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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2156/2020

ATAS/786/2023 du 13.10.2023 ( ARBIT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2156/2020 ATAS/786/2023

ARRET

DU TRIBUNAL ARBITRAL

DES ASSURANCES

du 13 octobre 2023

En la cause

CSS KRANKEN-VERSICHERUNG AG

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA SCHWEIZ, KRANKEN- UND UNFALLVERSICHERUNG AG

ATUPRI GESUNDHEITSVERSICHERUNG

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

ÖKK KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNGEN AG

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

SWICA KRANKENVERSICHERUNG AG

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA

ASSURA BASIS SA

VISANA AG

VIVACARE

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

SANA24 AG

KPT KRANKENKASSE AG

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN AG

COMPACT GRUNDVERSICHERUNGEN AG

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même représentée par Me Julien CHAPPUIS, avocat

 

 

demanderesses

 

contre

Docteur A______
représenté par Me Marc BALAVOINE, avocat

 

 

défendeur

 


EN FAIT

 

A.      Le Docteur A______ (ci-après : le médecin ou le défendeur), né le ______ 1963, exploite à Genève, sous forme d’activité indépendante, un cabinet en tant que spécialiste en médecine interne depuis le 7 mai 1999. Il est également titulaire d'un certificat de compétence en médecine d'urgence hospitalière (SSMUS) délivré le 10 mai 2011 et bénéficie d'une formation approfondie en gériatrie depuis 2001.

Il est enregistré sous le code-créancier E073925 (ci-après : RCC), lequel l’autorise à facturer à charge de l’assurance obligatoire des soins.

B.       a. Questionné par SANTÉSUISSE sur ses statistiques 2006, le défendeur a, par courrier du 30 décembre 2008, expliqué que son activité de généraliste avait au fur et à mesure des années diminué en faveur d'une pratique liée à la gériatrie et aux soins palliatifs. Il précise qu'il est au bénéfice d’une formation approfondie en gériatrie et ancien chef de clinique aux HUG (hôpital de gériatrie), d'une part, et, membre du comité du groupe genevois des praticiens en soins palliatifs, ancien médecin-consultant en soins palliatifs à l'hôpital cantonal pendant plus de cinq ans et médecin formateur pour les médecins de la Ville de Genève, d'autre part.

b. Des représentants de SANTÉSUISSE et le défendeur se sont réunis le 11 janvier 2013 et ont discuté plus particulièrement de l’utilisation des positions TARMED propres à la gériatrie s’agissant des statistiques 2011 (pièces 14 et 15 chargé dem.).

c. Constatant à nouveau que le coût total par patient du défendeur demeurait au-dessus de son collectif de référence pour les années statistiques 2012 et 2013, SANTÉSUISSE a proposé une nouvelle rencontre le 6 mars 2015. (cf. pièces 15, 16, 17, 18 et 19 chargé dem.). Elle lui a adressé des courriers les 28 novembre 2013, 20 avril 2015 et 30 novembre 2015 portant sur les statistiques 2012, 2013 et 2014, attirant à chaque fois son attention sur les hausses de coûts constatées, mais se disant conscientes que sa pratique comprenait des particularités, soit l'exercice de la médecine palliative, de la médecine psychothérapeutique, des traitements de la douleur et de la gériatrie, permettant, en partie tout au moins, de les expliquer.

d. Par courrier du 13 février 2019, SANTÉSUISSE a une nouvelle fois relevé que les coûts moyens par patient du défendeur étaient élevés par rapport à son groupe de comparaison pour l'année statistique 2017.

Elle l'a informé de l'application de l'indice de régression pour l'année statistique 2017 et précisé que son indice de régression était de 177 (171 indice ANOVA et 149 indice RSS) et dépassait donc la marge de tolérance de 120-130. Elle l'a en conséquence invité à prendre des mesures afin de mieux maitriser ses coûts et voir ses indices revenir au plus vite dans la norme (cf. pièce 20 chargé dem.).

e. Le 25 novembre 2019, SANTÉSUISSE a constaté que les statistiques 2018 du défendeur présentaient toujours des indices dépassant ceux du collectif de référence, ce « dans des proportions extrêmement importantes », et l'a averti qu'elle était en droit de lui réclamer la rétrocession de CHF 84'667.- pour cette année-là. Une séance de conciliation s'est déroulée le 6 février 2020 (cf. pièces 21 et 22 chargé dem.). A l'issue de la séance, le 17 février 2020, SANTÉSUISSE a déclaré que tous les éléments mis en évidence par le défendeur ne suffisaient pas à expliquer des dépassements d'indices constatés. Elle lui a expliqué que depuis l'année statistique 2017, elle utilisait l'indice de régression qui permettait de le comparer aux internistes généralistes de Suisse. Elle avait ainsi constaté que la pratique psychothérapeutique et les urgences notamment n'étaient pas surreprésentées dans ses coûts. Elle a également relevé que le défendeur n'avait quasiment pas travaillé les week-ends, ce qui lui permettait de relativiser l'impact des urgences et des soins palliatifs dans sa pratique. Elle a par ailleurs souligné que la moyenne d'âge de ses patients est de 55.6 ans, soit à peine 3 ans plus âgée que celle de ses confrères.

Au cours de la séance toutefois, elle a soumis au défendeur une offre transactionnelle de CHF 50'000.- pour 2018 et 2019. Celui-ci a alors proposé d'établir un décompte pour le nombre de patients suivis en soins palliatifs en 2018. (cf. pièces 23 et 24 chargé dem.). Le 27 mai 2020, le défendeur, représenté par son mandataire, a finalement indiqué ne pas être encore en mesure de prendre position quant à cette offre transactionnelle (cf. pièce 25 chargé dem.).

C.      a. Le 3 juillet 2020, 19 caisses-maladie, toutes représentées par SANTÉSUISSE, ont déposé auprès du Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le tribunal de céans) une demande portant sur l’année statistique 2018 et visant au paiement par le défendeur de la somme de CHF 84'667.50, principalement, calculée selon l’indice de régression, et de la somme de CHF 100'277.80, subsidiairement, calculée selon l’indice ANOVA, ce au titre de la violation du principe du caractère économique des prestations.

La cause a été enregistrée sous le numéro A/2156/2020.

b. Les parties ont été convoquées à une audience de conciliation pour le 8 décembre 2020.

Par courrier du 4 novembre 2020, le défendeur a sollicité l’annulation de l’audience, et la suspension de la procédure, aux motifs que les parties s’étaient engagées dans des pourparlers en vue d’une résolution amiable et définitive du litige.

Par ordonnance du 5 janvier 2021, l’instruction de la procédure a été suspendue en application de l’art. 78 let. a LPA.

c. Les mêmes assureurs-maladie, auxquels se sont joints KPT Krankenkasse AG, EGK Grundversicherungen AG, et Compact Grundversicherungen AG, ont déposé le 30 juin 2021 une nouvelle demande auprès du tribunal de céans tendant à la condamnation du défendeur pour l’année 2019 au paiement de la somme de CHF 62'348.-, principalement, calculée selon l’indice de régression et de la somme de CHF 109'110.-, subsidiairement, calculée selon l’indice ANOVA. Cette nouvelle demande a été et enregistrée sous le numéro de cause A/2304/2021.

d. Les parties ont informé le tribunal de céans que les pourparlers n’avaient pas abouti.

Le 14 décembre 2021, le tribunal de céans a constaté l’échec de la tentative obligatoire de conciliation et ordonné la jonction des causes A/2156/2020 et A/2304/2021 sous le numéro A/2156/2020.

Les parties ont désigné leur arbitre, les demanderesses, Monsieur Luciano DE TORO le 28 janvier 2022 et le défendeur, Monsieur Michael FEUSIER le 11 février 2022.

e. Par mémoire de réponse du 11 février 2022, le défendeur a conclu au rejet des deux demandes des 3 juillet 2020 et 30 juin 2021.

Il rappelle que SANTÉSUISSE avait admis que sa pratique ne pouvait être comparée à celle de ses confrères, au point qu’elle avait renoncé à déposer contre lui des demandes de restitution pendant plus de dix ans. Il lui paraît incompréhensible qu'elle change sans autre l'appréciation de sa pratique et considère qu'une telle manière de procéder est tout simplement contraire à la bonne foi.

Le défendeur allègue quoi qu’il en soit que sa pratique est différente de celle des médecins composant le groupe de comparaison, dès lors qu’il est au bénéfice de sous-spécialisations s’ajoutant à sa formation de médecin interniste - généraliste, soit la gériatrie, la médecine palliative, la médecine d’urgence et le suivi psychothérapeutique. Il estime, dans ces conditions, que seule l’application de la méthode analytique permettrait de juger de l’économicité de ses prestations.

Il fait également valoir qu'il suit un nombre important de patients étrangers ne parlant pas français, plus particulièrement des patients arabophones.

Si par impossible le tribunal de céans devait considérer que la méthode statistique était suffisamment fiable dans son cas, le défendeur rappelle que selon la jurisprudence, des particularités liées à la pratique du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé. Or, ses patients nécessitent un suivi régulier et des consultations spécifiques de nature à engendrer des coûts moyens nettement supérieurs à la moyenne du fait de pathologies plus lourdes à traiter que celles d’un interniste - généraliste classique. Il traite, dans des proportions largement plus importantes que ses confrères, de patients nécessitant une prise en charge psychothérapeutique, des soins gériatriques palliatifs ou souffrant de douleurs chroniques. Il exerce également une activité importante d’urgentiste.

A cet égard, il constate qu’il ne peut déterminer de façon précise et chiffrée les écarts de pratique le différenciant des médecins du groupe de contrôle, n’ayant pas accès aux données traitées par SANTÉSUISSE. Il sollicite dès lors du tribunal de céans qu’il ordonne à SANTÉSUISSE la production, pour les années 2018 et 2019, des statistiques-factureurs RSS 2009-2013, ainsi que celle, pour chacune des positions tarifaires 0520, 0490 (médecine psychothérapeutique), 0490 (groupe de prestation 30 / médecines gériatrique et palliative), 02510, 02520, 02530,.02550, 02570 (groupe de prestation GP52 / médecine d'urgence),

-          du nombre de ses patients auxquels la position tarifaire a été facturée ,

-          du nombre moyen de patients auxquels elle a été facturée dans le groupe de comparaison pour la Suisse et pour Genève,

-          et du montant de coûts directs des patients à qui elle a été facturée

Le défendeur invite le tribunal de céans à donner suite à ces réquisitions, pour autant que les demandes ne soient pas écartées d’emblée comme contraires à la bonne foi ou qu'une expertise ne soit pas ordonnée.

f. Dans sa réplique du 19 mai 2022, SANTÉSUISSE a persisté dans ses conclusions. Elle conteste avoir renoncé à toute action jusqu’en 2018, comme le prétend le défendeur, et avoir accepté le fait que la pratique de celui-ci soit différente des autres médecins internistes - généralistes.

S'agissant des documents dont la production est demandée par le défendeur, SANTÉSUISSE rappelle en substance que les demanderesses ne disposent pas de tableaux individualisés par patient, que la méthode statistique ne compare pas les malades, mais les coûts moyens par patient au sein d'un groupe de comparaison, et que les extraits du Tarifpool SASIS renseignent déjà sur les montants et le nombre de prestations.

Elle considère qu’une expertise analytique ne se justifie pas dans le cas d’espèce, dès lors que les critiques du défendeur quant à la composition du groupe de comparaison ne sont pas fondées.

SANTÉSUISSE ne voit pas que le défendeur puisse valablement faire valoir des particularités dans sa pratique par rapport à celles de ses confrères. Elle constate du reste qu'il ne précise pas dans quelle mesure sa patientèle étrangère, par exemple, engendrerait des coûts extraordinaires et surtout n’en apporte pas la preuve.

g. Dans sa duplique du 9 septembre 2022, le défendeur a produit une analyse de sa facturation effectuée le 9 septembre 2022 par CTESIAS SA, à laquelle il est affilié depuis le 1er avril 2004, de sorte que celle-ci a accès à l’intégralité de sa facturation depuis cette date et peut attester des coûts directs et des prestations faites en faveur de ses patients (cf. pièce 18 chargé déf.).

Au cas où le tribunal de céans douterait de la valeur probante de l’analyse de facturation de CTESIAS SA, le défendeur l'invite à ordonner une expertise visant à procéder à la vérification de la méthode et des données de CTESIAS SA utilisées dans le cadre de l’établissement de l’attestation de facturation produite à l’appui de la présente duplique. Le défendeur persiste par ailleurs à requérir la production de toutes les données statistiques qu'il estime utiles à la résolution du présent litige. Il sollicite également la comparution personnelle des mandataires afin que soit facilité le traitement des réquisitions de preuve formulées lors de sa réponse du 11 février 202, et l'audition des Doctoresses B______ et C______ en qualité de témoins.

Il rappelle enfin que, selon lui, seule une expertise analytique permettrait d’évaluer l’économicité de ses prestations. Il souligne à cet égard qu’aucune des données utilisées par SANTÉSUISSE pour établir les statistiques 2018 et 2019 n’a été fournie par celle-ci. Aussi celle-ci n’apporte-elle aucune preuve démontrant que la comparaison statistique effectuée est convaincante d’un point de vue statistique.

h. Par écritures spontanées du 24 juin 2023, SANTÉSUISSE a tenu à répondre à l'observation du défendeur selon laquelle elle aurait renoncé à se prévaloir du dépassement des indices statistiques entre 2006 et 2017, et n'aurait pas démontré qu'il avait modifié sa pratique pour 2018, en rappelant le principe de la répartition du fardeau de la preuve.

SANTÉSUISSE considère que l'analyse CTESIAS dont se prévaut le défendeur doit être écartée, aux motifs que cet organisme intervient sur une base volontaire, contrairement à SASIS SA, qu'il ne tient compte que des coûts directs du défendeur, qu'il permet à celui-ci d'occulter certaines positions tarifaires afin que des particularités qui ne lui seraient pas favorables soient ignorées, et que le groupe de comparaison pris en considération est limité à Genève.

i.      Invité à faire part d'éventuelles observations, le défendeur s'est déterminé le 25 juillet 2023.

Il s'en remet à justice s'agissant de l'admissibilité de la réplique du 24 juin 2023, la duplique datant du 9 septembre 2022.

Il fait valoir que le fait que CTESIAS n'utilise que les coûts directs ne permet pas de douter de la fiabilité de ses analyses, lesquelles ne sont du reste pas remises en question par la jurisprudence. Il conteste que CTESIAS occulterait les surcoûts liés à certaines positions tarifaires (0490 et 0520), dès lors qu'elle les identifie au contraire clairement afin de démontrer que si l'on écarte la part de patientèle plus coûteuse, sa pratique respecte les critères d'économicité.

j. Par courrier du 17 août 2023, SANTÉSUISSE a versé au dossier, sur demande de la présidente du tribunal de céans, le Datenpool 2018 établi par SASIS SA. Elle a saisi l'occasion pour affirmer que sa réplique du 24 juin 2023 était bel et bien recevable. Elle a également relevé que le défendeur semblait mettre en doute la fiabilité du rapport CTESIAS, sans toutefois citer aucune jurisprudence. Elle a quant à elle mentionné un arrêt du Tribunal arbitral genevois (ATAS 2139/2020, consid. 14.4.2), considérant quoi qu'il en soit que les données statistiques qu'elle avait produites étaient amplement suffisantes pour contrôler l'économicité de l'activité du défendeur.

k. Le courrier de SANTÉSUISSE a été transmis au défendeur et la cause gardée à juger.


 

EN DROIT

1.

1.1 Selon l’art. 89 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal), les litiges entre assureurs et fournisseurs sont jugés par le Tribunal arbitral. Est compétent le Tribunal arbitral du canton dont le tarif est appliqué ou dans lequel le fournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2 LAMal). Le Tribunal arbitral est aussi compétent si le débiteur de la rémunération est l’assuré (système du tiers garant, art. 42 al. 1 LAMal) ; en pareil cas, l’assureur représente, à ses frais, l’assuré au procès (art. 89 al. 3 LAMal). La procédure est régie par le droit cantonal (art. 89 al. 5 LAMal).

1.2 En l’espèce, la qualité de fournisseur de prestations au sens des art. 35ss LAMal et 38ss de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal) du défendeur n’est pas contestée. Quant aux demanderesses, elles entrent dans la catégorie des assureurs au sens de la LAMal. La compétence du Tribunal arbitral du canton de Genève est ainsi acquise ratione materiae.

Elle l'est également ratione loci, dans la mesure où le défendeur travaille dans un cabinet installé à Genève à titre permanent.

1.3 Les demanderesses ont déposé à l'encontre du défendeur deux demandes auprès du Tribunal arbitral les 3 juillet 2020 et 30 juin 2021, enregistrées sous les numéros de cause A/2156/2020 et A/2304/2021. La présidente du tribunal de céans a constaté l’échec des tentatives de conciliation le 14 décembre 2021. Des arbitres ont été désignés. Le tribunal de céans a ainsi été constitué.

1.4 Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2. Le défendeur s'en remet à justice s'agissant de la recevabilité des écritures de SANTÉSUISSE du 24 juin 2023, sa duplique datant du 9 septembre 2022.

2.1 Aucun délai n'avait été accordé à SANTÉSUISSE pour répondre aux écritures du défendeur du 9 septembre 2022, si bien qu'elle était en droit d'en déposer spontanément en vertu de son droit d'être entendu. Si elle avait formellement demandé de pouvoir y répondre, le tribunal de céans aurait quoi qu'il en soit dû faire droit à leur demande. Il sied de rappeler que les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 8 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101) ) et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) garantissent un droit inconditionnel à la réplique (Stéphane GRODECKI, Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 ch. 924 ss).

2.2 Il est vrai que SANTÉSUISSE ne s'est déterminée quant à la duplique du défendeur que neuf mois après. La cause n'avait toutefois pas encore été gardée à juger.

2.3 Les écritures de SANTÉSUISSE du 24 juin 2023 sont en conséquence recevables.

3. Les demandes des 3 juillet 2020 et 30 juin 2021 respectent les conditions de forme prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 de la loi cantonale sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA), de sorte qu'elles sont recevables.

Elles ont été jointes par ordonnance du 14 décembre 2021, sous le no de cause A/2156/2020.

4.        Le litige porte sur la question de savoir si la pratique médicale du défendeur pendant les années statistiques 2018 et 2019 est ou non contraire au principe de l’économicité, et dans l'affirmative, si, et dans quelle mesure, les demanderesses sont habilitées à lui réclamer le trop-perçu.

Aux termes de l’art. 56 al. 1 et 2 LAMal, le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement. La rémunération des prestations qui dépasse cette limite peut être refusée et le fournisseur de prestations peut être tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de cette loi.

5.

5.1 Le point de savoir si une partie a la qualité pour agir (ou légitimation active) ou la qualité pour défendre (légitimation passive) - question qui est examinée d'office (ATF 110 V 347 consid. 1 ; ATF non publié 9C_40/2009 du 27 janvier 2010, consid. 3.2.1) - se détermine selon le droit applicable au fond, également pour la procédure de l'action soumise au droit public. En principe, c'est le titulaire du droit en cause qui est autorisé à faire valoir une prétention en justice de ce chef, en son propre nom, tandis que la qualité pour défendre appartient à celui qui est l'obligé du droit et contre qui est dirigée l'action du demandeur (RSAS 2006 p. 46 ; cf. ATF 125 III 82 consid. 1a). La qualité pour agir et pour défendre ne sont pas des conditions de procédure, dont dépendrait la recevabilité de la demande, mais constituent des conditions de fond du droit exercé. Leur défaut conduit au rejet de l'action, qui intervient indépendamment de la réalisation des éléments objectifs de la prétention du demandeur, et non pas à l'irrecevabilité de la demande (SVR 2006 BVG n° 34 p. 131 ; cf. ATF 126 III 59 consid. 1 et ATF 125 III 82 consid. 1a).

5.2 Selon l'art. 56 al. 2 let. b LAMal, ont qualité pour demander la restitution les assureurs dans le système du tiers-payant. Selon la jurisprudence, il s'agit de l'assureur qui a effectivement pris en charge la facture. Par ailleurs, les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, sont habilités à introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations, sans spécifier pour chaque assureur les montants remboursés. Ainsi, il ne saurait être question, dans le cadre de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal, d'exiger de chaque assureur maladie séparément qu'il entame une action en restitution du trop-perçu contre le fournisseur de prestations en cause ; les assureurs - représentés cas échéant par SANTÉSUISSE - peuvent introduire une demande globale de restitution à l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de la procédure, se partager le montant obtenu au titre de restitution de rétributions perçues sans droit (ATF 127 V 281 consid. 5d). Le fait d'agir collectivement, par l'intermédiaire d'un représentant commun et de réclamer une somme globale qui sera répartie à la fin de la procédure ne contrevient donc pas au droit fédéral (ATF 136 V 415 consid. 3.2). Il est dès lors sans importance que certains assureurs n'aient remboursé aucun montant pendant une période déterminée. Ils ne participeront pas au partage interne (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 3.3 non publié in ATF 133 V 37, mais in SVR 2007 KV n° 5 p. 19 ; ATF 127 V 281 consid. 5d p. 286 s.).

Néanmoins, la prétention en remboursement appartient à chaque assureur-maladie, raison pour laquelle son nom doit figurer dans la demande, ainsi que dans l'intitulé de l'arrêt. Lorsqu'un groupe d'assureurs introduit une demande globale, il peut dès lors seulement réclamer le montant que les membres de ce groupe ont payé en trop, mais non la restitution de montants payés par d'autres assureurs ne faisant pas partie du groupe, à moins d'être au bénéfice d'une procuration ou d'une cession de créance de la part de ces derniers. Dans l'hypothèse où une violation du principe d'économicité est retenue, seuls devraient être restitués par le médecin recherché les montants effectivement remboursés par les caisses-maladie parties à la procédure (arrêt non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011 consid. 4.7 ; arrêt non publié 9C_167/2010 du 14 janvier 2011 consid. 2.2). Enfin, la production, par une assurance-maladie, d'une seule facture pour l'année litigieuse suffit à admettre sa légitimation active (arrêt non publié cause K 61/99 du 8 mars 2000 consid. 4.c).

5.3 En l’occurrence, la première action en justice est conduite par SANTÉSUISSE, représentant dix-neuf caisses-maladie agréées pour la Suisse, et la seconde, 22. On ne saurait exiger de chaque assureur, au vu de ce qui précède, qu’il entame une action en restitution du trop-perçu, de sorte que SANTÉSUISSE est autorisée à introduire une demande globale (ATAS/1118/2012 consid. 7b ; ATAS/1090/2012 consid. 7b. a ; ATAS/150/2016 consid. 9b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_778/16 consid. 6).

Il importe de rappeler que SANTÉSUISSE ne fait que représenter les assureurs faisant partie de son organisation faîtière. Aussi n'agit-elle pas pour elle-même, mais pour les caisses-maladie qu'elle représente. Il n'est donc pas question de sa qualité pour agir, mais de son droit de représenter ses membres. Or, de jurisprudence constante, ce droit est admis (cf. notamment ATF 9C_968/2009 du 15 décembre 2010, consid. 3.2).

Les demanderesses ont produit les documents nommés « Datenpool » pour les années 2018 et 2019, lesquels décomposent les montants pris en charge par chaque assureur, tant pour les années en cause, que pour les coûts directs. Ces documents permettent de savoir quels assureurs ont pris en charge des soins pour les années concernées et quels assureurs n'en ont pas pris.

Il résulte de ces documents, lesquels ont valeur probante (cf. notamment ATAS/27/2020), que les demanderesses mentionnées dans l’intitulé des demandes des 3 juillet 2020 et 30 juin 2021 ont toutes remboursé des coûts directs, de sorte qu'elles pourront participer à l'éventuel partage interne.

5.4 SANTÉSUISSE a produit les procurations des demanderesses non-membres de SANTÉSUISSE (pièce 3 chargé dem. du 6 juillet 2020 et pièce 4 chargé dem. du 30 juin 2021).

5.5 Le tribunal de céans admet la qualité pour agir des demanderesses figurant dans le rubrum du présent arrêt, celles-ci étant membres de SANTÉSUISSE ou ayant produit une procuration valable et ayant remboursé des coûts directs selon les Datenpools des années 2018 et 2019. Il sera précisé que PROGRES ASSURANCE SA, INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA ET ARCOSANA AG ont été radiées du registre du commerce le 3 janvier 2023 et ont fusionné, la première avec HELSANA VERSICHERUNGEN AG, et les deux suivantes, avec CSS Assurance-maladie SA.

6.

6.1 Aux termes de l'art. 25 al. 2 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Le même délai s'applique aux prétentions en restitution fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal (ATF 133 V 579 consid. 4.1).

A noter que depuis le 1er janvier 2021, le délai de péremption a été porté à trois ans (art. 25 al. 2 LPGA). L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 134 V 353 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_540/2014 du 5 janvier 2015, consid. 3.1). Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le délai de péremption relative ou absolue en vertu de l’ancien art. 25 al. 2 LPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée.

La question de la péremption doit être examinée d'office par le juge saisi d'une demande de restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1). Avant l'entrée en vigueur de la LPGA en date du 1er janvier 2003, l'art. 47 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après LAVS) était applicable par analogie pour ce qui concerne la prescription des prétentions en restitution, selon la jurisprudence (ATF 103 V 153, consid. 3). Cette disposition avait la même teneur que l'art. 25 al. 2 LPGA, de sorte que l'ancienne jurisprudence concernant la prescription reste valable.

Le délai commence à courir au moment où les statistiques déterminantes sont portées à la connaissance des assureurs suisses (ATFA non publié du 16 juin 2004, cause K 124/03, consid. 5.2). Selon le Tribunal fédéral, il n'est pas arbitraire, faute d'éléments établissant le contraire, de retenir comme point de départ du délai de péremption, la date figurant sur les documents intitulés « préparation des données » et correspondant à la prise de connaissance par les caisses-maladie des statistiques légitimant leurs réclamations (arrêts 9C_593/2021 du 6 septembre 2022 consid. 3.3.3 et 9C_968/2009 du 15 décembre 2010 consid. 2.3).

6.2 Il y a lieu de constater qu'en l'espèce, les statistiques de SANTÉSUISSE concernant l'année 2018 ont été portées à la connaissance des demanderesses au plus tôt le 17 juillet 2019 (pièces 5, 6 et 7 chargé dem. du 3 juillet 2020), date correspondant à celle de la préparation des données figurant sur ces statistiques et confirmée par la SASIS AG. Celles de l'année 2019, pour laquelle les calculs concernant l'analyse de régression en deux étapes ont été validés et certifiés par POLYNOMICS AG, l'ont été le 20 juillet 2020 (pièces 5 et 6 chargé dem. du 30 juin 2021).

Dans la mesure où les demandes ont été déposées les 3 juillet 2020 et 30 juin 2021, il sied ainsi de conclure que celles-ci respectent le délai légal d'une année prévu à l'art. 25 al. 2 LPGA, selon sa teneur jusqu'au 31 décembre 2020.

7.

7.1 Pour établir l’existence d’une polypragmasie, le Tribunal fédéral des assurances admet le recours à trois méthodes : la méthode statistique, la méthode analytique ou une combinaison des deux méthodes (consid. 6.1 non publié de l’ATF 130 V 377, ATF 119 V 453 consid. 4). Les tribunaux arbitraux sont en principe libres de choisir la méthode d’examen. Toutefois, la préférence doit être donnée à la méthode statistique par rapport à la méthode analytique, qui en règle générale est appliquée seulement lorsque des données fiables pour une comparaison des coûts moyens font défaut (arrêts du Tribunal fédéral op. cit.).

7.2 La méthode statistique ou de comparaison des coûts moyens consiste à comparer les frais moyens causés par la pratique d'un médecin particulier avec ceux causés par la pratique d'autres médecins travaillant dans des conditions semblables (ATFA K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2). Cette méthode est concluante et peut servir comme moyen de preuve, si les caractéristiques essentielles des pratiques comparées sont similaires, si le groupe de comparaison compte au moins dix médecins, si la comparaison s'étend sur une période suffisamment longue et s'il est pris en compte un nombre assez important de cas traités par le médecin contrôlé. Il y a donc polypragmasie lorsque les notes d'honoraires communiquées par un médecin à une caisse-maladie sont, en moyenne, sensiblement plus élevées que celles des autres médecins pratiquant dans une région et avec une clientèle semblable alors qu'aucune circonstance particulière ne justifie la différence de coûts (ATF 119 V 448 consid. 4b et les références).

Pour présumer l'existence d'une polypragmasie, il ne suffit pas que la valeur moyenne statistique (indice de 100, exprimé généralement en pour cent) soit dépassée. Il faut systématiquement tenir compte d'une marge de tolérance (ATF 119 V 448 consid. 4c) et, cas échéant, d'une marge supplémentaire à l'indice-limite de tolérance (RAMA 1988 n° K 761 p. 92). La marge de tolérance ne doit pas dépasser l'indice de 130 afin de ne pas vider la méthode statistique de son sens et doit se situer entre les indices de 120 et de 130 (ATFA non publié K 6/06 du 9 octobre 2006, consid. 4.2 ; ATFA non publié K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.1 et les références ; SVR 1995 KV p. 125). La marge de tolérance sert à tenir compte des particularités et des différences entre cabinets médicaux ainsi que des imperfections de la méthode statistique en neutralisant certaines variations statistiques (arrêt non publié 9C_260/2010 du 27 décembre 2011, consid. 4.3).

7.3 Le Tribunal fédéral a réaffirmé dernièrement le caractère admissible du recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (ATF 136 V 415 consid. 6.2). Outre le fait que la méthode n'a jamais été valablement remise en cause (cf. par exemple ATF non publiés 9C_205/2008 du 19 décembre 2008 et 9C_649/2007 du 23 mai 2008 ; ATFA non publiés K 130/06 du 16 juillet 2007, K 46/04 du 25 janvier 2006, K 93/02 du 26 juin 2003 et K 108/01 du 15 juillet 2003) et qu'il ne s'agit pas d'une preuve irréfragable, dans la mesure où le médecin recherché en remboursement a effectivement la possibilité de justifier une pratique plus onéreuse que celle de confrères appartenant à son groupe de comparaison (pour une énumération des particularités justifiant une telle pratique, cf. notamment ATFA non publiés K 150/03 du 18 mai 2004, consid. 6.3 et K 9/99 du 29 juin 2001, consid. 6c), on rappellera que cette méthode permet un examen anonyme, standardisé, large, rapide et continu de l'économicité (Valérie JUNOD, Polypragmasie, analyse d'une procédure controversée in Cahiers genevois et romands de sécurité sociale n° 40-2008, p. 140 ss) par rapport à une méthode analytique coûteuse, difficile à réaliser à large échelle et mal adaptée lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur de la polypragmasie et le montant à mettre à charge du médecin (ATF 99 V 193 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2012 ; V. JUNOD, op. cit., p. 140 ss). Enfin, la méthode statistique comprend une marge de tolérance qui permet de prendre en considération les spécificités d'une pratique médicale et de neutraliser certaines imperfections inhérentes à son application (ATF 136 V 415 consid. 6.2).

Selon la jurisprudence, les particularités suivantes liées à la pratique médicale du médecin peuvent justifier un coût moyen plus élevé : une clientèle composée d’un nombre plus élevé que la moyenne de patients nécessitant souvent des soins médicaux (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), un nombre plus élevé de la moyenne de visites à domicile et une très grande région couverte par le cabinet (SVR 1995 p. 125 consid. 4b), un pourcentage très élevé de patients étrangers (RAMA 1986 p. 4 consid. 4c), une clientèle composée d’un nombre plus élevé de patients consultant le praticien depuis de nombreuses années et étant âgés (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 152/98 du 18 octobre 1999) ou le fait que le médecin s’est installé depuis peu de temps à titre indépendant (réf. citée dans l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 150/03 du 18 mai 2004). Constitue une particularité de la pratique médicale toute caractéristique des prestations qui est plus souvent présente que dans la majorité des cabinets du groupe de comparaison et qui engendre un besoin de prestations plus élevé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 142/05 du 1er mars 2006).

En présence de telles particularités, deux méthodes de calcul ont été admises (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 50/00, résumé dans PJA 2005 p. 1099). D’une part, une marge supplémentaire peut être ajoutée à la marge de tolérance déterminée au préalable (SVR 2001 KV n° 19 p. 52 [K 144/97] consid. 4b, 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 4). D’autre part, il est permis de quantifier les particularités en question au moyen de données concrètes recueillies à cette fin, puis de soustraire le montant correspondant des coûts totaux découlant des statistiques (SVR 1995 KV n° 140 p. 125 consid. 4b).

7.4 Lors de l'examen de la question de l'économicité, l'indice de l'ensemble des coûts est en principe déterminant (ATF 133 V 37 consid. 5.3). Lorsque ces coûts se situent dans la marge de tolérance de 30, le principe de l'économicité est respecté. Dans la négative, il sied d'examiner si l'indice des coûts directs dépasse la marge de tolérance. Si tel est le cas, une violation de ce principe est présumée. L'obligation de restituer en application de l'art. 56 al. 2 LAMal n'englobe toutefois que les coûts directement liés à la pratique du médecin (y compris les médicaments délivrés par lui ; ATF 137 V 43 consid. 2.5.6).

L'exclusion des coûts indirects de l'obligation de restitution ne modifie en rien la pratique selon laquelle l'examen du caractère économique de la pratique médicale doit se faire sur la base d'une vision d'ensemble, au sens de la jurisprudence publiée aux ATF 133 V 37, et qu'une part plus importante que la moyenne de prestations directement délivrées par le médecin par rapport aux prestations déléguées peut s'expliquer par une pratique médicale spécifique pouvant justifier des surcoûts (consid. 2.5.6).

7.5 Contrairement à la méthode statistique qui s'appuie essentiellement sur la comparaison chiffrée des médecins, la méthode analytique entre dans le détail de la pratique du médecin soupçonné de polypragmasie (JUNOD, op. cit., p. 137). Lorsque le Tribunal arbitral décide d'appliquer cette méthode, il ordonne la sélection d'un nombre représentatif de dossiers du médecin concerné (RAMA 1987 p. 349s).

Le Tribunal décide s'il examine lui-même ces dossiers ou s'il les confie à un ou plusieurs médecins mandatés à titre d'expert. L'expert examine en détail le contenu des dossiers afin de déterminer si chaque décision du médecin était correcte dans le cas particulier. Le médecin mis en cause doit généralement soutenir activement le travail de l'expert. Il a ainsi l'opportunité de discuter les cas considérés a priori douteux par l'expert et d'apporter ses justifications (ATFA non publié K 124/03 du 16 juin 2004, consid. 6 et 7 ; ATFA non publié K 130/06 du 16 juillet 2007, consid. 5 ; (ATF C_282/13) ; V. JUNOD, op. cit., p. 138).

7.6 Dans la mesure où la méthode statistique consiste en une comparaison des coûts moyens, dont le second terme repose sur des données accessibles seulement aux assureurs maladie et à leur organisation faîtière, le médecin recherché en restitution doit avoir la possibilité de prendre connaissance des données mentionnées pour être à même de justifier les spécificités de sa pratique par rapport à celle des médecins auxquels il est comparé, faute de quoi son droit d'être entendu est violé. L'accès aux données des deux termes de la comparaison permet également aux autorités arbitrales et judiciaires amenées à se prononcer d'exercer leur contrôle (ATF 136 V 415 consid. 6.3.1). À cet égard, les droits du médecin recherché pour traitements non économiques ont été renforcés. C'est ainsi qu'en plus des informations dont il a la maîtrise dans la mesure où elles résultent de sa propre pratique, le médecin considéré doit avoir accès à ses propres données traitées par SANTÉSUISSE ainsi qu'à certaines données afférentes aux membres du groupe de comparaison, soit le nom des médecins composant le groupe de référence et, sous forme anonymisée, la répartition des coûts pour chaque médecin du groupe de comparaison, à savoir les mêmes données anonymisées que celles produites par SANTÉSUISSE le concernant pour chacun des médecins du groupe mentionné (« données du pool de données SANTÉSUISSE »).

8.        Il convient de prendre en considération pour l’examen de l’économicité l’indice de l’ensemble des coûts, à savoir aussi bien les coûts de traitement directs que de traitements indirects (coût des médicaments et autres coûts médicaux occasionnés par le médecin auprès d’autres fournisseurs de prestations), lorsque l’ensemble des coûts est inférieur aux coûts directs. Toutefois, lorsqu’il existe des indices concrets que les coûts inférieurs dans un domaine sont dus à des circonstances extérieures sans lien de causalité avec la façon de pratiquer du médecin, il n'y a pas lieu de procéder à une prise en compte de l’ensemble des coûts (ATF 133 V 39 ss consid. 5.3.2 à 5.3.5).

9.        On ajoutera qu'en vertu de l'art. 59 al. 1 LAMal, les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations qui sont prévues dans la loi (art. 56 et 58 LAMal) ou dans un contrat font l'objet de sanctions, dont notamment la restitution de tout ou partie des honoraires touchés pour des prestations fournies de manière inappropriée (let. b). Bien qu'elle soit désignée sous le terme de « sanction », l'obligation de restitution des honoraires ne présuppose aucune faute de la part du fournisseur de prestation (ATF 141 V 25 consid. 8.4 p. 29). Le Tribunal arbitral au sens de l'art. 89 LAMal prononce la sanction appropriée sur proposition d'un assureur ou d'une fédération d'assureurs (art. 59 al. 2 LAMal). 

10.    Enfin, le Tribunal établit les faits d'office et apprécie librement les preuves (art. 45 al. 3 LaLAMal).

Le principe inquisitoire, qui régit la procédure dans le domaine de l'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA), exclut que la charge de l'apport de la preuve (« Beweisführungslast ») incombe aux parties, puisqu'il revient à l'administration, respectivement au juge, de réunir les preuves pour établir les faits pertinents. Dans le procès en matière d'assurances sociales, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où la partie qui voulait déduire des droits de faits qui n'ont pas pu être prouvés en supporte l'échec. Cette règle de preuve ne s'applique toutefois que s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 128 V 218 consid. 6 ; ATF 117 V 261 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.1).

La preuve d'un traitement non économique doit être apportée selon le degré de la vraisemblance prépondérante (TFA K 23/03 consid. 5). La comparaison arithmétique des valeurs moyennes n'est pas seulement un indice d'une prestation non économique au sens de l'art. 56 LAMal, mais en est la preuve intégrale, selon la jurisprudence constante (ATF 136 V 415 consid. 6.2 ; RSKV 1970 65 82 consid. 4). Lorsque la valeur du traitement du médecin en cause est supérieure à la moyenne du groupe de comparaison, marge de tolérance en sus, la preuve que sa pratique n'est pas économique est établie. Il appartient au médecin statistiquement hors norme de réfuter, en établissant les particularités de sa pratique, cette présomption de polypragmasie.

11.    Le Tribunal fédéral admet depuis longtemps le recours à la méthode statistique comme moyen de preuve permettant d'établir le caractère économique ou non des traitements prodigués par un médecin donné (cf. chronologiquement les arrêts du Tribunal fédéral des assurances K 24/69 du 31 décembre 1969 consid. 4, in RJAM 1970 p. 82 ; K 56/78 du 25 avril 1980 consid. 3a, non publié in ATF 106 V 40 ; ATF 119 V 448 consid. 4c p. 454 ; K 148/04 du 2 décembre 2005 consid. 3.3.1) et n'entend pas modifier sa pratique (ATF 136 V 415).

Il a jugé que seules les statistiques RSS fournissaient les données qui permettaient une comparaison valable entre les différents fournisseurs de prestations et ainsi de se prononcer sur le respect ou la violation du principe de l'économicité (ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03 consid. 6.4.2). De surcroît, la jurisprudence a développé des moyens pour compenser les défauts des statistiques RSS (ATFA non publié du 18 mai 2004, K 150/03 consid. 6.4.1).

On ne saurait ainsi retenir qu'il n'y a pas de méthode scientifique fiable et validée pour établir l'existence d'une polypragmasie.

12.    Cela étant, déterminer si les demanderesses sont en droit de réclamer au défendeur, pour violation du principe d'économicité, la restitution des montants qu'elles lui ont versés sur la base de l'assurance obligatoire des soins – ce qui constitue l'objet du présent litige - dépend en tout premier lieu de savoir si celui-ci peut se prévaloir du principe de bonne foi.

12.1 Le défendeur rappelle en effet que SANTÉSUISSE avait admis que sa pratique ne pouvait être comparée à celle de ses confrères, au point qu’elle avait renoncé à déposer contre lui des demandes de restitution pendant plus de dix ans. Il fait ainsi valoir qu'au vu du comportement des demanderesses, il avait cru, de bonne foi, que sa pratique était jugée conforme au principe d'économicité. Il lui paraît incompréhensible qu'elles changent sans autre leur appréciation et considère qu'une telle manière de procéder est tout simplement contraire à la bonne foi.

12.2 SANTÉSUISSE conteste avoir accepté le fait que la pratique du défendeur soit différente des autres médecins internistes - généralistes et renoncé, partant, à toute action jusqu’en 2018, comme celui-ci le prétend. Le défendeur ne saurait, dans ces conditions, raisonnablement invoquer une violation du principe de la bonne foi.

13. L'art. 56 al. 2 LAMal règle l'obligation de restitution du fournisseur de prestations, tandis que l'art. 25 LPGA a trait à l'obligation de restitution de l'assuré ou d'un tiers (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], soziale Sicherheit, 2016, ch. 919 p. 686). Selon cette dernière disposition, les prestations indûment touchées doivent être restituées, sauf si l'intéressé était de bonne foi et que la restitution le mettrait dans une situation difficile.

Le Tribunal fédéral a appliqué l'art. 25 LPGA dans un cas isolé aux prestations indûment touchées par un établissement hospitalier (ATF 133 V 582). Il n'en demeure pas moins que, selon la doctrine, cette disposition ne peut être directement appliquée aux prestations remboursées à tort à un fournisseur de prestations (Ueli KIESER, Kommentar ATSG, 2020, ad art. 25 p. 519 s. ch. 42 ss). Récemment, le Tribunal fédéral a confirmé que la base légale pour la restitution des prestations indûment perçues par des fournisseurs de prestations était l'art. 56 al. 2 LAMal, même si l'économicité de la pratique médicale n'était pas en cause (arrêt du Tribunal fédéral 9C_571/2019 du 23 juillet 2020 consid. 2.2). L'obligation de restitution est toutefois limitée par la protection de la bonne foi (arrêt précité consid. 5.5).

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; ATF 128 II 112 consid. 10b/aa ; ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les nombreuses références citées).

Selon la jurisprudence, le droit à la protection de la bonne foi est soumis à la réalisation de cinq conditions cumulatives. Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que : a) l'autorité ait donné un renseignement sans aucune réserve ; b) le renseignement se réfère à une situation concrète touchant l'administré personnellement ; c) l'autorité ait agi dans les limites de ses compétences ou l'administré eût des raisons suffisantes de la tenir pour compétente ; d) l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu ; e) l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice ; f) la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée ; g) l'intérêt au respect du droit objectif n'est pas prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêt 8D_2/2021 du 15 mars 2022 consid. 6.2)). Une autorité ne peut toutefois pas valablement promettre le fait d'une autre autorité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 7/04 du 27 janvier 2005 consid. 3.1).

Dans un arrêt du 23 juillet 2020 (9C_571/2019), le Tribunal fédéral, constatant que des assureurs-maladie avaient accepté pendant des années de prendre en charge des prestations facturées par une société au sein de laquelle plusieurs médecins travaillaient, nonobstant les autorisations de pratiquer (respectivement de ne pas pratiquer) à la charge de l'assurance obligatoire des soins de ces médecins dont ils avaient ou auraient dû avoir connaissance, a considéré que celle-ci pouvait partir de l'idée qu'elle agissait de manière conforme au droit en leur demandant le remboursement de ses prestations. Aussi a-t-il partiellement admis le recours interjeté par la société et renvoyé la cause à la juridiction cantonale afin qu'elle en reprenne l'instruction, puis statue à nouveau, étant précisé qu'il s'agissait pour cette dernière de déterminer si le remboursement par les assureurs-maladie des prestations facturées sous le n° RCC du médecin répondant de la société, permettait à cette dernière de croire, de bonne foi, que les médecins travaillant pour elle n'avaient pas besoin d'une autorisation individuelle de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Dans son arrêt du 14 mars 2022 (ATAS 283/2022), faisant suite à cet arrêt fédéral du 23 juillet 2020, la juridiction cantonale a admis que les conditions de la bonne foi étaient réalisées, ce jusqu'à la date à laquelle le médecin cantonal de Genève avait indiqué à la société que les prestations du médecin travaillant pour elle ne pouvaient être facturées, ni par le biais de l'institution, ni par lui-même.

La caisse-maladie concernée a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt, alléguant en substance que la société savait « dès le départ » que ses médecins n'avaient pas le droit de voir leurs prestations remboursées, et que si elle avait un doute, il lui appartenait de se renseigner. Le Tribunal a rejeté son recours, confirmant les conclusions de la juridiction cantonale (9C_252/2022).

14.    Il n'est en l'espèce pas contestable que les demanderesses ont remboursé les prestations que leur facturait le défendeur à charge de l'assurance obligatoire des soins depuis 2006.

Les prestations ont été remboursées dans une situation concrète, sur la base d'une note d'honoraires mentionnant le n° RCC du défendeur et s'agissant à chaque fois d'un traitement médical d'un assuré des demanderesses.

Les demanderesses sont en outre compétentes pour rembourser les frais médicaux de ses assurés aux fournisseurs de prestations.

15. Il s'agit à ce stade d'examiner si la troisième condition de la protection de la bonne foi est également réalisée, à savoir si le défendeur ne pouvait se rendre compte immédiatement que les demanderesses avaient remboursé à tort les prestations qui leur avaient été facturées.

15.1 En l'occurrence, SANTÉSUISSE a noté dès l'année statistique 2006 que le coût total par patient du défendeur était particulièrement élevé et l'a interrogé à ce propos. Elle a procédé au même constat s'agissant des statistiques 2011, 2012 et 2013. Le défendeur s'en est expliqué, invoquant le fait que sa pratique était différente de celle des médecins composant le groupe de comparaison, en ce sens qu’il était au bénéfice de sous-spécialisations relatives à la gériatrie, à la médecine palliative, à la médecine d’urgence et au suivi psychothérapeutique, s’ajoutant à sa formation de médecin interniste - généraliste. Pour l'année statistique 2014, SANTÉSUISSE l'a informé que les chiffres restaient élevés. Par courrier du 13 février 2019, elle a une nouvelle fois attiré l’attention du défendeur sur ses coûts moyens par patient élevés par rapport à son groupe de comparaison pour l'année statistique 2017.

Bien qu'elle ait constaté durant toutes ces années des coûts totaux par patient très élevés, SANTÉSUISSE a continué à rembourser au défendeur toutes ses factures.

15.2 SANTÉSUISSE, n'ayant déposé aucune demande de restitution fondée sur l'art. 56 LAMal depuis 2006, a vraisemblablement tenu compte des arguments du défendeur. Celle faisant l'objet du présent litige, datée du 3 juillet 2020, est la première et porte sur l'année statistique 2018. Il apparaît ainsi que jusque-là, les demanderesses ont clairement admis que la pratique du défendeur comprenait des particularités susceptibles d'expliquer ses coûts moyens par patient élevés par rapport à son groupe de comparaison (cf courrier du 28 novembre 2013). C'est ainsi que le 20 avril 2015, notamment, elles ont déclaré, s'agissant des statistiques 2013, que « nous avons pris note que votre activité s'oriente autour de différents axes : la médecine palliative, la médicine psychothérapeutique, les traitements de la douleur et enfin la gériatrie. Ces éléments permettent en partie d'expliquer la hauteur de vos coûts directs. Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons classer votre dossier pour les années statistique 2013 et 2014. » (pce 18 chargé dem. du 2 juillet 2021). Par courrier du 30 novembre 2015 portant sur l'année statistique 2014, elles ont répété qu'elles étaient conscientes des particularités de la pratique du défendeur (pce 19 chargé dem. du 2 juillet 2021).

15.3 Certes SANTÉSUISSE a-t-elle rappelé au défendeur la teneur de l'article 56 LAMal à plusieurs reprises et a-t-elle régulièrement attiré son attention sur la hausse des coûts qu'elle constatait chaque année, l'invitant même « à prendre des mesures afin de mieux maîtriser vos coûts et voir vos indices revenir au plus vite dans la norme » (pces 16 et 20 chargé dem.). Il n'en reste pas moins qu'elle a à chaque fois renoncé à lui réclamer la restitution des prestations dont elle a, partant, admis qu'elles étaient à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

Il est vrai à cet égard que dans un arrêt du 20 décembre 2018, le Tribunal fédéral a considéré que le seul fait qu'aucune action en restitution n'ait été engagée contre le recourant, malgré des indices trop élevés pour plusieurs années, ne pouvait fonder la confiance de celui-ci dans le caractère économique de ses prestations (9C_67/2018 consid. 9). Il s'avère toutefois qu'en l'espèce, non seulement SANTÉSUISSE n'a déposé aucune demande de rétrocession de 2006 à 2017 à l'encontre du défendeur, mais elle lui a également affirmé que c'était parce qu'elle retenait le bien-fondé de ses arguments pour expliquer ses indices. Il y a ainsi lieu d'admettre que la prise en charge des prestations du défendeur par les demanderesses sur la base de l'assurance obligatoire des soins s'est effectuée sans réserve. Aussi le défendeur n'avait-il aucune raison de penser que les demanderesses lui remboursaient ses prestations à tort.

16.    Le défendeur doit en outre avoir pris des dispositions auxquelles il ne peut plus renoncer sans subir de préjudice, en se fondant sur les assurances des demanderesses.

Cette condition est réalisée en l'espèce. En effet, du fait que les demanderesses ont pris en charge les factures du défendeur sans réserve, celui-ci n'a pas jugé utile de modifier radicalement sa pratique et a continué à leur adresser les factures de ses prestations sans changement significatif.

La réglementation relative au droit de facturer à la charge de l'assurance obligatoire des soins n'a au demeurant pas changé.

Il sied enfin de rappeler que l'intérêt public à respecter les dispositions du TARMED, du concept et de son règlement, afin de réduire les frais médicaux à la charge des assurés, ne paraît pas prépondérant par rapport à la protection de la bonne foi. Les demanderesses avaient en tout temps la possibilité de contrôler les factures du défendeur et de saisir le cas échéant le Tribunal arbitral (9C_252/2022 ; ATAS 283/2022).

17. Il résulte de ce qui précède que le défendeur pouvait croire, de bonne foi, que sa pratique, jusqu'à l'année statistique 2017 y compris, - même s'il avait été constaté que ses coûts par patient étaient plus élevés que ceux des médecins du groupe de comparaison – respectait le principe d'économicité, de sorte qu'il agissait de manière conforme au droit en demandant le remboursement de ses prestations sur la base de l'assurance obligatoire des soins. Les conditions de la bonne foi sont ainsi réalisées jusqu'en 2017.

18. Reste à déterminer ce qu'il en est pour les années concernées par l'objet du présent litige, soit les années 2018 et 2019.

18.1 Le 25 novembre 2019, SANTÉSUISSE a informé le défendeur que ses statistiques 2018 présentaient des indices dépassant ceux du collectif de référence, ce « dans des proportions extrêmement importantes », ajoutant qu'elle était en droit de lui réclamer la rétrocession de CHF 84'667.- pour cette année-là. A l'issue de la séance de conciliation qui s'est tenue le 6 février 2020, SANTÉSUISSE a, par courrier du 17 février 2020, constaté que les éléments mis en évidence par le défendeur ne permettaient pas d'expliquer les dépassements d'indices relevés (pièces 21 et 22 chargé dem. du 2 juillet 2021) et a, le 3 juillet 2020 pour l'année 2018, puis le 30 juin 2021 pour l'année 2019, saisi le tribunal de céans d'une demande en restitution.

18.2 Le défendeur conteste que les demanderesses soient en droit, sans qu'il y ait violation du principe de la bonne foi, de changer brusquement de pratique après avoir adopté des années durant une attitude consistant à l'interpeller, à analyser de façon approfondie sa pratique, et s'être contenté d'attirer son attention sur les chiffres élevés.

18.3 Les demanderesses considèrent quant à elles qu’elles n’ont en aucun cas eu une attitude contradictoire et surtout qu’elles n’ont jamais donné de blanc-seing au défendeur tant pour sa pratique passée que future. Elles l'ont au contraire constamment et régulièrement rendu attentif à ses coûts trop élevés, ainsi qu’au caractère polypragmasique de sa pratique.

19. En vertu du principe de la bonne foi, l'autorité doit éviter les comportements contradictoires. Cette exigence est indispensable à la sécurité juridique et elle trouve application chaque fois que l'autorité crée une apparence de droit. Elle est à ce titre liée par les conséquences qui découlent de son activité. Elle ne concerne toutefois que la même autorité, agissant à l'égard des mêmes justiciables, dans la même affaire ou à l'occasion d'affaires identiques (ATF 111 V 81 consid. 6 p. 87).

L'interdiction de comportements contradictoires n'a pas une portée absolue, en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à des changements de pratique, pour autant que ceux-ci soient motivés par des raisons pertinentes (Précis de droit STAMFLI, Droit constitutionnel suisse, Giorgio MALINVERNI, volume II : les droits fondamentaux, 4ème édition, p. 643-644).

La pratique, et donc les instructions, doivent être modifiées chaque fois que l'administration, après une étude approfondie et sérieuse, parvient à la conviction que le sens réel de la loi est différent de celui qui a été admis jusqu'à présent, ou que des changements dans les circonstances de fait exigent un autre exercice du pouvoir d'appréciation conforme aux obligations. Si l'administration a décidé de changer de pratique, la nouvelle pratique doit en principe être appliquée immédiatement et partout. La nouvelle pratique s'applique, qu'elle soit généralement approuvée ou non, que son bien-fondé soit contesté ou non, voire qu'elle soit contestée comme contraire au droit, jusqu'à ce que l'administration elle-même la remplace éventuellement par une autre (ATF 108 IA 124 ; ATF 102 Ib 46 consid. 1a avec références).

Le Tribunal fédéral a notamment indiqué que le changement de pratique modifiant le calcul d'un délai apparaît toujours comme arbitraire lorsqu'il intervient sans préavis et conduit à la péremption d'un droit (ATF 133 V 96). Il a précisé que d'une façon générale, une pratique antérieure doit être modifiée lorsque l'administration a reconnu qu'elle était incorrecte ou lorsqu'elle estime qu'il est opportun de la renforcer en raison de l'évolution des circonstances ou de l'augmentation des abus (ATF 133 V 96 ; ATF 111 V 161 ; ATF 101 Ib 370 consid. 6, ATF 91 I 218 ci-dessus ; cf. aussi ATF 108 Ia 124 consid. 1, ATF 102 Ib 46 s., ATF 1969 p. 92). Une publication préalable du changement de pratique n'est nécessaire que si celui-ci concerne des questions de recevabilité d'une action ou d'un recours ou s'il entraîne la perte d'un droit (ATF 111 V 161 ; ATF 106 Ia 92 consid. 2, ATF 104 Ia 3 consid. 4, ATF 101 Ia 371 s.).

Dans un arrêt rendu en 1975 (ATF 100 IA 386), le Tribunal fédéral a admis la violation du principe de la bonne foi commis par une autorité qui avait déclaré nulle une initiative ne répondant pas à une exigence de forme, alors que précédemment elle n'avait, par erreur, pas formulé de critique à l'égard du même vice de forme affectant une demande d'initiative émanant du même cercle de personnes. Il a en l'occurrence considéré qu'en ne contestant pas, sur la base de la même disposition légale, l'indication de l'adresse collective lors de la première demande d'initiative, le Grand Conseil avait conforté les membres du comité d'initiative dans l'idée que la clause de retrait choisie satisfaisait aux exigences de forme. Il a plus particulièrement tenu compte du fait que le comité d'initiative ne pouvait pas se rendre compte de l'inexactitude de la décision du Grand Conseil, même en faisant preuve d'une attention consciencieuse, compte tenu de l'ambiguïté du texte de disposition légale visée.

20. Il résulte de ce qui précède qu'il appartenait en principe aux demanderesses de s'abstenir d'avoir un comportement contradictoire, soit un comportement consistant en l'espèce à renoncer à diriger des actions en restitution contre le défendeur depuis 2006, pour ensuite déposer une telle action pour les années 2018 et 2019, ce à moins que le changement de pratique soit motivé par des raisons pertinentes.

20.1 Il y a ainsi lieu d'examiner s'il existe en l'espèce de telles raisons qui justifieraient un changement, étant rappelé que selon la jurisprudence, une pratique antérieure doit être modifiée en raison de l'évolution des circonstances ou de l'augmentation des abus (ATF 133 V 96).

Le défendeur considère que tel n'est pas le cas. Il fait ainsi valoir que SANTÉSUISSE n'a pas été en mesure de mettre en évidence des modifications de sa pratique qui permettraient de comprendre que le dépassement des indices statistiques soient admis entre 2006 et 2017 ne puissent plus l'être pour 2018 et 2019.

20.2 SANTÉSUISSE a à cet égard rappelé le principe de la répartition du fardeau de la preuve.

Il est vrai que lorsque la valeur du traitement du médecin en cause est supérieure à la moyenne du groupe de comparaison, marge de tolérance en sus, la preuve que sa pratique n'est pas économique est établie. Il appartient alors au médecin statistiquement hors norme de réfuter, en établissant les particularités de sa pratique, cette présomption de polypragmasie.

Il y a toutefois lieu de préciser qu'à ce stade du présent jugement, il s'agit seulement de déterminer si la pratique du défendeur pour les années 2018 et 2019 s'est modifiée. La question de savoir si la présomption de polypragmasie doit ou non être confirmée ne sera posée qu'ensuite.

20.3 SANTÉSUISSE fait également valoir que les demanderesses ne constituent pas une autorité étatique, de sorte qu'elles n'ont pas à se conformer aux principes constitutionnels, tel que celui de la bonne foi.

Il résulte toutefois de la jurisprudence susmentionnée (9C_571/2019) que le principe de la bonne foi peut parfaitement être invoqué à l'encontre des assureurs (cf également 9C_528/2016).

20.4 SANTÉSUISSE souligne qu'elle a expressément expliqué au défendeur que la méthode dite de régression s'appliquerait dès l'année statistique 2017, « de telle sorte que ses doléances concernant les années précédentes ne lui sont d'aucun secours » (cf son courrier du 25 novembre 2019). Elle ajoute que « seule la méthode de contrôle et la hausse des coûts du défendeur ont évolué. »

Elle semble ainsi faire valoir, tout en insistant sur le fait qu'elle n'a en réalité pas changé d'appréciation puisqu'elle n'a cessé de rendre le défendeur attentif à ses coûts trop élevés, que la méthode de régression - affinée -, applicable dès 2017, lui permet dorénavant de réclamer au défendeur la restitution des montants trop versés pour polypragmasie.

Il s'avère que les données statistiques de l'année 2017 ont été analysées sur la base de la méthode de régression pour la première fois dans le cadre du contrôle de l'économicité des prestations facturées à charge de la LAMal. La FMH, CURAFUTURA et SANTÉSUISSE ont convenu que le modèle d'analyse de variance serait développé conjointement par les fournisseurs de prestations et les assureurs et qu'il serait notamment complété par des variables de morbidité (ATF 144 V 79 consid. 5.1). Ce développement a été réalisé par l'accord et la mise en œuvre de la méthode de régression (arrêt du Tribunal fédéral 9C_558/2018 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2018 consid. 7.1). La nouvelle analyse statistique de régression qui s'applique à compter de l'année statistique 2017 doit permettre d'identifier de manière encore plus spécifique les fournisseurs de prestations dont les coûts sont statistiquement élevés, car la méthode de screening tient compte de variables de morbidité supplémentaires par rapport à la méthode ANOVA utilisée jusqu'à présent. La méthode de régression constitue le développement de la méthode ANOVA (ATF 144 V 79 consid 5). Elle a été affinée par l'analyse de régression en deux temps, des critères supplémentaires lui ayant été ajoutés (cf notamment pce 11 chargé dem. du 7 juillet 2020). Elle en représente dès lors une version améliorée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_ 264/2017 ; ATAS 567/2023).

Il n'est pas contestable que l'indice de régression représente une méthode plus précise, dès lors qu'elle permet l'analyse de plusieurs variables directement liées au cabinet médical. L'application de cette nouvelle méthode ne suffit toutefois pas, à elle seule tout au moins, à expliquer le changement d'appréciation de SANTÉSUISSE.

20.5 A l'issue de la séance de conciliation du 20 février 2020, SANTÉSUISSE a déclaré que tous les éléments que le défendeur avait fait valoir ne permettaient pas d'expliquer les dépassements d'indices constatés. Elle a expliqué au défendeur que « l'indice de régression permet d'intégrer la morbidité de vos patients. Elle vous compare à tous les internistes généralistes de Suisse et force est de constater que la pratique psychothérapeutique et les urgences notamment ne sont pas surreprésentées dans vos coûts. » Elle a également relevé que le défendeur n'avait quasiment pas travaillé les week-ends, ce qui lui permettait de relativiser l'impact des urgences et des soins palliatifs dans sa pratique. Elle a par ailleurs souligné que la moyenne d'âge de ses patients était de 55.6 ans, soit à peine 3 ans plus âgée que celle de ses confrères.

Selon SANTÉSUISSE, les éléments, jusque-là mis en avant par le défendeur, ne permettaient ainsi plus de justifier les dépassements d'indices statistiques constatés.

On peine toutefois à comprendre les motifs pour lesquels SANTÉSUISSE est arrivée à cette conclusion, dès lors que les chiffres relatifs à la pratique psychothérapeutique et aux urgences, au travail durant les week-ends et à la moyenne d'âge des patients notamment pouvaient déjà être examinées précédemment. On ne saurait par ailleurs déduire du fait qu'un médecin ne travaille pas le week-end qu'il ne traite pas de cas d'urgence, ces cas étant susceptibles de survenir à toute heure et en semaine également.

20.6 Il serait en revanche possible de justifier le changement d'appréciation de SANTÉSUISSE si les indices du défendeur avaient encore augmenté pour les années 2017 et 2018 par rapport aux années précédentes. Celle-ci serait alors en droit de constater que les particularités de la pratique du défendeur ne pouvaient continuer à expliquer ses chiffres dépassant ceux des médecins du groupe de comparaison.

Or, l'indice de régression des coûts totaux du défendeur, qui était de 177 pour l'année 2017, est de 171 pour l'année 2018 et de 150 pour l'année 2019.

Force est de constater que les chiffres résultant des pièces 6 des chargés demanderesses des 3 juillet 2020 et 2 juillet 2021 pour les années 2018 et 2019 sont d'une façon générale à peine plus élevés que ceux relatifs à l'année 2017, voire, s'agissant de l'indice de régression des coûts totaux notamment, de plus en plus faibles en réalité. Ils ne sauraient dès lors impliquer un traitement différent.

On ne voit pas dans ces conditions pour quelles raisons les explications données par le défendeur, et admises jusqu'en 2017 par SANTÉSUISSE, ne pourraient plus être prises en considération dès 2018.

20.7 Il y a en conséquence lieu de constater qu'aucune raison pertinente ne permet aux demanderesses de changer leur appréciation quant à la pratique médicale du défendeur pour les années statistiques 2018 et 2019, en décidant de saisir le tribunal de céans d'une demande en restitution en 2020.

21.

21.1 L'interdiction de comportements contradictoires ne signifie toutefois pas qu'une autorité qui a rendu une décision en violation des dispositions légales applicables soit en principe liée à celle-ci et ne puisse pas corriger son erreur à la prochaine occasion (9C_823/2019 consid. 5.1 ; ATF 100 Ia 386 consid. 2c p. 390 s. ; arrêt 2A.62/1997 du 3 mai 1999 consid. 2b/aa, in RDAF 2000 II 217).

En l'occurrence, le défendeur peut invoquer une base de confiance protégée par la bonne foi au sens de l'art. 9 Cst, dès lors qu'il s'est fié aux déclarations et courriers des assureurs-maladie, selon lesquels sa pratique respectait le principe d'économicité (ATF 133 V 96). Il doit toutefois être mis en situation de comprendre que dorénavant l'assureur-maladie analysera sa situation différemment (ATF 127 I 31).

Le principe de la bonne foi (au sens de la protection de la confiance valable en droit public en cas d’informations inexactes des autorités ; ATF 127 I 31 consid. 3a ; 121 V 65 consid. 2a et 2b) peut ainsi exiger qu’un médecin soit rendu attentif au caractère non économique de ses traitements avant qu’une demande de restitution pour polypragmasie ne soit déposée (arrêt TF 9C_67/2018 du 20 décembre 2018 consid. 9).

Il en résulte qu'une information préalable est nécessaire et doit être adressée au défendeur avant que le tribunal de céans ne soit saisi. Il ne suffit à cet égard pas, compte tenu du principe de la bonne foi applicable en l'espèce, de constater que les demanderesses ont déjà, et depuis longtemps, attiré son attention sur ses chiffres trop élevés. Il importe plutôt d'examiner si les demanderesses ont pris la précaution d'annoncer au défendeur leur intention de changer leur appréciation et de considérer dès l'année statistique 2018 qu'il ne respectait plus le principe d'économicité.

21.2 En l'espèce, par courrier du 25 novembre 2019, SANTÉSUISSE a expressément informé le défendeur, ce avant d'engager contre lui une action en restitution le 6 février 2020 pour l'année 2018 et le 30 juin 2021pour l'année 2019, qu'elle considérait être en droit de déposer contre lui une demande de rétrocession de CHF 84'667.- pour l'année statistique 2018, du fait que ses indices n'étaient plus tolérables. Il y a ainsi lieu d'admettre que SANTÉSUISSE a dûment attiré l'attention du défendeur sur le fait que ses indices 2018 n'étaient plus admissibles et qu'il lui incombait alors de faire le nécessaire pour les diminuer dès que possible.

22. Reste à savoir si un délai lui permettant de rendre sa pratique plus conforme aux mises en garde de SANTÉSUISSE ne devrait pas être accordé au défendeur, ce à compter de l'avertissement du 25 novembre 2019, mais avant l'introduction d'une demande en paiement à son encontre dans le cadre d'une procédure d’économicité.

22.1 La question doit en effet se poser, dans la mesure où l'objet du litige porte sur le droit de SANTÉSUISSE de réclamer au défendeur la restitution des montants de CHF 84'667.50 pour 2018 et de CHF 109'110.- pour 2019 pour polypragmasie. Celle-ci étant présumée lorsque la valeur moyenne statistique est dépassée, compte tenu d'une marge de tolérance, ce n’est qu’après la fin d’une année civile que des prestations réalisées, facturées et remboursées peuvent s’avérer pour partie non économiques, justifiant précisément la restitution des sommes versées en trop. Il va de soi que lorsque les statistiques sont connues, il est trop tard pour le fournisseur de prestations de procéder à une quelconque modification pour l'année civile passée.

Il sied à cet égard de rappeler que selon l'art. 56 al. 2 LAMal, le fournisseur de prestations est tenu de restituer les sommes reçues à tort au sens de la loi, sans aucune réserve et sans prescrire un délai d’attente. La jurisprudence est venue préciser que rien ne s'opposait, partant, à ce qu'une demande en restitution soit introduite avant même qu'un fournisseur de prestations ait pu modifier sa pratique médicale. En effet, chaque médecin sait d'emblée qu’il lui appartient de délivrer des prestations efficaces, appropriées et économiques et qu’elles sont réexaminées périodiquement (cf. art. 32 LAMal). Pour leur part, les assureurs ont le devoir de s’assurer de l’économicité des traitements et n’ont ainsi en soi pas le choix de renoncer ou non à poursuivre un médecin qui aurait bafoué ce principe (cf. arrêt du Tribunal arbitral fribourgeois du 7 novembre 2022 ARB2019 5 ; ATAS/209/2018 du 9 mars 2018 consid. 21). Les demandes fondées sur l'art. 56 al. 2 LAMal ne sont pas seulement un droit des assureurs-maladie, mais également un devoir (ATF 127 V 281). Il serait ainsi fait échec à ce droit et devoir si les assurances-maladies devaient systématiquement saisir le Tribunal arbitral d'une demande de prononcé d'un avertissement préalable avant toute demande de restitution. Elles sont ainsi en droit d'agir sur la base de l'art. 56 al. 2 LAMal sans avertissement préalable. (ATAS/733/2012).

Dans le cas traité par le Tribunal arbitral fribourgeois, les assureurs avaient introduit une demande de rétrocession à l'encontre d'un médecin auquel ils reprochaient de ne pas avoir respecté le principe d'économicité pour l'année 2014. Celui-ci se plaignant de n’avoir reçu aucun avertissement avant le dépôt de cette demande et faisant valoir, partant, une violation du principe de la bonne foi, le Tribunal a considéré que « l’année 2014 étant la première année qui a vu ses indices dépasser ceux de son groupe de comparaison au-delà de la marge de tolérance, le médecin ne pouvait pas en être averti plus rapidement. Il ne peut dès lors pas invoquer le principe de la bonne foi ou de la confiance. » Le Tribunal a à cet égard rappelé qu'il était inhérent au système que le médecin ne puisse pas changer sa pratique passée (arrêt du Tribunal arbitral fribourgeois du 7 novembre 2022 ARB2019 5).

Il est intéressant de relever que dans son arrêt du 14 mars 2022 (ATAS/283/2022), dans le cadre duquel il avait retenu que le fournisseur de prestations avait été de bonne foi (cf considérant 13), le Tribunal arbitral a jugé qu'il ne l'avait été que jusqu'au moment où il avait reçu le courrier du médecin cantonal lui annonçant qu'il n'était pas autorisé à facturer ses prestations à charge de l'assurance obligatoire des soins. Il a en effet considéré que le médecin ne pouvait manquer de comprendre, dès la réception de ce courrier, qu'il ne devait plus adresser ses factures aux assureurs-maladie, à compter de cette date.

Il apparaît ainsi que le médecin ne peut pas valablement invoquer sa bonne foi lorsqu'une demande fondée sur l'art. 56 LAMal est introduite à son encontre. Il ne le peut plus non plus s'il a la possibilité d'apporter la modification requise immédiatement (ATAS 283/2022).

22.2 La situation du défendeur est tout autre. Il ne saurait être soumis au même traitement que les fournisseurs de prestations au sujet desquels il a été constaté pour la première fois que leurs indices dépassent ceux de leur groupe de comparaison au-delà de la marge de tolérance et qui font de ce fait l'objet d'une demande de rétrocession, ou dont on peut exiger qu'ils se soumettent immédiatement à la nouvelle situation.

22.3 En l'espèce, le courrier, aux termes duquel SANTÉSUISSE a informé le défendeur de son changement de pratique, date du 25 novembre 2019, soit trop tard pour qu'il puisse modifier quoi que ce soit à sa pratique concernant les années statistiques 2018 et 2019. Elle ne lui laisse pas le temps de prendre des mesures pour s’adapter à ses avertissements, alors que jusque-là, il croyait de bonne foi respecter le principe d'économicité, compte tenu des particularités de sa pratique qu'il avait fait valoir avec succès auprès de SANTÉSUISSE.

Force est ainsi de se poser la question de l'utilité d'un avertissement qui devrait être donné au défendeur avant l'introduction d'une demande en paiement à son encontre dans le cadre d'une procédure d’économicité. Le fait pour les demanderesses d'avoir à annoncer au défendeur - de bonne foi jusque-là - qu'une demande de rétrocession peut dorénavant être engagée contre lui pour un montant déterminé, s'avérerait, si le médecin ne disposait pas du temps nécessaire pour corriger la situation, totalement vain, voire absurde. On ne comprendrait pas le rôle d'un avertissement dans ces conditions.

22.4 Il y a ainsi lieu de constater que SANTÉSUISSE n'était pas en droit de procéder à un changement de son appréciation pour l'année statistique 2018. Peu importe à cet égard que sa demande de restitution soit ou non fondée.

22.5 Il en est de même pour l'année statistique 2019. Il est vrai que le défendeur sait, depuis le 25 novembre 2019, date à laquelle il a reçu un avertissement chiffré de SANTÉSUISSE, qu'il lui est reproché une pratique polypragmasique à partir de l'année statistique 2018. Il ne dispose toutefois pas non plus du temps nécessaire pour modifier quoi que ce soit à sa pratique. Il ne pouvait pas non plus réaliser, durant l'année statistique 2019, que sa pratique pourrait être dorénavant considérée comme non économique (ATAS 733/2012).

23. Les demandes seront par conséquent rejetées, dès lors que les conditions pour reconnaître la bonne foi du défendeur dans l'exercice de son activité médicale durant les années statistiques 2018 et 2019 sont réalisées.

24.  La procédure par-devant le Tribunal arbitral n'est pas gratuite. Conformément à l'art. 46 al. 1 LaLAMal, les frais du tribunal et de son greffe sont à la charge des parties. Ils comprennent les débours divers (notamment indemnités de témoins, frais d'expertise, port, émoluments d'écriture), ainsi qu'un émolument global n'excédant pas CHF 15'000.-. Le tribunal fixe le montant des frais et décide quelle partie doit les supporter (cf. art. 46 al. 2 LaLAMal).

Au vu de l'issue de la procédure, les frais du tribunal, de CHF 9'638.-, et l'émolument de justice, fixé à CHF 3'000.-, seront mis à la charge des demanderesses, prises solidairement et conjointement.

Le défendeur obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui est octroyée à titre de dépens.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les demandes recevables.

Au fond :

2.        Les rejette.

3.        Met l’émolument de justice de CHF 3'000.- et les frais du Tribunal arbitral de CHF 9'638.- à la charge des demanderesses, prises conjointement et solidairement.

4.      Condamne les demanderesses, prises conjointement et solidairement, à verser au défendeur la somme de CHF 4'000.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le