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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/26150/2020

ACJC/158/2023 du 06.02.2023 sur JTBL/514/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.197; CPC.130; CC.2; Cst.29.al1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26150/2020 ACJC/158/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 6 FEVRIER 2023

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 30 juin 2022, comparant par Me Luca MINOTTI, avocat, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

1) Monsieur B______, et C______ SA, p.a. Restaurant D______, ______, intimés, comparant tous deux par Me Marco ROSSI, avocat, quai Gustave-Ador 2,
1207 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

2) E______ SA, sise ______, autre intimée,

3) F______ SA, p.a. régie G______, ______, autre intimée,

4) Monsieur H______, p.a. Restaurant D______, ______, autre intimé, comparant en personne,

5) Monsieur I______, c/o M. A______, ______, autre intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/514/2022 du 30 juin 2022, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure simplifiée, a dit que l'autorisation de procéder du 22 novembre 2021 n'était pas valable (ch. 1 du dispositif), a débouté A______ des fins de sa demande (ch. 2) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 3).

Le Tribunal a retenu que l'acte de conciliation ne mentionnait pas les colocataires du contrat de bail litigieux en qualité de parties défenderesses. Même au gré d'une lecture bienveillante, le fait de « se souvenir », d'une partie seulement, des autres colocataires ne suffisait pas à retenir que ces derniers avaient été valablement désignés comme parties défenderesses, A______ étant par ailleurs assisté d'un avocat. Les colocataires apparaissaient en cette qualité sur l'autorisation de procéder du 22 novembre 2021, de sorte qu'elle ne correspondait pas à la réalité procédurale au moment de l'introduction de l'instance. Il en allait de même de I______, mentionné dans l'autorisation de procéder en qualité de partie demanderesse, aux côtés de A______. Or, au moment de la saisine de l'autorité de conciliation, le précédent Conseil du précité n'était pas muni d'une procuration l'autorisant à agir pour I______ (art. 68 al. 3 CPC). Dès lors qu'il n'avait pas introduit d'action auprès de la Commission de conciliation, I______ ne pouvait donc apparaître comme partie demanderesse pour la suite de la procédure.

B. a. Par acte expédié le 1er septembre 2022 à la Cour de justice faisant figurer comme intimés C______ SA, E______ SA & F______ SA, B______, H______ et I______, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Il a conclu, principalement, à ce que la Cour dise que l'autorisation de procéder du 22 novembre 2021 est valable et constate sa légitimation active dans la présente cause, et, subsidiairement, à ce que la Cour renvoie la cause au Tribunal pour nouvelle décision.

Il a versé de nouvelles pièces (pièce C), soit une procuration du 16 novembre 2021 et D, soit un avenant au contrat de bail du 11 août 2022 dont résulte que E______ SA est devenue propriétaire des locaux aux côtés de F______ SA.

b. Dans leur réponse du 26 septembre 2022, F______ SA et E______ SA ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel, respectivement à la confirmation du jugement entrepris.

Elles ont produit une nouvelle pièce.

c. I______, H______, C______ SA et B______ ne se sont pas déterminés dans le délai fixé à cet effet.

d. A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique, les parties ont été avisées par plis du greffe du 6 décembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat du 25 octobre 2007, K______ SA et L______, alors propriétaires, ont remis à bail à H______, C______ SA, I______, A______ et B______, locataires, une arcade d'environ 80m2 située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis no. ______, rue 1______ à Genève.

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé à 48'000 fr., indexable à l'ISPC.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, renouvelable par la suite tacitement de cinq ans en cinq ans.

b. Ultérieurement, F______ SA est devenue propriétaire de l'entier de l'immeuble.

c. Par avis notifiés le 19 novembre 2020 au moyen des formules officielles à chacun des colocataires séparément, F______ SA a résilié le contrat de bail pour le 31 décembre suivant.

d. Par courrier recommandé du 2 décembre 2020, le conseil de A______ a informé la régie en charge de la gestion de l'immeuble représenter les intérêts du précité. Il a requis la motivation du congé ainsi que l'envoi d'une copie du contrat de bail.

Il a réitéré sa demande par pli du 14 décembre 2020.

e. Le 14 décembre 2020, A______ a, sous la plume de son précédent conseil, saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission) d'une requête en contestation de congé, concluant à son annulation. A cette occasion, il a indiqué « se souvenir » que figuraient à ses côtés sur le contrat de bail I______, B______ et « J______ SA ». Il a précisé que son frère, I______, résidait au Bangladesh mais pouvait être atteint à sa propre adresse.

f. Le 13 janvier 2021, la Commission a, pour la première audience appointée au 1er février 2021, cité A______, I______, "J______ SA" et B______, en qualité de parties demanderesses, et F______ SA, en tant que partie défenderesse.

g Le 25 janvier 2021, I______ a signé une procuration en faveur du conseil représentant son frère dans le cadre de la présente procédure.

h. Par courrier du 2 mars 2021 à la Commission, le conseil de A______ et I______ a produit une copie du contrat de bail que lui avait remis le jour précédent la régie en charge de la gestion de l'immeuble. Il a indiqué qu'il "sembl[ait] en ressortir que les parties demanderesses [étaient] MM. A______ et I______, faisant élection de domicile en [son] étude, et les parties défenderesses : K______ SA et Monsieur L______, ainsi que Monsieur H______, C______ SA et Monsieur B______".

i. Les citations aux audiences de conciliation fixées au 7 juin, 30 août et 22 novembre 2021 mentionnent I______ et A______, en tant que parties demanderesses, et "J______ SA", C______ SA, H______, B______ et F______ SA, en tant que parties défenderesses.

j. L'autorisation de procéder a été délivrée le 22 novembre 2021 ensuite de l'échec de conciliation.

Dans ledit acte sont mentionnés, en tant que parties demanderesses, A______ et I______, ce dernier n'ayant pas élu domicile en Suisse, une adresse au Bangladesh étant inscrite.

Les parties défenderesses sont, à teneur de l'autorisation de procéder, F______ SA, C______ SA, H______ et B______.

k. Le nouveau conseil de A______ a saisi le Tribunal le 6 janvier 2022 d'une requête en contestation de congé dirigée tant contre F______ SA que contre I______, C______ SA, H______, B______.

Il a allégué que A______ s'était associé, à une date non précisée, d'une part avec son frère I______, et d'autre part avec B______ et C______ SA, pour exploiter un restaurant avec un bar indépendant.

l. Dans sa réponse du 14 mars 2022, F______ a conclu notamment, à titre préalable, à ce que la procédure soit limitée aux questions de la légitimation active de A______ et de la nullité de l'autorisation de procéder du 22 novembre 2021.

m. Par ordonnance OTBL/48/2022 du 16 mars 2022, le Tribunal a fait droit à cette conclusion préalable et a imparti un délai aux parties pour se déterminer sur ces points.

n. A______ s'est déterminé le 25 avril 2022 et a produit de nouvelles pièces.

o. I______, C______ SA, H______, B______ n'ont pas déposé d'écritures.

p. F______ SA a répliqué le 9 mai 2022.

q. La cause a été gardée à juger le 27 mai 2022.


 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel des locaux, charges non comprises, s'élève à 48'000 fr.

En prenant en compte la durée de trois ans précitée, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). Il incombe à cet égard au recourant de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC), c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la décision attaquée. La motivation du recours doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1). Cette obligation s'applique tant aux griefs de violation du droit que de constatation inexacte des faits (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; ACJC/1313/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3).

La motivation est une condition de recevabilité de l'appel prévue par la loi, qui doit être examinée d'office (arrêts du Tribunal fédéral 5A_438/2012 du 27 août 2012 consid. 2.2 et 2.4; 4A_651/2012 du 7 février 2013 consid. 4.2; 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3).

L'instance d'appel dispose d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF
138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelant et les intimées ont produit des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Les faits sont notoires lorsqu'ils sont généralement largement connus, du moins dans le lieu où se trouve le tribunal. Il n'est pas nécessaire que le public connaisse directement les faits notoires; il suffit que ceux-ci puissent être connus par des sources accessibles à tous (arrêt du Tribunal fédéral 5A_774/2017 du 12 février 2018 consid. 4.1.1).

2.2 En l'espèce, l'appelant a nouvellement versé une procuration établie en sa faveur par son frère le 16 novembre 2021 (pièce C). Il allègue ne pas l'avoir fait plus tôt, dès lors qu'il "n'avait aucune raison de la produire avant", "aucune des parties n'ayant soulevé la question de la représentation de son frère lors de l'introduction de la conciliation du 14 décembre 2020, respectivement lors de l'audience de conciliation du 22 novembre 2021". La recevabilité de cette pièce peut souffrir de demeurer indécise, dès lors qu'elle n'est pas déterminante pour l'issue du litige, tel que cela sera développé ci-après. Quant à l'avenant au bail, il est postérieur à la date du jugement et concerne les parties à la procédure, de sorte qu'il est recevable.

L'extrait du Registre foncier produit par les intimées, dont il ressort que E______ SA est devenue copropriétaire des locaux loués, fait état de faits notoires et est ainsi recevable.

2.3 La qualité de la partie bailleresse et donc de partie à la présente procédure sera dès lors modifiée en ce sens que F______ SA et E______ SA sont cobailleresses.

3. L'appelant reproche, à bien le comprendre, au Tribunal d'avoir retenu que l'autorisation de procéder n'était pas valable et de pas avoir pris en considération plusieurs faits, soit que le représentant de la bailleresse ne lui a transmis une copie du contrat de bail qu'après plusieurs demandes en ce sens (comportement qui constituait par ailleurs un abus de droit), que H______ ne figurait sur le contrat "qu'à cause d'une construction juridique imposée par le bailleur" et que la Commission avait joué un "rôle proactif", corrigeant "le tir en cours de procédure". Il fait ainsi également grief aux premiers juges d'avoir vidé "de substance le principe de l'interdiction du formalisme excessif, qui veut qu'une autorité puisse d'office ou sur requête corriger la désignation incomplète et inexacte d'une partie".

3.1
3.1.1
La procédure au fond est précédée d'une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation (art. 197 CPC).

La procédure est introduite par la requête de conciliation. Celle-ci peut être déposée dans la forme prévue à l'art.130 CPC ou dictée au procès-verbal à l'autorité de conciliation. La requête de conciliation contient la désignation de la partie adverse (arrêts du Tribunal fédéral 4A_385/2014 du 29 septembre 2014 consid. 4.1 in RSPC 2015 32; 4A_482/2015 du 7 janvier 2016 consid. 2.1, in RSPC 2016 317), les conclusions et la description de l'objet du litige (art. 202 al. 1 et 2 CPC).

Lorsque la tentative de conciliation n'aboutit pas, l'autorité de conciliation consigne l'échec au procès-verbal et délivre l'autorisation de procéder(art. 209 al. 1 CPC).

3.1.2 Selon l'art. 59 al. 1 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action. L'alinéa 2 de cette disposition dresse une liste non exhaustive de ces conditions ("notamment").

L'autorisation de procéder représente une condition de recevabilité de la demande Faute d'autorisation de procéder valable, le tribunal doit d'office (art. 60 CPC) déclarer la demande irrecevable (ATF 146 III 185 consid. 4.4.2 140 III 70 consid. 5; 139 III 273 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_741/2020 du 12 avril 2021 consid. 5.2.1; 4A_266/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3; Bohnet, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 4 ad art. 209 CPC).

L'autorisation de procéder contientles noms et les adresses des parties et, le cas échéant, de leurs représentants, les conclusions du demandeur, la description de l'objet du litige et les conclusions reconventionnelles éventuelles, la date de l'introduction de la procédure de conciliation, la décision sur les frais de la procédure de conciliation, la date de l'autorisation de procéderet la signature de l'autorité de conciliation (art. 209 al. 2 CPC).

L'autorisation de procéder reprend les noms des parties indiqués dans la requête de conciliation, sous réserve d'un changement de nom ou d'une substitution de partie (art. 83 CPC) intervenue entre-temps (arrêt du Tribunal fédéral 4A_266/2016 précité, ibid; Infanger, in Basler Kommentar, 2ème éd. 2013, n. 7 ad art. 209 CPC).

L'autorité ne peut pas modifier les conclusions, préciser l'objet du litige ou redéfinir les parties au procès dans son autorisation de procéder compte tenu du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) (Infanger, op. cit., ibid; Bohnet, op. cit., n. 8 ad art. 209 CPC).

3.1.3 La désignation des parties dans un acte de procédure répond à un intérêt légitime (arrêts du Tribunal fédéral 5A_741/2020 précité consid. 5.3; 4A_527/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.5 non publié aux ATF 138 III 213).

La désignation incomplète ou inexacte d'une partie peut être rectifiée et n'a pas pour conséquence l'irrecevabilité de l'acte, pourvu qu'il n'existe dans l'esprit du tribunal et des parties aucun doute raisonnable quant à l'identité de cette partie. Il en va ainsi, notamment, lorsque l'identité résulte de l'objet du litige (ATF
114 II 335 consid. 3a, JdT 1989 I 337; arrêts du Tribunal fédéral 5A_741/2020 précité consid. 1.2; 4A_43/2017 du 7 mars 2017 consid. 1.1).

Le juge peut ainsi rectifier d'office ou sur requête une désignation de partie qui est entachée d'une inexactitude purement formelle, d'une simple erreur rédactionnelle. L'erreur commise doit être aisément décelable et rectifiable tant pour la partie adverse que pour le juge; il ne doit exister aucun risque de confusion quant à l'identité de la personne visée, identité qui peut notamment résulter de l'objet du litige. Si un tel risque peut être exclu, peu importe alors que la désignation inexacte se rapporte à une tierce personne existante (arrêt du Tribunal fédéral 4A_560/2015 consid. 4.2; ATF 131 I 57 consid. 2.2). Pour le surplus, un changement des parties au procès ("substitution de partie") ne peut avoir lieu qu'avec le consentement de la partie adverse (art. 83 al. 4 1ère phrase CPC), sous réserve du cas de l'aliénation de l'objet du litige (art. 83 al. 1 CPC) et des dispositions spéciales prévoyant une succession légale (art. 83 al. 4 2ème phrase CPC) (arrêt du Tribunal fédéral 4A_17/2016 du 29 juin 2016 consid. 2.2).

3.1.4 L'action en annulation de la résiliation du bail visée par les art. 271 s. CO est une action formatrice: en contestant le congé que lui a notifié le bailleur, le locataire cherche en effet à maintenir le rapport de droit qui les lie (ATF
145 III 143 consid. 5.2; 140 III 598 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_625/2017 du 12 mars 2018 consid. 3.1; 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4.1). Lorsque plusieurs parties sont titulaires d'un bail, il y a bail commun, soit un rapport juridique uniforme, qui n'existe que comme un tout et pour toutes les parties au contrat. La question de savoir si, pour requérir l'annulation du congé, les cotitulaires du bail doivent agir en commun, ou si une exception peut être admise, a longtemps été l'objet d'une controverse doctrinale. Le Tribunal fédéral a tranché la question en 2010 en introduisant un tempérament à l'action conjointe, afin de tenir compte du "besoin de protection sociale particulièrement aigu lorsqu'un local d'habitation est en jeu " (ATF 140 III 598 consid. 3.2; 146 III 346 consid. 2.2 et les références).

Le demandeur peut dès lors agir seul, mais, comme l'action (formatrice) implique que le bail soit en définitive maintenu ou résilié envers toutes les parties, il doit assigner aux côtés du bailleur le ou les colocataires qui n'entendent pas s'opposer au congé, sous peine de se voir dénier la qualité pour agir. Autrement dit, il n'est pas nécessaire que les consorts matériels nécessaires soient tous demandeurs ou défendeurs; il suffit qu'ils soient tous parties au procès, répartis d'un côté et de l'autre de la barre (ATF 146 III 346 consid. 2.2; 145 III 281 consid. 3.4.2;
140 III 598 consid. 3.2).

Cette jurisprudence s'applique non seulement aux baux d'habitation, mais également aux baux de locaux commerciaux (ATF 146 III 346 consid. 2.2 et la référence). Elle s'étend à la demande de constatation de la nullité ou de l'inefficacité d'une résiliation (ATF 146 III 346 consid. 2.2 et les références). Elle vaut également dans le cadre de l'action en diminution du loyer (ATF 146 III 346 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_282/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.3.1).

3.1.5 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste (arrêt du Tribunal fédéral 4A_454/2022 du 17 novembre 2022 consid. 5.1). L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement (ATF
143 III 666 consid. 4.2; 143 III 279 consid. 3.1; 140 III 583 consid. 3.2.4). Il incombe à la partie qui se prévaut d'un abus de droit d'établir les circonstances particulières autorisant à retenir une telle exception (ATF 135 III 162 consid. 3.3.1; 133 III 61 consid. 4.1). Les cas typiques d'abus de droit sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF
148 III 215 consid. 3.1.2; 143 III 279 consid. 3.1; 140 III 583 consid. 3.2.4).

3.1.6 Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1; 142 IV 299 consid. 1.3.2; 142 I 10 consid. 2.4.2; 135 I 6 consid. 2.1). En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_871/2020 du 15 février 2021 consid. 3.3.2). À cet égard, elle commande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsque celle-ci pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signaler utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a et les références; arrêts du Tribunal fédéral 4D_30/2020 du 1er octobre 2020 consid. 4.1.1; 5A_741/2016 du 6 décembre 2016 consid. 6.1.1). Si l'autorité a méconnu cette obligation, elle doit tolérer que l'acte concerné soit régularisé, éventuellement hors délai (ATF 142 I 10 consid. 2.4.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_741/2020 précité consid. 5.2.4; 4D_30/2020 précité loc. cit.; 5A_694/2019 du 24 février 2020 consid. 4.1).  

3.2 En l'espèce, il est constant que l'action en contestation de congé doit être introduite par une requête de conciliation, laquelle doit notamment contenir la désignation de la ou des parties adverses. Dans sa requête de conciliation, l'appelant a indiqué « se souvenir » que figuraient à ses côtés sur le contrat de bail I______, B______ et « J______ SA ». Il n'a toutefois pas fait mention de H______, cotitulaire du contrat. Or, il lui appartenait d'indiquer précisément l'identité de ses colocataires, afin que tous les consorts nécessaires soient parties au procès. L'argument - non démontré - de l'appelant selon lequel H______ ne figurait sur le contrat "qu'à cause d'une construction juridique imposée par le bailleur" ne modifie pas cette appréciation.

L'appelant n'a ni allégué ni démontré s'être adressé aux autres titulaires du bail, soit notamment à son frère, à la société C______ SA ou encore à B______, afin d'obtenir une copie du contrat de bail ou à tout le moins les noms de l'ensemble des cotitulaires de celui-ci, ni ne s'être rendu dans le restaurant, afin d'obtenir lesdites informations. L'appelant n'a pas non plus allégué être allé dans les locaux de la régie, afin de recueillir ces précisions. La seule formalité qu'il a effectuée est l'envoi d'un courrier à la régie le 2 décembre 2020. Il s'ensuit que l'appelant n'a pas démontré avoir vainement entrepris toutes les démarches utiles pour déterminer l'ensemble des colocataires, avant d'introduire sa demande. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne peut être retenu que la bailleresse aurait commis un abus de droit, en ne lui transmettant pas par retour de courrier une copie du contrat de bail. L'appelant ne dit mot sur les raisons pour lesquelles il n'était pas en possession d'un exemplaire de celui-ci.

Se fondant sur la requête de conciliation, la Commission a cité, le 13 janvier 2021, les parties mentionnées par l'appelant, soit, outre l'intéressé, la bailleresse, I______, "J______ SA" et B______. Alors qu'il n'appartenait pas à la Commission de rectifier les parties non assignées par l'appelant et de modifier leur rôle procédural, elle a, pour les audiences de conciliation des 7 juin, 30 août et 22 novembre 2021, cité tant l'appelant que son frère en qualité de parties demanderesses, et "J______ SA", C______ SA, H______, B______ et la bailleresse, en qualité de parties défenderesses. Contrairement à ce que soutient l'appelant, la Commission n'est pas fondée à "corriger le tir en cours de procédure", compte tenu du principe de disposition.

Conformément aux principes rappelés ci-avant, l'autorisation de procéder doit reprendre les noms des parties indiqués dans la requête de conciliation, sous réserve d'un changement de nom ou d'une substitution de partie, exceptions non réalisées dans le présent cas.

C'est dès lors à bon droit que le Tribunal a retenu que l'autorisation de procéder n'était pas valable. Un tel procédé n'est nullement contraire à l'interdiction du formalisme excessif, tant il est vrai que l'exigence de la désignation des parties dans l'acte répond à un intérêt légitime.

Ce constat scelle l'issue de l'appel, de sorte que la Cour n'examinera pas les griefs relatifs à l'absence de pouvoir de représentation du précédent conseil de l'appelant.

3.3 L'appel étant infondé, le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Préalablement :

Rectifie la qualité de partie de F______ SA en F______ SA et E______ SA.

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er septembre 2022 par A______ contre le jugement JTBL/514/2022 rendu le 30 juin 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/26150/2020-25-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur
Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.