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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/16475/2021

ACJC/1375/2023 du 16.10.2023 sur JTBL/791/2022 ( OBL ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 21.11.2023, rendu le 10.01.2024, DROIT CIVIL, 4A_560/23
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16475/2021 ACJC/1375/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 OCTOBRE 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [VD], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 octobre 2022, représentée par Me Christophe WILHELM, avocat, avenue de Rumine 13, case postale 7781, 1002 Lausanne,

et

B______ SA, sise c/o Me C______, avocat, ______ [GE], intimée, représentée par Me Gilbert DESCHAMPS, avocat, CDLR Avocats, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/791/2022 du 20 octobre 2022, expédié pour notification aux parties le 29 novembre 2022, le Tribunal des baux et loyers s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande formée le 30 novembre 2021 par B______ SA contre A______ SA (ch. 1), a réservé la suite de la procédure (ch. 2), débouté les parties de toutes conclusions (ch. 3) et rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

B.            Par acte du 22 décembre 2022 à la Cour de justice, A______ SA a formé appel contre le jugement précité. Il a conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait, à ce que le Tribunal se déclare incompétent, avec suite de frais et dépens.

B______ SA a conclu à la confirmation de la décision déférée.

Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

Par avis du 9 juin 2023, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a. B______ SA (ci-après : B______) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois, qui a pour but l'acquisition, la détention et la vente de tout bien ______.

A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce vaudois, qui a pour but l'acquisition, la vente, la gestion et le financement de participations financières dans toute entreprises commerciales ou industrielles.

b. Le 11 mars 2019, B______ et A______ se sont liés par un contrat de bail portant sur la location d'un hôtel de 163 chambres et de 133 places de parking situés dans le bâtiment en construction sur la parcelle n° 1______ de la commune de D______ [GE].

Le bail était conclu pour une durée initiale de vingt ans, à compter du jour de la livraison des locaux, renouvelable ensuite de cinq ans en cinq ans sauf résiliation respectant un préavis d'un an et se terminant d'office sans congé après une durée maximum de trente ans, les termes du contrat pouvant alors être à nouveau négociés.

Le loyer de l'hôtel a été fixé à 1'400'000 fr., 1'700'000 fr., et 2'000'000 fr. pour les première, deuxième et troisième année respectivement et à 2'316'600 fr. à partir de la quatrième année.

Le loyer des places de parking a été fixé à 185 fr. par place par mois pour 70 places à usage exclusif et à 95 fr, pour 42 places partagées avec des tiers.

Les charges annuelles étaient de 90'000 fr. en sus.

Le contrat prévoyait qu'une filiale détenue par A______, à créer, se substituerait à la précitée.

c. Par avenant du 18 novembre 2019, E______ SA (en liquidation depuis ______ 2021), société anonyme inscrite au Registre du commerce genevois le ______ 2019, s'est substituée à A______.

d. Le 18 novembre 2019, B______ et A______ ont conclu un contrat de cautionnement, par lequel la seconde s'est portée caution solidaire envers la première, à hauteur de 6'000'000 fr., du paiement des loyers futurs dus par E______ SA en liquidation.

Le 20 décembre 2019, elles ont conclu un nouveau contrat de cautionnement, annulant le précédent. Celui-ci comporte notamment un art. 1 ainsi libellé : "La caution se porte caution solidaire à l'égard du créancier à concurrence d'un montant maximal de CHF 5'250'000 […] La caution garantit ainsi le paiement des loyers futurs que le débiteur s'est engagé à régler aux échéances au créancier en vertu des deux contrats de bail conclus respectivement le 11 mars 2019 (hôtel de 163 chambres/places parkings extérieurs) […] y compris les intérêts conventionnels, les intérêts moratoires et tout autre accessoire, ainsi que les frais éventuels de justice et de poursuite". Une clause d'élection de for en faveur des "tribunaux ordinaires compétents à Genève" était stipulée (art. 9).

e. Le ______ 2021, E______ SA a été déclarée en faillite.

f. Le 24 février 2021, les baux portant sur l'hôtel et les places de parking ont fait l'objet de résiliations pour le 31 mars 2021, qui n'ont pas été contestées.

g. Par courrier du 15 mars 2021, B______ a fait appel à la caution de A______, soit 5'250'000 fr. représentant les dommages-intérêts positifs subis, à savoir le paiement des loyers non perçus du fait de la rupture anticipée du bail, conclu pour vingt ans.

A______ a refusé de s'exécuter.

Par courrier du 17 mai 2021, B______ a requis de A______ le paiement de 1'709'995 fr. 85 au 28 mai 2021, et s'est réservée de procéder à d'autres appels à la caution.

A______ a refusé de s'exécuter.

h. Le 10 juin 2021, B______ a saisi le Tribunal de première instance d'une requête de conciliation dirigée contre A______, concluant au paiement de 1'798'569 fr. 85 avec suite d'intérêts moratoires.

Le 5 août 2021, une autorisation de procéder lui a été délivrée, dont elle n'a pas fait usage.

i. Le 27 août 2021, elle a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers de la même requête dirigée contre A______ que celle qu'elle avait soumise en conciliation au Tribunal de première instance.

Après avoir reçu une autorisation de procéder, elle a déposé sa demande au Tribunal le 30 novembre 2021, concluant à ce que A______ soit condamnée à lui verser 5'250'000 fr. avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 20 novembre 2020.

A______ a conclu à l'irrecevabilité de la demande, faute de compétence à raison de la matière du Tribunal, subsidiairement à son rejet. Elle a notamment formé des allégués selon lesquels les parties avaient le projet commun de construire un hôtel à la rue 2______ à D______, les travaux étant financés par B______ et la conception de l'hôtel étant effectuée par ses soins, participant ainsi aux différents étapes de construction et conseillant B______, ce qui s'était traduit par un premier contrat de bail conclu entre les parties le 3 novembre 2014, un deuxième conclu le 10 novembre 2015, puis des avenants dont l'un conclu le 17 mai 2017. Elle a produit les accords susmentionnés; les deux premiers stipulent notamment ceci : "d'entente entre les parties une filiale à 100% de A______ SA, société à constituer au plus tard à la prise d'effet du bail et dont le siège sera sis à l'adresse des locaux loués, se substituera à A______ SA", tandis que le troisième stipule notamment ceci: "d'entente entre les parties une filiale à 100% de A______ SA, société à constituer au plus tard à la prise d'effet du bail et dont le siège sera sis à l'adresse des locaux loués, se substituera à A______ SA aussitôt que cette dernière aura accepté de se porter caution solidaire des obligations de sa filiale". Le préambule des deux contrats précités comporte notamment le passage suivant : "L'objet de la location est un projet conçu en étroite collaboration entre le bailleur et le locataire, qui en a une bonne connaissance".

B______ a, dans sa détermination successive, contesté les allégués précités.

A l'audience de débats d'instruction qu'il a tenue le 15 septembre 2022, le Tribunal a limité la procédure à la question de sa compétence. Sur quoi, les parties ont plaidé, A______ persistant dans ses conclusions d'incompétence du Tribunal, B______ concluant à ce que le Tribunal se déclare compétent pour connaître de la demande.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur compétence.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

En l'espèce, la valeur litigieuse est largement supérieure à ce montant de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et selon la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), de sorte qu'il est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. L'appelante formule un premier grief de constatation inexacte des faits, reprochant au Tribunal d'avoir retenu que les parties étaient entrées en négociation alors que le projet était en cours de construction (alors que selon elle, il s'agissait d'un projet commun dont les discussions avaient débuté avant que ne commence la construction), et d'avoir retenu que les contrats et avenants conclus dès novembre 2014 mentionnaient une filiale qui se substituerait à elle dès qu'elle aurait accepté de se porter caution solidaire des obligations de sa filiale (alors que selon elle, les contrats de 2014 et 2015 ne faisaient pas mention de ce qui précède).

Ce faisant, elle n'expose pas en quoi ces faits seraient pertinents pour la question à résoudre à ce stade. Le grief ne sera dès lors pas examiné plus avant, étant renvoyé pour le surplus à l'état de fait dressé ci-dessus, qui corrige en tant que de besoin la lecture des pièces imprécise du premier juge.

3. L'appelante se plaint de ce que le Tribunal aurait à tort retenu sa compétence ratione materiae pour connaître du litige.

3.1 Lorsqu'il doit statuer sur sa compétence, ce qu'il doit faire d'entrée de cause (cf. art. 59 al. 2 let. b CPC), le tribunal doit examiner si le ou les faits pertinents de la disposition légale applicable sont des faits simples ou des faits doublement pertinents, conformément aux principes jurisprudentiels développés sous le nom de "théorie de la double pertinence".

Les faits sont simples lorsqu'ils ne sont déterminants que pour la compétence. Ainsi, par exemple, la localisation de l'acte illicite allégué, soit la question de savoir s'il a eu lieu à l'endroit allégué, est un fait simple. En effet, la constatation portant sur le lieu où l'acte illicite a été commis est sans pertinence pour le bien-fondé de la prétention au fond (ATF 141 III 294 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_573/2015 du 3 mai 2016 consid. 5.1.1; 4C.329/ 2005 du 5 mai 2006 consid. 2.2, non publié in ATF 132 III 579).

De tels faits doivent être prouvés, lorsque la partie défenderesse soulève l'exception de déclinatoire en contestant les allégués du demandeur
(ATF 141 III 294 consid. 5.1; 137 III 32 consid. 2.3; 134 III 27 consid. 6.2.1; 133 III 295 consid. 6.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_510/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2; 4A_28/2014 du 10 décembre 2014 consid. 4.2.1; 4A_113/2014 du 15 juillet 2014 consid. 2.3, non publié in ATF 140 III 418).

Les faits sont doublement pertinents ou de double pertinence lorsque les faits déterminants pour la compétence du tribunal sont également ceux qui sont déterminants pour le bien-fondé de l'action. Tel est notamment le cas lorsque la compétence dépend de la nature de la prétention alléguée, par exemple lorsque le for a pour condition l'existence d'un acte illicite ou d'un contrat (ATF 141 III 294 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Les faits doublement pertinents n'ont pas à être prouvés, mais sont censés établis sur la seule base des écritures du demandeur. En effet, conformément à la théorie de la double pertinence, le juge examine sa compétence uniquement sur la base des allégués, moyens et conclusions de la demande, sans tenir compte des objections de la partie défenderesse (ATF 141 III 294 consid. 5.2 et les arrêts cités), et sans procéder à aucune administration de preuves (ATF 141 III 294 consid. 6.1). Il faut et il suffit que le demandeur allègue correctement les faits doublement pertinents, c'est-à-dire de telle façon que leur contenu permette au tribunal d'apprécier sa compétence (ATF 141 III 294 consid. 6.1).

Si les faits doublement pertinents ne doivent pas être prouvés, cela ne dispense toutefois pas le juge d'examiner s'ils sont concluants, c'est-à-dire s'ils permettent juridiquement d'en déduire le for invoqué par le demandeur; il s'agit là d'une question de droit (ATF 141 III 294 consid. 5.2 et 6.1).

La théorie de la double pertinence, critiquée par une partie de la doctrine, autorise ainsi le juge saisi à admettre sa compétence sans en vérifier toutes les conditions, par exemple à se déclarer compétent alors même que l'existence d'un acte illicite n'a pas été établie. Cette condition sera certes examinée par le juge dans la phase du procès au fond, lorsqu'il examinera le bien-fondé de la prétention, mais cela n'entraînera aucune modification de sa décision sur la compétence qui est définitive. Le Tribunal fédéral a considéré que la théorie de la double pertinence est justifiée dans son résultat (ATF 141 III 294 consid. 5.2). En effet, si après l'administration des preuves, l'existence d'un fait doublement pertinent est avérée, la compétence admise sur la base de la théorie de la double pertinence correspond à la réalité; si, en revanche, l'existence de ce fait n'est pas établie, le juge rejette l'action au fond par un jugement revêtu de l'autorité de la force jugée, ce qui est dans l'intérêt de la partie défenderesse. Dans un tel cas, le demandeur qui a choisi d'introduire son action à un for spécial n'a alors pas d'intérêt à pouvoir la porter ensuite au for ordinaire ou à un autre for spécial (ATF 147 III 159 consid. 2).

Il n'est fait exception à l'application de la théorie de la double pertinence qu'en cas d'abus de droit de la part du demandeur, par exemple lorsque la demande est présentée sous une forme destinée à en déguiser la nature véritable ou lorsque les allégués sont manifestement faux. Dans ces situations d'abus, la partie adverse doit être protégée contre la tentative du demandeur de l'attraire au for de son choix (ATF 147 III 159 consid. 2).

3.2 La compétence ratione materiae de la juridiction genevoise des baux et loyers est actuellement définie par l'art. 89 LOJ. Selon cette disposition, le Tribunal des baux et loyers connaît des litiges relatifs au contrat de bail à loyer (art. 253
à 273c CO) et au contrat de bail à ferme non agricole (art. 275 à 304 CO) portant sur une chose immobilière (art. 89 al. 1 let. a LOJ). Cette formulation correspond à l'art. 56M let. a aLOJ, en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur du CPC, ainsi qu'à l'art. 56A aLOJ, en vigueur jusqu'en 2002, date de l'entrée en vigueur de l'art. 56M let. aLOJ.

Dans un arrêt du 21 mai 2005, dont les principes énoncés restent applicables au regard de l'art. 89 al. 1 let. a LOJ, le Tribunal fédéral a retenu que les cantons étaient libres de soumettre les litiges relevant du droit du bail à une juridiction spécialisée ou à une instance ordinaire. Toutefois, dans la mesure où de telles autorités spécialisées ont été instituées, dont la composition est particulière à Genève, soit paritaire (art. 2 al. 1 de la loi genevoise instituant la commission de conciliation en matière de baux et loyers du 4 décembre 1977 et 56M aLOJ), il y avait lieu de respecter strictement les règles de compétence ratione materiae y relatives. Ainsi, si le litige se situe sur le terrain du droit du bail, il doit être soumis à la juridiction spécialisée (arrêt du Tribunal fédéral 4P.155/2005 du 21 septembre 2005 consid. 3.5).

La juridiction des baux et loyers est en outre compétente pour statuer sur les différends qui mettent en cause non seulement des bailleurs et des locataires ou fermiers, mais encore des tiers, en particulier les personnes qui ont émis des garanties en rapport avec des contrats de bail (ACJC/1193/1997 du 6 octobre 1997; ACJC/902/1998 du 7 septembre 1998). A cet égard, le fondement légal de la prétention soulevée contre le tiers n'est pas décisif. La Chambre des baux et loyers a en particulier admis sa compétence pour examiner le litige opposant un bailleur à un tiers qui s'était porté fort des obligations du locataire et avait garanti ainsi la bonne exécution du contrat de bail, quand bien même les parties n'étaient pas liées par un tel contrat et que la garantie émise ne relevait pas de
l'art. 257e CO (ACJC/902/1998 du 7 septembre 1998; ACJC/881/2012 du 18 juin 2012 consid. 5.1).

La juridiction des baux et loyers peut connaître, par exemple, des litiges survenant entre un bailleur principal et un sous-locataire, la notion de «litiges relatifs au contrat de bail à loyer» au sens de l'art. 89 LOJ devant être comprise extensivement (ACJC/646/2019 du 6 mai 2019).

3.3 Le cautionnement est un contrat par lequel une personne s'engage envers le créancier à garantir le paiement de la dette contractée par le débiteur (art. 492
al. 1 CO).

L'obligation de la caution est un dans un rapport de dépendance accessoire avec l'obligation du débiteur principal. Sans dette principale, il ne peut y avoir cautionnement. A la différence du porte-fort, de la garantie ou de l'engagement solidaire, le cautionnement est toujours accessoire (MEIER, CR-CO, n. 34 ad art. 492 CO).

3.4 En l'occurrence, les faits sont doublement pertinents, puisque la compétence du tribunal saisi dépend de la prétention alléguée, soit de l'existence du contrat liant les parties.

L'intimée se prévaut d'un contrat de cautionnement conclu le 20 septembre 2019, garantissant le paiement d'obligations contractées par une société tierce aux termes d'un contrat de bail.

Il s'agit dès lors d'examiner si ces faits sont concluants, c'est-à-dire s'ils permettent juridiquement d'en déduire le for invoqué par l'intimée, sauf abus de droit de celle-ci. A ce propos, l'appelante ne soutient pas, à raison, que l'intimée aurait formulé des allégués manifestement faux ou que la demande déguiserait sa nature véritable.

Le cautionnement est une forme de garantie accessoire, dans laquelle le garant lie son obligation de paiement éventuel à l'inexécution du contrat de base. Ainsi, l'obligation de paiement du garant dépendra de la relation contractuelle de base entre le bénéficiaire de la garantie et le débiteur ; si la dette principale est nulle, la garantie ne déploiera pas d'effet. En d'autres termes, eu égard au contrat du 20 décembre 2019 liant les parties, l'obligation de paiement de l'appelante dépend du contrat de bail liant la débitrice (locataire) au bénéficiaire du cautionnement (la bailleresse). Ainsi, le rapport avec le terrain du droit du bail est existant.

De surcroît, la Cour a admis, dans ses arrêts ACJC/902/1998 et ACJC/881/2012 précités, qu'un porte-fort d'obligations d'un locataire relevait de la compétence des juridictions de bail. Si ce principe vaut pour une garantie indépendante, telle le porte-fort, il doit en aller a fortiori de même s'agissant d'une garantie accessoire, telle le cautionnement.

Pour le surplus, comme l'a retenu à raison le Tribunal, il ne saurait être dérogé par accord des parties aux dispositions légales régissant la compétence matérielle des tribunaux cantonaux, de sorte que la clause d'élection de for en faveur des tribunaux ordinaires est inopérante sur ce point. A noter, cependant, que les parties, dont l'une a son siège dans le canton de Vaud, ont opté pour un for à Genève, ce qui, prima facie, laisse à penser qu'elles étaient toutes deux bien conscientes du caractère accessoire de l'engagement pris par rapport au contrat de bail conclu entre l'intimée et la société tierce.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ses chiffres 1 ainsi que 2 et 4 du dispositif (pour autant que ceux-ci revêtent une portée propre), tandis que le chiffre 3 du dispositif sera annulé, étant manifestement prématuré au stade d'une décision d'admission de compétence.

4. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas perçu de frais judiciaires, et il ne sera pas alloué de dépens (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 22 décembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTBL/791/2022 rendu le 20 octobre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/16475/2021-17-OSD.

Au fond :

Confirme les chiffres 1, 2 et 4 du dispositif de ce jugement.

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.