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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/505/2020

ATAS/1244/2020 du 10.12.2020 ( AVS ) , ADMIS

Recours TF déposé le 10.02.2021, rendu le 04.05.2022, ADMIS, 9C_79/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/505/2020 ATAS/1244/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 décembre 2020

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, à BERNEX, représenté par AUBINEAU AVOCATS ASSOCIÉS

 

recourant

 

contre

GASTROSOCIAL CAISSE DE COMPENSATION, sise Buchserstrasse 1, AARAU

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Du 1er avril 1986 au 30 septembre 2005, Monsieur A______ (ci-après : l'affilié, l'intéressé ou le recourant), alors titulaire d'une entreprise individuelle active dans la gestion d'un restaurant, a, en qualité d'indépendant, été affilié à Gastrosocial Caisse de compensation (ci-après : la caisse ou l'intimée), à laquelle il devait verser des cotisations de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS)/assurance-invalidité (AI)/allocations pour perte de gain (APG).

2.        Pour les années 2004 et 2005, après la fixation d'acomptes de cotisations puis la réception des taxations de l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), la caisse a fixé pour lesdites années les cotisations personnelles de l'affilié.

Ainsi, par décision du 28 février 2006 portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, sur la base d'un revenu d'activité lucrative indépendante de CHF 92'438.- dont elle a déduit l'intérêt CHF 11'550.- du capital propre de CHF 462'000.- investi au 31 décembre 2004, soit un revenu soumis à cotisations arrondi à CHF 80'800.-, elle a arrêté les cotisations personnelles à CHF 7'676.40, plus les frais administratifs et les cotisations « CAF GE (indépendant) » et « Assurance maternité GE » (ci-après : les autres frais et cotisations), soit un montant total de CHF 9'435.60.

Par décision du 20 février 2008 portant sur la période du 1er janvier au 30 septembre 2005, sur la base d'un revenu d'activité lucrative indépendante de CHF 47'662.- sans déduction d'un intérêt du capital propre investi, soit un revenu soumis à cotisations arrondi à CHF 47'600.-, elle a fixé les cotisations personnelles à CHF 4'114.80, plus les autres frais et cotisations, soit un montant total de CHF 5'004.-.

Il ne ressort pas du dossier que l'affilié aurait formé opposition contre ces décisions.

3.        Par communications du 7 octobre 2019 (contenant le timbre du service impôts spéciaux du 9 octobre 2019 ; « niveau de rectification »), l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a informé la caisse que l'intéressé avait, pour 2004, réalisé un revenu d'activité lucrative indépendante de CHF 98'111.- avec un capital propre de CHF 461'294.- engagé dans l'entreprise, et, pour 2005, un tel revenu de CHF 62'505.- sans capital propre.

4.        Par décision du 14 octobre 2019 portant sur toute l'année 2004 et faisant suite à l'avis de rectification pour l'IFD reçu de l'AFC, la caisse a retenu un revenu de CHF 98'111.-, dont elle a déduit l'intérêt de CHF 11'550.- précité et auquel elle a ajouté les cotisations personnelles à concurrence de CHF 9'086.50, soit un revenu soumis à cotisations arrondi à CHF 95'600.-, puis, sur cette base, elle a arrêté le montant des cotisations personnelles à 9'081.60 plus les autres frais et cotisation, soit au total CHF 11'163.-, d'où un solde (différence) de CHF 1'727.40 et des intérêts en faveur de la caisse.

Par décision du même jour portant sur les neuf premiers mois de l'année 2005 et faisant suite à l'avis de rectification pour l'IFD reçu de l'AFC, la caisse a retenu un revenu de CHF 62'505.-, auquel elle a ajouté les cotisations personnelles à concurrence de CHF 6'561.30, soit un revenu soumis à cotisations arrondi à CHF 69'000.-, puis, sur cette base, elle a fixé le montant des cotisations personnelles à 6'555.60 plus les autres frais et cotisation, soit au total CHF 7'919.40, d'où un solde (différence) de CHF 2'915.40 et des intérêts en faveur de la caisse.

5.        Par écrit de son conseil du 12 novembre 2019, l'affilié a formé opposition contre ces deux décisions.

Selon lui, la procédure qui avait conduit à la rectification de la taxation fiscale relevait d'une procédure administrative en rappel et soustraction d'impôt, à caractère pénal. Or, l'acte punissable de la soustraction d'impôt n'étant pas passible d'une peine privative de liberté de trois ans, c'était le délai de prescription de sept ans qui s'appliquait, conformément aux directives applicables. Partant, le rappel des cotisations ouvert en 2019 ne pouvait pas porter sur les années 2004 et 2005.

6.        En réponse à un courrier du 14 novembre 2019 de la caisse, laquelle l'interrogeait notamment sur l'exactitude du revenu annoncé et sur la « date d'entrée en force de la taxation fiscale, niveau de rectification », l'AFC a, par courriel du 2 décembre 2019, indiqué que les communications du 7 octobre 2019 étaient, après vérification, justes et que « la date de notification pour 2004 et 2005 » était le 28 août 2019.

Dans le dossier de la caisse, est annexée à ce courriel une lettre recommandée de l'AFC, service impôts spéciaux, adressée le 18 novembre 2019 à l'intéressé, répondant à un courrier de celui-ci du 14 novembre précédent et précisant la teneur de chiffres des Directives de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l'AVS, AI et APG (ci-après : DIN), valables dès le 1er janvier 2008.

7.        L'intéressé n'a pas donné suite à une lettre recommandée du 4 décembre 2019 de la caisse lui transmettant cette réponse de l'AFC, l'informant que les facteurs rapportés étaient donc corrects et que la taxation fiscale qui en résultait était entrée en force le 28 août 2019 sans qu'aucune réclamation n'ait été formée, et lui impartissant un délai de dix jours pour lui faire part de ses commentaires écrits.

8.        Par décision sur opposition rendue le 8 janvier 2020, la caisse a rejeté l'opposition de l'affilié, considérant notamment que les cotisations pour 2004 et 2005 n'étaient pas prescrites, les cotisations des indépendants n'étant atteintes par la prescription qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante était entrée en force.

9.        Par acte expédié le 7 février 2020 au greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), l'intéressé a formé recours contre cette décision sur opposition, contestant le droit à la reprise de ses cotisations personnelles d'indépendant pour 2004 et 2005 en raison des délais de prescription, sa motivation sur ce point étant la même que celle contenue dans son opposition.

Étaient produits les bordereaux de rappel d'impôt et les avis de taxation rectificatifs du 28 août 2019 pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2004 ainsi que pour l'ICC et l'IFD 2005.

10.    Dans sa réponse du 5 mars 2020, l'intimée a conclu au rejet du recours, après avoir développé l'argumentation énoncée dans sa décision sur opposition concernant la question de la prescription.

11.    Le recourant n'a pas formulé d'observations dans le délai octroyé au 30 mars 2020 et prolongé d'office au 18 juin 2020 par la chambre de céans.

12.    Par pli du 15 octobre 2020, à la demande de la chambre de céans, l'affilié a produit les bordereaux d'« amende pour soustraction d'impôt », « selon les dispositions des articles 69 et ss LPFisc », respectivement « selon les dispositions des articles 175 et ss LIFD », pour l'ICC et l'IFD 2004 et 2005, datés du 28 août 2019, et a confirmé le caractère pénal de la soustraction d'impôt.

13.    Les parties ne se sont pas manifestées dans le délai au 4 novembre 2020 qui leur avait été imparti par la chambre de céans pour formuler d'éventuelles observations à la suite de cette écriture et des pièces annexées.

14.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément aux art. 134 al. 1 let. a ch. 1, 2 et 7 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et 20 loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20), à la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (loi sur les allocations pour perte de gain, LAPG - RS 834.1), à la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (loi sur les allocations familiales, LAFam - RS 836.2), ainsi qu'à la LAMat.

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans le délai et la forme requise, le recours est recevable (art. 60 LPGA et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.        Le litige porte sur la question du droit ou non de l'intimée de réclamer du recourant la différence entre, d'une part, les cotisations d'indépendant de celui-ci pour 2004 et 2005 selon ses décisions initiales des 28 février 2006 et 20 février 2008 entrées en force et, d'autre part, les cotisations s'avérant dues à la suite des avis de taxation rectificatifs du 28 août 2019.

4.        a. Aux termes de l'art. 4 al. 1 LAVS, les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pour-cent du revenu provenant de l'exercice de l'activité dépendante et indépendante.

Les art. 8 à 9bis LAVS règlent les cotisations perçues sur le revenu provenant d'une activité indépendante

En particulier, en vertu de l'art. 9 LAVS, le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (al. 1). Le revenu provenant d'une activité indépendante et le capital propre engagé dans l'entreprise sont déterminés par les autorités fiscales cantonales et communiqués aux caisses de compensation (al. 3). Les caisses de compensation ajoutent au revenu communiqué par les autorités fiscales les déductions admissibles selon le droit fiscal des cotisations dues en vertu de l'art. 8 LAVS, de l'art. 3 al. 1 LAI et de l'art. 27 al. 2 LAPG. Elles reconstituent à 100 % le revenu communiqué en fonction des taux de cotisation applicables (al. 4).

b. Selon l'art. 22 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) - concernant les cotisations perçues sur le revenu provenant d'une activité indépendante (art. 17 ss RAVS) -, les cotisations sont fixées pour chaque année de cotisation. L'année de cotisation correspond à l'année civile (al. 1). Les cotisations se calculent sur la base du revenu découlant du résultat de l'exercice commercial clos au cours de l'année de cotisation et du capital propre investi dans l'entreprise à la fin de l'exercice commercial (al. 2).

À teneur de l'art. 23 RAVS, portant sur la « détermination du revenu et du capital propre », pour établir le revenu déterminant, les autorités fiscales cantonales se fondent sur la taxation passée en force de l'IFD. Elles tirent le capital propre engagé dans l'entreprise de la taxation passée en force de l'impôt cantonal adaptée aux valeurs de répartition intercantonales (al. 1). En l'absence d'une taxation passée en force de l'IFD, les données fiscales déterminantes sont tirées de la taxation passée en force de l'impôt cantonal sur le revenu ou, à défaut, de la déclaration vérifiée relative à l'IFD (al. 2). Si l'autorité fiscale procède à une taxation fiscale consécutive à une procédure en soustraction d'impôts, les al. 1 et 2 sont applicables par analogie (al. 3). Les caisses de compensation sont liées par les données des autorités fiscales cantonales (al. 4).

L'art. 25 al. 1 RAVS prévoit que les caisses de compensation fixent les cotisations dues pour l'année de cotisation dans une décision de cotisation et établissent le solde entre les cotisations dues et les acomptes versés.

Aux termes de l'art. 27 RAVS, pour toutes les personnes exerçant une activité indépendante qui leur sont affiliées, les caisses de compensation demandent aux autorités fiscales cantonales de leur communiquer les indications nécessaires au calcul des cotisations. L'OFAS édicte des directives sur les indications requises et la procédure de communication (al. 1). Les autorités fiscales cantonales transmettront les indications au fur et à mesure aux caisses de compensation pour chaque année fiscale (al. 2). Si elle n'a reçu aucune demande de communication pour une personne exerçant une activité indépendante dont elle peut établir le revenu conformément à l'art. 23, l'autorité fiscale cantonale communiquera spontanément les indications nécessaires à la caisse de compensation cantonale. Le cas échéant, celle-ci les transmettra à la caisse de compensation compétente (al. 3).

5.        a. Pour ce qui est de la question de la prescription ou de la péremption du droit de fixer les cotisations, l'art. 24 LPGA, intitulé « extinction du droit », prévoit que le droit à des prestations ou à des cotisations arriérées s'éteint cinq ans après la fin du mois pour lequel la prestation était due et cinq ans après la fin de l'année civile pour laquelle la cotisation devait être payée (al. 1). Si le cotisant s'est soustrait à l'obligation de cotiser par un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, c'est celui-ci qui détermine le moment où s'éteint la créance (al. 2).

Conformément à l'art. 16 al. 1 LAVS, intitulé « prescription », les cotisations dont le montant n'a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées ni versées. S'il s'agit de cotisations visées aux art. 6 al. 1, 8 al. 1 - le cas ici -, et 10 al. 1 LAVS, le délai n'échoit toutefois, en dérogation à l'art. 24 al. 1 LPGA, qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Si le droit de réclamer des cotisations non versées naît d'un acte punissable pour lequel la loi pénale prévoit un délai de prescription plus long, ce délai est déterminant.

Il est précisé que cet art. 16 al. 1 LAVS, comme les autres dispositions de la LAVS relatives à la fixation des cotisations, vaut aussi pour les parts de cotisations afférentes à l'assurance-invalidité (art. 3, notamment al. 2 2ème phr., LAI), aux allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (art. 27, notamment al. 3 2ème phr., LAPG), aux allocations familiales (art. 25 let. eter LAFam, en vigueur depuis le 1er janvier 2018, qui déclare applicables par analogie les dispositions de la législation sur l'AVS, y compris les dérogations à la LPGA, concernant la perception des cotisations [art. 14 à 16 LAVS]), de même qu'à l'allocation de maternité ou d'adoption (art. 2 LAMat, qui renvoie aux dispositions pertinentes de la LAPG applicables par analogie).

À teneur de l'art. 39 al. 1 RAVS, intitulé « paiement des cotisations arriérées », et dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2001, si une caisse de compensation a connaissance du fait qu'une personne soumise à l'obligation de payer des cotisations n'a pas payé de cotisations ou n'en a payé que pour un montant inférieur à celui qui était dû, elle doit réclamer, au besoin par décision, le paiement des cotisations dues. La prescription selon l'art. 16 al. 1 LAVS est réservée.

b. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral - ainsi que la doctrine -, l'art. 16 al. 1 LAVS prévoit un délai de péremption, qui ne peut être ni suspendu ni interrompu. Ainsi, soit le délai est sauvegardé par une décision fixant le montant des cotisations dues notifiée dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l'année civile concernée, soit il n'est pas sauvegardé, avec pour conséquence que les cotisations ne peuvent plus être ni exigées ni versées (ATF 121 V 5 consid. 4c ; ATF 117 V 208 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_383/2019 du 25 septembre 2019 consid. 3.2 ; Michel VALTERIO, Droit de l'assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l'assurance-invalidité [AI] - Commentaire thématique, 2011, n. 719 ; Pierre-Yves GREBER/Jean-Louis DUC/Gustavo SCARTAZZINI, Commentaire des articles 1 à 16 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants [LAVS], 1997, n. 2 et 9 ad art. 16 LAVS). Dans cette seconde hypothèse, il ne subsiste aucune obligation naturelle susceptible d'être exécutée volontairement ou par compensation (arrêts du Tribunal fédéral 9C_383/2019 précité consid. 3.2 ; 9C_741/2009 du 12 mars 2010 consid. 1.2 et les références). En effet, la péremption a pour conséquence d'éteindre le droit et l'obligation correspondante de plein droit, et le délai de péremption, dont le respect doit être examiné d'office par le juge, ne peut par principe être ni interrompu, ni suspendu, ni restitué (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1258).

Il sied de relever que l'extinction du droit à des cotisations arriérées cinq ans après la fin de l'année civile pour laquelle la cotisation devait être payée, selon l'art. 24 al. 1 LPGA, se réfère aussi à un délai de péremption (Sylvie PÉTREMAND, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 14 et 19 ad art. 24 LPGA et la référence citée).

c. Alors que les 1ère et 3ème phr. dudit art. 16 al. 1 LAVS sont, concernant les points pertinents du présent litige, demeurées inchangées depuis l'adoption de cette loi, la 2ème phr. a fait l'objet de plusieurs modifications.

Cette 2ème phr. a tout d'abord été remaniée une première fois, avec entrée en vigueur le 1er janvier 1954 (RO 1954 217), à la suite du projet de texte « Le point de départ de ce délai est reporté à la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale est entrée en force, s'il s'agit de cotisations fixées d'après une taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôts » (FF 1953 II 73 ss, spéc. 150).

Ensuite, la 10ème révision de l'AVS a modifié la 2ème phr. de l'art. 16 al. 1 LAVS en la teneur suivante, entrée en vigueur le 1er janvier 1997 : « S'il s'agit de cotisations selon les articles 6, 8, 1er alinéa, et 10, 1er alinéa, le délai n'échoit toutefois qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante ou la taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôts est entrée en force » (RO 1996 2466 2490).

Dans le cadre de l'adoption de la LPGA a été ajouté « en dérogation à l'art. 24, al. 1, LPGA » à la 2ème phr. de l'art. 16 al. 1 LAVS avec entrée en vigueur le 1er janvier 2003, les 1ère et 3ème phr. demeurant inchangées (ch. 7 de l'annexe à la LPGA).

Il est précisé que, concernant notamment la LAVS et la LAPG, les dérogations devaient désormais être expressément désignées comme telles en raison de la nouvelle conception de la technique législative, les réserves au profit des lois particulières devant être supprimées dans la LPGA ; ces adaptations n'entraînaient aucune modification matérielle du droit existant (Rapport de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé du 26 mars 1999, Initiative parlementaire - Droit des assurances sociales [85.227], FF 1999 IV 4168, 4221, dans lequel le projet d'art. 31 al. 1 LPGA correspond à l'actuel art. 24 al. 1 LPGA ; Sylvie PÉTREMAND, op. cit., n. 56 et 57 ad art. 24 LPGA).

Enfin, la version actuelle a été adoptée, avec entrée en vigueur au 1er janvier 2012 : « S'il s'agit de cotisations visées aux art. 6, al. 1, 8, al. 1, et 10, al. 1, le délai n'échoit toutefois, en dérogation à l'art. 24, al. 1, LPGA, qu'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force » (RO 2011 4745).

Ainsi, l'un des changements ressortant de cette modification légale dans la 2ème phr. de l'art. 16 al. 1 LAVS a consisté en la suppression des termes « ou la taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôts ».

Le Message relatif à la modification de la LAVS (Amélioration de la mise en oeuvre) du 3 décembre 2010 n'en expose pas les motifs, mais se concentre sur la question de la mise à la poste des décisions de cotisation (FF 2011 519 ss, spéc. 532). En réalité, les modifications légales effectuées dans ledit cadre « Amélioration de la mise en oeuvre » par l'Assemblée fédérale étaient des mesures techniques qui faisaient l'unanimité, n'ayant pas été contestées dans le cadre de la 11ème révision de l'AVS, laquelle n'avait pas abouti, comme l'ont exposé les conseillers aux Etats et conseillers nationaux qui se sont exprimés, notamment Liliane MAURY PASQUIER et Meinrado ROBBIANI, ainsi que le conseiller fédéral en charge du dossier (BO 2011 E 21 ss ; BO 2011 N 1227 ss ; ATAS/363/2015 du 19 mai 2015 consid. 5d).

Dans le même sens, le Tribunal fédéral considère que la suppression des termes « ou la taxation consécutive à une procédure pour soustraction d'impôts » entrée en vigueur le 1er janvier 2012 n'est qu'une modification d'ordre linguistique, mais pas de fond. Partant, une taxation après rappel d'impôt entre dans la notion de taxation fiscale déterminante et fait également courir le délai d'un an de l'art. 16 al. 1 2ème phr. LAVS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_736/2018 du 5 décembre 2018 consid. 2).

Au demeurant, encore actuellement, l'OFAS maintient expressément le délai d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle, notamment, la taxation consécutive à un rappel d'impôt et en particulier à une procédure pour soustraction d'impôts est entrée en force (DIN, état au 1er janvier 2020, ch. 1245 et 1246).

Le délai d'un an après la fin de l'année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante sous forme de taxation après rappel d'impôt est entrée en force (art. 16 al. 1 2ème phr. LAVS) s'applique, que la décision de cotisations faisant suite audit rappel d'impôt soit la première pour l'année de cotisations en cause ou qu'elle ait été précédée par une décision de cotisations initiale et antérieure à la taxation après rappel d'impôt.

d. Par ailleurs, le délai d'une année de la 2ème phr. de l'art. 16 al. 1 LAVS ne saurait aboutir à raccourcir le délai de péremption de cinq ans fixé par la 1ère phr. (arrêt du Tribunal fédéral 9C_491/2013 du 5 février 2014 consid. 2 ; ATAS/363/2015 précité consid. 6b), mais constitue un délai supplémentaire, appliqué une fois le délai de cinq ans de la 1ère phr. échu et destiné à éviter que la caisse de compensation soit contrainte, pour interrompre le délai de péremption, de rendre une décision de cotisation avant que la taxation fiscale soit entrée en force (arrêt du Tribunal fédéral H 1/06 du 30 novembre 2006 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 725 ; aussi Message du Conseil fédéral du 5 mai 1953 précité, FF 1953 II 73 ss, spéc. 113).

e. Le délai de la 3ème phr. de l'art. 16 al. 1 LAVS prévu en cas d'acte punissable, constitue, à l'instar de la 2ème phr., un délai supplémentaire par rapport au délai de la 1ère phr., dans la mesure où il peut être plus long que celui-ci.

À cet égard, à l'appui de la modification légale entrée en vigueur le 1er janvier 1954 (RO 1954 217), le Conseil fédéral a considéré que des circonstances spéciales imposaient notamment pour le délai de cinq ans de la 1ère phr. des exceptions : si des cotisations devaient être prélevées sur un revenu taxé dans une procédure en soustraction d'impôts, le délai de cinq ans ne devait prendre naissance qu'après la fin de l'année dans laquelle la taxation fiscale était entrée en force ; et si des cotisations avaient été soustraites à la perception à l'occasion d'un acte punissable contre lequel l'action pénale se prescrivait par un délai supérieur à cinq ans, ce délai devait être déterminant (Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi modifiant celle sur l'assurance-vieillesse et survivants du 5 mai 1953, FF 1953 II 73 ss, spéc. 113).

En outre, la 3ème phr. de l'art. 16 al. 1 LAVS correspond en substance à l'art. 24 al. 2 LPGA, par rapport à l'art. 24 al. 1 LPGA auquel correspond la 1ère phr. du même art. 16 al. 1 LAVS (ATAS/363/2015 précité consid. 4c).

6.        a. La soustraction d'impôt consommée est une contravention au sens de l'art. 103 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) - l'ancien art. 101 CP, avant le 1er janvier 2007 -, car punie exclusivement de l'amende, en vertu de l'art. 175 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème édition, 2012, § 26 n. 11, p. 585 ; Diane MONTI, Les contraventions fiscales en droit fiscal harmonisé, 2002, p. 45).

b. Selon l'art. 184 LIFD tel qu'en vigueur depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit, en cas de soustraction d'impôt consommée, par dix ans : à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée ou l'a été de façon incomplète, ou pour laquelle l'impôt à la source n'a pas été perçu conformément à la loi (art. 175 al. 1 ; al. 1 let. b ch. 1). La prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente (art. 182 al. 1) avant l'échéance du délai de prescription (al. 2). L'ancien art. 184 al. 1 let. b LIFD, en vigueur notamment en 2004 et 2005, avait un contenu substantiellement identique, mais pas son al. 2, qui prévoyait que la prescription était interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable ou de l'une des personnes visées à l'art. 177, l'interruption étant opposable tant au contribuable qu'à ces autres personnes ; un nouveau délai commençait à courir à chaque interruption ; la prescription ne pouvait toutefois être prolongée de plus de la moitié de sa durée initiale.

Il est précisé, d'une part, que ladite nouvelle teneur de l'art. 184 LIFD entrée en vigueur le 1er janvier 2017 a fait suite à l'adoption de l'al. 5 de l'art. 333 CP, entré en vigueur le 1er octobre 2002 (RO 2002 2986 2988), remplacé par l'al. 6 à compter du 1er janvier 2007 (RO 2006 3459 3535 ; Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, in Commentaire romand, LIFD, 2ème éd., 2017, n. 14 ss ad art. 184 LIFD et les références citées), d'autre part, que le droit de procéder au rappel de l'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD).

En ce qui concerne la soustraction fiscale, si les actes reprochés à la personne intéressée ont été commis avant le 1er janvier 2007, en vertu de l'art. 2 CP (lex mitior), les nouvelles règles prévues à l'art. 333 al. 6 CP et entrées en vigueur après cette date qui lui seraient plus favorables s'appliqueraient (dans ce sens, arrêts du Tribunal fédéral 2C_173/2015 du 22 avril 2016 consid. 4 et 5 ; 2C_651/2012 du 28 septembre 2012 consid. 3).

c. Selon le Tribunal fédéral, s'agissant des amendes pour soustraction d'impôt consommée, pour l'IFD, il découle du nouveau droit, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, que la prescription est atteinte si aucune décision n'a été rendue par l'autorité cantonale compétente dans les dix ans après la fin de la période fiscale concernée (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 et al. 2 LIFD). Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de la soustraction consommée se prescrivait par quinze ans (art. 184 let. b ch. 1 et al. 2 aLIFD, en lien avec l'art. 333 al. 6 let. b CP). L'art. 205f LIFD exprime le principe de la lex mitior (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1073/2018, 2C_1089/2018 du 20 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_12/2017, 2C_13/2017 du 23 mars 2018 consid. 4.2).

7.        a. En vertu de l'art. 53 LPGA, intitulé « révision et reconsidération », les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l'assuré ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1). L'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

b. Cette disposition de la LPGA consacrée à la «révision et reconsidération» s'inscrit dans la thématique de la modification des décisions entrées en force de chose décidée, soit celles qui ne sont plus susceptibles d'un recours ordinaire (Margit MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 1 et 25 ss ad art. 53 LPGA et les références citées).

Si la révision procédurale et la reconsidération ont pour point commun de remédier à l'inexactitude initiale d'une décision (« anfängliche tatsächliche Unrichtigkeit » ; Ueli KIESER/Gabriela RIEMER-KAFKA, Tafeln zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, 5ème éd., 2013, p. 140), la révision est la modification d'une décision correcte au moment où elle a été prise, compte tenu des éléments connus à ce moment, mais qui apparaît ensuite dépassée en raison d'un élément nouveau. En revanche, la reconsidération a pour objet la correction d'une décision qui était déjà erronée, dans la constatation des faits ou dans l'application du droit, au moment où elle a été prise (ATAS/154/2019 du 25 février 2019 consid. 3b ; ATAS/1163/2014 du 12 novembre 2014 consid. 5c).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le motif de révision tiré d'un moyen de preuve nouveau ne peut en principe être invoqué lorsque le requérant produit par la suite une nouvelle expertise en relation avec une allégation déjà faite dans la procédure de recours ordinaire. Le Tribunal fédéral admet en revanche, pour des raisons propres au domaine des assurances sociales, que des moyens de preuve qui n'existaient pas encore au moment du précédent procès puissent entrer en considération aux fins de la révision. La preuve doit cependant établir de manière indiscutable (« eindeutig ») que l'état de fait retenu dans la procédure précédente était erroné. Encore faut-il que le requérant démontre qu'il ne pouvait pas invoquer les nouveaux moyens destinés à prouver des faits allégués antérieurement dans la procédure précédente. La révision ne doit pas servir à réparer une omission qui aurait pu être évitée par un requérant diligent. En cela, elle est un moyen subsidiaire par rapport aux voies de droit ordinaires. On appréciera la diligence requise avec moins de sévérité en ce qui concerne l'ignorance des faits, dont la découverte est souvent due au hasard, que l'insuffisance des preuves au sujet de faits connus, la partie ayant le devoir de tout mettre en oeuvre pour prouver ceux-ci dans la procédure principale. En outre, il importe, en matière de révision, que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu'une nouvelle expertise donne une appréciation différente des faits ; il faut bien plutôt des éléments de faits nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs (ATF 143 V 105 consid. 2.2 et 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral U 561/06 du 28 mai 2007 consid. 6.2 et 7.1 et les références citées ; U 146/04 du 25 octobre 2004 consid. 2.2 et 3 ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 42 à 56 ad art. 53 LPGA et les références citées).

Par exemple, les faits qui ont été constatés par un tribunal des prud'hommes et qui l'ont conduit à nier l'existence d'un rapport de travail entre deux personnes constituent des faits nouveaux que l'assureur-accidents peut invoquer pour réviser la décision par laquelle il avait reconnu son obligation de prester pour l'accident subi par la première personne, qu'il avait considérée comme employée de la seconde. L'assureur social ignorait ces faits sans faute de sa part, parce que le prétendu employeur avait effectué des fausses déclarations et donné des informations erronées (arrêt du Tribunal fédéral U 146/04 précité consid. 3 ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 44 ad art. 53 LPGA).

c. En dehors des conditions prévues par son art.53 al.1, la LPGA ne comprend pas de règles de procédure concernant la révision procédurale; elle ne prévoit en particulier pas de délais dans lesquels la requête de révision devrait être présentée. La jurisprudence a posé des règles à ce sujet: en vertu du renvoi de l'art.55 al.1 LPGA, sont déterminants les délais applicables à la révision de décisions rendues sur recours par une autorité soumise à la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; art.67 al.1 et 2 PA ; arrêt du Tribunal fédéral I 276/04 du 28 juillet 2005 consid. 2), cette réglementation constituant au demeurant un principe général (Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 60 ad art. 53 LPGA et les références citées).

Conformément à l'art.67 al.1 PA, la demande de révision doit être adressée par écrit à l'autorité qui a pris la décision dont le requérant souhaite la révision dans les nonante jours qui suivent la découverte du motif de révision (délai relatif), mais au plus tard dix ans après la notification de la décision administrative ou de la décision sur opposition (délai absolu ; ATF 143 V 105 consid. 2.1 ; ATF 140 V 514 consid. 3.3 ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 60 ad art. 53 LPGA). Il s'agit de délais de péremption (August MÄCHLER, in Christoph AUER/Markus MÜLLER/Benjamin SCHINDLER [éd.], VwVG - Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren Kommentar, 2ème édition, 2019, n. 1 ad art. 67 PA ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., n. 2166).

À teneur de l'art. 67 al. 2 PA, après dix ans, la révision ne peut être demandée qu'en vertu de l'art. 66 al. 1 PA, lequel dispose que l'autorité de recours procède, d'office ou à la demande d'une partie, à la révision de sa décision lorsqu'un crime ou un délit l'a influencée.

Les crimes et délits au sens de l'art. 66 al. 1 PA sont définis à l'art. 10 CP, aux termes duquel ledit code distingue les crimes des délits en fonction de la gravité de la peine dont l'infraction est passible (al. 1) ; sont des crimes les infractions passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (al. 2) ; sont des délits les infractions passibles d'une peine privative de liberté n'excédant pas trois ans ou d'une peine pécuniaire (al. 3). En conséquence, les contraventions, qui ne sont pas définies dans cet article mais à l'art. 103 CP (anciennement art. 101 CP), ne constituent en tant que telles pas un motif de révision (August MÄCHLER, op. cit., n. 16 ad art. 66 PA ; Karine SCHERRER REBER, in Bernhard WALDMANN/Philippe WEISSENBERGER [éd.], VwVG - Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz, 2ème édition, 2016, n. 23 ad art. 66 PA).

8.        a. Une révision ne peut intervenir qu'à l'intérieur du délai de prescription ou de péremption prévu pour le rapport juridique de base (arrêts du Tribunal fédéral 8C_718/2016 de 21 août 2017 consid. 5.3 ; H 176/04 du 23 février 2005 consid. 2.3 ; Thomas MEIER, Verjährung und Verwirkung öffentlich-rechtlicher Forderungen, thèse, 2013, p. 320), en l'occurrence la fixation de cotisations.

Se pose à l'inverse la question de savoir si le délai absolu dans lequel une requête de révision peut être formulée, au sens des art. 66 al. 1 et 67 al. 2 PA (auxquels renvoie l'art.55 al.1 LPGA), prime ou non le délai de péremption du rapport juridique de base, en l'occurrence l'art. 16 al. 1 LAVS.

b. Le Tribunal fédéral a, dans un premier temps à tout le moins, appliqué sans réserve le délai absolu de péremption de dix ans à la procédure de révision de l'art. 53 al. 1 LPGA (arrêts du Tribunal fédéral 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 3 ; 8C_302/2010 du 25 août 2010 consid. 4). Cette jurisprudence a été critiquée par certains auteurs de doctrine (à ce sujet notamment Thomas FLÜCKIGER, in Basler Kommentar, ATSG, 2020, n. 53 ad art. 53 LPGA).

En parallèle, la Haute Cour a admis le droit des organes d'exécution des assurances sociales de revenir, même après dix ans, sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force, dans le cadre de la reconsidération selon l'art. 53 al. 2 LPGA, à savoir lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable, à tout le moins pour des prestations durables continuant dans le futur (ATF 140 V 514 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_680/2017 du 7 mai 2018 consid. 4.1 ; 9C_837/2010 du 30 août 2011 consid. 2.4 ; I 276/04 précité consid. 2 ; Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 93 ad art. 53 LPGA).

Cela étant, par analogie avec la jurisprudence concernant la reconsidération en application de l'art. 53 al. 2 LPGA, une révision selon l'art. 53 al. 1 LPGA devrait être possible même après l'échéance du délai absolu de péremption de dix ans lorsque sont en cause des prestations durables (au sens de l'art. 17 LPGA) pour le futur, et une interprétation téléologique de la loi permettrait de n'appliquer ledit délai qu'à des prestations ou à des cotisations arriérées (au sens notamment de l'art. 24 al. 1 LPGA ; dans ce sens Thomas FLÜCKIGER, op. cit., n. 53 ad art. 53 LPGA ; Ulrich MEYER-BLASER, Die Abänderung formell rechtskräftiger Verwaltungsverfügungen in der Sozialversicherung, in ZBl 95/1994 p. 337 ss, spéc. 356 s.), l'intérêt à la sécurité du droit de l'assuré et de l'assureur justifiant que des prestations ou cotisations passées ne soient plus remises en cause après un certain délai (par analogie ATF 140 V 514 consid. 3.5).

L'art. 16 al. 1 LAVS ne contient aucune mention qu'il dérogerait, en tant que lex specialis, à l'art. 53 LPGA. Il en découle que si le délai absolu au sens des art. 66 al. 1 et 67 PA est arrivé à échéance, il y a, pour la caisse de compensation, péremption du droit de réclamer des montants de cotisations non payés, quand bien même les délais de l'art. 16 al. 1 LAVS ne seraient pas échus. Ceci correspond à la volonté du législateur que, passé un certain temps, plus précisément dix ans, après le prononcé de la décision initiale, prime l'intérêt de la personne concernée à ne plus voir remise en cause cette décision, sauf en cas d'infractions présentant le degré de gravité des délits et crimes.

9.        En l'espèce, sous l'angle du seul art. 16 al. 1 LAVS, l'intimée a rendu ses décisions du 14 octobre 2019 au sujet des cotisations de 2004 et 2005 dans le délai d'une année après la fin de l'année civile au cours de laquelle les avis de taxation rectificatifs prononcés le 28 août 2019 par l'AFC - et non contestés par l'intéressé - sont entrés en force (art. 16 al. 1 2ème phr. LAVS). Cela étant, les questions de savoir si elle a respecté le délai de prescription prévu par la LIFD (en tant que loi pénale) pour la soustraction d'impôt (art. 16 al. 1 3ème phr. LAVS) et si le délai d'un an de la 2ème phr. de l'art. 16 al. 1 LAVS peut demeurer applicable même après le dépassement du délai de la 3ème phr. peuvent rester indécises, pour les motifs qui suivent.

Il est indubitable qu'après les taxations fiscales initiales sur lesquelles la caisse s'était fondée pour rendre ses décisions, entrées en force de chose décidée, des 28 février 2006 et 20 février 2008 fixant les cotisations pour 2004 et 2005, les taxations rectificatives du 28 août 2019 faisant suite au rappel d'impôt ont constitué, de manière similaire à un jugement d'un tribunal des prud'hommes, des moyens de preuve nouveaux qui n'existaient pas à l'époque du prononcé de ces premières décisions de l'intimée, qui ne pouvaient pas être connus plus tôt malgré la diligence exigible de cette dernière et qui ont, de manière indiscutable, rendu erroné l'état de fait existant au moment des prononcés desdites premières décisions.

Ces taxations rectificatives du 28 août 2019 sont dès lors un motif de révision, au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA, des décisions de la caisse des 28 février 2006 et 20 février 2008, et les décisions de celle-ci du 14 octobre 2019, portant également sur les cotisations pour 2004 et 2005, remplissent toutes les conditions d'un cas de révision.

Le délai absolu de péremption de dix ans des art. 66 al. 1 et 67 al. 2 LPGA est donc applicable sans exception, étant rappelé que la soustraction d'impôt n'est qu'une contravention ne permettant pas l'extension dudit délai.

Or, les décisions de l'intimée du 14 octobre 2019 ont été rendues plus de dix années après la notification des décisions initiales des 28 février 2006 et 20 février 2008.

Il s'ensuit que le droit de la caisse de réclamer la différence entre les cotisations pour 2004 et 2005 effectivement payées et celles qui se sont avérées dues, ainsi que l'obligation - la dette - correspondante de l'affilié sont éteints par péremption.

10.    Vu ce qui précède, les décisions de l'intimée du 14 octobre 2019 et, partant, celle du 8 janvier 2019 sur opposition doivent être annulées, le recours étant ainsi admis.

11.    Même si le recourant, représenté par un avocat, n'a pas conclu à l'octroi de dépens, ceux-ci sont dus en application des art. 61 let. g LPGA et 89H al. 3 LPA, et seront arrêtés à CHF 1'500.-.

12.    La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule les décisions de l'intimée du 14 octobre 2019 et celle du 8 janvier 2020 sur opposition.

4.        Alloue des dépens au recourant à hauteur de CHF 1'500.-, à la charge de l'intimée.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le