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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1890/2024

ATAS/36/2025 du 23.01.2025 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1890/2024 ATAS/36/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 janvier 2025

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Émilie CONTI MOREL, avocate

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née le ______ 1947, a été mise au bénéfice de prestations complémentaires (ci‑après : PC) à sa rente d’invalidité après en avoir formé la demande le 4 avril 2003 auprès de l’office cantonal des personnes âgées (OCPA), autorité remplacée, depuis lors, par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC).

b. Avec son mari, Monsieur B______, né le ______ 1947, qui est retourné vivre au Portugal en 1999, l’intéressée est copropriétaire d’une maison dans ce pays, située Rua C______ (parcelle n° 1______), dans la localité de D______. La valeur de ce bien avait été estimée à EUR 34’392.26 en mars 2004. Au 1er janvier 2012, la rente d’invalidité de l’intéressée a été remplacée par une rente de vieillesse.

B. a. Par décision du 3 janvier 2005, le SPC a fixé à CHF 652.- par mois le montant des PC à compter du 1er janvier 2005. Selon les plans de calculs joints à cette décision, la fortune de l’intéressée se montait à CHF 25’173.40 pour la partie immobilière et à CHF 217.90 pour la partie mobilière, soit à CHF 25’391.30 au total. Après déduction d’une franchise de CHF 25’000.-, le solde de CHF 391.30 était pris en compte dans le revenu déterminant à hauteur de 1/15 (soit CHF 26.10) pour les PC fédérales (ci-après : PCF) et de 1/8 (soit CHF 48.90) pour les PC cantonales (ci-après : PCC).

b. Dans le contexte d’une révision périodique du dossier de l’intéressée, le SPC a reçu, le 16 mai 2012, une expertise immobilière du 8 mai 2012, par laquelle un architecte local estimait à EUR 47’730.- la valeur de la maison sise Rua C______ (parcelle n° 1______).

c. Par décision du 22 mai 2012, le SPC a fixé à CHF 738.- par mois le montant des PC à compter du 1er juin 2012. Selon les plans de calculs joints à cette décision, la fortune de l’intéressée se montait à CHF 29’342.75 pour la partie immobilière et à CHF 609.25 pour la partie mobilière, soit à CHF 29’952.- en tout et pour tout. Compte tenu d’une franchise de CHF 37’500.-, le montant de la fortune n’était pas assez élevé pour qu’une fraction de cette dernière soit prise en compte à titre de revenu déterminant.

d. Dans le cadre d’une nouvelle révision périodique de son dossier, initiée le 11 août 2023, le SPC a demandé à l’intéressée une estimation de la valeur vénale et locative des immeubles lui appartenant.

e. Le 22 septembre 2023, le SPC a reçu un rapport d’évaluation du 17 août 2023, établi en portugais, estimant le prix du marché des biens sis Rua C______ à EUR 97’589.90 (parcelle n° 2______), respectivement EUR 95’868.70 (parcelle n° 1______).

f. Par courrier du 23 octobre 2023, le SPC a demandé à l’intéressée de produire une estimation officielle de la valeur vénale et locative des immeubles sis Rua C______ également pour chaque année de la période 2015 à 2022.

g. Par décision du 23 octobre 2023, le SPC a informé l’intéressée qu’à compter
du 1er novembre 2023, son droit aux PC se monterait à CHF 377.- et serait entièrement réservé au règlement des primes d’assurance-maladie. Les plans de calculs annexés mentionnaient une fortune immobilière de CHF 95’500.85 et mobilière (épargne) de CHF 609.25, soit CHF 96’110.10 au total, respectivement CHF 66’110.10 après déduction d’une franchise de CHF 30’000.-. Ce montant de CHF 66’110.10 était pris en compte dans le revenu déterminant à raison de 1/10 (soit CHF 6’611.-) pour les PCF et de 1/5 (soit CHF 13’222.-) pour les PCC. En outre, un montant de CHF 1’320.45 était pris en compte dans le revenu à titre de produit des biens immobiliers.

h. Par pli du 30 octobre 2023, l’intéressée a indiqué au SPC que la maison qu’elle possédait était la même que celle dont elle avait annoncé l’existence lors de sa première demande de PC. La différence tenait au fait que cette maison était « séparée en deux chez le notaire et [avait] donc deux numéros différents [soit les nos] 75 et 85 Rua C______ ». Son mari y vivait et elle-même occasionnellement. Il n’y avait aucun locataire. Étant donné qu’elle n’avait pas les moyens financiers pour demander à un architecte de faire une estimation retraçant l’évolution de la valeur du bien année après année, soit de 2015 à 2022 comme le SPC le lui avait demandé, elle remerciait ce dernier de bien vouloir prendre en compte les documents déjà fournis.

i. Le 23 novembre 2023, l’intéressée a formé opposition à la décision du 23 octobre 2023 et demandé un rendez-vous avec un conseiller au SPC.

j. Le 8 décembre 2023, Madame E______, fille de l’intéressée, s’est rendue au SPC, munie d’une procuration l’autorisant à agir au nom et pour le compte de sa mère. Après les explications reçues au sujet de certains points de la décision du 23 octobre 2023 (montant des subsides d’assurance-maladie), elle a retiré l’opposition.

k. Par courrier du 2 avril 2024, le SPC a adressé à l’intéressée :

-          une décision du 21 mars 2024 lui réclamant la restitution de CHF 44’463.- au titre des PC pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2024. Dans la mesure où l’établissement du droit rétroactif sur cette période donnait un montant de CHF 0.-, la somme à restituer correspondait à l’intégralité des PC reçues ;

-          une décision du 21 mars 2024 lui réclamant le remboursement des réductions individuelles de primes d’assurance-maladie pour un total de CHF 25’667.70, réparti entre le 1er avril 2017 et le 31 décembre 2022 ;

-          une décision du 28 mars 2024 lui réclamant la restitution de CHF 5’403.30 au titre des frais de maladie et d’invalidité pris en charge par le SPC entre août 2017 et décembre 2022.

À ce courrier était joint un bulletin de versement en vue du paiement de la totalité de la somme réclamée (CHF 75’534.-) sous 30 jours.

l. Le 16 avril 2024, l’intéressée a formé opposition à cette décision en invoquant sa profonde préoccupation quant au temps écoulé avant la mise à jour de sa situation. En effet, il lui semblait que le délai pour effectuer les ajustements requis avait été excessivement long, ce qui avait eu pour conséquence une « distorsion significative » dans le calcul des montants en jeu. En effet, la période courait du 1er avril 2017 au 31 mars 2024, pour un montant de CHF 75’534.- dont le remboursement lui semblait actuellement irréalisable, vu ses ressources très limitées.

m. Par décision du 2 mai 2024, le SPC a rejeté l’opposition en reprochant à l’intéressée de n’avoir réagi ni aux courriers qui lui étaient adressés chaque année
– contenant notamment un rappel de son obligation d’annoncer tout changement dans sa situation personnelle et/ou économique – ni aux décisions qu’elle avait reçues régulièrement alors qu’elles reflétaient une situation inexacte. Par son silence qualifié, elle avait réalisé une infraction pénale justifiant l’application d’un délai de prescription de sept ans aux créances que le SPC avait contre elle pour les PC versées en trop. En l’occurrence, il ressortait de l’expertise du 17 août 2023 que la fortune immobilière détenue en copropriété avec son époux se composait désormais de deux biens répartis sur deux adresses distinctes (Rua C______,
nos 75 et 85) et faisant chacun l’objet d’une évaluation distincte. Le premier bien correspondait à une part de EUR 48’794.95 (1/2 de EUR 97’589.90) et le second
à une part de EUR 47’934.35 (1/2 de EUR 95’868.70), ce qui représentait un total de EUR 96’729.30. Auparavant, le SPC avait connaissance d’un seul bien sis Rua C______, évalué à EUR 23’865 (1/2 de EUR 47’730.-), sur la base des justificatifs « initialement transmis ».

Le SPC avait ainsi établi de nouveaux plans de calcul de PC rétroactivement au
1er avril 2017 en tenant compte des valeurs suivantes :

 

Valeur du bien immobilier
en €

Cours

de l’€ au 01/01

Valeur

en CHF

Produit estimé en
CHF (4.5%)

Frais d’entretien du bâtiment (20% de la valeur locative)

2017

96’729.30

1.0739

103’877.60

4’674.49

934.90

2018

96’729.30

1.1702

113’192.63

5’093.67

1’018.73

2019

96’729.30

1.1227

108’597.99

4’886.91

977.38

2020

96’729.30

1.0854

104’989.98

4’724.55

944.91

2021

96’729.30

1.0802

104.486.99

4’701.91

940.38

2022

96’729.30

1.0331

99’931.04

4’496.90

899.38

2023

96’729.30

0.9873

95’500.84

4’297.54

859.51

2024

96’729.30

0.9305

90’006.61

4’050.30

810.06

La prise en compte de ces valeurs avait ainsi engendré une perte totale du droit aux PC calculées rétroactivement du 1er avril 2017 au 31 décembre 2022, puis une diminution des PC calculées sur la période courant à compter du 1er janvier 2023, date à compter de laquelle l’intéressée pouvait bénéficier uniquement d’un droit aux réductions individuelles de primes d’assurance-maladie et au remboursement des frais de maladie et d’invalidité. Il en résultait une demande en remboursement d’un montant global de CHF 75’534.-.

Dans la mesure où pour le surplus, l’opposition contenait implicitement une demande de remise de dette, la question de savoir si le montant de CHF 75’534.- lui serait effectivement réclamé ferait l’objet d’une décision séparée une fois la décision ordonnant la restitution de ce montant entrée en force.

C. a. Le 3 juin 2024, l’intéressée, représentée par une avocate, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit constaté qu’elle n’était pas tenue de restituer un quelconque montant à l’intimé.

À l’appui de sa position, elle a fait valoir qu’elle avait toujours été copropriétaire du même bien immobilier que celui qui avait été initialement annoncé à l’intimé. Il ressortait en effet de l’extrait du registre foncier produit (pièces 9 et 10) qu’elle était copropriétaire, avec son mari, de deux parcelles (nos 1______ et 2______) depuis la fin des années nonante. C’est pourquoi c’était à tort que l’intimé avait considéré que la recourante avait omis de lui annoncer un changement de sa situation économique sous l’angle du patrimoine immobilier et qu’il pouvait lui réclamer le remboursement de PC rétroactivement pour les sept dernières années.

b. Par réponse du 27 juin 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours en faisant valoir que seule une expertise de la parcelle n° 1______ lui avait été transmise en 2004 puis en 2012. C’était la valeur mentionnée dans ces expertises qui avait été retenue pour établir le calcul des PC, valeur qui n’avait jamais été remise en cause par la recourante. En revanche, cette dernière n’avait jamais transmis à l’intimé la moindre expertise en lien avec la parcelle n° 2______ avant septembre 2023, que ce soit au moment du dépôt de sa demande de PC en avril 2003 ou en mai 2012, dans le cadre de la révision périodique de son dossier. En outre, l’intimé avait adressé à la recourante, chaque année, un courrier dans lequel il lui rappelait son obligation spontanée de renseigner. De même, il lui avait également expédié régulièrement des décisions comportant des plans de calcul de PC, indiquant les montants retenus à titre de fortune, et invitant l’intéressée à contrôler ceux-ci attentivement pour s’assurer qu’ils correspondaient bien à sa situation réelle. En s’abstenant de communiquer la valeur de l’ensemble de son patrimoine immobilier au Portugal – malgré son obligation de renseigner et de contrôler les montants indiqués dans les plans de calcul – et en ne réagissant pas aux décisions de PC qui lui avaient été régulièrement expédiées, la recourante avait, par son silence qualifié, commis une infraction, ce qui justifiait que le délai absolu de péremption fût étendu de cinq à sept ans.

c. Le 30 août 2024, la recourante a répliqué en relevant qu’il ressortait des documents qu’elle avait transmis à l’intimé en 2012 (annexes 1 et 2 recourante et pièce 17 intimé) qu’en 2009, la valeur patrimoniale des parcelles nos 2______ et 1______ avait été évaluée à EUR 10’868.64 pour la première et à EUR 22’451.13 pour la seconde. Par conséquent, ce n’était pas lors de la transmission de la dernière expertise immobilière que l’intimé avait découvert que la recourante était copropriétaire de deux biens immobiliers distincts puisque cette information avait été transmise en 2012. Même si l’on ne pouvait pas déduire du caractère annuel de la PC que l’administration aurait été tenue de vérifier, à chaque adaptation des PC, toutes les positions, il n’en demeurait pas moins que cette obligation lui incombait dans le cadre du réexamen périodique des conditions économiques, lequel était à effectuer au moins tous les quatre ans. En l’occurrence, c’était donc au plus tard en 2016 que l’intimé aurait dû s’apercevoir de l’erreur qu’il avait commise en 2012. Ayant commencé à courir en 2016, le délai de péremption à point de départ subjectif – qui était d’une durée d’une année à cette époque – était arrivé à échéance au plus tard en 2017, si bien que l’intimé ne pouvait pas attendre jusqu’au 2 avril 2024 pour réclamer la restitution des PC versées indûment. En outre, il convenait de souligner, au vu de ces éléments, qu’aucune infraction ne pouvait être reprochée à la recourante, qui avait spontanément averti l’intimé de l’existence de deux biens immobiliers distincts et de leur valeur respective, de sorte que l’intimé avait appliqué à tort un délai absolu de sept ans.

d. Le 26 septembre 2024, l’intimé a dupliqué.

En tant que la recourante faisait valoir qu’elle avait annoncé l’existence de deux parcelles en 2012, il importait de souligner que les documents concernés, non traduits, étaient des justificatifs de l’administration fiscale portugaise. D’ailleurs, ceux-ci n’étaient pas au nom de la recourante mais exclusivement au nom de son mari, lequel résidait au Portugal et n’était pas inclus dans le calcul des PC. De plus, ces documents portaient sur la valeur fiscale du bien immobilier et non sur sa valeur vénale qui était déterminante pour établir le calcul des PC. Dans sa demande de pièces du 20 février 2012, le SPC avait sollicité, pour l’intéressée, « l’estimation officielle de la valeur vénale actuelle du bien immobilier en précisant l’année de construction (estimée par un architecte, un notaire ou un agent immobilier), valeur vénale 2012 » (pièce 16 intimé). Cette demande portait donc sur l’ensemble du bien immobilier, sans établir de distinction entre les parcelles. Pour faire suite à cette demande, l’intéressée avait produit une estimation du 8 mai 2012, par laquelle un architecte local évaluait à EUR 47’730.- la valeur de la maison sise Rua C______ (parcelle n° 1______). C’était donc en toute logique que le SPC s’était fondé sur ce document pour mettre à jour la valeur vénale du bien immobilier de l’intéressée.

e. Par écriture spontanée du 10 octobre 2024, la recourante a fait valoir que c’était bien en réponse à la demande de pièces du 20 février 2012 qu’elle avait envoyé les justificatifs de l’administration fiscale portugaise, de sorte que ces justificatifs la concernaient bel et bien. C’était également le lieu de relever qu’elle n’était pas mariée en séparation de biens, si bien qu’elle possédait de facto la moitié de la valeur des biens du couple.

f. Le 15 octobre 2024, une copie de ce courrier a été transmise, pour information, à l’intimé.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

h. Les autres faits et documents seront mentionnés – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l’organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l’art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l’art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10).

Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA ;
art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC ‑ J 4 20] ; art. 43 LPCC). Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit (art. 38 al. 3 LPGA et 17 al. 3 LPA).

1.4 Datée du 2 mai 2024, la décision litigieuse a été reçue le lendemain. Ayant commencé à courir le 4 mai 2024, le délai de recours est arrivé à échéance le 3 juin 2024, le dernier jour du délai tombant sur un dimanche (2 juin 2024). Posté le 3 juin 2024, le recours a été interjeté en temps utile. Celui-ci respecte également les exigences de forme prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi l’art. 89B LPA), de sorte qu’il est recevable.

2.              

2.1 Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au
1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du 22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 – OPC-AVS/AI [ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 - RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).

Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

Par ailleurs, selon la circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC (C-R PC), valable dès le 1er janvier 2021, il n’est nécessaire d’établir un calcul comparatif durant le délai transitoire que pour les cas dans lesquels le calcul de la prestation complémentaire se fonde sur l’ancien droit. Dès que le calcul est établi selon le nouveau droit, ce dernier reste applicable pour le reste de la période transitoire (ch. 3104).

2.2 En l’occurrence, les calculs comparatifs effectués le 5 décembre 2020 en prévision de l’entrée en vigueur du nouveau droit montrent que le calcul du montant des PC selon le nouveau droit est plus favorable que celui effectué en application des dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2021, de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur nouvelle teneur pour les faits qui se sont produits à partir du 1er janvier 2021.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la demande en restitution de la somme de
CHF 75’534.- formée par l’intimé et correspondant aux prestations qu’il estime avoir versées à tort à la recourante pour la période du 1er avril 2017 au 31 décembre 2022, en particulier sur le point de savoir si la créance de l’intimé est périmée.

4.             Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et
8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui ont droit à une rente de l’assurance-invalidité (art. 4 al. 1 let. c LPC) ou de l’assurance-vieillesse survivants (art. 4 al. 1 let. a LPC).

4.1 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

4.2 Le législateur a adopté quelques règles spéciales pour déterminer la valeur de la fortune immobilière. Celles-ci sont destinées à permettre aux rentiers AVS/AI, qui bénéficient de faibles revenus, de continuer à vivre dans leur cadre habituel. Ces dispositions spéciales concernent l’évaluation de la fortune et le montant de la franchise (ou « deniers de nécessité »).

Aux termes de l’art. 11 al. 1 let. c LPC, les revenus déterminants comprennent un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 30’000.- pour les personnes seules et CHF 50’000.- pour les couples (CHF 37’500.- pour les personnes seules et
CHF 60’000.- pour les couples jusqu’au 31 décembre 2020) ; si le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d’un immeuble qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins, seule la valeur de l’immeuble supérieure à CHF 112’500.- entre en considération au titre de la fortune.

Par fortune au sens de l’art. 11 al. 1 LPC, il faut comprendre toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l’assuré et qui peuvent être transformés en argent liquide (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés ; font ainsi notamment partie de la fortune : les gains à la loterie, la valeur de rachat d’une assurance-vie, l’épargne, les actions, les obligations, les parts à des successions, les versements en capital d’assurances, l’argent liquide, ou encore les prêts accordés (ATAS/442/2022 du 18 mai 2022 consid. 6.2 ; ATAS/359/2022 du 21 avril 2022 consid. 8.2 ; ATAS/314/2022 du 7 avril 2022 consid. 5.2). Il suffit que l’assuré puisse effectivement disposer de l’élément de fortune en cause (ATF 146 V 331 consid. 4.1 ; 127 V 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_831/2016 du 11 juillet 2017 consid. 5.1 ; 9C_333/2016 du 3 novembre 2016 consid. 4.3.1).

Selon l’art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile.

En revanche, lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (art. 17a al. 4 OPC-AVS/AI).

L’art. 17a al. 4 OPC-AVS/AI constitue une dérogation au principe selon lequel la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (Erwin CARIGIET, Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 3e éd., 2021, p. 239-240).

Si la valeur actuelle (valeur du marché) d’un immeuble n’est pas connue, on peut se fonder sur la valeur moyenne entre la valeur selon la législation sur l’impôt cantonal direct et la valeur d’assurance immobilière, pour autant que la valeur ainsi obtenue ne soit pas manifestement erronée. Quant aux immeubles sis à l’étranger, on peut se fonder sur une estimation établie à l’étranger s’il n’est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_540/2009 du 17 septembre 2009 ; ch. 3445.04 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI [DPC]).

4.3 Selon l’art. 11 al. 1 let. b LPC, les revenus déterminants comprennent le produit de la fortune mobilière et immobilière, y compris la valeur annuelle d’un usufruit ou d’un droit d’habitation ou la valeur locative annuelle d’un immeuble dont le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire, et qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins.

Le revenu déterminant tiré d’un immeuble est celui qui pourrait effectivement être réalisé en cas de location, c’est-à-dire le loyer conforme au marché (cf. SVR 1997, EL n° 38 consid. 6). Il y a lieu de retenir un loyer conforme à l’usage local ou un revenu moyen reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments situés sur le terrain lorsque le bénéficiaire de prestations complémentaires n’habite pas le bien immobilier et que celui-ci n’est pas loué. La chambre de céans a confirmé à plusieurs reprises que lorsqu’un immeuble n’est pas situé dans le canton de Genève, le recours à un taux forfaitaire de 4.5% de la valeur vénale retenu à titre de valeur locative (au sens large) ou de rendement de l’immeuble n’est pas excessif, et ce, dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (cfATAS/306/2020 du 27 avril 2020 consid. 6 et les nombreux arrêts cités). En outre, la chambre de céans a également considéré qu’un taux de 5% était admissible (ATAS/1127/2017 du 11 décembre 2017).

5.             S’agissant des dépenses, elles comprennent notamment les frais d’entretien des bâtiments et les intérêts hypothécaires, jusqu’à concurrence du rendement brut de l’immeuble (art. 10 al. 3 let. b LPC).

5.1 Pour les frais d’entretien des immeubles, seule la déduction fiscale forfaitaire applicable pour l’impôt cantonal direct du canton de domicile est prise en compte (art. 16 al. 1 OPC-AVS/AI). Il n’est donc pas possible de choisir entre la déduction forfaitaire et les frais effectifs comme en droit fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_822/2009 du 7 mai 2010 consid. 3.4 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, p. 108-109 n. 54).

5.2 Pour le canton de Genève, l’art. 20 al. 2 du règlement d’application de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 13 janvier 2010 (RIPP - D 3 08.1) –dispose que cette déduction forfaitaire, calculée sur la valeur locative selon l’art. 24 al. 2 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), s’élève à 10% si l’âge du bâtiment au début de la période fiscale est inférieur ou égal à dix ans, et à 20%, si l’âge du bâtiment au début de la période fiscale est supérieur à dix ans. Cette déduction s’applique même si la personne n’habite pas le bien immobilier dont elle est propriétaire (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013 consid. 16a et les références citées). Il n’est dès lors pas possible de se fonder sur les frais effectifs d’entretien des immeubles. Par ailleurs, d’autres frais éventuels – et notamment les amortissements de la dette hypothécaire – ne peuvent être pris en compte comme dépenses reconnues (ch. 3260.02 et 3260.03 des DPC). La déduction forfaitaire des frais d’entretien s’applique même si l’immeuble n’est pas situé dans le canton (ATAS/1122/2013 du 19 novembre 2013 consid. 16b).

6.             S’agissant du taux de conversion applicable pour le calcul de la fortune immobilière et de la valeur locative y relative, il y a lieu d’appliquer les DPC. Le taux de conversion, selon le chiffre 3453.01 DPC, correspond au cours du jour fixé par la Banque centrale européenne (ci-après : BCE). À cet égard, est déterminant le dernier cours du jour disponible du mois qui précède immédiatement le début du droit à la prestation. Bien que ces directives concernent les rentes servies, elles sont applicables par analogie aux autres éléments composant les revenus déterminants tels que la fortune immobilière (cf. notamment ATAS/1146/2019 du 9 décembre 2019).

7.             Selon l’art. 4 LPCC, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable.

Le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC, moyennant certaines adaptations, en particulier la part de fortune nette prise en compte est d’un cinquième pour les bénéficiaires de rente de vieillesse (art. 5 let. c LPCC).

Aux termes de l’art. 6 LPCC, les dépenses reconnues sont celles énumérées par la loi fédérale et ses dispositions d’exécution, à l’exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d’aide sociale défini à l’art. 3.

Selon l’art. 7 LPCC, la fortune comprend la fortune mobilière et immobilière définie par la loi fédérale et ses dispositions d’exécution (al. 1). La fortune est évaluée selon les règles de la loi sur l’imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009, à l’exception des règles concernant les diminutions de la valeur des immeubles et les déductions sociales sur la fortune, prévues aux art. 50 let. e et 58 de ladite loi, qui ne sont pas applicables. Les règles d’évaluation prévues par la loi fédérale et ses dispositions d’exécution sont réservées (al. 2).

8.             En l’espèce, c’est dans le cadre de la révision périodique du dossier de la recourante, initiée le 11 août 2023, que l’intimé s’est fait remettre, à sa demande, en septembre 2023, le rapport d’évaluation du 17 août 2023 estimant le prix du marché des biens situés nos 75 et 85 à EUR 97’589.90 (parcelle n° 2______), respectivement EUR 95’868.70 (parcelle n° 1______).

Les décisions des 21 et 28 mars 2024, adressées le 2 avril à la recourante, mettent correctement en œuvre les principes exposés ci-dessus. En particulier, les plans de calcul de la décision du 21 mars 2024, réclamant la restitution de CHF 44’463.- au titre des PC pour la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2024 tiennent compte de la fortune immobilière, déterminée en fonction du rapport d’évaluation du 17 août 2023, et d’une valeur locative de 4.5%, ces montants variant en fonction du taux de conversion EUR-CHF fixé par la BCE. Par ailleurs, ces plans de calcul tiennent compte, au titre des dépenses reconnues, des frais d’entretien des bâtiments à concurrence de 20% de la valeur locative.

Dans la mesure où les montants soumis à restitution ne sont pas contestés en tant que tels et n’apparaissent pas non plus contestables, c’est en principe à juste titre que l’intimé a fixé à CHF 75’534.- la somme des prestations à rembourser.

9.             Il reste en revanche à déterminer si, comme le fait valoir la recourante, l’intimé aurait tardé à faire valoir ses droits. En d’autres termes, il convient de vérifier si les conditions de la restitution sont réalisées.

9.1 S’agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l’art. 25 al. 1,
1ère phr. LPGA, en relation avec l’art. 2 al. 1 let. a de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ‑ RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers.

Selon l’art. 3 al. 1 OPGA, l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision.

L’obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

La révision procédurale et la reconsidération ont pour point commun de remédier à l’inexactitude initiale d’une décision (anfängliche tatsächliche Unrichtigkeit ;
cf. Ueli KIESER, Gabriela RIEMER-KAFKA, Tafeln zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, 5e éd., 2013, p. 140). La révision est la modification d’une décision correcte au moment où elle a été prise, compte tenu des éléments connus à ce moment, mais qui apparaît ensuite dépassée en raison d’un élément nouveau. L’administration est ainsi tenue de procéder à la révision d’une décision entrée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 129 V 200 consid. 1.1 ; 127 V 466 consid. 2c et les références). En revanche, la reconsidération a pour objet la correction d’une décision qui était déjà erronée dans la constatation des faits ou dans l’application du droit au moment où elle a été prise (ATAS/1244/2020 du 10 décembre 2020 consid. 7b ; ATAS/154/2019 du 25 février 2019 consid. 3b ; ATAS/1163/2014 du 12 novembre 2014 consid. 5c ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 20 ad art. 17 LPGA). L’administration peut procéder à la reconsidération d’une décision formellement entrée en force de chose décidée, sur laquelle une autorité judiciaire ne s’est pas prononcée quant au fond, pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable
(ATF 147 V 167 consid. 4.2 et la référence). L’obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps n’est pas liée à une violation de l’obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s’agit simplement de rétablir l’ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

9.2 Au plan cantonal, l’art. 24 al. 1 1ère phr. LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable
(al. 2).

L’art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire, à ses héritiers ou aux autres personnes mentionnées à l’art. 2 OPGA appliqué par analogie (al. 1). Il fixe l’étendue de l’obligation de restituer par décision (al. 2).

9.3 Conformément à l’art. 33 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal – J 3 05), les subsides indûment touchés doivent être restitués en appliquant par analogie l’art. 25 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (al. 1). Lorsque des subsides ont été indûment touchés par un bénéficiaire des prestations du service, ce service peut en demander la restitution au nom et pour le compte du service de l’assurance-maladie (al. 2).

 

10.          

10.1 En vertu de l’art. 25 al. 2, 1ère phr. LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 25 al. 2, 1ère phr. aLPGA prévoyait que le droit de demander la restitution s’éteignait un an après le moment où l’institution d’assurance avait eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, le délai de péremption relatif ou absolu en vertu de l’art. 25 al. 2 aLPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée (Office fédéral des assurances sociales, Lettre circulaire AI n° 406, du 22 décembre 2020, modifiée le 31 mars 2021 et les références).

Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d’office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; 142 V 20 consid. 3.2.2 et les références). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue ni interrompue et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision (ATF 119 V 431 consid. 3c), le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (ATF 138 V 74 consid. 5.2 et les références). En tant qu’il s’agit de délais de péremption, l’administration est déchue de son droit si elle n’a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 134 V 353 consid. 3.1 et les références).

10.2 S’agissant de l’interruption de la péremption de la créance en restitution de prestations indues, la jurisprudence considère qu’une première décision de restitution de prestations rendue avant l’échéance du délai de péremption sauvegarde valablement ce délai, quand bien même elle est par la suite annulée et remplacée sur le champ par une nouvelle décision de restitution portant sur un montant corrigé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_366/2022 du 19 octobre 2022 consid. 5.3.2 et les références).

10.3 Le délai de péremption absolu de cinq ans commence à courir à la date du versement effectif de la prestation, et non à la date à laquelle elle aurait dû être fournie (ATF 112 V 180 consid. 4a et les références).

10.3.1 Le délai de péremption relatif commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle
(ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 ; 140 V 521 consid. 2.1 ; 139 V 6 consid. 4.1 et les références). Cette jurisprudence vise un double but, à savoir obliger l’administration à faire preuve de diligence, d’une part, et protéger l’assuré au cas où celle-ci manquerait à ce devoir de diligence, d’autre part (ATF 124 V 380 consid. 1). L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 148 V 217 consid. 5.1.1 et 5.2.1 et les références ; 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; 140 V 521 consid. 2.1 et les références). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires (ATF 133 V 579 consid. 5.1 non publié). À titre d’exemple, le Tribunal fédéral a considéré dans le cas de la modification des bases de calcul d’une rente par une caisse de compensation à la suite d’un divorce qu’un délai d’un mois pour rassembler les comptes individuels de l’épouse était largement suffisant (SVR 2004 IV N°41, consid. 4.3). À défaut de mise en œuvre des investigations, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où l’administration aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2. et les références). En revanche, lorsqu’il résulte d’ores et déjà des éléments au dossier que les prestations en question ont été versées indûment, le délai de péremption commence à courir sans qu’il y ait lieu d’accorder à l’administration de temps pour procéder à des investigations supplémentaires (ATF 148 V 217 consid. 5.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2020 du 11 juin 2021 consid. 5.2).

10.3.2 Lorsque la restitution est imputable à une faute de l’administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai le moment où la faute a été commise, mais bien celui auquel l’administration aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l’occasion d’un contrôle comptable ou sur la base d’un indice supplémentaire) reconnaître son erreur en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 148 V 217 consid. 4.2 et les références ; 146 V 217 consid. 2.2 et les références) ; ce moment intervient en principe à l’occasion du contrôle des conditions économiques des bénéficiaires, prévu par l’art. 30 OPC-AVS/AI au moins tous les quatre ans (ATF 139 V 570 consid. 3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_96/2020 du 27 juillet 2020 consid. 4.2 et les références).

En revanche, lorsque l’illégalité de l’octroi de la prestation ressort directement du dossier et qu’il n’y a donc pas (ou plus) besoin de clarifier les éléments constitutifs de la demande de restitution, le délai commence à courir au moment déjà où l’administration aurait dû connaître ceux-ci, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle (ATF 148 V 217 consid. 5 et les références).

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser, dans un cas où l’administration avait fait une erreur lors de l’octroi des prestations complémentaires à un assuré, que l’on ne pouvait pas déduire de la circonstance que ces prestations étaient fixées pour la durée d’une année et recalculées annuellement que les services chargés de les fixer et de les verser devaient avoir raisonnablement connaissance de leur caractère erroné dans le cadre de leur examen périodique ; en revanche, tel était le cas au moins tous les quatre ans lors du contrôle des conditions économiques des bénéficiaires au sens de l’art. 30 OPC-AVS/AI. En effet, il ne peut pas être exigé des services compétents qu’ils procèdent à un contrôle annuel de chaque élément du calcul des prestations complémentaires de l’ensemble des bénéficiaires, ce pour quoi d’ailleurs l’art. 30 OPC-AVS/AI prévoit un contrôle tous les quatre ans au moins (ATF 139 V 570 consid. 3.1 et les références ; arrêt du Tribunal 8C_405/2020 du 3 février 2021 consid. 3.2.2).

Lorsque la collaboration de plusieurs autorités chargées de la gestion de l’assurance est nécessaire pour la fixation des prestations ou pour leur restitution, le délai court lorsque l’une des autorités compétentes a connaissance des faits fondant l’obligation de restituer (ATF 140 V 521 consid. 2.1 et les références ; 139 V 6 consid. 4.1 et les références).

11.          

11.1 En vertu de l’art. 25 al. 2, 2ème phr. LPGA, si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

Ainsi, tant que le bénéficiaire des prestations est susceptible d’être poursuivi pénalement, une péremption du droit à la restitution ne se justifie pas (cf. ATF 138 V 74 consid. 5.2). Pour que le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s’applique, il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

En l’absence d’un jugement pénal, l’administration, respectivement, le juge des assurances sociales, doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l’art. 25 al. 2 LPGA est applicable (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 2.2).

Lorsqu’il y a lieu de décider si la créance en restitution dérive d’un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, le degré de la preuve requis est celui qui prévaut en procédure pénale ; la présomption d’innocence s’applique, et le degré de la vraisemblance prépondérante reconnu habituellement en droit des assurances sociales n’est pas suffisant. En tout état de cause, il appartient à l’autorité qui entend se prévaloir d’un délai de prescription selon le droit pénal de produire les moyens permettant d’apporter la preuve d’un comportement punissable, singulièrement la réalisation des conditions objectives et subjectives de l’infraction (ATF 138 V 74 consid. 6.1 et 7 et les références).

11.2 En matière de prestations complémentaires, ce sont principalement les
art. 31 LPC (manquement à l’obligation de communiquer), 146 (escroquerie) et 148a (obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale) du Code pénal du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0) qui entrent en considération lorsqu’il y a lieu de déterminer si le délai pénal doit trouver application.

L’art. 31 LPC – également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales conformément à l’art. 1A LPCC – est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du 28 septembre 2000 consid. 2) et prévoit une peine pécuniaire n’excédant pas 180 jours-amendes en cas de violation du devoir d’informer. L’art. 146 al. 1 CP sanctionne l’infraction d’escroquerie d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Quant à l’art. 148a CP, qui vise l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, il prévoit une peine privative de liberté d’un an au plus ou une peine pécuniaire (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende (al. 2).

Selon l’art. 97 al. 1 CP, l’action pénale se prescrit par trente ans si l’infraction était passible d’une peine privative de liberté à vie, par quinze ans si elle était passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans, et de sept ans si elle était passible d’une autre peine. Le délai de prescription de l’action pénale pour une infraction telle que celle décrite aux art. 31 LPC et 148a CP est donc de sept ans, celui de l’infraction visée à l’art. 146 al. 1 CP de quinze ans.

12.         Dans le cas d’espèce, l’intimé a appliqué le délai de sept ans, correspondant au délai de prescription pénale des infractions énoncées aux art. 31 LPC (manquement à l’obligation de communiquer) et 148a (obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale).

12.1 L’art. 148a CP, entré en vigueur le 1er octobre 2016, punit d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale.

L’art. 148a CP trouve application lorsque l’élément d’astuce, typique de l’escroquerie, n’est pas réalisé. L’infraction englobe toute tromperie. Elle peut être commise par le biais de déclarations fausses ou incomplètes ou en passant sous silence certains faits. La variante consistant à « passer des faits sous silence » englobe également, selon le Message du Conseil fédéral, le comportement passif consistant à omettre d’annoncer un changement ou une amélioration de sa situation. L’art. 148a CP vise, par conséquent, aussi bien un comportement actif (faire des déclarations fausses ou incomplètes) qu’un comportement passif (passer des faits sous silence). À la différence de ce qui prévaut pour l’escroquerie, le comportement passif en question est incriminé indépendamment d’une position de garant, telle qu’elle est requise dans le cadre des infractions de commission par omission. Dès lors que la loi prévoit que tous les faits ayant une incidence sur les prestations doivent être déclarés, le simple fait de ne pas communiquer des changements de situation suffit à réaliser l’infraction. Cette variante consistant à
« passer des faits sous silence » ne vise donc pas uniquement le fait de s’abstenir de répondre aux questions du prestataire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.2 et les références).

La tromperie doit provoquer une erreur (par quoi il faut entendre une représentation erronée ou incomplète de la réalité) auprès de son destinataire ou, si l’erreur est préexistante, conforter ce dernier dans sa vision biaisée de la réalité (GARBARSKI/BORSODI in Commentaire romand du Code pénal II, 2017, n° 18 ad art. 148a).

Sous l’angle subjectif, l’art. 148a CP décrit une infraction intentionnelle et suppose, s’agissant de la variante consistant à « passer des faits sous silence », que l’auteur ait conscience de l’existence et de l’ampleur de son devoir d’annonce, ainsi que la volonté de tromper. Le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 6B_886/2022 du 29 mars 2023 consid. 2.1.3 et les références).

12.2 L’art. 31 LPC – qui est également applicable en matière de prestations complémentaires cantonales conformément à l’art. 1A LPCC – est subsidiaire aux crimes et délits de droit commun (arrêt du Tribunal fédéral 6S.288/2000 du 28 septembre 2000 consid. 2) et prévoit une peine pécuniaire n’excédant pas 180 jours-amendes pour la violation du devoir d’informer.

L’art. 31 al. 1 LPC prévoit qu’est puni, à moins qu’il ne s’agisse d’un crime ou d’un délit frappé d’une peine plus élevée par le Code pénal, d’une peine pécuniaire n’excédant pas 180 jours-amende :

-     celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d’un canton ou d’une institution d’utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l’octroi indu d’une prestation au sens de la présente loi (let. a) ;

-     celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient sans droit une subvention au sens de la présente loi (let. b) ;

-     celui qui n’observe pas l’obligation de garder le secret ou abuse, dans l’application de la présente loi, de sa fonction ou tire avantage de sa situation professionnelle au détriment de tiers ou pour son propre profit (let. c) ;

-     celui qui manque à son obligation de communiquer (art. 31 al. 1 LPGA) (let. d).

L’infraction visée à l’art. 31 al. 1 LPC consiste en l’obtention du paiement de prestations complémentaires par des indications trompeuses. Cette infraction est réalisée lors du premier paiement de la prestation complémentaire. C’est à ce moment que tous les éléments objectifs et subjectifs sont réalisés (ATF 138 V 74 consid. 5.1).

Sur le plan subjectif, l’art. 31 al. 1 LPC suppose un agissement intentionnel de l’auteur. Il convient donc d’examiner s’il a agi avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où elle se produirait (art. 12 al. 1 et 2 CP applicable par renvoi de l’art. 333 al. 1 CP). L’intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. L’auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3). Pour apprécier s’il y a dol éventuel au sens de l’art. 12 al. 2, 2ème phr. CP, il y a lieu, en l’absence d’aveu, de se fonder sur les circonstances du cas d’espèce. En font partie l’importance du risque de réaliser l’infraction dont l’auteur avait conscience, la gravité de la violation du devoir de diligence par celui-ci, ses mobiles ainsi que la manière dont il a agi. On conclura d’autant plus aisément au fait que l’auteur de l’infraction a tenu pour possible la réalisation de l’infraction et l’a acceptée pour le cas où elle se produirait à mesure que s’accroît la probabilité de réaliser les éléments constitutifs objectifs d’une infraction et que s’aggrave la violation du devoir de diligence (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1).

L’infraction visée à l’art. 31 al. 1 LPC peut aussi être commise par un comportement passif, contraire à une obligation d’agir (art. 11 al. 1 CP). Tel est le cas, lorsque l’auteur n’empêche pas la lésion du bien juridique protégé, bien qu’il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi ou d’un contrat (cf. art. 11 al. 2 let. a et b CP ; ATF 136 IV 188 consid. 6.2). Dans cette hypothèse, l’auteur n’est punissable que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s’il avait commis l’infraction par un comportement actif (art. 11 al. 3 CP). L’auteur doit ainsi occuper une position de garant qui l’obligeait à renseigner ou à détromper la dupe (cf. ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 et 2.4.1 et les références citées ; 136 IV 188 consid. 6.2). Il n’est pas contesté qu’un contrat ou la loi puisse être la source d’une telle position de garant. N’importe quelle obligation juridique ou contractuelle ne suffit toutefois pas. En particulier, l’obligation de renseigner prévue par la loi ou un contrat ne crée pas à elle seule de position de garant (ATF 140 IV 11 consid. 2.4 ; 131 IV 83 consid. 2.1.3).

Il ne faut pas confondre la négligence qui, si elle est grave, doit amener à retenir que le bénéficiaire de prestations versées à tort ne remplit pas la condition de la bonne foi devant conduire, si elle est remplie et s’accompagne au surplus d’une exposition à une situation difficile, à renoncer à exiger la restitution, au sens de l’art. 25 al. 1 LPGA, avec la faute réalisant l’élément constitutif subjectif d’une infraction pénale à l’origine du versement indu (ATAS/477/2019 du 28 mai 2019 consid. 11d).

12.3 L’assuré qui, en vertu de l’art. 31 LPGA, a l’obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre n’adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive – par acte concluant – du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d’analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d’autres actions permettant objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme étant l’expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l’assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites
de l’assureur destinées à établir l’existence ou la modification de la situation personnelle, médicale ou économique ; il n’est en effet plus question alors d’une escroquerie par omission, mais d’une tromperie active (ATF 140 IV 11 consid. 2.4.1 et consid. 2.4.6 in fine ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 6B_791/2013 du 3 mars 2014 consid. 3.1.1).

Les indications écrites fournies chaque année à un titulaire de prestations complémentaires relatives à l’obligation de communiquer tout changement de circonstances doivent être comprises comme une exhortation à annoncer la survenance de telles modifications. Celui qui, après avoir dissimulé à l’administration une partie de ses revenus, ignore ces communications annuelles, tait l’existence d’éléments pertinents pour l’octroi de prestations. Ce faisant, il exprime tacitement, de façon mensongère vis-à-vis des autorités, que sa situation, respectivement les conditions pour le versement des prestations ne se sont pas modifiées. Son silence revient sur ce point à une déclaration expresse (silence qualifié), lui faisant commettre ainsi à chaque fois une tromperie par commission (ATF 131 IV 83 consid. 2.2 et 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2013 du 13 décembre 2013, consid. 4.1.3).

13.          

13.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

13.2 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel il appartient au juge d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d’administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA). En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l’allégation ni celui de l’administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 ; 125 V 193 consid. 2). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344
p. 418 consid. 3). Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

13.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ‑ RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

14.          

14.1 En l’espèce, l’intimé réclame la restitution de CHF 75’534.- au titre des PC du 1er avril 2017 au 31 mars 2024 (CHF 44’463.-), des réductions de primes d’assurance-maladie du 1er avril 2017 au 31 décembre 2022 (CHF 25’667.70) et des frais de maladie et d’invalidité pour des factures échelonnées entre le 28 août 2017 et le 19 décembre 2022 (CHF 5’403.90).

À teneur des extraits du registre foncier – produits pour la première fois avec le recours (pièces 9 et 10) –, la recourante et son mari ont acquis la parcelle n° 2______ le 11 février 1995 et la parcelle n° 1______ le 10 janvier 1997. En outre, il ressort en substance du rapport d’évaluation du 22 septembre 2023 et des explications données pour la première fois le 30 octobre 2023 par l’intéressée que la construction – dont le SPC connaît l’existence depuis 2003 – se situe, non pas sur la seule parcelle n° 1______, mais aussi sur la parcelle n° 2______, chacune d’entre elles se voyant attribuer une adresse distincte (Rua C______ n° 75 pour la parcelle n° 2______ ; Rua C______ n° 85 pour la parcelle n° 1______). Avant de recevoir le rapport d’évaluation du 22 septembre 2023, l’intimé n’avait connaissance que de la construction (ou partie de celle-ci) sise sur la parcelle n° 1______, les estimations des 22 mars 2004 et 8 mai 2012 (pièces 4 et 22 intimé) ne concernant que cette parcelle et ses aménagements.

Ce fait nouveau, découvert après coup, qui est de nature à modifier le calcul des prestations, justifie, avec effet ex tunc, la révision des décisions précédemment rendues d’octroi de PC.

D’avis contraire, la recourante souligne avoir transmis, le 12 mars 2012, des documents relatifs aux deux parcelles (nos 2______ et 1______ ; pièce 17 intimé) en réponse au courrier du 20 février 2012 du SPC lui demandant la communication de la valeur vénale actuelle de son bien immobilier (pièce 16 intimé). Elle en déduit qu’elle n’a pas omis de fournir à l’autorité intimée les renseignements requis et qu’elle n’a pas cherché à tromper cette dernière en passant sous silence certains faits, de sorte qu’aucune infraction ne pourrait lui être reprochée. En l’absence d’infraction aux art. 31 al. 1 LPC et 148a CP, ce ne serait pas un délai de prescription de sept ans mais, en principe, de cinq ans qui s’appliquerait. Elle ajoute qu’une créance en restitution sur une période de cinq ans n’aurait de toute manière pas lieu d’être dans la mesure où l’intimé aurait commis une erreur à la réception des documents transmis le 12 mars 2012 – relatifs aux deux parcelles précitées –, erreur qu’il aurait entretenue en ne mettant pas en œuvre un contrôle périodique en 2016, lequel lui aurait permis, dans le cadre du délai relatif de prescription – qui était alors d’une année –, de réclamer la restitution des prestations versées indûment jusqu’en 2017 au plus tard.

14.2 La chambre de céans ne saurait se rallier au raisonnement de la recourante dans la mesure où celui-ci occulte une partie des faits déterminants. On constate en effet que les justificatifs transmis le 12 mars 2012 constituent des attestations de l’administration fiscale portugaise qui concernent le mari de la recourante, qui n’est pas compris dans le calcul des PC. En outre, en tant que ces documents, non traduits, ne mentionnaient notamment pas le nom de l’intéressée, ceux-ci n’étaient pas propres à fournir des indices quant à un éventuel rapport de copropriété sur la parcelle n° 2______. De plus, ces documents transmis le 12 mars 2012 indiquaient la valeur fiscale des parcelles 2______ et 1______, établie en 2009. On relève ensuite qu’à réception de ces attestations fiscales, le SPC ne s’en était pas contenté mais qu’il avait au contraire relancé l’intéressée, par courrier du 2 mai 2012, pour qu’elle lui adresse « d’ici le 2 juin 2012, la valeur vénale actuelle de [son] bien immobilier (à faire estimer par un architecte, un notaire ou un agent immobilier) » (pièce 21 intimé). Sur quoi, le SPC s’était vu remettre, le 16 mai 2012, une estimation de la valeur vénale de la maison (EUR 47’730.-) inscrite sur la parcelle n° 1______, confortant ainsi l’autorité intimée dans sa représentation incomplète (depuis le départ) de l’ensemble de la fortune immobilière de l’intéressée.

Il sied donc de constater que, sur le plan objectif, les éléments constitutifs des infractions réprimées aux art. 148a CP et 31 al. 1 let. d LPC, toutes deux soumises au délai de prescription de sept ans, sont réalisés. En effet, en produisant, en avril 2004, l’estimation du 22 mars 2004 et, en mai 2012, l’estimation du 8 mai 2012, toutes deux relatives à la seule construction (ou partie de celle-ci) bâtie sur la parcelle n° 1______, l’intéressée a fourni des informations incomplètes au SPC. Elle a par ailleurs passé sous silence, année après année, les augmentations de la valeur de la construction érigée sur la parcelle n° 2______, manquant ainsi à son obligation de communiquer et confortant de la sorte l’intimé dans son erreur. Ce faisant, elle a adopté un comportement lui permettant d’obtenir des prestations indues.

L’élément subjectif de ces infractions apparaît également réalisé. Compte tenu d’une part, des demandes de justificatifs de la valeur vénale de sa maison à D______, adressées notamment en novembre 2003 (pièce 1 intimé) et mai 2012 (pièce 21 intimé) et, d’autre part, des indications écrites qui lui étaient fournies année après année au mois de décembre, concernant son obligation
de communiquer tout changement de circonstances, la recourante, qui n’ignorait pas que les estimations transmises en 2004 et 2012 ne concernaient qu’une partie de sa maison – celle bâtie sur la parcelle n° 1______ et correspondant à l’adresse Rua C______ – a néanmoins exprimé tacitement, année après année, jusqu’à l’envoi du rapport d’évaluation du 17 août 2023, que sa situation, respectivement les conditions pour le versement des prestations ne s’étaient pas modifiées. Par l’envoi d’informations incomplètes et le silence qualifié gardé au fil des ans à ce sujet, la recourante a accepté à tout le moins l’éventualité que l’intimé lui octroie des PC auxquelles elle n’avait pas droit, de sorte qu’elle a contrevenu aux art. 148a CP et 31 al. 1 let. a et d LPC par dol éventuel. Le délai de péremption de plus longue durée prévu par le droit pénal, soit en l’occurrence sept ans, est par conséquent applicable.

C’est donc à bon droit que l’intimé a fait rétroagir ses décisions de restitution du 21 mars 2024 au 1er avril 2017, étant relevé que les prestations les plus anciennes visées (celles du mois d’avril 2017) ont été perçues sept ans avant le courrier du 2 avril 2023 auquel étaient annexées les décisions de restitution précitées.

14.3 Reste à déterminer si l’intimé a réclamé la restitution des prestations indues à temps, la recourante lui reprochant de ne pas l’avoir fait dans un délai d’une année à compter de la révision périodique omise en 2016, soit en 2017.

Comme indiqué plus haut, le délai de péremption relatif commence à courir dès le moment où l’administration a (ou aurait dû avoir) connaissance des faits fondant l’obligation de restituer (cf. ci-dessus : consid. 10.1 et 10.3.1). On rappellera également que lorsque la restitution est imputable à une faute de l’administration, on ne saurait considérer comme point de départ du délai le moment où la faute a été commise, mais bien celui auquel l’administration aurait dû, dans un deuxième temps, reconnaître son erreur (ci-dessus : consid. 10.3.2).

En l’occurrence, on ne saurait considérer que les attestations fiscales transmises le 12 mars 2012, mentionnant uniquement le nom du mari, auraient permis de nantir l’intimé des informations fondant l’obligation de restituer de la recourante. Au contraire, l’envoi subséquent, en mai 2012, d’une évaluation concernant, comme en 2004, la seule partie de la maison située sur la parcelle n° 1______ a conforté l’intimé dans sa représentation erronée d’une fortune immobilière réduite à cet objet. Par ailleurs, quoi qu’en dise la recourante dans ses deux dernières écritures, on ne voit pas en quoi un contrôle périodique qui aurait eu lieu en 2016 – plutôt qu’en 2023 comme en l’espèce – aurait dû permettre à l’intimé de reconnaître son erreur. En effet, pour ce faire, un rapport d’évaluation complet, à l’image de celui versé au dossier le 22 septembre 2023, aurait été nécessaire. Or, la production d’un tel document à une époque antérieure aurait été fonction du respect de l’obligation de communiquer de l’intéressée. En tant qu’elle a choisi de ne se conformer à cette obligation qu’en septembre 2023, elle ne saurait tirer aucun avantage de ne pas l’avoir fait plus tôt en excipant de la prétendue tardiveté des décisions de restitution adressées le 2 avril 2024. Force est de constater, au contraire, que moins de sept mois se sont écoulés entre la réception, le 22 septembre 2023, du rapport d’évaluation du 17 août 2023, et les décisions de restitution précitées.

Il s’avère ainsi que les décisions de restitution adressées le 2 avril 2024 ne sont pas périmées.

15.          

15.1 Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

15.2 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

*****


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le