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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/3212/2021

ACJC/652/2023 du 22.05.2023 sur JTBL/632/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 23.06.2023, rendu le 29.01.2024, CONFIRME, 4A_332/23
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3212/2021 ACJC/652/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 22 MAI 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, et B______ SÀRL, sise ______, appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 30 août 2022, comparant toutes deux par Me Luca MINOTTI, avocat, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elles font élection de domicile,

et

SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA, sise p.a. D______ [régie immobilière], ______, intimée, comparant par Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, rue du Général-Dufour 11, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/632/2022 du 30 août 2022, reçu par les parties le 31 août 2022, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré efficace et valable le congé du 26 janvier 2021 notifié à B______ SARL et A______ pour le 28 février 2021 concernant les locaux de 74 m2 et 13 m2 au 3ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève (chiffre 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié à la Cour le 30 septembre 2022, A______ et B______ SARL forment appel contre ce jugement, concluant, avec suite de frais judiciaires et dépens, à son annulation et, cela fait, à ce que la Cour constate la nullité de la résiliation du bail. A titre préalable, elles concluent à ce que la Cour ordonne à SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA de produire "les relevés bancaires de son compte loyer auprès de E______ pour les périodes du 1er avril 2019 au 31 mai 2019".

b. Par réponse expédiée à la Cour le 2 novembre 2022, SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA conclut à ce que la Cour déboute A______ et B______ SARL de toutes leurs conclusions et confirme le jugement entrepris.

Par courrier du 3 novembre 2022, le greffe de la Cour a transmis cette réponse à A______ et B______ SARL et leur a imparti un délai de 30 jours pour répliquer, lequel a été prolongé jusqu'au 17 décembre 2022.

c. Par réplique expédiée à la Cour le 3 janvier 2023, A______ et B______ SARL ont persisté dans leurs conclusions principales. Sous un chapitre intitulé "Les allégués complémentaires de l'intimée [recte : des appelantes]", elles ont présenté cinq points (ch. 25 à 29), en vue de corriger le montant des versements effectués à la bailleresse. Elles ont formulé une nouvelle conclusion préalable tendant à ce que la Cour ordonne à SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA de produire "les relevés bancaires de son compte loyer auprès de E______ pour la période du 1er mars 2017 au 31 mars 2017".

d. Dans sa duplique, SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA a conclu à ce que les faits allégués ainsi que les arguments juridiques présentés dans le mémoire de réplique soient déclarés irrecevables et a persisté, pour le surplus, dans les conclusions prises dans sa précédente écriture.

e. Par courrier du 7 mars 2023, le greffe de la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.


 

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. B______ SÀRL est une société sise à Genève et ayant pour but toutes prestations de service dans le domaine du bien-être et toute activité qui s'y rapporte.

b. SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA est une société sise à Genève et ayant pour but l'acquisition et la vente de biens immobiliers, ainsi que la construction, la location, la gérance et l'affermage d'immeubles. 

Elle est propriétaire de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève, dont la gestion a été confiée à la régie D______ (ci-après : "la régie").

c. A compter du 1er octobre 2016, B______ SARL et A______ ont pris à bail des locaux de 74 m2 et 13 m2 au 3ème étage de l'immeuble susmentionné. Elles occupaient déjà ces locaux au préalable en qualité de sous-locataires.

Les locaux étaient exclusivement destinés à l'usage "de local de salon de massage érotique".

Le contrat du 10 octobre 2016, établi aux noms des deux locataires et signé par A______, stipulait qu'il était conclu pour une durée de cinq ans, du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2021, renouvelable ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans. Le préavis de résiliation était de douze mois.

Le contrat prévoyait également que le loyer mensuel indexé à l'indice suisse des prix à la consommation (ci-après : "ISPC") - fixé initialement à 4'900 fr. et porté à 4'934 fr. dès le 1er février 2018, puis à 4'978 fr. dès le 1er novembre 2018, auxquels s'ajoutait un acompte de charge de 100 fr. - était payable au 1er jour du mois.

Aux termes de l'art. 26 dudit contrat, l'adresse des locaux était considérée comme lieu de domiciliation valable des locataires, jusqu'à son "annulation", notifiée par lettre recommandée adressée à la bailleresse.

d. Par avis comminatoire du 14 décembre 2020, SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA a mis en demeure B______ SARL et A______ de lui régler, dans les trente jours, le montant de 5'117 fr., se composant de 5'078 fr. à titre d'arriéré de loyer et de charges pour le mois de décembre 2020 et de 39 fr. à titre de frais de rappel, et les a informées qu'à défaut du paiement intégral des sommes réclamées dans le délai imparti, elle résilierait le bail conformément à l'art. 257d CO.

Ces avis comminatoires ont été adressés par plis recommandés séparés du 15 décembre 2020 aux locataires, avisées pour retrait le 16 décembre 2020. Non-réclamés, les plis ont été retournés à l'expéditeur le 24 décembre 2020.

e. Par courriel du 5 janvier 2021, la régie a accusé réception de la demande d'exonération des loyers des mois de novembre et décembre 2020 formée le 21 décembre 2020 par les locataires dans le cadre de l'accord "VESTA" signé entre l'Etat de Genève, la Chambre genevoise immobilière, l'Union suisse des professionnels de l'immobilier Genève et l'Association de défense des locataires, et leur a indiqué qu'elle transmettait leur demande à SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA, laquelle reviendrait à elles dans les semaines suivantes.

La régie a précisé que son courriel n'était en aucun cas à considérer comme un éventuel accord pour une réduction ou un échelonnement du loyer.

f. Par avis officiels du 26 janvier 2021, SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA a résilié le bail des locataires avec effet au 28 février 2021 pour défaut de paiement du loyer.

g. Par courriel du 8 février 2021, la régie a fourni aux locataires un relevé de compte détaillant les loyers encaissés (sous l'intitulé "en votre faveur") et les loyers dus (sous l'intitulé "en notre faveur") pour la période courant du 1er novembre 2016 au 1er février 2021, dont il ressortait que le total des loyers exigibles pour cette période s'élevait à 346'683 fr. 85 et que les locataires s'étaient acquittées d'un montant total de 327'895 fr. 50 (pièce 13 locataires).

Certaines dettes de loyers avaient été comptabilisées à double voire à triple, amenant le total des prestations dues à 346'683 fr. 85 (loyers et charges), alors qu'en réalité les loyers exigibles pour cette période s'élevaient à 252'256 fr. (loyers et charges). Des correctifs, sous la forme d'écritures comptables accompagnées de la mention "comptabilisation manuelle", avaient été apportés sur le décompte afin de compenser les dettes de loyers comptées en trop, portant ainsi le total des montants versés par les locataires à 327'895 fr. 50, alors qu'il était en réalité inférieur.

h. Par requête du 19 février 2021, B______ SARL et A______ ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, concluant à l'annulation du congé et, subsidiairement, à une prolongation de bail de six ans.

i. Par courriel du 22 février 2021, la régie a précisé aux locataires qu'un solde de 18'798 fr. 25 demeurait ouvert et que la garantie de loyer de 30'000 fr. restait à constituer.

j. Par courrier du 4 mars 2021, SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA a refusé la demande des locataires d'exonération des loyers des mois de novembre et décembre 2020.

Par courrier du 26 avril 2021, B______ SARL et A______ ont sollicité de SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA le remboursement des loyers versés pour les périodes du 16 mars au 6 juin 2020 et du 2 novembre 2020 au 28 février 2021, durant lesquelles elles n'avaient pas utilisé les locaux.

k. La tentative de conciliation ayant échoué, B______ SARL et A______ ont saisi le Tribunal par acte du 31 mai 2021, concluant notamment en dernier lieu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à la nullité de la résiliation du 26 janvier 2021 et, subsidiairement, à son annulation. A titre préalable, elles ont conclu à ce que le Tribunal ordonne à SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA de produire "tous les relevés bancaires et les documents comptables, ou tout autre document utile, relatifs au calcul des loyers versés, depuis 2016 jusqu'à ce jour, par [B______ SARL et A______] sur la base du bail commercial liant les parties".

l. Dans sa réponse expédiée le 29 septembre 2021, SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA a conclu à ce que le Tribunal déboute B______ SARL et A______ de toutes leurs conclusions et dise et constate que le congé litigieux était valable et déployait ses effets dès le 28 février 2021.

A l'appui de sa réponse, elle a produit plusieurs pièces, dont un "décompte à jour [ ] comprenant le détail des versements effectués par les locataires depuis le début du bail" (ci-après : "décompte simplifié"), dont il ressort que celles-ci se sont acquittées de 283'544 fr. pour la période comprise entre octobre 2016 et août 2021 (pièce 100 bailleresse).

m. Dans une ordonnance du 21 février 2022, le Tribunal a retenu que SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA avait produit le relevé de compte relatif aux locaux pris à bail, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de lui ordonner de produire tous les documents comptables relatifs aux loyers versés depuis 2016. En revanche, il apparaissait pertinent de lui ordonner de produire les documents comptables du 1er janvier 2019 et du 16 novembre 2020 afin de "comprendre les écritures comptables opérées dans le décompte de la régie et le système mis en place par cette dernière". Aussi, il a ordonné à SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA de produire le document comptable n° 2______ du 1er janvier 2019 et le document comptable n° 3______ du 16 novembre 2020 (mentionnés dans le relevé de compte produit par les locataires sous pièce 13 (cf. ci-dessus, let. C.g).

A l'occasion de l'audience du Tribunal du 26 avril 2022, SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA a déclaré que les documents dont la production avait été ordonnée n'existaient pas. En effet, puisqu'il s'agissait "d'une comptabilisation manuelle avec des montants qui s'annulent", il n'y avait pas de "pièces écrites proprement dites".

Lors de cette audience, B______ SARL et A______ ont déposé un document récapitulant les paiements qu'elles avaient effectués entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2020 ainsi que les loyers exigibles pour cette période (pièce 31 locataires). Il ressort de ce document qu'elles ont versé 268'704 fr. à SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA, alors que les loyers exigibles s'élevaient à 257'334 fr. Sur l'ensemble des versements figurant dans ce décompte, quatre versements n'apparaissaient pas dans le décompte simplifié produit par SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA (pièce 100 bailleresse), à savoir un versement de 25'000 fr. du 10 mars 2017 (comptabilisé à concurrence de 15'000 fr. par SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA dans son décompte simplifié produit en pièce 100), un versement de 5'050 fr. du 1er mai 2019, un versement du 5'078 fr. du 17 juin 2019 et un versement de 5'000 fr. du 8 juin 2020. Le dernier versement apparaissant dans le décompte des locataires a été exécuté le 1er octobre 2020.

n. Le Tribunal a entendu les parties ainsi qu'un témoin.

n.a Interrogé par le Tribunal en qualité de partie, F______, gérant senior auprès de la régie D______, a déclaré être en charge de l'immeuble depuis le début du bail litigieux. Interpellé sur le relevé de compte fourni le 8 février 2021 aux locataires (pièce 13 locataires), F______ a exposé que les paiements effectués par les locataires étaient ceux avec l'indication "paiement BVR". Lorsqu'il y avait une erreur dans les écritures, il n'était pas possible d'effectuer une correction en effaçant l'écriture. La correction devait apparaître dans le décompte. C'est à cela que correspondait la mention "comptabilisation manuelle". Quant au récépissé relatif au paiement de 5'050 fr. le 17 juin 2019, produit par B______ SARL et A______, ce versement n'apparaissait pas dans le relevé de compte du 8 février 2021. Cela s'expliquait par le fait que ce versement n'avait pas été effectué au moyen d'un "BVR" avec numéro de référence et que le nom et l'adresse ne correspondaient pas à ceux des locaux. Il aurait fallu faire une recherche auprès de la poste pour savoir ce qui était advenu de ce montant. Si la régie recevait un montant qu'elle ne pouvait pas attribuer à un compte locataire, elle le refusait et le renvoyait à la poste.

Questionné sur le fait que le décompte établi par la régie le 8 février 2021 (pièce 13 locataires) indiquait un versement de 25'000 fr. le 13 mars 2017, alors que le décompte simplifié faisait état d'un versement de 15'000 fr., F______ a expliqué qu'il y avait eu "CHF 10'000 fr. de comptabilisation manuelle soustrait des 25'000 fr.", ce qui ramenait le montant effectivement reçu à 15'000 fr.

n.b Entendu en qualité de témoin, G______, agent immobilier au sein de [la régie] D______, a déclaré qu'au début du bail, la régie avait remis aux locataires un bulletin de versement (BVR) pour le solde qui restait à payer sur la base d'un relevé de compte du 24 novembre 2016. Les locataires l'avaient utilisé ultérieurement de sorte qu'il fallait systématiquement retracer les paiements, lesquels n'étaient pas rattachés aux loyers périodiques. C'est la raison pour laquelle il y avait des écritures correctives, en particulier le 13 mars 2017 où un montant de 10'000 fr. avait été retranché, ramenant le montant effectivement versé à 15'000 fr. Les paiements effectués par les locataires étaient ceux avec la mention "paiement BVR". Les écritures portant la mention "comptabilisation manuelle" étaient celles qui visaient à compenser par concordance les paiements du loyer et les mises en débit afin d'éviter que des postes ouverts trop conséquents soient mis à la charge des locataires. Les paiements qui ne pouvaient pas être attribués à un immeuble étaient retournés au donneur d'ordre.

o. SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA, d'une part, et B______ SARL et A______, d'autre part, ont déposé des plaidoiries finales écrites respectivement les 21 et 27 juin 2022, persistant dans leurs conclusions respectives.

SOCIETE IMMOBILIERE C______ SA a répliqué le 13 juillet 2022, suite à quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.

D. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu, en substance et sur les points encore litigieux en appel, que le congé était valable puisque l'avis comminatoire portait sur le loyer du mois de décembre 2020, lequel était exigible. Les locataires n'avaient ni démontré ni même allégué qu'elles avaient procédé à son paiement, aucun versement n'étant intervenu entre le 1er octobre 2020 et le 4 mars 2021. Le Tribunal n'a pas retenu l'argument des locataires selon lequel elles détenaient une créance à l'encontre de la bailleresse du fait d'un trop-perçu de loyers par cette dernière, qui aurait été mal comptabilisé. Il ressortait des pièces produites et des explications fournies que tel n'était pas le cas. Par rapport au tableau récapitulatif des versements effectués par les locataires produit sous pièce 31, il s'avérait que les sommes de 10'000 fr. (sur 25'000 fr.), 5'050 fr., 5'078 fr. et 5'000 fr., prétendument versées respectivement les 10 mars 2017, 1er mai 2019, 17 juin 2019 et 8 juin 2020, n'avaient pas été comptabilisées par la bailleresse dans son tableau récapitulatif (pièce 100). Il ressortait cependant des explications fournies par le témoin GLOOR que c'était à bon droit que la somme de 10'000 fr. n'avait pas été prise en compte, ce qui était d'ailleurs corroboré par les justificatifs de paiement produit par les locataires (pièces 28 et 30). Il en allait de même de la somme de 5'050 fr. du 1er mai 2019, pour laquelle aucun justificatif de paiement n'avait été produit. Pour les mêmes raisons, la somme de 5'000 fr. du 8 juin 2020 devait également être retranchée du total, le décompte bancaire produit à cet égard (pièce 29) n'indiquant pas l'identité du bénéficiaire du paiement.

Le paiement de la somme de 5'078 fr. effectué le 17 juin 2019 avait en revanche été prouvé par les locataires par la production du BVR associé (pièce 27). Les explications fournies par la bailleresse pour ne pas le retenir n'étaient par ailleurs pas convaincantes.

C'était ainsi un montant de 20'050 fr. qu'il convenait de retrancher du total des versements effectués par les locataires jusqu'au 30 novembre 2020 en 268'704 fr., de sorte qu'elles démontraient avoir versé 248'654 fr. au total.

Or, durant cette période, les loyers exigibles s'élevaient à 252'256 fr., de sorte que les locataires ne pouvaient pas prétendre opposer un trop-perçu de loyer en compensation du loyer de décembre 2020. Par ailleurs, si les locataires avaient été titulaires d'une créance fondée sur ce motif, elles auraient dû objecter de compensation dans le délai de 30 jours octroyé par la mise demeure pour faire obstacle à une résiliation de leur bail du fait du non-paiement du loyer, ce qu'elles n'avaient pas fait.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

En l'espèce, au vu du montant du loyer de 4'978 fr. par mois, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

En l'espèce, le mémoire d'appel et le mémoire de réponse comprennent chacun une partie "En fait" composée respectivement de vingt-cinq et vingt-quatre allégués. Ces parties seront ignorées en tant qu'elles ne visent pas des griefs de constatation inexacte des faits. La Cour a intégré dans la partie "En fait" ci-dessus tous les faits pertinents. Les griefs de violation du principe du fardeau de la preuve et de mauvaise appréciation des preuves invoqués par l'appelante (pp. 10 à 13 de l'appel) seront examinés ci-dessous (cf. consid. 4.2 et consid. 5.2).

2. L'intimée conclut à ce que la réplique des appelantes soit déclarée irrecevable.

2.1

2.1.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens des art. 29 ss Cst., le droit d'être entendu garantit notamment le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, que celle-ci contienne ou non des nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. La dénomination "droit à la réplique" ou "droit de répliquer" doit être comprise largement. Elle vise le droit conféré à la partie de se déterminer sur "toute prise de position" versée au dossier, quelle que soit sa dénomination procédurale (réponse, réplique, prise de position, etc.); même si le juge a renoncé à ordonner un nouvel échange d'écritures, il doit néanmoins transmettre cette prise de position aux autres parties (arrêts du Tribunal fédéral 5A_535/2012 du 6 décembre 2012 consid. 2.3; 8C_104/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.1). Il appartient au tribunal de garantir dans tous les cas que le droit de répliquer puisse être effectivement exercé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_142/2012 du 18 décembre 2012 consid. 2.4).

2.1.2 Aux termes de l'art. 142 al. 3 CPC, si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche, ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit.

Selon l'art. 145 al. 1 let. c CPC, les délais légaux et les délais fixés judiciairement ne courent pas du 18 décembre au 2 janvier inclus.

Il y a cumul entre les art. 142 al. 3 et 145 al. 1 CPC en ce sens que, lorsqu'un délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié et que la date à laquelle son expiration est reportée en vertu de l'art. 142 al. 3 tombe dans les féries de l'art. 145 al. 1 CPC, il échoit le premier jour ouvrable après les féries (Abbet, petit commentaire du Code de procédure civile, 2021, ad art. 145, n° 5, et les références citées).

2.2 En l'espèce, les appelantes ont déposé une réplique le 3 janvier 2023, alors que le Tribunal leur avait fixé un délai au 17 décembre 2022.

Cela étant, dans la mesure où le 17 décembre 2022 était un samedi et que le premier jour ouvrable qui a suivi tombait dans les féries, le délai a expiré le premier jour ouvrable suivant la fin des féries, soit le 3 janvier 2023.

Par conséquent, la réplique des appelantes a été déposée dans le délai et est par conséquent recevable de ce point de vue.

3. Sous un chapitre intitulé "Les allégués complémentaires de l'intimée [recte : des appelantes]", les appelantes présentent cinq points (ch. 25 à 29), en vue de corriger le montant des versements effectués à la bailleresse. Ce faisant, elles soulèvent des griefs ne figurant pas dans leur mémoire d'appel.

3.1 Les parties doivent formuler leurs griefs de façon complète dans le délai d'appel ou de réponse à l'appel; un éventuel second échange d'écritures ou l'exercice d'un droit de réplique ne peut servir à compléter une critique insuffisante ou à formuler de nouveaux griefs (ATF 142 III 413 consid. 2.2.4 in fine et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 4A_621/2021 du 30 août 2022 consid. 3.1).

3.2 Le grief des appelantes selon lequel le Tribunal aurait erré en retenant que le 13 mars 2017 elles avaient versé à l'intimée 15'000 fr., alors qu'elles lui auraient en réalité versé 25'000 fr. à cette date, ce qui augmenterait le trop-perçu, est soulevé pour la première fois au stade de la réplique. Il n'est donc pas recevable.

4. Les appelantes reprochent aux premiers juges d'avoir violé leur droit à la preuve en n'ordonnant pas à l'intimée de produire "tous les relevés bancaires et les documents comptables, ou tout autre document utile, relatifs au calcul des loyers versés, depuis 2016 jusqu'à ce jour". Elles concluent en appel à ce que la Cour ordonne à l'intimée de produire " les relevés bancaires de son compte loyer auprès de E______ pour les périodes du 1er avril 2019 au 31 mai 2019" et, dans leur réplique, à ce que la Cour ordonne à l'intimée de produire " les relevés bancaires de son compte loyer auprès de E______ pour les périodes du 1er mars 2017 au 31 mars 2017".

4.1 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 CPC).

L'instance d'appel peut administrer des preuves (art. 316 al. 3 CPC), lorsqu'elle estime opportun de renouveler leur administration ou de donner suite à une offre de preuve que l'instance inférieure a refusé d'administrer, de procéder à l'administration d'une preuve nouvelle ou d'instruire à raison de conclusions et/ou de faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_229/2012 du 19 juillet 2012 consid. 4).

Cette administration n'intervient toutefois que dans les limites tracées par l'art. 150 al. 1 CPC, aux termes duquel a preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC). La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst), en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 132 V 368 consid 3.1 et les références). L'autorité a l'obligation, sous l'angle du droit d'être entendu, de donner suite aux offres de preuves présentées en temps utile et dans les formes requises, à moins qu'elles ne soient manifestement inaptes à apporter la preuve ou qu'il s'agisse de prouver un fait sans pertinence (cf. ATF 131 I 153 consid 3; 124 I 241 consid 2, JdT 2000 I 130; 121 I 306 consid 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2007 du 25 octobre 2007 consid 3.1).

Le juge peut renoncer à une mesure d'instruction pour le motif qu'elle est manifestement inadéquate, porte sur un fait non pertinent ou n'est pas de nature à ébranler la conviction qu'il a acquise sur la base des éléments déjà recueillis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_452/2013 du 31 mars 2014 consid 3.1 et réf. citées).

4.2 En l'espèce, il est constant que les appelantes ont conclu devant le Tribunal, en temps utile, à ce qu'il soit ordonné à l'intimée de produire "tous les relevés bancaires et les documents comptables, ou tout autre document utile, relatifs au calcul des loyers versés, depuis 2016 jusqu'à ce jour" et que l'intimée a produit un relevé de compte des loyers encaissés.

Aussi, c'est à raison que le Tribunal a retenu qu'il n'était ni nécessaire ni utile de lui ordonner de produire tous les documents comptables relatifs aux loyers encaissés depuis 2016, dès lors que, conformément à la conclusion des appelantes, l'intimée avait produit un document permettant d'établir les loyers qu'elle estimait avoir encaissés sur la période litigieuse.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a rejeté cette réquisition de preuve.

Il n'y a donc pas lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires en appel. Les documents figurant au dossier permettent à la Cour de déterminer le montant de loyers effectivement versés, de sorte que la production des relevés bancaires de l'intimée n'apporterait aucun éclairage utile.

5. Les appelantes reprochent aux premiers juges d'avoir considéré que la résiliation du bail pour défaut de paiement était valable, alors qu'elles étaient elles-mêmes créancières de l'intimée ainsi que cela ressortait de la quittance de paiement qu'elles avaient reçue le 8 février 2021. Au demeurant, elles avaient démontré avoir versé, sur la période d'octobre 2016 à décembre 2020, une somme de 254'755 fr. 90 pour des prestations exigibles à hauteur de 254'317 fr. 70, soit un excédent de 438 fr. 20. Le Tribunal avait erré en retenant qu'elles n'avaient pas effectué le versement de 5'050 fr. du 1er mai 2019. En effet, il ne leur appartenait pas de démontrer avoir effectué ce versement, dans la mesure où il apparaissait dans le relevé de compte que leur avait transmis l'intimée, lequel valait quittance et renversait donc le fardeau de la preuve. En tout état, elles avaient démontré l'avoir effectué. Elles reprochent également au Tribunal d'avoir retenu qu'elles auraient dû exciper de compensation, alors qu'il s'agissait d'une exécution anticipée de leur obligation de paiement du loyer.

Dans l'argumentation irrecevable présentée dans leur réplique, les appelantes prétendent au surplus avoir versé à l'intimée, le 13 mars 2017, 25'000 fr. et non pas 15'000 fr., comme retenu par le Tribunal, ce qui augmenterait le trop-perçu.

5.1

5.1.1 A teneur de l'art. 257d al. 1 CO, lorsque le locataire, après réception de la chose, a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail. Le délai doit être d'au moins 30 jours pour les baux d'habitation ou de locaux commerciaux. L'art. 257d al. 2 CO dispose qu'à défaut de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat.

La validité du congé suppose notamment que le locataire se soit effectivement trouvé en retard dans le paiement du loyer ou de frais accessoires lorsque la sommation prévue à l'art. 257d al. 1 CO lui a été adressée, d'une part, et qu'il ne se soit pas acquitté de cet arriéré dans le délai fixé, d'autre part (arrêt du Tribunal fédéral 4A_299/2011 du 7 juin 2011 consid. 5). Si ces conditions ne sont pas réalisées, le locataire peut faire valoir l'invalidité du congé à l'encontre de l'action en évacuation des locaux qui lui est plus tard intentée par le bailleur (ATF
121 III 156 consid. 1c/aa; 122 III 92 consid. 2d).

L'avis comminatoire doit indiquer le montant arriéré à payer dans le délai de façon suffisamment claire et précise pour que le locataire puisse reconnaître clairement quelles dettes il doit payer pour éviter un congé. Le montant de l'arriéré doit être déterminé (par une indication chiffrée) ou, tout au moins, déterminable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_306/2015 du 14 octobre 2015 consid. 2; 4A_134/2011 du 23 mai 2011 consid. 3). Ainsi, lorsque l'avis comminatoire désigne précisément les mois de loyers impayés, le montant de l'arriéré est déterminable et une indication chiffrée du montant impayé n'est alors pas indispensable (arrêts précités et arrêt du Tribunal fédéral 4C_123/2000 du 14 juin 2000 consid. 3b, in CdB 2000 109). Si les mois de loyers impayés ne sont pas mentionnés et que le montant de l'arriéré indiqué est sans rapport avec la somme effectivement en souffrance, l'avis comminatoire ne satisfait pas aux exigences de clarté et de précision permettant au locataire de reconnaître de combien de mois de loyers il doit s'acquitter dans le délai comminatoire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_134/2011 précité consid. 3 in fine). En revanche, l'indication d'un arriéré trop élevé n'entraîne pas nécessairement l'inefficacité de l'avis comminatoire : un locataire qui n'attire pas l'attention du bailleur sur l'erreur commise et qui ne fait pas d'efforts pour régler l'arriéré dont il sait qu'il existe effectivement ou qui peut au moins démontrer qu'il aurait réglé l'arriéré si le montant dû avait été correctement indiqué ne mérite pas d'être protégé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_330/2017 du 8 février 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Il incombe au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'alléguer et de prouver les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit; rechtserhebende Tatsachen). Il appartient, en revanche, au locataire d'invoquer les faits dirimants (rechtshindernde Tatsachen) ou destructeurs (rechtsvernichtende Tatsachen), en invoquant des objections ou des exceptions (Einwendungen oder Einreden), comme l'extinction de sa dette ou la compensation avec une contre-créance (arrêt du Tribunal fédéral, 4A_376/2021 du 7 janvier 2022, consid. 4.2.1).

5.1.2 Selon l'art. 81 al. 1 CO, le débiteur peut exécuter son obligation avant l'échéance, si l'intention contraire des parties ne ressort ni des clauses ou de la nature du contrat, ni des circonstances.

5.1.3 Aux termes de l'art. 88 al. 1 CO, le débiteur qui paie a le droit d'exiger une quittance et, si la dette est éteinte intégralement, la remise ou l'annulation du titre. L'effet principal de la quittance établit une présomption de droit que la dette mentionnée a bien été éteinte (art. 89 al. 3 CO). Le créancier peut renverser cette présomption, notamment en établissant que la prestation n'a pas été fournie (Loertscher, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd. 2021, n. 8 ad art. 88).

Le but assigné à la quittance conditionne son contenu et sa forme. La quittance doit ainsi mentionner les noms du créancier et du débiteur, la prestation effectuée (par exemple le montant versé) et sa cause; il est d'usage d'y ajouter la date et le lieu de l'exécution. L'omission ou le défaut de clarté d'un élément n'affectent pas en soi la validité de la quittance (Loertscher, op. cit., n. 7 ad art. 88).

5.2 En l'espèce, il n'est plus contesté en appel que les avis comminatoires ont été valablement notifiés aux appelantes ni que le montant qui y était réclamé était exigible. Seule est litigieuse la question de savoir si ce montant, soit 5'117 fr. correspondant aux loyer et charges de décembre 2020, ainsi qu'aux frais de rappel, avait déjà été payé par les appelantes, lesquelles prétendent s'être acquittées de montants trop importants auparavant, ce qui reviendrait à une exécution anticipée de leur obligation de paiement du loyer de décembre 2020.

Le 8 février 2021, l'intimée a transmis aux appelantes un relevé de compte (pièce 13 locataires), dont il ressortait que les loyers exigibles pour la période courant du 1er novembre 2016 au 1er février 2021 s'élevaient à 346'683 fr. 85 et que les locataires s'étaient acquittées d'un montant total de 327'895 fr. 50. Le total comprenait certains loyers à double, voire à triple, de sorte qu'il ne correspondait pas à ce qui était réellement exigible pour cette période. De même, le total des loyers encaissés englobait de nombreuses écritures comptables portant la mention "comptabilisation manuelle", qui représentaient des correctifs, de sorte que ce total ne correspondait pas à ce qui avait été effectivement versé par les appelantes pour la période concernée.

En conséquence, les appelantes ne peuvent prétendre que ce document valait quittance de paiement pour un montant total de 346'683 fr. 85. Ce document peut néanmoins valoir quittance de paiement pour les montants ne portant pas la mention "comptabilisation manuelle" et ne faisant pas l'objet des correctifs.

Aussi, il incombait aux appelantes de démontrer avoir payé un montant supérieur aux loyers exigibles, faute de quittance des paiements totaux renversant le fardeau de la preuve.

Les appelantes ont produit un document récapitulant les paiements qu'elles prétendent avoir effectués en faveur de l'intimée entre octobre 2016 et décembre 2020 (pièce 31), dont il ressort qu'elles auraient payé un montant de 268'704 fr. pour la période concernée.

La comparaison de ce document avec le décompte produit par l'intimée sous pièce 100 laisse apparaître que seule l'existence de quatre versements était contestée en première instance par cette dernière. Il s'agit d'un versement de 25'000 fr. qui serait intervenu le 10 mars 2017 - comptabilisé pour 15'000 fr. par l'intimée -, d'un versement de 5'050 fr. qui serait intervenu le 1er mai 2019, d'un versement de 5'078 fr. qui serait intervenu le 17 juin 2019 et d'un versement de 5'000 fr. qui serait intervenu le 8 juin 2020.

Seule la non prise en compte par le Tribunal du versement de 5'050 fr. du 1er mai 2019 est valablement contestée en appel.

Ce montant apparait dans le décompte établi par la régie le 8 février 2021 (pièce 13 locataires), sans qu'aucun correctif postérieur ne vienne l'annuler. Au demeurant, l'écriture faisant apparaître ce montant porte la mention "paiement BVR", ce qui démontre qu'il ne s'agit pas d'un correctif mais bien d'un montant effectivement versé par les appelantes ainsi que l'ont expliqué devant le Tribunal le représentant de l'intimée et le témoin G______. Les explications de l'intimée selon lesquelles ce versement aurait été comptabilisé le 17 avril 2019 n'emportent pas conviction, dans la mesure où un autre versement du même montant a été effectué par les appelantes à cette date. Il faut ainsi retenir que ce versement est prouvé, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges.

Par surabondance, il sera exposé, s'agissant du versement du 10 mars 2017 de 25'000 fr. comptabilisé à concurrence de 15'000 fr. par l'intimée, que les appelantes ont admis dans leur mémoire d'appel n'avoir versé que 15'000 fr. et sont revenues sur cela au stade de la réplique, en soutenant qu'elles avaient versé 25'000 fr. Même à supposer que cette argumentation soit recevable, elle n'emporte pas conviction dès lors que les appelantes ne sont pas parvenues à démontrer avoir versé 25'000 fr. le 10 mars 2017. En effet, bien que ce versement apparaisse dans le décompte établi par la régie le 8 février 2021 (pièce 13 locataires), il a fait l'objet d'un correctif de 10'000 fr. dans ce même décompte ainsi que cela ressort dudit document. Cela correspond d'ailleurs aux explications fournies au Tribunal par le représentant de la bailleresse et par le témoin GLOOR. Au demeurant, les récépissés de paiement produits par les appelantes ne permettent pas de démontrer qu'un montant supérieur à 15'000 fr. aurait été versé à cette date. C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a considéré que c'était bien un montant de 15'000 fr. qui avait été versé le 10 mars 2017 par les appelantes à l'intimée, ainsi que comptabilisé par cette dernière.

S'agissant du versement du 8 juin 2020 de 5'000 fr. non comptabilisé par l'intimée, l'appelante n'est pas parvenue à le démontrer, ce qui n'est plus contesté en appel.

S'agissant du versement du 17 juin 2019 de 5'078 fr. non comptabilisé par l'intimée, ainsi que l'a retenu le Tribunal, les appelantes sont parvenues à le démontrer au moyen d'un récépissé de paiement, ce qui n'est pas contesté en appel.

Au vu de ces éléments, les appelantes ont démontré avoir payé, pour la période courant du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2020, un montant de 253'704 fr. (268'704 fr. - 10'000 fr. - 5'000 fr.), étant précisé que le dernier versement est intervenu le 1er octobre 2020.

Dans la mesure où les loyers exigibles pour la période courant du 1er octobre 2016 au 30 novembre 2020 totalisaient 252'256 fr., les appelantes ont démontré avoir payé, pour cette période, un excédent de 1'448 fr. (253'704 fr. - 252'256 fr.), lequel était insuffisant pour éteindre ou compenser intégralement le loyer de décembre 2020 qui s'élevait à 5'078 fr., charges comprises. Il est constant que les appelantes n'ont procédé à aucun paiement supplémentaire après celui du 1er octobre 2020 et jusqu'à l'échéance du délai comminatoire au moins.

La question de savoir si les appelantes auraient dû exciper de compensation pour ce montant - excédentaire au 30 novembre 2020 - de 1'448 fr., ou si celui-ci pouvait être considéré comme un paiement anticipé partiel du loyer de décembre 2020 sur lequel portaient les avis comminatoires peut demeurer indécise.

En effet, même à supposer qu'il s'agissait d'un paiement anticipé partiel du loyer de décembre 2020, il incombait aux appelantes de signaler à l'intimée que le montant apparaissant dans les avis comminatoires était erroné, ou, à tout le moins, de démontrer qu'elles se seraient acquittées du montant en souffrance s'il avait été indiqué correctement. Faute de l'avoir fait, elles ne méritent pas d'être protégées et le congé doit être considéré comme efficace, malgré que les avis comminatoires portaient sur un montant plus important que celui effectivement dû.

Par conséquent, le jugement querellé sera confirmé par substitution de motifs.

6. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 30 septembre 2022 par B______ SÀRL contre le jugement JTBL/632/2022 rendu le 30 août 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/3212/2021-24-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.