Roland A, op. cit. N. 28 ad art. 15 LTr ; TC VD, arrêt du 4 décembre 2013, consid. 4b, in : JAR 2014 p. 512).

4.7.1. En droit privé, il est admis que les pauses doivent être rémunérées lorsqu’il s’agit de pauses durant lesquelles le travailleur ne pouvait pas s’absenter de la place de travail et devait se tenir prêt à travailler au sens de l’art. 15 al. 2 LTr. (Müller Roland A, op. cit. p. N. 28 ad art. 15 LTr ; TC VD, arrêt du 4 décembre 2013, consid. 4b, in : JAR 2014 p. 512 ; CAPH/89/2007 du 30 mai 2007 consid. 3.2).

4.7.2. Il en va de même du domaine voisin du service de piquet dans l’entreprise lorsque le travailleur doit se tenir prêt à devoir intervenir à tout moment, il a droit à ce que ce temps soit rémunéré (cf. ATF 124 III 249 consid. 2 = JdT 1999 I 275). Tel est le cas, par exemple d’une employée qui doit se tenir prête à apporter son aide à l’employeur la nuit durant toute la durée des rapports de travail (cf. TF 4A_96/2017 du 14 décembre 2014 consid. 2.2. in fine) ou du personnel de soin dans un établissement hospitalier (TC GR, arrêt du 1er mai 1989 consid. 2a = JAR 1991 p. 106).

4.7.3.      En l’espèce, il y a donc lieu de rémunérer les pauses non prises durant les 104 nuits de garde. Le taux horaire - à savoir 28 fr. - appliqué, sans majoration, dans ses calculs, par l’appelante, n’a pas été contesté. A juste titre, dès lors que ce montant se rapproche d’un calcul affiné (cf. salaire mensuel : 5'385 fr. x 21,75 = 247 fr. 58; 247 fr. 58 / 9 heures = 27 fr. 50/ heure). L’intimée sera donc condamnée à verser à l’appelante le montant réclamé de 2'912 fr. brut.

5.            La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., la procédure est gratuite (cf. art. 71 RTFMC, RS/GE 1.05.10). Aucun frais judiciaire ne sera donc prélevé.

6.            Selon l’art. 22 al. 2 LaCC, il n’est pas alloué de dépens ni d’indemnité pour la représentation en justice dans les causes soumises à la juridiction des prud’hommes. Aucun dépens ne sera donc alloué.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4:


A la forme
:

Déclare recevable l’appel interjeté le 29 septembre 2021 par A______ contre le jugement JTPH/339/2021 rendu le 13 septembre 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/24100/2020-4.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Condamne C______ SA à payer à A______ le montant de 10'770 fr. net, avec intérêts 5% l’an à compter du 1er septembre 2020, à titre d’indemnité pour licenciement abusif.

Condamne C______ SA à payer à A______ le montant de 2'912 fr. brut, plus intérêts 5% l’an dès le 1er septembre 2020, sous déduction des charges sociales.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Dit qu’il n’est pas perçu de frais ni alloué des dépens.

Siégeant :

Monsieur Werner GLOOR, président ; Madame Nadia FAVRE, juge employeur, Monsieur Thierry ZEHNDER, juge salarié; Mme Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.