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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1015/2020

ACJC/700/2023 du 05.06.2023 sur JTBL/471/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CO.259.letd
En fait
En droit
Par ces motifs

rŽpublique et

canton de genve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1015/2020                                                                                      ACJC/700/2023

ARRæT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 5 JUIN 2023

 

Entre

1) Madame A______, p.a B______ SA sise ______, appelante et intimŽe sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 17 juin 2022, comparant par Me Pascal PETROZ, avocat, rue du Mont-Blanc 3, 1211 Genve 1, en l'Žtude duquel elle fait Žlection de domicile,

2) VILLE DE GENEVE, Service juridique, rue de l'H™tel-de-Ville 4, case postale 3983, 1211 Genve 3, appelante et intimŽe sur appel joint, comparant en personne,

 

et

 

Monsieur C______ et Madame D______, domiciliŽs ______, intimŽs et appelants sur appel joint, comparant tous deux par Me Mark MULLER, avocat, rue Ferdinant-Hodler 13, 1207 Genve, en l'Žtude duquel ils font Žlection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A.      Par jugement JTBL/471/2022 du 17 juin 2022, le Tribunal des baux et loyers a donnŽ acte ˆ la VILLE DE GENEVE de son intervention dans la procŽdure (ch. 1 du dispositif), a donnŽ acte ˆ A______ de ce qu'elle avait dŽnoncŽ l'instance aux Chemins de fer fŽdŽraux (ci-aprs : CFF) (ch.2), a rŽduit de 15% le loyer de l'appartement de 6 pices situŽs au 6me Žtage de l'immeuble sis no. ______, rue 1_____, [code postal] Genve, pour la pŽriode du 18 novembre 2014 au 15 dŽcembre 2019 (ch. 3), a dŽboutŽ les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et a dit que la procŽdure Žtait gratuite (ch. 5).

En substance, les premiers juges ont retenu que, compte tenu de toutes les circonstances, les nuisances rŽsultant du chantier du CEVA constituaient un dŽfaut de la chose louŽe. Ils ont Žgalement considŽrŽ que le principe d'une rŽduction de loyer fondŽe sur l'art. 259d CO devait tre admis et qu'au vu des ŽlŽments de fait au dossier et de la jurisprudence, une rŽduction de loyer moyenne pour l'ensemble des locaux de 15% du 1er janvier 2013 au 15 dŽcembre 2019 Žtait adŽquate. Toutefois, en raison des rgles applicables en matire de prescription la rŽduction de loyer ne pouvait tre accordŽe qu'ˆ compter du 18 novembre 2014.

B.      a. Par acte expŽdiŽ le 22 aožt 2022 ˆ la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement. Elle en sollicite l'annulation et conclut, principalement, au dŽboutement de C______ et de D______ de l'entier de leurs conclusions.

          b. Par dŽterminations du 16 septembre 2022, la VILLE DE GENEVE conclut ˆ l'annulation du jugement entrepris et au dŽboutement de C______ et de D______ de l'entier de leurs conclusions.

c. Par acte expŽdiŽ le 26 septembre 2022, C______ et D______ forment appel joint contre le jugement entrepris et concluent, principalement, ˆ ce que le loyer de l'appartement litigieux soit rŽduit de 35% pour la pŽriode courant du 1er janvier 2012 au 15 dŽcembre 2019.

d. Le 31 octobre 2022, A______ a rŽpliquŽ sur appel principal et rŽpondu sur appel joint. Elle a persistŽ dans ses conclusions.

          e. Le 5 dŽcembre 2022, C______ et D______ ont dupliquŽ sur appel principal et rŽpliquŽ sur appel joint. Ils ont persistŽ dans leurs conclusions.

f. Le 5 dŽcembre 2022, la VILLE DE GENEVE a conclu sur appel principal ˆ l'annulation du jugement entrepris et sur appel joint au dŽboutement de C______ et D______ de leurs conclusions.

g. Le 2 fŽvrier 2023, A______ a dupliquŽ sur appel joint et persistŽ dans ses conclusions.

h. Les parties ont ŽtŽ avisŽes le 19 mai 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause Žtait gardŽe ˆ juger.

C.      Les faits pertinents suivants rŽsultent de la procŽdure :

          a. Par contrat du 21 avril 1982, C______ et D______ ont pris ˆ bail, en qualitŽ de locataires, un appartement de 6 pices au 6me Žtage de l'immeuble sis no. ______, rue 1_____ ˆ Genve.

          Le bail a ŽtŽ conclu pour une durŽe de trois ans, du 1er mai 1982 au 30 avril 1985.

L'appartement est traversant, les chambres des enfants donnent sur la rue 2______.

b. Le loyer a ŽtŽ fixŽ en dernier lieu ˆ 30'000 fr. par an, soit 2'500 fr. par mois, charges non comprises, ˆ compter du 1er mai 2012.

          c. A______ est propriŽtaire de l'immeuble susmentionnŽ.

d. Dans le cadre de la construction de la ligne de train Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse (CEVA), la construction de la gare Champel-H™pital, situŽe sur le plateau de Champel, entre l'avenue de Champel et l'avenue Alfred-Bertrand, a dŽbutŽ au mois de dŽcembre 2011.

e. Les travaux de construction de la gare de Champel-H™pital se sont dŽroulŽs en plusieurs Žtapes :

PrŽalablement, les 7 et 8 dŽcembre 2011, des travaux de bžcheronnage ont ŽtŽ effectuŽs.

La premire Žtape des travaux a consistŽ ˆ dŽvier les rŽseaux souterrains (eau, gaz, ŽlectricitŽ, tŽlŽphone, etc.); elle a durŽ de dŽcembre 2011 ˆ fŽvrier 2013, avec une interruption entre le 16 dŽcembre 2011 et le 16 janvier 2012.

Des travaux de gros Ïuvre, soit schŽmatiquement l'enveloppe en bŽton de l'ouvrage, ont ensuite ŽtŽ rŽalisŽs entre janvier 2013 et mars 2016. Ils ont consistŽ en :

- la rŽalisation de l'enceinte extŽrieure de la halte en parois moulŽes, exŽcutŽes entre janvier 2013 et avril 2014;

- la rŽalisation de murets de guidage des parois moulŽes et l'abaissement du niveau du sol devant les n¡ 51, 53 et 55 de l'avenue de Champel, effectuŽs entre fŽvrier et avril 2013;

- des dŽviations de rŽseaux, exŽcutŽes en mars et avril 2014;

- le creusement dans l'enceinte construite, la rŽalisation des dalles extŽrieures, la rŽalisation de carottage et prŽ-sciage de parties de la paroi moulŽe situŽe au nord de la halte, la construction des quais et des banquettes et le dŽmontage de la grue et de la centrale ˆ bŽton et l'enlvement de gros containers, qui ont eu lieu entre les mois de mai 2014 et mars 2016.

Un avis de travaux exceptionnels le samedi 13 juin 2015 de 7h ˆ 18h et un avis de travaux hors des dŽlais standard, soit entre 6h et 23h, durant deux semaines ds le 27 juillet 2015, ont ŽtŽ publiŽs dans les fiches d'information du chantier des CFF (ci-aprs : fiche info) n¡ 20 et 21.

Les travaux de second Ïuvre, qui ont consistŽ en l'installation de la charpente mŽtallique de la gare avec ses modules de briques de verre et la rŽalisation des systmes de chauffage, ventilation, sanitaires et Žlectrique, ont dŽbutŽ en juin 2016 et se poursuivaient encore en novembre 2016. Des avis de travaux exceptionnels les samedis 18 et 25 juin, 2, 9 et 16 juillet, 12 et 19 novembre 2016 de 7h ˆ 19h ont ŽtŽ publiŽs dans les fiches info n¡ 28 et 29.

En parallle, le tunnel de Champel a ŽtŽ creusŽ entre mars 2014 et le 8 juin 2017. Les travaux ont consistŽ dans le percement du tunnel depuis les deux extrŽmitŽs, ˆ l'aide de pelles mŽcaniques; la consolidation de la future vožte du tunnel, rŽalisŽe ˆ l'aide de tubes mŽtalliques insŽrŽs dans le terrain sur environ un mtre; le soutnement, avec du bŽton projetŽ sur la paroi de la vožte au fur et ˆ mesure de l'avancement du perage, le revtement du tunnel (travaux d'ŽtanchŽitŽ) et la crŽation des sorties de secours. Entre mars et juin 2016, le forage se situait ˆ la hauteur de la gare Champel-H™pital.

Entre juin 2017 et mai 2018, les travaux de revtement intŽrieur ont ŽtŽ rŽalisŽs, soit le bŽtonnage de la vožte, du radier et des banquettes ainsi que la construction des dalles flottantes, de mme que l'installation des Žquipements ferroviaires.

Des campagnes de mesurage de vibrations et bruit solidien ont ŽtŽ effectuŽes, le 5 mars 2016, ˆ l'intŽrieur de la halte Champel-H™pital et les 1er, 2 avril 2017, 10, 11, 16, 17 et 18 mars 2018 entre le portail Val d'Arve et la halte Champel-H™pital et entre la halte Champel-H™pital et l'Avenue ThŽodore-Weber. Les tests, effectuŽs entre 9h00 et 17h00, ont consistŽ en une trentaine de pŽriodes de vibrations (30 secondes).

A cinq reprises, les 14, 19 et 30 novembre 2018, le 16 avril 2019 et le 27 aožt 2019, la ventilation et le dispositif de dŽsenfumage de la gare ont ŽtŽ testŽs.

f. Des travaux d'amŽnagement du Plateau de Champel et de l'espace public autour de la halte ont ŽtŽ rŽalisŽs, de mi-septembre 2018 au printemps 2020, par la VILLE DE GENEVE, principalement sur les parcelles 2114 et 1646 dont elle est propriŽtaire. Au prŽalable, la VILLE DE GENEVE a fait procŽder ˆ l'abattage de neuf arbres pendant trois jours.

Les travaux ont ensuite portŽ sur la mise en sŽparatif des canalisations d'eaux claires et usŽes, l'immeuble dans lequel se situait les locaux louŽs ayant ŽtŽ concernŽ pendant le dernier trimestre 2018. En 2019, les amŽnagements extŽrieurs ont dŽbutŽ. Ils ont consistŽ en des travaux de terrassement et de remblayage - le plateau de Champel, qui Žtait ˆ l'Žtat de terrain vague, ayant ŽtŽ remis ˆ niveau - la rŽalisation de rŽseaux d'arrosage, de rŽseaux d'Žclairage public, d'”lots vŽgŽtalisŽs, la rŽnovation de la chaussŽe et des trottoirs, la mise en place d'un revtement phono-absorbant et la plantation d'arbres. Les travaux ont ŽtŽ rŽalisŽs par tronons, sur l'avenue Alfred-Bertrand, d'abord entre l'avenue Peschier et le temple de Champel du 14 janvier ˆ fin fŽvrier 2019; ensuite entre le temple de Champel et l'avenue Dumas du 4 mars ˆ fin avril 2019 et enfin entre l'avenue Dumas et l'avenue de Miremont du 8 avril ˆ fin juin 2019. L'immeuble objet de la procŽdure a ŽtŽ concernŽ par ces travaux entre avril et aožt 2019.

Le LŽman Express a ŽtŽ inaugurŽ le 12 dŽcembre 2019 et mis en service le 15 dŽcembre suivant, avec deux ans de retard sur le planning initialement prŽvu.

La plus grande partie des amŽnagements du plateau de Champel Žtait alors terminŽe.

g. Par courrier du 29 janvier 2012 adressŽ ˆ A______, C______ et D______ se sont plaints de nuisances sonores et olfactives dues aux travaux du CEVA ainsi que du ralentissement du trafic sur l'avenue de Champel, et ont sollicitŽ une rŽduction de loyer.

h. Sans rŽponse de A______, C______ et D______ lui ont adressŽ un second courrier le 29 dŽcembre 2012, sollicitant ˆ nouveau une adaptation de leur loyer compte tenu des nuisances occasionnŽes par le chantier du CEVA.

i. Le 5 fŽvrier 2013, C______ et D______ ont formŽ par devant la Commission de conciliation en matire de baux et loyers une requte en rŽduction de loyer. Ils n'ont pas produit les conclusions dŽposŽes.

Non conciliŽe lors de l'audience du 9 avril 2013, la cause n'a pas ŽtŽ introduite devant le Tribunal.

Par courrier du 6 mai 2013 adressŽ ˆ A______, C______ et D______ ont pris acte de la position de cette dernire, ˆ savoir qu'elle considŽrait qu'il Žtait prŽmaturŽ de dŽterminer une rŽduction de loyer consŽcutive aux travaux du CEVA, et lui ont indiquŽ qu'ils patienteraient.

j. Entre le 29 janvier 2012 et le 16 septembre 2019, les locataires ont rŽgulirement adressŽ des courriers ˆ A______ pour se plaindre des nuisances causŽes par le chantier du CEVA.

k. Par courrier du 18 novembre 2019 adressŽ ˆ A______, C______ et D______ ont relevŽ que depuis presque huit ans, ils Žtaient confrontŽs ˆ des nuisances sonores importantes ds les premires heures du matin, aux odeurs nausŽabondes, ˆ la poussire provenant du chantier et ˆ des vibrations importantes dans l'appartement. L'accs ˆ l'immeuble Žtait Žgalement rendu compliquŽ par les travaux et la circulation Žtait obstruŽe, voire arrtŽe sur les rues parallles ou perpendiculaires ˆ l'immeuble. En consŽquence, ils sollicitaient une rŽduction de loyer de 35% pour la pŽriode du 17 janvier 2012 au 15 dŽcembre 2019.

l. Le 21 novembre 2019, A______ a rŽpondu qu'elle n'entendait pas entrer en matire sur la demande de baisse de loyer qu'elle estimait excessive.

m. Par requte dŽposŽe le 16 janvier 2021 devant la Commission de conciliation en matire de baux et loyers, dŽclarŽe non conciliŽe lors de l'audience du 12 mars 2020 et introduite devant le Tribunal le 15 avril suivant, C______ et D______ ont principalement conclu ˆ une rŽduction de loyer de 35% pour la pŽriode du 1er janvier 2012 au 15 dŽcembre 2019.

Ils ont fait valoir que pendant les huit annŽes de durŽe du chantier, ils avaient souffert de nuisances sonores et olfactives, d'Žmissions de poussire, de vibrations, et du fait que l'accs ˆ l'immeuble avait ŽtŽ compliquŽ et la circulation dŽviŽe ˆ ses abords ˆ plusieurs reprises. Les nuisances dues aux travaux dŽbutaient t™t le matin et se prolongeaient ˆ des heures tardives, mme parfois le week-end.

n. Dans son mŽmoire rŽponse du 12 juin 2020, A______ a conclu prŽalablement ˆ ce que le Tribunal lui donne acte de ce qu'elle avait dŽnoncŽ valablement l'instance ˆ la VILLE DE GENEVE et aux CFF le 9 juin 2020. Principalement, elle a conclu ˆ ce que C______ et D______ soient dŽboutŽs de toutes leurs conclusions et subsidiairement ˆ ce qu'il lui soit donnŽ acte que le loyer Žtait rŽduit de 15% pour la pŽriode du 1er dŽcembre 2014 au 15 dŽcembre 2019.

Elle a reprochŽ en substance aux locataires, dans leur exposŽ de l'historique du chantier, de n'avoir fait aucune distinction en fonction de l'Žvolution gŽographique des travaux et de n'avoir pas prŽcisŽ les Žtapes et les pŽriodes qui leur avaient causŽ de rŽelles nuisances. Compte tenu du pŽrimtre du chantier, C______ et D______ n'avaient pas subi des nuisances ininterrompues pendant huit ans.

o. Intervenant ˆ la procŽdure, la VILLE DE GENEVE a conclu dans ses Žcritures du 17 aožt 2020 ˆ ce que C______ et D______ soient dŽboutŽs de toutes leurs conclusions.

Elle a fait valoir qu'elle avait commencŽ les travaux d'amŽnagement en septembre 2018, de sorte que les nuisances antŽrieures ˆ cette date telles qu'allŽguŽes par C______ et D______ avaient ŽtŽ gŽnŽrŽes par la direction de projet du CEVA.

p. Les CFF n'ont pas donnŽ suite ˆ la dŽnonciation.

q. A______ s'est exprimŽe sur les Žcritures de la VILLE DE GENEVE le 24 septembre 2020 et C______ et D______ le 2 octobre 2020.

r. Les dŽbats principaux ont ŽtŽ ouverts le 2 fŽvrier 2021. Dans le cadre de la procŽdure, A______ a produit les baux conclus dans l'immeuble litigieux depuis le 1er juin 2012, dont les conditions sont les suivantes :

- appartement de 6 pices au 4me Žtage pour un loyer indexŽ de 5'000 fr. par mois du 1er juin 2012 au 31 mai 2017;

- appartement de 5 pices au 6me Žtage pour un loyer de 3'800 fr. par mois du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2017;

- appartement de 5 pices au rez-de-chaussŽe pour un loyer de 3'350 fr. par mois du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2017;

- bureaux d'environ 100 m2 au 3me Žtage pour un loyer annuel ŽchelonnŽ de 34'800 fr. du 1er mai 2013 au 31 dŽcembre 2015, de 37'500 fr. du 1er janvier 2016 au 31 dŽcembre 2016 et de 40'200 fr. du 1er janvier 2017 au 31 dŽcembre 2018. A______ a accordŽ une rŽduction de 5'400 fr. (13.43%) sur le loyer annuel de 40'200 fr. du 1er mai 2013 au 31 dŽcembre 2015, et de 2'700 fr. (6.71%) du 1er janvier 2016 au 31 dŽcembre 2016 en raison des travaux du CEVA;

- appartement de 5.5 pices au rez-de-chaussŽe pour un loyer de 3'700 fr. du 1er juin 2013 au 31 mai 2018. En raison des travaux du CEVA, A______ a accordŽ une rŽduction de 9'600 fr. (17.77%) sur le loyer annuel de 54'000 fr. qu'elle a fixŽ ˆ 44'400 fr.;

- appartement de 5 pices au 5me Žtage pour un loyer de 3'600 fr. du 7 juillet 2014 au 31 juillet 2019;

- appartement de 5 pices au 4me Žtage pour un loyer de 3'400 fr. du 1er juin 2016 au 31 mai 2021. A______ a accordŽ une rŽduction de 9.33% sur le loyer annuel de 45'000 fr. pour une durŽe de 24 mois, du 1er juin 2016 au 31 mai 2018;

- appartement de 5 pices au 5me Žtage pour un loyer de 3'450 fr. du 16 octobre 2016 au 31 octobre 2021;

- appartement de 5 pices au 6me Žtage pour un loyer de 3'450 fr. du 1er mars 2017 au 28 fŽvrier 2022. A______ a accordŽ une rŽduction provisoire de 12.22% sur le loyer annuel de 43'200 fr. pour une durŽe de 24 mois et 15 jours, soit du 16 novembre 2016 au 30 novembre 2018;

- appartement de 6 pices au 4me Žtage pour un loyer de 3'950 fr. du 1er mars 2017 au 28 fŽvrier 2022. A______ a accordŽ une rŽduction provisoire de 5.95% sur le loyer annuel de 50'400 fr. pour une durŽe de 24 mois, soit du 1er mars 2017 au 28 fŽvrier 2019;

- appartement de 6 pices au 2me Žtage pour un loyer de 3'800 fr. du 16 juillet 2017 au 31 juillet 2022;

- appartement de 5 pices au 6me Žtage pour un loyer de 3'600 fr. du 1er dŽcembre 2018 au 30 novembre 2023;

- appartement de 3 pices au rez infŽrieur pour un loyer de 1'400 fr. du 16 mars 2019 au 31 mars 2024.

s. Lors de l'audience de dŽbats principaux du 31 aožt 2021, le Tribunal a procŽdŽ ˆ l'interrogatoire des parties et ˆ l'audition de trois tŽmoins.

D______ a dŽclarŽ que les nuisances Žtaient essentiellement causŽes par les machines de chantier (marteaux piqueurs, camions, pelles mŽcaniques et foreuses). A ses dires, les travaux dŽbutaient ˆ 7h00 du matin. Il y avait une quarantaine de camions en mouvement perpŽtuel sous les fentres de la chambre ˆ coucher. Il Žtait arrivŽ que des travaux soient rŽalisŽs les samedis, le soir et la nuit. De la poussire se dŽposait sur les meubles et sur les tapis ainsi que sur les vitres et les odeurs de gaz d'Žchappement montaient jusqu'ˆ l'appartement. Les vibrations avaient ŽtŽ importantes au dŽbut du chantier, au moment de sa prŽparation et de la pose des palplanches, les machines utilisŽes pendant quelques mois tapaient fort. Des vibrations s'Žtaient Žgalement produites au moment de l'essai des trains. Des palissades de 1.5 ˆ 2 mtres avaient ŽtŽ installŽes pendant toute la durŽe du chantier, le trottoir Žtait rŽtrŽci et il n'Žtait pas possible d'arriver devant l'immeuble en taxi. Les nuisances Žtaient ressenties dans tout l'appartement; les enfants les ressentaient dans leur chambre ˆ coucher donnant sur l'avenue Peschier. Entre juin 2012 et mai 2014, D______ Žtait mre au foyer.

C______ a dŽclarŽ qu'il exerait son activitŽ de comptable ˆ domicile, mais qu'en raison des nuisances il n'avait pas pu recevoir les clients chez lui. Il avait cotisŽ ˆ l'AVS jusqu'en 2017.

A______ a dŽclarŽ qu'elle n'Žtait pas entrŽe en matire sur la demande de rŽduction formŽe par C______ et D______ en raison de la dŽnonciation d'instance.

E______, chargŽ de diriger les travaux d'emmŽnagement extŽrieur de gŽnie civil a dŽclarŽ qu'il Žtait prŽsent sur le chantier ds septembre 2018 et jusqu'ˆ la fin, au moins ˆ 80%. Pour les travaux de mise en sŽparatif des canalisations, une pelle ˆ pneus d'environ 18 ˆ 20 tonnes, chargŽe de dumpers, avait ŽtŽ utilisŽe pour la partie terrassement et pour effectuer des fouilles ˆ environ 4 mtres de profondeur. Pour le remblayage, des plaques vibrantes pour la partie sous-structure et des cylindres pour la partie sur structure, soit des machines usuellement utilisŽes dans ce type de travaux, avaient ŽtŽ mises en Ïuvre. Les zones d'accs avaient ŽtŽ arrosŽes afin de diminuer l'Žmission de poussire. Les engins Žtaient pourvus de filtres ˆ particules, conformŽment aux normes, ayant pour but d'attŽnuer les odeurs et les dŽgagements de fumŽe. S'agissant du bruit, il n'existait pas de mesures pour l'attŽnuer. Les ouvriers travaillaient de 7h00 (8h00 en hiver) ˆ 12h00 et de 13h00 ˆ 17h00. Ils avaient travaillŽ un samedi pour rŽaliser le revtement ˆ l'avenue de Champel et un autre samedi, au dŽbut dŽcembre 2019, pour effectuer les travaux de maonnerie sur l'escalier menant ˆ la gare. Un camion tournait quotidiennement, pour charger et dŽcharger, notamment du bŽton et du gravier. En fonction des besoins, la cadence du tournus des camions avait ŽtŽ augmentŽe. S'agissant d'un chantier en ville, au maximum 4 ˆ 5 vŽhicules Žtaient utilisŽs en mme temps et uniquement pendant les travaux de revtement qui s'Žtaient Žtendus sur une annŽe, mais pas en continu devant l'immeuble litigieux.

F______, chef de projet depuis la phase de concours lancŽ par la VILLE DE GENEVE en 2012 jusqu'ˆ la rŽalisation des travaux d'amŽnagement, a dŽclarŽ qu'il avait pilotŽ les divers intervenants sur le chantier. Il a confirmŽ que l'accessibilitŽ aux immeubles avait ŽtŽ garantie durant le chantier, que les plans Žtaient soumis ˆ l'Office cantonal des transports pour validation et que, parfois, il avait fallu amŽnager des parcours particuliers pour les piŽtons.

G______, assistant technique depuis janvier 2016 au sein de la rŽgie en charge de la gestion de l'immeuble litigieux, a confirmŽ que des questions de rŽduction de loyer en lien avec les travaux du CEVA s'Žtaient posŽes pour d'autres locataires de l'immeuble. Les demandes avaient ŽtŽ examinŽes au cas par cas, A______ n'y avait pas apportŽ de rŽponse uniforme.

t. Par ordonnance du 10 dŽcembre 2021, le Tribunal a notamment clos les dŽbats principaux et fixŽ aux parties un dŽlai pour le dŽp™t de plaidoiries finales Žcrites.

A______ et C______ et D______ ont respectivement persistŽ dans leurs prŽcŽdentes conclusions les 31 janvier et 4 mars 2022 et rŽpliquŽ spontanŽment les 22 et 24 mars 2022. C______ et D______ ont produit des dŽterminations et une pice nouvelle le 4 avril 2022.

La cause a ŽtŽ gardŽe ˆ juger le 14 avril 2022.

EN DROIT

1.       A______ sera dŽsignŽe comme l'Ç appelante È et C______ et D______ comme les Ç intimŽs È. La VILLE DE GENEVE sera dŽsignŽe comme l'Ç appelante sur appel joint È.

1.1 L'appel est recevable contre les dŽcisions finales et les dŽcisions incidentes de premire instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier Žtat des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fŽdŽral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louŽe sont de nature pŽcuniaire (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 Dans le cas d'espce, le loyer mensuel s'Žlve ˆ 2'500 fr. Une rŽduction de 15% sur la pŽriode du 18 novembre 2014 au 15 dŽcembre 2019 reprŽsente 22'875 fr., de sorte que la valeur litigieuse est supŽrieure ˆ 10'000 fr.

La voie de l'appel est ds lors ouverte.

1.3 L'appels et l'appel joint, Žcrits et motivŽs (art. 311 al. 1 CPC) ont ŽtŽ interjetŽs dans le dŽlai prescrit par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables.

2.       L'appelante reproche au Tribunal d'avoir constatŽ les faits de manire inexacte et fait preuve d'arbitraire dans l'apprŽciation des preuves, notamment en se rŽfŽrant aux arrts ACJC/173/2018 et ACJC/377/2007 ˆ l'appui de son raisonnement. En effet, selon l'appelante, aucune analyse des travaux n'avait ŽtŽ opŽrŽe par la Cour dans ses arrts prŽcitŽs, qui portaient respectivement sur un appartement de six pices au 1er Žtage, dont le loyer s'Žlevait ˆ 5'000 fr. et sur une villa impactŽe par des travaux nocturnes, soit deux situations non comparables avec celle de l'appartement litigieux.

Dans la partie en droit du jugement attaquŽ et relativement aux dŽfauts liŽs ˆ l'existence d'un chantier voisin, le Tribunal a mentionnŽ les rgles de droit Žtablies dans les arrts ACJC/173/2018 et ACJC/377/2007, parmi d'autres dŽcisions judiciaires, dans le but de mettre en lumire la casuistique existante en matire de rŽduction de loyer lors de nuisances provoquŽes par un chantier voisin. S'il a mentionnŽ le contenu de ces arrts, le Tribunal n'a au contraire pas retenu les faits de ceux-ci ˆ l'appui de son raisonnement qui repose sur les pices au dossier, auxquelles il est fait rŽfŽrence. Il ne ressort pas de l'examen du raisonnement du Tribunal qu'il aurait procŽdŽ ˆ un Žtablissement erronŽ des faits, ˆ une apprŽciation inexacte des preuves ou ˆ une transposition incorrecte des jurisprudences prŽcitŽes au cas d'espce.

InfondŽ, le grief doit tre rejetŽ.

3.       L'appelante reproche au Tribunal d'avoir constatŽ les faits de manire inexacte, fait preuve d'arbitraire dans l'apprŽciation des preuves et violŽ les art. 259d CO et 4 CC en retenant que les travaux du CEVA diligentŽs par les CFF ds dŽcembre 2011, puis par l'appelante sur appel joint ds le 17 septembre 2018, Žtaient constitutifs d'un dŽfaut de la chose louŽe justifiant une rŽduction de loyer de 15%.

L'appelante soutient que l'essentiel des travaux menŽs par les CFF se dŽroulaient en sous-sol et n'engendraient pas de nuisances visuelles ou olfactives. Elle concde quelques lŽgres vibrations et immissions sonores lors des tests menŽs et estime pour le surplus que la mise en place du revtement de bŽton du tunnel et la pose de la verrire de couverture de la gare constituaient tout au plus des gnes qui n'Žtaient pas propres ˆ justifier une baisse de loyer.

S'agissant des travaux menŽs par l'appelante sur appel joint, qui ont dŽbutŽ aprs une pŽriode de plus d'une annŽe exempte de travaux, selon l'appelante, il s'agissait de travaux dont l'intensitŽ et la gravitŽ ne pouvaient tre qualifiŽes de dŽfaut de la chose louŽe. En particulier, ˆ suivre l'appelante, les travaux ont eu lieu pendant les horaires de travail, par zones, parfois ŽloignŽes de l'immeuble litigieux, ont ŽtŽ ŽmaillŽs de pŽriodes creuses et pouvaient tre qualifiŽs de Ç chantier de ville È. Enfin, les nuisances sonores ne dŽpasseraient pas celles inhŽrentes ˆ tout chantier.

Quand bien mme elle se plaint formellement de constatation inexacte des faits et d'apprŽciation arbitraire des preuves, l'appelante ne dŽmontre pas quel fait aurait ŽtŽ Žtabli de manire erronŽe, de sorte qu'elle se plaint en rŽalitŽ d'une mauvaise apprŽciation des preuves.

3.1 En vertu de l'art. 259d CO, si le dŽfaut entrave ou restreint l'usage pour lequel la chose a ŽtŽ louŽe, le locataire peut exiger du bailleur une rŽduction proportionnelle du loyer ˆ partir du moment o le bailleur a eu connaissance du dŽfaut et jusqu'ˆ l'Žlimination de ce dernier.

Le dŽfaut de la chose louŽe est une notion relative; son existence dŽpend des circonstances du cas concret; il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet louŽ, l'‰ge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_582/2012 du 28 juin 2013); en l'absence de prŽcision dans le bail, l'usage est apprŽciŽ objectivement selon toutes les circonstances du cas d'espce, soit notamment le montant du loyer, la destination de l'objet louŽ, l'environnement des locaux, l'‰ge de l'immeuble et son Žtat apparent, les normes usuelles de qualitŽ et les rgles de droit public applicables, ainsi que les usages courants (ACJC/173/2018 du 12 fŽvrier 2018 consid. 3.1 et les rŽfŽrences).

Le locataire doit compter, selon le cours ordinaire des choses, avec la possibilitŽ de certaines entraves mineures inhŽrentes ˆ l'usage de la chose qui ne constituent pas un dŽfaut. En revanche, si l'entrave est plus importante et sort du cadre raisonnable des prŽvisions, elle devient un dŽfaut (ACJC/173/2018 prŽcitŽ ibid.).

Le dŽfaut peut consister notamment dans les nuisances provenant d'un chantier, dans la privation de l'usage d'un ascenseur ou encore d'infiltrations d'eau (ACJC/173/2018 prŽcitŽ ibid.). 

Un chantier voisin peut ainsi engendrer un dŽfaut ds lors que les nuisances qu'il provoque excdent les inconvŽnients mineurs inhŽrents ˆ la vie en milieu urbain (ACJC ACJC/173/2018 prŽcitŽ ibid.).

Peu importe que les immissions de ce chantier (bruit, poussire, vibrations) Žchappent ou non ˆ la sphre d'influence du bailleur (arrt du Tribunal fŽdŽral 4C_219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.2; ACJC/173/2018 prŽcitŽ ibid.; ACJC/1016/2017 du 28 aožt 2017 consid. 3.1).

Un dŽfaut est grave lorsqu'il exclut ou entrave considŽrablement l'usage pour lequel la chose a ŽtŽ louŽe (art. 258 al. 1 et 259b let. a CO). Tel est notamment le cas (É) lorsque le locataire ne peut pas habiter le logement ou ne peut pas faire usage des pices importantes (cuisine, salon, chambre ˆ coucher, salle de bains) pendant un certain temps (ACJC/173/2018 prŽcitŽ ibid.).

Le locataire qui entend se prŽvaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du dŽfaut (ACJC/173/2018 prŽcitŽ ibid.). Dans le cadre de la maxime inquisitoire sociale, le tribunal n'est soumis qu'ˆ une obligation d'interpellation accrue, les parties devant recueillir elles-mmes les ŽlŽments du procs (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1). Ainsi, conformŽment ˆ la jurisprudence rendue sous l'empire des art. 274d al. 3 et 343 al. 4 aCO, en premire instance, les parties doivent renseigner le juge sur les faits de la cause et lui indiquer les moyens de preuve propres ˆ Žtablir ceux-ci. De son c™tŽ, le juge doit les informer de leur devoir de coopŽrer ˆ la constatation des faits et ˆ l'administration des preuves. Il doit les interroger pour s'assurer que leurs allŽguŽs de fait et leurs offres de preuves sont complets s'il a des motifs objectifs d'Žprouver des doutes sur ce point. Son r™le ne va toutefois pas au-delˆ (ATF 141 III 569 consid. 2.3.2 et les rŽfŽrences).  

Le fait qu'un chantier soit d'intŽrt public signifie que les nuisances qui y sont liŽes doivent tre tolŽrŽes et qu'il s'agit de perturbations inŽvitables qui excluent toute action en cessation de trouble. En revanche, ce fait n'exclut pas une rŽduction de loyer selon l'art. 259d CO (arrt du Tribunal fŽdŽral 4C_377/2004 du 2 dŽcembre 2004, consid. 2.2).

3.2 En l'espce, les travaux de construction de la gare de Champel-H™pital, situŽe ˆ c™tŽ de l'immeuble litigieux, ont dŽbutŽ en dŽcembre 2011. Les travaux de gros-Ïuvre se sont dŽroulŽs entre janvier 2013 et mars 2016 (comportant notamment le creusement dans l'enceinte construite, la rŽalisation des dalles extŽrieures et la rŽalisation de carottage et prŽ-sciage de parties de la paroi moulŽe situŽe au nord de la halte). Ces travaux ont ŽtŽ suivis du dŽmontage de la grue et de la centrale ˆ bŽton, puis ˆ l'enlvement de gros containers. Certaines pŽriodes ont vu les horaires des travaux Žtendus en soirŽe ou durant le week-end en 2015 et 2016.

Les travaux de second Ïuvre ont dŽbutŽ en juin 2016 et se sont poursuivis ˆ tout le moins jusqu'ˆ novembre 2016. Le tunnel de Champel a ŽtŽ creusŽ entre mars 2014 et le 8 juin 2017, ˆ l'aide de pelles mŽcaniques. Entre mars et juin 2016, le forage Žtait ˆ la hauteur de la gare Champel-H™pital.

A cela se sont ajoutŽs, entre juin 2017 et mai 2018, des travaux de revtement intŽrieur, ainsi que des campagnes de mesurage de vibrations et bruit solidien, consistant, sur plusieurs jours, en une trentaine de pŽriodes de vibrations (30 secondes) et de test de la ventilation et du dispositif de dŽsenfumage de la gare.

Enfin, de mi-septembre 2018 au printemps 2020, l'appelante sur appel joint a rŽalisŽ des travaux d'amŽnagement de l'espace public au Plateau de Champel, par tronons et l'immeuble litigieux a ŽtŽ concernŽ entre avril et aožt 2019.

Il est Žtabli que le chantier du CEVA a revtu une importance et une intensitŽ particulires et a comportŽ diverses phases propres ˆ gŽnŽrer des nuisances importantes impliquant de nombreux engins de chantier, vibrations, poussires, bruits et odeurs incommodants. A certains moments, les travaux dans le tunnel, sur le site de la gare et aux alentours ont ŽtŽ menŽs simultanŽment, ce qui renforce l'importance des nuisances constatŽes.

Dans son arrt ACJC/173/2018 (consid. 3.2), la Cour a retenu de manire gŽnŽrale s'agissant du chantier du CEVA que les fiches d'informations permettaient d'en comprendre l'ampleur, dans leur durŽe comme dans leur intensitŽ. Ainsi, l'importance du chantier ne peut tre niŽe.

Certaines pŽriodes ont ŽtŽ moins intenses et propres ˆ gŽnŽrer des nuisances. De mme, certains travaux ont moins touchŽ l'immeuble litigieux, notamment au regard de la distance les sŽparant de ce dernier.

Il rŽsulte de ce qui prŽcde que l'apprŽciation de l'appelante quant aux nuisances engendrŽes par le chantier, ˆ savoir que celles-ci seraient de moindre importance et ne constitueraient pas un dŽfaut de la chose louŽe, ne peut tre suivie. En raison de la proximitŽ de l'immeuble litigieux avec le chantier, les intimŽs ont souffert des nuisances Žmanant de celui-ci.

Par consŽquent, le Tribunal a considŽrŽ avec raison que l'appartement litigieux Žtait entachŽ d'un dŽfaut de la chose louŽe.

4.       Tant l'appelante que les intimŽs critiquent le taux de rŽduction de loyer fixŽ par le Tribunal. Celui-ci a retenu que la qualitŽ de vie des intimŽs a ŽtŽ rŽduite sur une pŽriode particulirement longue, mais Žgalement qu'ils n'avaient pas dŽmontrŽ avoir ŽtŽ entravŽs dans l'exercice de leur activitŽ professionnelle, respectivement de mre au foyer et que les travaux avaient principalement eu lieu en journŽe et durant la semaine. Le Tribunal a encore relevŽ que les rŽductions de loyer accordŽes par l'appelante au sein de l'immeuble lors de la conclusion de nouveaux baux oscillaient entre 12% et 17.77%.

L'appelante fait valoir que l'absence de dŽfaut de la chose louŽe ne justifierait pas une telle baisse et qu'en tout Žtat le loyer modeste payŽ par les intimŽs, contrairement aux autres locataires de l'immeuble, imposerait de rŽduire de manire trs restrictive le loyer des intimŽs.

Les intimŽs, quant ˆ eux, soutiennent que le Tribunal aurait, ˆ tort, omis de tenir compte de l'activitŽ de comptable ˆ domicile, de juin 2013 ˆ juin 2019, de l'intimŽ, qui n'aurait pu rencontrer ses clients ˆ plusieurs reprises, ainsi que de l'activitŽ de mre au foyer de l'intimŽe. Le Tribunal aurait dž, selon les appelants, retenir le nombre ŽlevŽ de soirs et de week-ends durant lesquels des travaux s'Žtaient dŽroulŽs. En revanche, les taux de rŽduction de loyer accordŽs ˆ d'autres locataires de l'immeuble ne seraient pas pertinents.

4.1 La rŽduction de loyer que peut exiger le locataire en application de l'art. 259d CO doit tre proportionnelle au dŽfaut et se dŽtermine par rapport ˆ la valeur de l'objet sans dŽfaut. Elle vise ˆ rŽtablir l'Žquilibre des prestations entre les parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c). Lorsqu'un calcul concret de la diminution de valeur de l'objet entachŽ du dŽfaut n'est pas possible, notamment lorsque l'intensitŽ des nuisances est variable et se prolonge sur une longue pŽriode, de sorte que les preuves de l'intensitŽ des nuisances et de l'entrave ˆ l'usage ne peuvent tre fournies au jour le jour, le tribunal procde ˆ une apprŽciation en ŽquitŽ, par rŽfŽrence ˆ l'expŽrience gŽnŽrale de la vie, au bon sens et ˆ la casuistique (ATF 130 III 504 consid. 4.1; arrt du Tribunal fŽdŽral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005 consid. 2.3 et 2.4; ACJC/1016/2017 du 28 aožt 2017 consid. 3.1;).

A cet Žgard, le juge doit apprŽcier objectivement la mesure dans laquelle l'usage convenu se trouve limitŽ, en tenant compte des particularitŽs de chaque espce, au nombre desquelles la destination des locaux prŽvues dans le contrat joue un r™le important (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_490/2010 du 25 janvier 2011 consid. 2.1). 

En matire de dŽfauts liŽs ˆ des nuisances provenant d'un chantier, les taux de rŽduction de loyer sont en gŽnŽral compris selon la casuistique entre 10% et 25%. Les cas o les nuisances sonores ont conduit ˆ des rŽductions de loyer de 5% ˆ 10% sont plut™t des situations de bruits intermittents qui, bien que gnants, n'empitent gŽnŽralement pas sur la pŽriode nocturne. Une rŽduction de 15% a Žgalement ŽtŽ retenue dans le cadre d'un chantier relatif ˆ la construction d'un complexe de quatre immeubles ˆ proximitŽ de l'objet louŽ, en raison du bruit, de la poussire, des trŽpidations engendrŽes par de type de travaux; ce qui reprŽsentait une moyenne entre les pŽriodes objectivement les plus pŽnibles et celles plus calmes (ACJC/550/2015 du 11 mai 2015 consid. 4.1; ACJC/202/2013 du 18 fŽvrier 2013 consid. 6.1).

Le Tribunal fŽdŽral a approuvŽ une rŽduction de 37% du loyer de locaux destinŽs ˆ un cabinet d'ophtalmologie, en raison du bruit causŽ par deux chantiers proches, qui se sont dŽroulŽs successivement et, pour partie, cumulativement (arrt du Tribunal fŽdŽral 4C_377/2004 du 2 dŽcembre 2004).

Le Tribunal fŽdŽral a Žgalement confirmŽ une rŽduction de 60% du loyer pour des locaux louŽs ˆ une agence de placement qui avait ŽtŽ empchŽe de travailler normalement (arrt du Tribunal fŽdŽral 4C.219/2005 du 24 octobre 2005).

En matire de baux d'habitation, la Cour de justice a confirmŽ une diminution de loyer ˆ hauteur de 20%, pris en tant que taux moyen, pendant une annŽe et demie ˆ l'occasion d'importants travaux entrepris sur les voies et les quais de la gare de Cornavin, situŽs ˆ 30 mtres du logement de la locataire et effectuŽs momentanŽment 24 heures sur 24 ou le week-end. S'y Žtaient ajoutŽs le chantier du CEVA et la construction d'une nouvelle ligne de tramway Žgalement ˆ proximitŽ de l'immeuble. La Cour a notamment retenu que le bruit gŽnŽrŽ par les chantiers Žtait sensiblement plus gnants que celui de la circulation routire et ferroviaire auquel l'appartement Žtait exposŽ. Durant la pŽriode concernŽe, le repos des habitants du quartier avait ŽtŽ particulirement affectŽ par des travaux effectuŽs pendant la nuit ou le week-end (ACJC/578/2009 du 11 mai 2009 consid. 4.2).

Dans un arrt du 2 avril 2007 (ACJC/377/2007), la Cour de justice a accordŽ une rŽduction du loyer de 15% durant 18 mois, en lien avec la construction de la troisime voie de chemin de fer entre Genve et Coppet, ˆ des locataires occupant une villa situŽe en bordure de cette voie de chemin de fer. Elle a retenu l'importance du chantier, comportant des travaux de nuit, ainsi qu'un loyer relativement ŽlevŽ, mais aussi les nuisances prŽexistantes inhŽrentes ˆ une habitation en bordure d'une voie ferrŽe trs frŽquentŽe.

4.2 En l'espce, il n'y a pas lieu de revenir sur l'existence et l'intensitŽ des nuisances qui ont ŽtŽ traitŽes ci-dessus, sous considŽrant 3.2.

S'agissant des activitŽs menŽes par les intimŽs telles qu'allŽguŽes, force est de constater, avec le Tribunal, qu'aucun ŽlŽment au dossier ne permet d'en attester la rŽalitŽ.

Quant aux travaux ayant eu lieu en-dehors des heures de bureau, ils ne sont pas totalement anecdotiques, mais restent accessoires, l'essentiel des travaux Žtant intervenu en journŽe et en semaine.

Enfin, s'agissant du montant du loyer, il y a lieu d'en tenir compte, parmi les autres critres fixŽs par la loi, dans le cadre de la fixation en ŽquitŽ de la rŽduction de loyer, qui s'impose en l'espce face ˆ l'impossibilitŽ de dŽterminer prŽcisŽment l'ampleur de chaque nuisance et la temporalitŽ de celles-ci.

En rŽsumŽ, les nuisances ont ŽtŽ particulirement durables, mme si d'intensitŽ variable, et ont portŽ atteinte de manire substantielle ˆ la qualitŽ de vie des intimŽs au quotidien. L'essentiel des nuisances a eu lieu en journŽe et en semaine, sans qu'il ait ŽtŽ dŽmontrŽ que les intimŽs en auraient particulirement souffert en raison d'activitŽs ˆ leur domicile.

Compte tenu de toutes les circonstances d'espce mentionnŽes ci-dessus, il appara”t que la rŽduction de loyer de 15% accordŽe par le Tribunal s'inscrit dans les limites fixŽes par le droit et la casuistique en matire rŽduction de loyer suite ˆ un dŽfaut de la chose louŽe.

Par consŽquent, le jugement sera confirmŽ sur ce point.

5.       Les intimŽs reprochent au Tribunal d'avoir retenu qu'une partie de leur crŽance Žtait prescrite, sans prendre en considŽration que leur retard Žtait dž ˆ un comportement contradictoire et abusif de l'appelante. Ils estiment en effet que l'appelante les aurait incitŽs ˆ ne pas poursuivre leurs dŽmarches visant ˆ une rŽduction de loyer suite ˆ l'audience de conciliation du 9 avril 2013. Se prŽvaloir de la prescription lors de la prŽsente procŽdure serait, ds lors, constitutif d'un abus de droit de la part de l'appelante.

5.1 Selon l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protŽgŽ par la loi. 

Le comportement contradictoire forme une des catŽgories d'actes susceptibles de constituer un abus de droit. Commet ainsi un abus de droit la personne qui, par son comportement initial, inspire ˆ autrui une confiance digne de protection qui est ensuite trahie par des comportements ultŽrieurs (ATF 143 III 666 consid. 4.2; arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_320/2018 du 13 dŽcembre 2018 consid. 4.2.1). 

Une faute de l'auteur des actes contradictoires n'est pas nŽcessaire; il suffit que par son comportement interprŽtŽ normativement, il ait suscitŽ une confiance lŽgitime qui est ensuite dŽue (arrt du Tribunal fŽdŽral 4A_320/2018 du 13 dŽcembre 2018 consid. 4.2.1).

Est notamment digne de protection la confiance de celui qui, sur la base de l'attitude initiale de son partenaire, a pris des dispositions qui se rŽvlent ensuite dŽsavantageuses en raison du revirement d'attitude (ATF 125 III 257 consid. 2a; 121 III 350 consid. 5b). 

La question d'un abus de droit doit se rŽsoudre au regard des circonstances concrtes de chaque cas. L'art. 2 CC est un remde destinŽ ˆ Žviter que l'application de la loi conduise dans un cas particulier ˆ une injustice flagrante. L'emploi dans le texte lŽgal du qualificatif Ç manifeste È dŽmontre que l'abus de droit doit tre admis restrictivement (ATF 143 III 666 consid. 4.2; 143 III 279 consid. 3.1; arrt du Tribunal fŽdŽral 5A_490/2019 du 19 aožt 2019 consid. 3.1.3).

5.2 Les intimŽs ont requis une rŽduction de loyer par courriers des 29 janvier 2012 et 29 dŽcembre 2012, suivis par l'introduction d'une requte de conciliation le 5 mars 2013. L'appelante a estimŽ qu'il Žtait prŽmaturŽ de dŽterminer une rŽduction de loyer en 2013. Les intimŽs en ont pris acte par courrier du 6 mai 2013 et ont indiquŽ qu'ils patienteraient. Par la suite, les intimŽs ont adressŽ de nombreux courriers ˆ l'appelante, mais n'ont sollicitŽ une baisse de loyer, ˆ hauteur de 35%, que le 18 novembre 2019.

L'opinion de l'appelante quant au fait qu'il aurait ŽtŽ prŽmaturŽ de se dŽterminer sur une rŽduction de loyer ne constitue pas, en soi, un comportement propre ˆ susciter une confiance lŽgitime de la part de ses adverses parties. Il ne ressort pas non plus de la procŽdure qu'une promesse aurait ŽtŽ faite, ni qu'un Žchange aurait eu lieu, permettant de tisser une telle confiance. Il est difficile d'interprŽter la position de l'appelante comme visant ˆ autre chose qu'ˆ dŽfendre ses propres intŽrts, soit notamment comme une concession en faveur des intimŽs. Certes, l'appelante n'a pas rŽagi au courrier du 6 mai 2013. Toutefois, celui-ci ne comportait aucune prŽcision supplŽmentaire et rien ne permettait d'en infŽrer que les dŽlais de prescription ne seraient pas pris en compte par les intimŽs ou que ceux-ci Žtaient induits en erreur. Ces derniers n'Žtaient d'ailleurs pas empchŽs de prendre toute mesure apte ˆ assurer la sauvegarde de leurs droits.

L'interprŽtation restrictive qui doit tre faite de la notion d'abus de droit impose ds lors de considŽrer que le comportement de l'appelante ne peut tre considŽrŽ comme tel en l'espce et que les rgles relatives aux dŽlais de prescription doivent tre appliquŽs.

Pour le surplus, les parties ne critiquent pas le raisonnement du Tribunal quant ˆ la date retenue et permettant de dŽterminer le point de dŽpart de la crŽance en restitution, soit le 18 novembre 2019, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir et que le jugement sera confirmŽ sur ce point Žgalement.

6.       A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prŽlevŽ de frais dans les causes soumises ˆ la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

DŽclare recevables l'appel interjetŽ le 22 aožt 2022 par A______, ainsi que les appels joints interjetŽs le 26 septembre 2022 par C______ et D______ et le 16 septembre 2022 par la VILLE DE GENEVE contre le jugement JTBL/471/2022 rendu le 17 juin 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1015/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procŽdure est gratuite.

DŽboute les parties de toutes autres conclusions.

SiŽgeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, prŽsidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN et Madame
ZoŽ SEILER, juges assesseurs; Madame Ma•tŽ VALENTE, greffire.

 

La prŽsidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffire :

Ma•tŽ VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

ConformŽment aux art. 72 ss de la loi fŽdŽrale sur le Tribunal fŽdŽral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le prŽsent arrt peut tre portŽ dans les trente jours qui suivent sa notification avec expŽdition complte (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fŽdŽral par la voie du recours en matire civile.

Le recours doit tre adressŽ au Tribunal fŽdŽral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pŽcuniaires au sens de la LTF supŽrieure ou Žgale ˆ 15'000 fr.