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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/16287/2017

ACJC/297/2023 du 06.03.2023 sur JTBL/196/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16287/2017 ACJC/297/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 6 MARS 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 15 mars 2022, représenté par B______, ______, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

et

C______ SA, EN LIQUIDATION, intimée, comparant par Me Dominique LEVY, avocat, rue de Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/196/2022 du 15 mars 2022, notifié à A______ le surlendemain, le Tribunal des baux et loyers (ci-après, le Tribunal) a déclaré valable le congé notifié le 22 juin 2017 à A______ pour le 30 septembre 2017 concernant l'appartement de quatre pièces situé au 3ème étage, portes ______ et ______, de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (chiffre 1 du dispositif), constaté que la demande en prolongation de bail est devenue sans objet (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 2 mai 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après, la Cour), A______ (ci-après, le locataire ou l'appelant) a formé appel contre ce jugement. Il a, principalement, conclu à ce que la Cour constate une violation de son droit d'être entendu, cela fait, à ce qu'elle renvoie la cause au Tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation des ch. 1 à 3 du dispositif du jugement entrepris, cela fait, à ce que la Cour annule le congé litigieux.

b. Dans sa réponse du 2 juin 2022, C______ SA, en liquidation, (ci-après, C______ ou la bailleresse) a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 31 octobre 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 30 septembre 1965, D______, alors propriétaire, et A______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de deux pièces situé au 3ème étage, porte ______, de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.

Les locaux étaient destinés à l'usage d'habitation.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'une année du 1er octobre 1965 au 30 septembre 1966, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.

Le loyer annuel a été fixé par le contrat à 650 fr.

b. Le 1er octobre 1976, les parties ont conclu un nouveau contrat de bail portant sur un appartement de quatre pièces situé au 3ème étage, portes ______ et ______, de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève. L'appartement précité était composé de deux logements de deux pièces chacun que le locataire était autorisé à réunir.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale d'une année du 1er octobre 1976 au 30 septembre 1977, renouvelable ensuite tacitement d'année en année. Le préavis de résiliation était de trois mois.

Le loyer annuel a été fixé en dernier lieu à 5'640 fr. dès le 1er octobre 1992.

c. A une date indéterminée, C______ est devenue propriétaire de l'immeuble abritant ces locaux.

d. Par jugement du 4 février 1998, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de C______.

e. Par pli du 4 juin 2009, la bailleresse a informé le locataire qu'elle avait pour projet de rénover et transformer l'immeuble en faisant passer le nombre de logements de dix-neuf à six. Les travaux impliquaient que l'immeuble soit vide et il était donc impératif que les locataires de l'immeuble aient quitté les lieux avant le début des travaux. Des propositions de relogement leur seraient faites. Les loyers annuels des futurs logements étaient fixés après travaux à 9'750 fr. pour les trois pièces, 16'250 fr. pour les cinq pièces et 23'250 fr. pour les six pièces, charges non comprises.

f. Le coût de ces travaux était alors estimé à 3'660'000 fr.

g. Le 17 janvier 2013, la bailleresse a obtenu l'autorisation relative à la rénovation de l'immeuble, à l'installation d'un ascenseur et à la transformation des appartements (DD 2______).

L'autorisation prévoyait que, les travaux de transformation nécessitant le départ des locataires, l'ouverture du chantier était subordonnée à leur relogement à satisfaction.

h. Sept locataires de l'immeuble ont recouru contre cette autorisation. Tant le Tribunal administratif de première instance que la Chambre administrative de la Cour de justice ont rejeté les recours par jugement du 19 novembre 2013, respectivement par arrêt du 3 mai 2016.

Dans l'arrêt du 3 mai 2016, la Cour a toutefois donné acte à la bailleresse de son engagement, une fois l'autorisation de construire DD 2______ entrée en force et préalablement à l'ouverture du chantier, de solliciter l'autorisation du Conseil d'Etat pour ce faire, l'immeuble ayant été déclaré monument classé par arrêté du Conseil d'Etat du 30 octobre 2013. Elle a expressément relevé que les objets du classement avaient été pris en compte lors de l'octroi de l'autorisation litigieuse.

Le Tribunal fédéral a, dans un arrêt du 27 février 2017, également rejeté le recours intenté par les six locataires contre l'arrêt de la Cour de justice.

Il ressort notamment de cet arrêt que l'immeuble en question était dans un état de délabrement avancé : toiture dégradée, ensemble de la charpente à revoir, planchers intérieurs à vérifier et à renforcer, installations électriques à refaire ou à créer, logements très dégradés (sanitaires et cuisines soit vétustes soit manquants et logements ne correspondant pas aux normes d'habitabilité actuelles); et que le projet était conforme à la LDTR dans la mesure où il visait à créer six appartements de trois, cinq et six pièces, soit des logements répondant quant à leur genre et à leur loyer aux besoins prépondérants de la population. La bailleresse avait acquis l'immeuble dans le but de le revendre une fois transformé. Le dépôt d'une demande d'autorisation de rénover un immeuble délabré dans la perspective de le revendre était de nature à faciliter le processus de liquidation d'une société immobilière. Dans ces conditions, cette opération avait pour but de valoriser les actifs en vue de la liquidation de la société et pouvait entrer dans les cas prévus à l'article 743 al. 1
et 3 CO (obligations des liquidateurs).

i. Par avis de résiliation du 22 juin 2017, la bailleresse a résilié le bail du locataire pour le 30 septembre 2017 en raison des importants travaux projetés.

j. Par requête du 17 juillet 2017, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation du 3 septembre 2018 et portée devant le Tribunal le 25 septembre 2018, le locataire a conclu principalement à l'annulation du congé et subsidiairement à une prolongation de bail de quatre ans échéant le 30 septembre 2021 avec possibilité de résilier le bail en tout temps moyennant un préavis de 15 jours pour le 15 ou la fin d'un mois.

k. Dans sa réponse du 22 novembre 2018, la bailleresse a conclu à la validation de la résiliation et au refus de toute prolongation de bail.

l. Lors de l'audience du Tribunal du 30 janvier 2019, les parties ont persisté dans leurs conclusions. Le locataire a requis la production d'un certain nombre de pièces, ce à quoi s'est opposée la bailleresse.

m. Les parties ont été interrogées par le Tribunal lors de l'audience du 3 octobre 2019.

E______, représentant de la bailleresse, a déclaré que l'immeuble était en très mauvais état et qu'il y avait urgence, car la toiture posait un problème de sécurité. L'autorisation de construire était en force et la bailleresse attendait seulement que l'immeuble soit vidé pour pouvoir débuter les travaux. Des échafaudages allaient être posés. Il n'y avait toutefois pas encore d'agenda ni de date prévue pour le début du chantier. Les travaux de la toiture seraient effectués en premier. Ceux-ci ne nécessitaient pas que les locaux soient vides, mais les travaux à l'intérieur de l'immeuble devaient suivre rapidement, afin de profiter de l'installation des échafaudages pour faire l'ensemble des travaux. La bailleresse ne disposait pas encore de l'autorisation du Conseil d'Etat et était consciente que, sans la décision de ce dernier, les travaux ne pourraient pas débuter. L'architecte mandaté depuis début septembre 2019, F______, s'en chargerait. La bailleresse avait les moyens de financer les travaux. Il pourrait être envisageable de proposer aux locataires de réintégrer leur logement après travaux s'ils arrivaient à se mettre d'accord sur les loyers.

Le conseil du locataire a persisté à solliciter la production des pièces demandées lors de la première audience notamment s'agissant de la situation financière de la bailleresse, ce à quoi s'est opposé le conseil de cette dernière.

Le locataire a déclaré avoir toujours effectué à ses frais les travaux nécessaires dans son appartement sans rien demander à la régie. Il avait dû appeler les pompiers environ un mois auparavant, car il avait vu quelque chose dépasser du toit. Il s'agissait de plus de 200 kilos de planches de bois pourri. Les pompiers avaient dû "tout descendre" tant la situation était dangereuse. Les logements de remplacement proposés ne lui convenaient pas, car ils étaient beaucoup plus chers que son loyer actuel et qu'il n'avait pas les moyens de payer ce prix. Il ne cherchait pas de logement et ne voulait pas déménager. S'agissant de sa situation personnelle et financière, il était âgé de 87 ans et souffrait de problèmes cardiaques; il percevait environ 2600 fr. par mois.

n. Le même jour, G______, autre locataire de l'immeuble litigieux, a été entendu dans le cadre de la procédure relative à son propre congé. Le procès-verbal de son audition a été versé à la présente procédure.

G______ a déclaré qu'il ne payait pas de loyer. Quand il était arrivé, les locaux étaient inhabitables. La régie lui avait dit qu'il pouvait les prendre, mais qu'il devait les rendre habitables à ses frais, ce qu'il avait fait dans les années 1990. L'immeuble était vétuste, et la bailleresse faisait "n'importe quoi" en détruisant des sanitaires ou des murs porteurs, ce qui avait causé de gros dégâts. Les locataires de l'immeuble avaient dû récemment faire intervenir les pompiers.

o. Le 22 février 2019, le Département du territoire a prolongé d'une année la validité de l'autorisation de construire DD 2______, soit au 27 février 2020.

En août 2019, des éléments de maçonnerie sont tombés du toit dans la cour de l'immeuble, ce qui a nécessité l'intervention du Service d'incendie et de secours. Ce dernier a procédé à l'évacuation de panneaux de coffrage pourris du toit, lesquels menaçaient de tomber sur la voie publique.

Suite à cet événement, et pour respecter le délai fixé au 27 février 2020, la bailleresse a annoncé officiellement l'ouverture du chantier au Département le 18 novembre 2019 et posé des échafaudages.

Par courriel du 4 mai 2020, la Direction de l'inspectorat de la construction a constaté que certaines conditions de l'autorisation de construire - qui n'était pas caduque car le chantier avait été ouvert à temps -, notamment le relogement des locataires à leur satisfaction, n'avaient pas été respectées. Un arrêt de chantier immédiat après sécurisation des lieux était ainsi ordonné. Seuls des travaux afin de sécuriser la toiture pouvaient être réalisés.

La bailleresse a recouru contre cet ordre d'arrêt de chantier le 3 juin 2020 par devant le Tribunal administratif de première instance, sans succès. Par jugement du 24 août 2021, ce Tribunal a retenu que la condition du relogement des locataires ne souffrait aucune exception, qu'il s'agisse de travaux dans les parties communes ou non de l'immeuble, et s'appliquait donc à l'ensemble des travaux de la DD 2______, y compris la toiture. La Chambre administrative de la Cour a rejeté le recours de C______ contre ce jugement le 21 décembre 2021. Enfin, le Tribunal fédéral a, par arrêt du 20 avril 2022 (______/2022), rejeté le recours de C______ contre l'arrêt de dernière instance cantonale.

p. Le Tribunal a procédé à l'audition de témoins lors des audiences des 5 mars 2020 et 18 mars 2021.

H______, déléguée à la CMNS jusqu'en 2018, a déclaré être intervenue en 2014 sur l'immeuble litigieux dans lequel elle s'était rendue suite à un recours contre l'autorisation de transformation du bâtiment. Tout le groupe de la CMNS concerné, y compris elle-même, avait participé à la délivrance du préavis avant l'autorisation de construire. Il était favorable au projet avec des nuances, et sous conditions. La CMNS avait fait une demande de classement de l'immeuble, demande qui avait abouti.

F______, architecte en charge des travaux de rénovation et de transformation de l'immeuble litigieux depuis le mois d'octobre 2019, a déclaré qu'il avait été nécessaire de commencer les travaux prévus par l'autorisation de construire DD 2______ datant de 2013 avant le 27 février 2020 pour éviter que l'autorisation de construire devienne caduque. Une ouverture officielle de chantier avait donc été annoncée au Département pour cette raison, mais également en raison du fait qu'en août 2019, des éléments de toiture étaient tombés dans la cour et que les pompiers avaient dû intervenir. Il était plus qu'urgent d'intervenir sur ce toit pour des raisons de sécurité. Les travaux qui devaient commencer d'urgence étaient des travaux de façade et de toiture qui ne nécessitaient pas d'intervention à l'intérieur de l'immeuble. L'autorisation de construire ne permettait pas de faire des travaux de transformation à l'intérieur de l'immeuble tant que les locataires étaient présents, mais rien n'empêchait de faire des travaux à l'extérieur en présence des locataires. L'intérieur interviendrait dans une deuxième phase quand les locaux seraient vides. Des échafaudages côté 1______[nom de la rue] avaient été installés, mais les travaux ne commenceraient pas tout de suite, car il y avait un travail d'analyse à faire avec le Service des Monuments et des Sites. Le fait que le bâtiment soit classé renforçait les dispositions à prendre et le budget des travaux s'en ressentait également. Il ignorait le budget des travaux et n'avait pas connaissance de l'engagement pris par la bailleresse de solliciter l'autorisation du Conseil d'Etat avant d'ouvrir le chantier, ne se sentant pas concerné par cela, et ajoutant qu'il n'entendait pas lui-même demander une telle autorisation.

I______, gérant auprès du J______ SA depuis 2016, a confirmé que les baux avaient été résiliés en raison des travaux et que des propositions de relogement avaient été adressées aux locataires. K______, liquidateur de la bailleresse, lui avait confirmé que cette dernière avait les moyens de payer ces travaux, ceci bien que la bailleresse soit en liquidation.

q. A l'issue de l'audience du 18 mars 2021, le locataire a persisté à demander la production du dossier du Département et le plan des travaux, seule manière selon lui d'avoir des informations sur l'état actuel de la procédure administrative et notamment la question de savoir si l'autorisation de construire était toujours en force.

La bailleresse s'y est opposée, relevant que l'autorisation de construire était toujours valable.

r. K______, liquidateur de la bailleresse, a été entendu par le Tribunal le 30 septembre 2021.

Il avait signalé au Département et aux autorités judiciaires la nécessité de pouvoir reprendre les travaux aussi vite que possible en raison des problèmes de sécurité relatifs à la toiture et la façade. Seuls trois locataires étaient encore présents dans l'immeuble selon l'état locatif. K______ ignorait s'il y avait d'autres personnes dans l'immeuble, précisant que si tel était le cas, il s'agissait de squatteurs. Selon lui, l'autorisation de construire était en force et une autorisation du Conseil d'Etat n'était pas nécessaire. K______ a ajouté ne pas avoir connaissance de l'arrêt de la chambre administrative du 3 mai 2017. S'ils obtenaient l'autorisation de poursuivre les travaux, ils feraient les travaux extérieurs et, à l'intérieur, dans les appartements qui ne seraient pas occupés. La bailleresse avait proposé des solutions de relogements aux locataires restants. Elle ne souhaitait pas que ces locataires reviennent après les travaux. En tout état, les loyers seraient beaucoup plus élevés et les locataires n'auraient probablement pas les moyens de les assumer. La bailleresse disposait des fonds propres nécessaires pour poursuivre les travaux, tant extérieurs qu'intérieurs.

s. A l'issue de l'audience du 30 septembre 2021, le locataire a sollicité que la bailleresse produise un budget actualisé des travaux, un véritable agenda des travaux, l'expertise du Service des Monuments et des Sites, l'apport du dossier du Département et du plan des travaux, ainsi que des pièces sur la situation financière de la bailleresse et sa capacité à assumer le coût des travaux. Il a également demandé l'audition de deux témoins supplémentaires ou alternativement une inspection locale.

La bailleresse s'est opposée à la production de ces pièces et aux réquisitions de preuves.

t. Par ordonnance du 4 octobre 2021, le Tribunal a renoncé à l'administration de preuves supplémentaires et fixé aux parties un délai au 30 novembre 2021 pour le dépôt de leurs plaidoiries écrites, délai prolongé au 3 janvier 2022.

u. Par plaidoiries finales du 23 décembre 2021, les parties ont persisté dans leurs conclusions. Le locataire a produit des pièces complémentaires, en particulier des articles de presse relatifs à des sociétés ayant les mêmes administrateurs que C______, lesquelles laisseraient des immeubles à l'abandon après les avoir vidés de leurs locataires.

v. A réception de ces écritures et pièces, la cause a été gardée à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a constaté que le congé était motivé par des travaux importants, modifiant le nombre d'appartements dans l'immeuble, pour lesquels une autorisation de construire avait été obtenue. Plusieurs procédures judiciaires menées par la bailleresse montraient sa volonté réelle de réaliser les travaux. Seule la suspension du chantier - prononcée par les autorités administratives car certains locataires n'avaient pas été relogés - empêchait celui-ci de débuter. Le fait que la bailleresse était en liquidation n'était pas un obstacle en soi à la réalisation du projet. Le motif de résiliation était réel, du point de vue du droit du bail. Le congé était donc valide.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91
al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; Spühler, Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème édition, 2017, n. 9 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1
let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel du logement s'élève à 5'640 fr.

La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr. (5'640 fr. x 3 = 16'920 fr.).

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelant invoque une violation de son droit d'être entendu, soit, plus précisément, une violation du droit à la preuve et du devoir de motiver.

2.1
2.1.1
Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend notamment pour l'intéressé celui de se déterminer avant que ne soit prise une décision touchant sa situation juridique, d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles, ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 136 I 265 consid. 3.2; 135 II 286 consid. 5.1; 132 II 485 consid. 3.2; 127 I 54 consid. 2b).

Le droit à la preuve se déduit également de l'art. 8 CC et trouve désormais une consécration expresse à l'art. 152 CPC (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 138 III 374 consid. 4.3.1). Il confère au justiciable le droit de faire administrer les moyens de preuve adéquats qu'il propose régulièrement et en temps utile à l'appui de faits pertinents pour le sort du litige (ATF 140 I 99 consid. 3.4; 133 III 295 consid. 7.1; 129 III 18 consid. 2.6). En revanche, le droit à la preuve n'est pas mis en cause lorsque le juge, par une appréciation anticipée, arrive à la conclusion que la mesure requise n'apporterait pas la preuve attendue, ou ne modifierait pas la conviction acquise sur la base des preuves déjà recueillies (ATF 143 III 297 consid. 9.3.2; 141 I 60 consid. 3.3; 138 III 374 consid. 4.3.2; 129 III 18 consid. 2.6).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne, par principe, l'annulation de la décision attaquée, sans égard aux chances de succès du recours au fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1). En d'autres termes, si l'autorité précédente a violé des garanties formelles de procédure, la cassation de sa décision demeure la règle, dans la mesure où les justiciables peuvent, en principe, se prévaloir de la garantie du double degré de juridiction (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et 2.7).

2.1.2 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_567/2019 du 23 janvier 2020 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, l'appelant invoque une violation du droit à la preuve consacrée par le refus du Tribunal d'ordonner la production du budget actualisé des travaux envisagés par la bailleresse. En l'absence de ce document, il ne pouvait être retenu que celle-ci pouvait mener à bien les travaux. Il en allait de même pour l'agenda des travaux, une expertise du Service des monuments et des sites, ainsi que des pièces relatives à la situation financière de la bailleresse.

Ainsi qu'il sera vu ci-après, l'appréciation anticipée des preuves susvisées par le Tribunal échappe à la critique. Celui-ci pouvait à bon droit retenir qu'il était inutile d'ordonner la production de ces pièces, dans la mesure où le caractère réel du projet de rénovation envisagé par l'appelante avait été suffisamment démontré.

Ce grief sera donc rejeté.

2.3 Quant à la prétendue violation du devoir de motiver, l'appelant fait grief au Tribunal de n'avoir pas discuté la question de la capacité financière de la bailleresse à mener à bien son projet. Or, cette question a été discutée par le Tribunal, qui a retenu que la liquidation de la bailleresse n'était pas un obstacle à la poursuite du projet et qu'elle valorisait ainsi ses actifs. Cette motivation est suffisante pour comprendre que le Tribunal a considéré qu'il ne possédait pas d'indices permettant de retenir que les travaux de rénovation ne pourraient pas être menés à bien pour des raisons financières.

En outre, l'appelant reproche au Tribunal de n'avoir pas suffisamment discuté les empêchements de droit administratif qui interdisaient, selon lui, la poursuite et la réalisation de la rénovation. L'obligation du Tribunal de motiver n'implique pas de discuter/traiter tous les éléments figurant au dossier. En l'occurrence, le Tribunal s'est tenu, à satisfaction de droit, aux faits pertinents liés à la volonté réelle de la bailleresse et à la capacité de mener à bien les travaux. Il a par ailleurs évoqué les questions de droit public, dans la mesure de sa compétence. Ce raisonnement est fondé, ainsi qu'il sera vu ci-après, et suffisamment motivé.

Enfin, l'appelant reproche au Tribunal de n'avoir pas discuté la question du caractère fautif de l'état de délabrement de l'immeuble et de la volonté, répétée dans d'autres immeubles gérés par les animateurs de la bailleresse, de laisser à l'abandon l'immeuble visé par la présente procédure. Ces questions n'ont que peu de rapport avec la volonté réelle de la bailleresse d'effectuer à ce stade les travaux, dont l'appelant ne conteste pas qu'ils nécessitent son départ. Il n'appartient pas au juge appelé à statuer sur la résiliation de bail fondée sur des travaux importants de déterminer si la chose louée était exempte de défaut et correctement entretenue.

Les griefs fondés sur une prétendue violation du devoir de motivation seront aussi rejetés.

3. L'appelant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 271 CO en retenant que le congé était valable.

3.1
3.1.1
Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée pour la prochaine échéance légale ou contractuelle; aucun motif particulier n'est exigé (art. 266a al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1). Le bailleur peut ainsi congédier le locataire pour exploiter son bien de la façon la plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation ou de rénovation importants (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1) ou pour optimiser son rendement (ATF 136 III 190 consid. 2). Cette liberté trouve cependant ses limites dans les règles de la bonne foi : la résiliation des baux d'habitations ou de locaux commerciaux est annulable lorsqu'elle contrevient auxdites règles (art. 271 al. 1 CO; cf. aussi art. 271a CO). De façon générale, un tel cas de figure est réalisé lorsque la résiliation ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, est purement chicanière ou consacre une disproportion manifeste des intérêts en présence (ATF 140 III 496 consid. 4.1). A cet égard, il ne suffit pas que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire, cet élément pouvant en revanche justifier une prolongation de bail (cf. art. 272 al. 1 CO; ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_435/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1.1).

Pour résoudre la question juridique de savoir si le congé contrevient à la bonne foi, il faut connaître le motif réel de son auteur, ce qui revient à constater un fait (ATF 136 III 190 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2018 du 8 mai 2019 consid. 2.1.1; 4A_476/2016 du 20 février 2017 consid. 2.2.1). Le juge doit se placer au moment où la résiliation a été notifiée (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1). Des faits survenus ultérieurement ne sont pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification: si le motif pour lequel le congé a été donné tombe par la suite, le congé ne devient pas abusif a posteriori. En revanche, des faits ultérieurs peuvent fournir un éclairage sur les intentions de l'intéressé au moment de la résiliation (ATF 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_435/2021 précité consid. 3.1.1; 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 3.4; 4A_67/2016 du 7 juin 2016 consid. 6.1).

3.1.2 La partie qui veut faire annuler le congé doit prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne foi. L'auteur du congé doit toutefois collaborer à la manifestation de la vérité, devoir qui comprend en particulier l'obligation d'indiquer, sur requête, le motif du congé (art. 271 al. 2 CO); en cas de contestation, il doit fournir tous les documents nécessaires pour établir ledit motif (ATF 138 III 59 consid. 2.1). La motivation n'est pas une condition de validité du congé, mais une simple incombance pour l'auteur du congé. Cela étant, une motivation lacunaire ou fausse peut être l'indice que le congé n'obéit à aucun intérêt digne de protection. Aussi le caractère abusif est-il généralement retenu lorsque le motif invoqué n'est qu'un prétexte, tandis que le véritable motif n'est pas constatable. De la même manière, le fait de tarder à justifier le congé ou de varier dans les motifs indiqués peut être le signe d'un abus; il peut aussi avoir une incidence pour la répartition des frais de procès (ATF 143 III 344 consid. 5.3.1 et 5.3.4; 138 III 59 consid. 2.1 et 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_435/2021 précité consid. 3.1.2).

3.1.3 D'après la jurisprudence fédérale, le congé donné pour effectuer des travaux de rénovation a été jugé contraire à la bonne foi notamment dans les cas suivants :

1) Lorsque le projet de travaux est dépourvu de réalité tangible, respectivement lorsqu'il n'est pas possible d'apprécier l'importance des travaux envisagés et de déterminer si ceux-ci nécessitent le départ des locataires (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1 et 3.2.3; 140 III 496 consid. 4.2.2; 135 III 112 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2; 4A_127/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2.4; 4A_703/2016 du 24 mai 2017 consid. 4.2 non publié à l'ATF 143 III 344). Il en est de même s'il apparaît que la présence du locataire n'occasionnerait pas de complications ou de retards, ou seulement de manière négligeable, par exemple en cas de réfection des peintures ou de travaux extérieurs (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 135 III 112 consid. 4.2). Savoir si le maintien du locataire dans les locaux entraînerait des complications d'ordres technique et organisationnel, augmenterait les coûts ou prolongerait la durée du chantier dépend des travaux envisagés. Aussi faut-il qu'au moment de la résiliation, le bailleur dispose d'un projet suffisamment mûr et élaboré pour permettre de constater concrètement que la présence du locataire entraverait les travaux. Sur la base des faits allégués et prouvés, le juge doit pouvoir se convaincre avec certitude de l'existence du projet de travaux, de la volonté et de la possibilité pour le bailleur de le réaliser et de la nécessité que les locataires quittent définitivement les locaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 4.2.2). A elle seule, la ferme intention générale de rénover et transformer un immeuble n'est pas suffisante (ATF 140 III 496 consid. 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_435/2021 précité consid. 3.1.3).

2) Lorsque le congé est donné sur la base d'un projet qui paraît objectivement impossible, notamment parce qu'il est de toute évidence incompatible avec les règles du droit public, de sorte que le bailleur n'obtiendra certainement pas les autorisations nécessaires. La preuve de l'impossibilité objective incombe au locataire. Il n'est cependant pas nécessaire que le bailleur ait déjà obtenu les autorisations administratives nécessaires, ni même qu'il ait déposé les documents dont elles dépendent (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2; 4A_127/2017 précité consid. 2.4; 4A_703/2016, précité, consid. 4.2). Il s'agit de pronostiquer si, au moment où le congé a été donné, l'autorisation des travaux envisagés paraissait de toute évidence exclue; une probabilité non négligeable de refus n'est pas suffisante (ATF 140 III 496 consid. 4.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_435/2021 précité consid. 3.1.3; 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2; 4A_142/2017 du 3 août 2017 consid. 4.1).

3.1.4 La loi genevoise sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi; LDTR ; L 5 20) contient des prescriptions concernant la présence de locataires dans l'immeuble à transformer ou dont l'affectation doit être changée. Ainsi, l'art. 42
al. 4 LDTR prévoit que l'ouverture du chantier est subordonnée au relogement des locataires touchés par l'autorisation définitive. En outre, à teneur de l'art. 43 al. 1 1ère phr. LDTR, le propriétaire a l'obligation d'informer au préalable et par écrit les locataires et de les consulter "en dehors de toute résiliation de bail", lorsqu'il a l'intention d'exécuter des travaux au sens de la LDTR.

En principe, la réglementation de droit civil est exclusive et les cantons ne peuvent adopter des règles de droit privé dans les domaines régis par le droit fédéral que si ce dernier leur en réserve la possibilité (art. 5 al. 1 CC; ATF 117 Ia 328 consid. 2b; 113 Ia 309 consid. 3b et l'arrêt cité). En matière de bail, la réglementation fédérale est exhaustive, sous réserve de la compétence laissée aux cantons d'édicter certaines règles de droit privé complémentaires (art. 257e al. 4, art. 270 al. 2 CO) (ATF 117 Ia 328 consid. 2b p. 331). A défaut d'une telle réserve, il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail (cf. ATF 117 Ia 328 consid. 2a et 2b; 116 Ia 401 consid. 4b/aa et les arrêts cités; 137 I 135 consid. 2.5.1).

Une seule et même matière peut toutefois être régie à la fois par des règles de droit privé fédéral et par des règles de droit public cantonal.

Dans les domaines régis par le droit civil fédéral, les cantons conservent en effet la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 CC à condition toutefois que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive (en ce sens qu'il n'entendait laisser aucune place pour du droit public cantonal sur la même matière), que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 135 I 106 consid. 2.1; 131 I 333 consid. 2.1; 130 I 169 consid. 2.1; 129 I 330 consid. 3.1; 129 I 402 consid. 2 p. 404 et les arrêts cités).

Les cantons demeurent par exemple libres d'édicter des mesures destinées à combattre la pénurie dans le secteur locatif dans la mesure où leur finalité n'est pas d'intervenir dans les rapports entre bailleur et preneur (ATF 89 I 178 consid. 3d; 137 I 135 consid. 5.1.2).

Selon la jurisprudence, l'expression "en dehors de toute résiliation du bail" ne signifie pas que toute résiliation de bail est interdite durant la procédure d'autorisation des travaux. Elle signifie tout au plus que l'obligation d'informer et de consulter les locataires est indépendante de la procédure de résiliation de bail et ne produit aucun effet sur les conditions de celle-ci. Prise dans ce sens, la formule contestée n'offre aucune protection spéciale aux locataires et laisse au droit fédéral le soin de régler les questions touchant aux résiliations. Une telle disposition se prête donc à une interprétation conforme au droit fédéral. Le Tribunal fédéral a aussi retenu qu'une loi au terme de laquelle la demande de vendre un appartement loué devrait être déposée en dehors de toute résiliation de bail, constituait une mesure de protection des locataires incompatible avec le droit fédéral (ATF 113 Ia 143 /144 consid. 9d). Ainsi, la mention "en dehors de toute résiliation du bail" ne produit aucun effet dans les rapports entre bailleurs et locataires et ne peut en aucun cas empêcher une résiliation de bail dans la procédure d'information et de consultation qu'elle institue (ATF 116 IAa 401 consid. 8).

3.1.5 La chambre administrative de la Cour a jugé de façon constante qu'en matière de qualité pour recourir des locataires, lorsque la décision litigieuse implique la démolition de locaux qui font l'objet d'un bail à loyer, le locataire ne peut plus se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'autorisation de démolition, dès lors qu'il a reçu son congé. En effet, quand bien même il conteste ce dernier, la procédure ouverte à ce sujet ne peut aboutir qu'à deux solutions alternatives : si la résiliation du bail est annulée, la démolition ne peut plus avoir lieu et le locataire perd son intérêt au recours; si, au contraire, le congé est confirmé, le locataire, qui doit quitter les lieux, n'est plus concerné par le projet de démolition et n'a ainsi plus d'intérêt pratique à recourir (voir parmi d'autres ATA/1755/2019 du 3 décembre 2019 et les références citées).

3.2 En l'espèce, l'appelant reproche aux premiers juges d'avoir retenu que le projet de travaux était réel et réalisable, étant donné que la bailleresse n'avait pas prouvé sa capacité financière à mener à bien le projet. Il était nécessaire qu'elle produise davantage de documents à ce sujet. En outre, il existait des empêchements de droit public à l'accomplissement des travaux, à savoir l'absence d'autorisation obtenue du Conseil d'Etat telle que prévue à l'art. 15 de la loi genevoise sur la protection des monuments, de la nature et des sites (LPMNS; L 4 05) et l'obligation de reloger les locataires.

L'appelant ne conteste donc plus que l'importance des travaux tels qu'envisagés par la bailleresse implique son départ.

Il ne remet pas non plus en cause le fait que l'autorisation de construire est en force, ni que le chantier a été ouvert dans le délai imparti.

Pour étayer son argumentation, il prétend que d'autres immeubles gérés par la bailleresse et / ou ses animateurs auraient subi le même sort et auraient été laissés à l'abandon. Ce fait, pour peu qu'il soit avéré, ne permettrait cependant pas de conclure que, dans le cas d'espèce, la volonté de rénover n'est pas réelle. En effet, s'agissant de la problématique de la capacité de la bailleresse à réaliser les travaux litigieux, l'obtention de l'autorisation de construire est un indice fort de l'existence d'un projet sérieux de sa part. D'ailleurs, cette intention de rénover l'immeuble, qui apparaît à ce stade nécessaire au vu de son état de délabrement et de l'obligation de procéder à des travaux d'urgence, avait été exprimée dans les années 1990 déjà. Il est vrai que la mise en faillite de la bailleresse intervenue entretemps ne présage a priori pas d'une santé financière solide de sa part, mais, ainsi que l'a retenu à juste titre le Tribunal, cette seule circonstance ne permet pas de retenir qu'elle serait incapable de réaliser les travaux. Etant propriétaire de cet immeuble, dont la valeur est, au vu de sa situation, potentiellement importante, il apparaît vraisemblable qu'elle dispose ou qu'elle puisse disposer des fonds nécessaires pour mener à bien le projet. A fortiori, la faillite ouverte depuis 1998 aurait en toute hypothèse été clôturée, s'il apparaissait que l'immeuble ne pouvait pas être valorisé pour désintéresser les créanciers. En outre, les nombreuses procédures judiciaires menées, ainsi que les travaux déjà réalisés, démontrent encore que ce projet est réel. Au vu des réquisits posés par la jurisprudence, il apparaîtrait excessif de demander à la bailleresse de produire d'autres pièces, par exemple des états financiers attestant de sa capacité à mener à bien le chantier. De tels documents prêteraient nécessairement matière à discussion - une preuve stricte documentaire de la capacité financière de mener un tel chantier paraissant difficilement concevable -, ce que démontre le caractère imprécis et large des réquisitions de preuves de l'appelant, qui demande tout à la fois le budget du chantier, des pièces comptables et des documents bancaires. Il n'en irait pas différemment d'un agenda des travaux. Il est par ailleurs prévisible que la capacité de la bailleresse à mener les travaux conditionne elle-même sa situation financière. Par conséquent, les premiers juges ont considéré à bon droit que le projet de mener des travaux était réel et ne relevait pas d'une apparence abusive destinée à fonder des résiliations de bail.

S'agissant ensuite des contraintes résultant de normes de droit administratif, l'appelant perd de vue que l'autorité de céans n'a point de compétence pour en connaître.

Tout au plus, les normes de droit public pourraient-elles être pertinentes en tant qu'il serait démontré qu'elles rendraient la réalisation du chantier impossible, mais tel n'est pas le cas. La question du relogement des locataires est en effet indépendante d'une éventuelle résiliation de leur bail. A suivre le raisonnement de l'appelant, il bénéficierait d'une protection supplémentaire contre les congés résultant de l'application du droit public cantonal, ce qui n'est pas envisageable. En effet, le droit public cantonal ne peut pas poser des conditions plus strictes à la résiliation des baux régis par le droit privé fédéral, en vertu de l'exhaustivité et de la force dérogatoire de celui-ci. Ainsi, seuls les locataires en possession d'un bail en cours peuvent prétendre au relogement en vertu de la LDTR, mais non ceux qui voient leur bail résilié, ce qui est le cas en l'espèce.

S'agissant de l'autorisation devant être demandée au Conseil d'Etat, la bailleresse a pris l'engagement devant la Chambre administrative de la Cour de la requérir. Si les déclarations de ses représentants et mandataires entendus par le Tribunal apparaissent fluctuantes à ce sujet, comme le souligne l'appelant, cela ne change rien au fait qu'il n'apparaît pas que cette autorisation puisse constituer un obstacle réel à la réalisation de travaux nécessitant le départ des locataires. En effet, d'une part, le délabrement des locaux implique que, dans un avenir proche, des travaux lourds soient entrepris. D'autre part, les éléments essentiels de l'autorisation à demander au Conseil d'Etat, en lien avec le caractère protégé de la bâtisse, ont déjà été pris en compte au moment de l'octroi de l'autorisation de construire sur laquelle se fonde la bailleresse.

Aucun obstacle administratif à la poursuite des travaux de rénovation n'existe.

Enfin, seuls trois locataires demeurent dans l'immeuble. Il n'existe ainsi pas de disproportion des intérêts en présence à ce que l'appelant, certes âgé et de condition modeste, ne doive quitter son logement pour permettre une rénovation aboutissant à la valorisation d'un immeuble largement inoccupé, située en pleine ville et destiné à terme et, conformément à l'autorisation de construire, à abriter des logements répondant au besoin de la population. Comme il l'a déjà été retenu, le fait que la bailleresse ait par hypothèse laissé l'état de l'immeuble se dégrader n'a pas à être examiné ici, étant précisé qu'aucune preuve n'a été apportée permettant de soutenir l'hypothèse insolite que la bailleresse aurait volontairement omis d'entretenir l'immeuble pour pouvoir, de mauvaise foi, résilier le bail de l'appelant.

Les griefs de l'appelant seront donc rejetés.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 2 mai 2022 par A______ contre le jugement JTBL/196/2022 rendu le 15 mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/16287/2017-5-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.