Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/79/2021

ATAS/1177/2021 du 15.11.2021 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/79/2021 ATAS/1177/21

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 novembre 2021

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié ______, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andres PEREZ, avocat

 

demandeur

 

contre

 

MUTUEL ASSURANCES SA, sise rue des Cèdres 5, Martigny

 

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le demandeur ou l’assuré) était employé depuis le 11 mars 2013 par L______ SA (ci-après : l’employeur) en tant que collaborateur ______.

b. En cette qualité, il était assuré par son employeur auprès de MUTUEL ASSURANCES SA (ci-après : la défenderesse ou l’assurance). Le contrat d’assurance, soumis à la LCA, prévoyait notamment le versement d’indemnités journalières maladie correspondant à 90% du salaire assuré durant 730 jours avec un délai d’attente de 30 jours.

c. Par formulaire daté du 2 octobre 2019, l’employeur a annoncé à l’assurance que l’assuré était en incapacité de travail depuis le 30 septembre 2019 inclus.

d. Le 28 octobre 2019, C______, généraliste FMH, et médecin traitante de l’assuré, a établi un rapport succinct à l’attention de l’assurance. Il en ressort que l’assuré était en l’état incapable de travailler pour cause de burnout, mais que le pronostic de rétablissement de la capacité de travail sur environ six mois était considéré comme bon.

e. L’assurance a indemnisé la perte de revenu de l’assuré à hauteur d’un montant de CHF 305.75 par jour à partir du 30 octobre 2019.

f. Sur demande de l’assurance, l’assuré s’est rendu le 10 février 2020 chez D______, psychiatre et psychothérapeute FMH. Sur la base de son examen de l’assuré et de pièces fournies par l’assurance, le psychiatre précité a rendu son propre rapport en date du 13 février 2020. Ce second rapport a conclu à une pleine capacité de travail de l’assuré. L’assuré faisait face à des difficultés d’ordre professionnel mais ne présentait aucun trouble psychiatrique.

g. Se fondant sur le rapport du Dr D______ l’assureur a décidé de mettre fin au versement des indemnités perte de gain maladie à partir du 1er avril 2020.

h. Par courrier du 31 mars 2020, la Dresse C______ a pris position sur le rapport du Dr D______. En substance, la Dresse C______ contestait les conclusions auxquelles était parvenu le prénommé et concluait à la présence d’une dépression de gravité moyenne.

i. Après avoir consulté son médecin-conseil, E______, psychiatre et psychothérapeute FMH, l’assurance a, par courrier daté du 7 mai 2020, maintenu son choix de ne plus verser des indemnités perte de gain maladie, car le rapport du Dr D______ lui apparaissait plus convaincant dans son résultat que celui de la Dresse C______.

j. Le 30 mars 2020, le contrat de travail de l’assuré a été résilié avec effet au 31 mai 2020. Son salaire relatif aux mois d’avril et de mai 2020 a été payé par l’employeur.

k. Dès le 23 mars 2020, l’assuré a été pris en charge par F______ et G______, psychiatre et psychothérapeute FMH. Ceux-ci ont, en date du 2 juin 2020, conclu à la présence d’un trouble dépressif de gravité moyenne chez l’assuré, trouble entraînant une incapacité de travail totale jusqu’au 30 juin 2020 et une capacité de travail réduite à 50% dans une activité adaptée par la suite; à partir de cette date, une évolution positive apparaissait en effet vraisemblable.

l. Après avoir consulté à nouveau le Dr E______, l’assurance a maintenu sa position quant à son refus de prester.

m. Par courrier du 14 août 2020, l’assuré, sous la plume de son conseil, a souligné les discrépances existant entre les avis des différents médecins eu égard à son incapacité de travail et a requis de l’assurance la reprise du paiement des indemnités journalières à partir du 1er avril 2020.

n. Sur requête de l’assurance, le Dr D______ s’est, en date du 31 août 2020, déterminé de manière détaillée sur la prise de position de la Dresse C______ du 31 mars 2021 et sur le courrier de l’assuré du 14 août 2021. Il maintenait l’opinion qu’il avait exprimée en date du 13 février 2020. En date du 17 septembre 2020, le Dr E______ a lui aussi maintenu son opinion suite à son analyse des déterminations du Dr D______.

o. En parallèle, le 24 mars 2020, l’assuré a saisi l’Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) d’une demande de prestations. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’OAI a mandaté le H______, psychiatre et psychothérapeute FMH, afin de clarifier la question de la capacité de travail de l’assuré. Il ressort de cette expertise, datée du 17 mars 2021, que l’assuré souffrait de troubles dépressifs moyens puis légers depuis septembre 2019, ainsi que d’une personnalité émotionnellement labile et anxieuse. Ces troubles n’avaient pas eu d’influence sur la capacité de travail de l’assuré qui disposait d’une capacité de travail de 100% dès septembre 2019, y compris dans un emploi analogue à celui occupé avant son licenciement. Le Dr H______ a encore pris position sur le rapport du Dr D______ et a noté qu’il ne partageait pas la position de ce dernier quant à l’absence de trouble dépressif de l’assuré. Le Dr H______ n’a pas souhaité se prononcer sur la capacité de travail de l’assuré à l’aune des règles contractuelles régissant la perte de gain ; il a néanmoins noté que, de son opinion, les arrêts maladie de l’assuré jusqu’à la fin juin 2020 étaient justifiés d’un point de vue clinique.

p. Par avis du 24 mars 2021, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a considéré que, vu l’expertise du Dr H______, l’incapacité de travail n’était pas durable au sens de l’AI.

q. Sur cette base, l’OAI a, par décision du 18 mars 2021, rejeté la demande de prestations, dès lors que la capacité de travail de l’assuré était dans tous les cas à nouveau pleine et entière dès le 1er juillet 2020.

r. En date du 19 mai 2021, I______, psychiatre et psychothérapeute FMH et médecin-conseil de l’assurance, s’est déterminé de manière détaillée sur l’expertise du Dr H______ et sur l’avis du SMR. De son opinion, il apparaissait en particulier contradictoire de retenir une absence de limitation fonctionnelle et une capacité de travail complète tout en estimant que les arrêts maladie relatifs à la même période avaient été justifiés.

B. a. Le 11 janvier 2021, l’assuré a introduit une demande en paiement portant sur la somme de CHF 9'478.25 correspondant à l’indemnité pour perte de gain de juin 2020 avec intérêts à 5% l’an dès le 1er juillet 2020. Il a invoqué son incapacité de travail totale en juin 2020.

b. Par courrier du 12 janvier 2021, la Chambre de céans a requis des parties qu’elles lui communiquent si elles désiraient qu’une audience de débats soit tenue. Faute de détermination sur ce point, il serait considéré qu’il était renoncé à une telle audience.

c. Le conseil du demandeur a renoncé expressément à une audience de débats d’instruction par courrier du 2 février 2021. La défenderesse ne s’est quant à elle par prononcée sur cette question, mais a déposé une écriture de réponse datée du 9 mars 2021, écriture dans laquelle elle a conclu au rejet de la demande, en considérant que le demandeur ne présentait aucune incapacité de gain en juin 2020.

d. Un second échange d’écritures a eu lieu le 30 avril 2021, respectivement le 3 juin 2021.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une personne morale, le for est celui de son siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 33 des conditions générales d’assurance collective d’une indemnité journalière en cas de maladie selon la LCA édition du 1er septembre 2016, déclarées partie intégrante au contrat d’assurance applicable en l’espèce, prévoit notamment que, pour toutes les actions au sujet dudit contrat d’assurance, sont compétents au choix soit les tribunaux du domicile suisse de la personne assurée ou des ayants droit, soit ceux du siège de l’assureur.

Le demandeur ayant son domicile à Genève, la chambre de céans est également compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

3.             Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF
138 III 558 consid. 4.5 et 4.6; ATAS/590/2021 du 9 juin 2021 consid. 2 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011 consid. 3), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

4.             Pour le reste, la demande respecte les conditions formelles prescrites par les art. 130 et 244 CPC ainsi que les autres conditions de recevabilité prévues par l’art. 59 CPC, de sorte qu’elle est recevable.

5.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC). En outre, la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 CPC al. 2 let. a CPC ; ATF 141 III 569 consid. 2.3.1).

5.1 Selon la maxime inquisitoire sociale, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige, le juge se contentant le cas échéant de poser des questions adéquates ; l'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1). Ce devoir d’interpellation accru du juge est en outre nettement réduit lorsque les parties sont assistés de professionnels du droit, et notamment d’un avocat (ATF 141 III 569 consid. 2.3.2 ; Stephan MAZAN , Basler Kommentar ZPO, 3e éd. 2017, n. 19, ad. art. 247 CPC). Dans un tel cas, il ne revient notamment pas au juge d’élargir de lui-même le complexe de fait ou de rechercher les faits à l’aide de moyens de preuve allant au-delà de ceux proposés par la ou les partie(s) concernée(s) (arrêt du Tribunal fédéral 5A_875/2015 du 22 avril 2016 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_298/2015 du 30 septembre 2015 consid. 2.1.2). Il faut en effet partir du point de vue que les choix procéduraux réalisés par une partie assistée d’un avocat sont délibérés (Denis TAPPY, Commentaire romand CPC, 2e éd. 2019, n. 25 et 27 ad. art. 247 CPC).

Lorsque la maxime inquisitoire sociale trouve application, le juge n’est en revanche pas lié par les allégations et les offres de preuve des parties (ATF
142 III 402 consid. 2.1 ; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Des allégués et offres de preuve peuvent être produits par les parties jusqu’aux délibérations en application de l’art. 229 al. 3 CPC (ATF 142 III 402 consid. 2.1).

5.2 En l’espèce, les parties, représentées par des professionnels du droit, n’ont pas requis de mesures d’instruction particulières, et en particulier pas d’expertise judiciaire. La cause doit donc être tranchée sur la base des allégués et pièces produits à la procédure jusqu’aux délibérations, sans que la Chambre de céans ne soit strictement liée par les déterminations des parties ou la formulation précise des allégations.

6.             Selon les art. 245 et 246 CPC, la procédure simplifiée implique en principe la tenue d’une audience.

6.1 En présence d’une demande motivée, une audience de débats principaux doit être tenue en procédure simplifiée, la lettre française de l’art. 245 al. 2 CPC étant à cet égard imprécise (ATF 140 III 450 consid. 3.2) ; les parties peuvent toutefois validement renoncer à cette audience en application de l’art. 233 CPC (ATF
140 III 450 consid. 3.2). Cette renonciation n’est pas soumise à une forme particulière, et peut notamment être réalisée par actes concluants (ATF 140 III 450 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_308/2020 du 5 novembre 2020 consid. 3.1). Par ailleurs, une renonciation par actes concluants aux débats principaux doit être admise si les parties, représentées par des mandataires professionnels ou des collaborateurs de leur service juridique, ne requièrent pas expressément la tenue d'une audience de débats, après que la cour cantonale, dans le cadre de la procédure initiée par le dépôt de la demande, a recueilli les dernières observations des plaideurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 2.1).

6.2 En l’espèce, les parties ont renoncé validement à la tenue de débats principaux. L’assuré a ainsi expressément renoncé à une telle audience par courrier du 2 février 2021, sans modifier sa position par la suite. Quant à l’assurance, elle n’a pas requis une telle audience dans le délai, prolongé au 9 mars 2021, qui lui avait été fixé pour ce faire, en particulier dans sa réponse du même jour. Il doit donc être considéré qu’elle a renoncé par actes concluants à la tenue de débats principaux, d’autant qu’elle non plus n’a pas requis la tenue d’une audience par la suite (voir également : arrêt du Tribunal fédéral 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid. 2.3).

7.             Le fond du litige porte sur le droit du demandeur à percevoir des indemnités journalières pour le mois de juin 2020, singulièrement sur la question de l’existence d’un cas d’assurance relatif à ce mois. En effet, le demandeur a perçu son salaire pour les mois d’avril et mai 2020.

7.1 De l’avis du demandeur, il était en incapacité de travail totale jusqu’au 30 juin 2020. Il ne conteste pas que le rapport du Dr D______, mandaté par la défenderesse, soit parvenu à une conclusion inverse mais considère que celui-ci doit être écarté suite à des erreurs notamment dans la manière dont ses propos lors de son examen du 10 février 2020 par le Dr D______ ont été retranscrits, ainsi que dans l’analyse du Dr D______ de cet examen. Il convient bien plutôt de se fonder sur les rapports médicaux de la Dresse C______ et du Dr G______, médecins-traitants de l’assuré, lesquels permettent d’établir l’existence d’une incapacité de travail avec le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, applicable à la survenance d’un cas d’assurance selon l’ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3. En outre, l’analyse de la Dresse C______ et du Dr G______ a, de l’avis du demandeur, été validée par l’expertise du 17 février 2021 du Dr H______, mandaté par l’OAI.

7.2 De l’avis de la défenderesse, cela n’est pas l’incapacité de travail, mais l’incapacité de gain qui est déterminante une fois écoulé un délai de six mois d’incapacité de travail. Dans tous les cas, il faut en revanche considérer que l’assuré disposait de sa pleine capacité de travail dès le 1er avril 2020. En effet, le rapport de la Dresse C______ n’est, de l’opinion de la défenderesse, ni objectif, ni complet, et a une force probante d’autant plus faible que celle-ci était la médecin-traitante de l’assuré. En ce qui concerne le rapport de la Dresse F______ et du Dr G______, il n’apparait pas suffisamment motivé au vu des contradictions dont il fait preuve tant en ce qui concerne le rapport de la Dresse C______, que celui du Dr D______. Il convient donc de se fonder sur le rapport du Dr D______, d’autant que celui-ci a été validé à trois reprises par son médecin conseil, le Dr E______. En ce qui concerne ensuite l’expertise du Dr H______, elle ne permet pas d’écarter le rapport du Dr D______. D’une part, elle a été réalisée pour les besoins de la cause, d’autre part elle n’apporte rien de nouveau quant à la substance du litige. Par ailleurs, comme souligné dans les déterminations du Dr I______, médecin-conseil de l’assurance, le rapport d’expertise du Dr H______ contient, de l’opinion de la défenderesse, de nombreuses contradictions internes.

8.             Il convient tout d’abord de déterminer la nature du contrat d’assurance en cause, et, partant, les conditions qui doivent être remplies pour que le demandeur ait un droit à la prétention qu’il avance.

8.1  

8.1.1 En matière d'assurances complémentaires, les parties sont liées par l'accord qu'elles ont conclu dans les limites de la loi, les caisses-maladie pouvant en principe édicter librement les dispositions statutaires ou réglementaires dans les branches d'assurances complémentaires qui relèvent de la liberté contractuelle des parties hormis quelques dispositions impératives en matière d’indemnités journalières (ATF 124 V 201 consid. 3d). Le droit aux prestations d'assurance se détermine sur la base des dispositions contractuelles liant l'assuré et l'assureur, en particulier des conditions générales ou spéciales d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 5C.253/2000 du 6 mars 2001 consid. 4a).

8.1.2 Une assurance d'indemnités journalières en cas de maladie est une assurance de sommes lorsque le preneur a stipulé des indemnités forfaitaires, tandis que lorsqu’elle est liée à la survenance d’un dommage, il s'agit d'une assurance contre les dommages ; une assurance contre les dommages contient donc par essence une interdiction de la surindemnisation du dommage, contrairement à une assurance de sommes, respectivement forfaitaire (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 ; ATF
119 II 361 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2016 du 20 mars 2017 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.97/2007 du 2 novembre 2007 consid. 3 ; ATAS/107/2018 du 8 février 2018 consid. 6).

8.2 En l'espèce, le contrat d'assurance conclu par l'ex-employeur du demandeur constitue une assurance contre les dommages, comme cela ressort clairement de l'art. 13 CGA relatif au calcul de l'indemnité, et en particulier de l'art. 13, ch. 5, ainsi que de l'art. 28 CGA qui proscrit une surindemnisation du préjudice. Dans sa demande, le demandeur soutient d'ailleurs également que l'assurance en cause est une assurance indemnitaire, et non une assurance de sommes.

9.             Il convient maintenant d’examiner quelles conditions concrètes doivent être remplies pour que le demandeur obtienne satisfaction quant à la prétention qu’il fait valoir et de vérifier si celles-ci ont été dument alléguées.

9.1  

9.1.1 En présence d’une assurance contre les dommages, les conditions d’existence d’une prétention du demandeur sont la survenance d’un cas d’assurance (1a) pendant la période de couverture (voir : ATF 127 III 106 consid. 3b) (1b), l’existence d’un dommage (2), et la présence d’un lien de causalité naturelle entre le dommage et le cas d’assurance (3) (ATAS/325/2019 du 15 avril 2019 consid. 7, 8 et 9).

S’agissant d’une procédure civile simplifiée qui n’est pas soumise à la maxime inquisitoire illimitée, mais à la maxime inquisitoire sociale, et dans laquelle le demandeur est représenté par un avocat, on peut exiger que celui-ci allègue les faits permettant de considérer que les conditions susmentionnées sont remplies (« fardeau de l’allégation » : ATF 144 III 519, c. 5.1).

9.1.2 Les principes généraux de l'interprétation des contrats s'appliquent au contrat d'assurance. En effet, l'art. 100 LCA renvoie au droit des obligations, et partant, au code des obligations. Lorsqu'il s'agit de déterminer le contenu d'un contrat d'assurance et des conditions générales qui en font partie intégrante, le juge doit donc, comme pour tout autre contrat, recourir en premier lieu à l'interprétation dite subjective, c'est-à-dire rechercher la "réelle et commune intention des parties", le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (art. 18 al. 1 CO) (ATF 147 III 153, consid. 5.1 ; ATF 144 III 93, consid. 5.2.1 et 5.2.2 ; ATF 144 III 43, consid. 3.3). S'il ne parvient pas à établir avec certitude cette volonté effective, ou s'il constate que l'un des contractants n'a pas compris la volonté réelle exprimée par l'autre, il recherchera le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (« principe de la confiance » ; ATF 147 III 153, consid. 5.1 ; ATF 144 III 93, consid. 5.2.3 ; ATF 144 III 43, c. 3.3). L’interprétation des conditions générales intégrées à un contrat suit les mêmes principes (ATF
142 III 671, consid. 3.3 ; ATF 133 III 675, consid. 3.3).

Lorsque la volonté subjective des parties ne peut être déterminée et qu’aucune interprétation objective ne prévaut clairement sur une autre, il y a lieu d’appliquer le principe des clauses ambigües ; selon ce principe, une stipulation contractuelle ressortant de conditions générales doit dans un tel cas être interprétée en défaveur de son rédacteur (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 ; ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 ; ATF 124 III 155 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_107/2020 du 23 juin 2020 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2018, du 4 juillet 2019 consid. 4.1 ; ATAS/543/2021 du 1er juin 2021 consid. 7a).

Un concept ressortant du droit des assurances sociales prévu par une stipulation privée intégré à un contrat d’assurance doit, en l’absence d’indications d’une volonté différentes des parties, être interprété comme en droit des assurances sociales (ATF 147 V 146 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_644/2014 13 juillet 2015, consid. 7.3).

9.2 Il faut tout d’abord clarifier la question du risque assuré pour déterminer si celui-ci est l’incapacité de travail, comme l’avance le demandeur, ou l’incapacité de gain, comme le fait valoir la défenderesse.

9.2.1 En effet, il n’est pas contesté que l’assuré était en incapacité de travail depuis plus de six mois au 1er juin 2020. Or, l'art. 3 ch. 7 2e phr. CGA stipule qu’« En cas d’incapacité de plus de six mois, le droit aux prestations de travail dépend de l’incapacité de gain. ».

9.2.2 L’art. 4 CGA quant à lui est formulé comme suit : « La police d’assurance stipule les détails de la couverture d’assurance, notamment les risques assurés { } ». Selon le contrat d’assurance : « l’assurance couvre les conséquences économiques d’une incapacité de travail. »

9.2.3 Force est ainsi de constater qu’il existe une contradiction entre l’art. 3 ch. 7 2e phr. CGA et le texte du contrat d’assurance principal. Dans un tel cas, en l’absence d’indication claire sur la volonté des parties et sans prévalence manifeste d’une interprétation objective sur une autre, il y a lieu d’appliquer le principe des clauses ambigües.

Les conditions générales en cause ayant été rédigées par la défenderesse, il convient de retenir que le risque assuré est l’incapacité de travail, et non l’incapacité de gain. Cela vaut d’autant plus que l’art. 3 ch. 7 2e phr. CGA n’est pas mis en évidence, alors même qu’il se situe au milieu d’une longue liste d’un article intitulé « définitions » et qu’il contredit une stipulation claire située en page trois du contrat d’assurance principal.

Le concept d’« incapacité de travail » doit toutefois être interprété comme en droit des assurances sociales, faute d’indication d’une volonté différente des parties. Il convient donc de se référer à la notion d’incapacité de travail prévue à l’art. 6 de la Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA). Selon cette norme, l'activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité en cas d'incapacité de travail de longue durée. Le Tribunal fédéral a récemment eu l’occasion de préciser qu’une incapacité de travail est durable au sens de l'article 6 LPGA lorsque celle-ci dure plus de six mois (ATF 146 II 89 consid. 4.4).

9.3 Dès lors que l’assurance faisant l’objet de la présente procédure est une assurance de dommages, l’assuré devait alléguer non seulement la survenance de l’incapacité de travail précitée, mais également le dommage et le lien causal entre celui-ci et ladite incapacité.

L’allégation des faits fondant une incapacité de travail ressort clairement des écritures du demandeur. En revanche, le demandeur n’a pas formellement allégué la perte de revenu relative au mois de juin 2020 qui constituerait un dommage à hauteur de CHF 9'478.25, ni que ce dommage aurait été causé par la survenance du cas d’assurance allégué. Il a cependant allégué le montant de son salaire et sa perte d’emploi, et a en outre précisé que son action visait le paiement d’indemnités relatives au mois de juin 2020. Étant entendu que la maxime inquisitoire sociale trouve application, il faut considérer que les conditions d’existence de la prétention du demandeur ont été alléguées avec satisfaction, soit à tout le moins implicitement (dans le même sens : arrêt de la Chambre des prud’hommes de la Cour de justice CAPH/197/2020, du 13 novembre 2020 consid. 3.3.1 et 3.3.2).

10.         Il convient maintenant d’examiner si les conditions alléguées d’incapacité de travail, de dommage et de causalité sont remplies dans le cas d’espèce, en commençant par la question litigieuse de l’incapacité de travail du demandeur.

10.1  

10.1.1 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue (ATF 141 III 241 consid. 3 ; ATF 139 III 13 consid. 3.1.3.1 ; ATF 139 III 7 consid. 2.2). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1). La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.140/2006 du 14 août 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, l’art. 8 CC ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Autrement dit, l’article 8 CC ne règle pas stricto sensu la question de savoir qui doit prouver un fait mais bien plutôt quelle partie porte la conséquence de l’absence de preuve quant à un fait particulier (ATF 143 III 1 consid. 4.1 ; ATF 141 III 241 consid. 3 ; ATF 127 III 519 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2019 du 28 août 2020 consid. 4.2).

10.1.2 La preuve de la survenance d'un sinistre et de l'étendue de la prétention incombe à son prétendu ayant droit (ATF 130 III 321 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2008 du 8 juillet 2008 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_73/2007 du 12 mars 2008 consid. 2.2 ; ATAS/325/2019 du 15 avril 2019 consid. 9).

10.1.3 En ce qui concerne la survenance d'un sinistre assuré, le degré de preuve nécessaire est en principe abaissé à la vraisemblance prépondérante (en lieu et place de la règle générale de la preuve stricte) (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3). Le défendeur conserve cependant la possibilité d'apporter des contre-preuves ; il cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale (ATF 130 III 321 consid. 3.4).

Cependant, par un arrêt du 31 août 2021, le Tribunal a modifié la jurisprudence précitée, en ce sens que l’existence d’un cas d’assurance constitué par une incapacité de travail est désormais soumise au degré de preuve de la preuve stricte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2021 du 31 août 2021 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.3.1). Cette précision de jurisprudence concerne le droit matériel et est donc directement applicable (ATF 146 I 105 consid. 5.2.1 ; ATF 140 IV 154 consid. 5.2.1), y compris au présent litige.

10.2  

10.2.1 Le principe de la libre appréciation des preuves prévu par l’art. 157 CPC signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2 ; ATAS/700/2021 du 29 juin 2021 consid. 12 ; ATAS/91/2021 du 9 février 2021 consid. 7).

10.2.2 Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise, le juge n'est en principe pas lié par le rapport de l'expert, qu'il doit apprécier en tenant compte de l'ensemble des autres preuves administrées. S'il entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser dans l'arbitraire (ATF 146 IV 116 consid. 2.1 ; ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; ATF 138 III 193 consid. 4.3.1 ; ATF 129 I 49 consid. 4). De tels motifs déterminants existent notamment lorsque l'expertise contient des contradictions, lorsqu'une détermination ultérieure de son auteur vient la démentir sur des points importants, lorsqu'elle contient des constatations factuelles erronées ou des lacunes, voire lorsqu'elle se fonde sur des pièces dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 110 Ib 52 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4D_8/2008 du 31 mars 2008 consid. 3.2.1), ou encore en cas de contradictions de l’expert (ATF 141 IV 369 consid. 6.1).

10.2.3 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF
141 V 281 consid. 2.2 et 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

En règle générale, toutes les affections psychiques doivent faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'arrêt ATF 141 V 281 (ATF
143 V 418). Ainsi, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part (ATF
141 V 281 consid. 3.6 et 4 ; ATAS/700/2021 du 29 juin 2021 consid. 14; voir également : ATF 143 V 409 consid. 4.5.2). Dans ce cadre, il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources). Les indicateurs pertinents sont notamment l'expression des constatations et des symptômes, le recours aux thérapies, leur déroulement et leurs effets, les efforts de réadaptation professionnelle, les comorbidités, le développement et la structure de la personnalité, le contexte social de la personne concernée ainsi que la survenance des restrictions alléguées dans les différents domaines de la vie (travail et loisirs ; cf. ATAS/676/2019 du 26 juillet 2019 consid. 10a; ATAS/856/2019 du 12 septembre 2019 consid. 6).

Le diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2).

Un expert psychiatre doit se voir reconnaître une certaine marge d’appréciation dans l’appréciation de l’incapacité de travail dès lors qu’une telle appréciation médicale est par essence en partie une question d’appréciation (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; ATF 130 V 352 consid. 2.2.4).

10.2.4 L’expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC est l’expertise judiciaire au sens de l’art 183 al. 1 CPC. En l’état du droit de procédure civile, une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve, en particulier pas un titre, mais une simple allégation de partie (ATF
141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3 ; ATF 135 III 670 consid. 3.3.1). Du point de vue probatoire, un rapport médical est ainsi une simple expertise privée qui n’est, selon la jurisprudence fédérale, qu’une simple allégation de partie (ATF
141 III 433 consid. 2.6; ATF 140 III 24 consid. 3.3.3; ATF 140 III 16 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1 ; ATAS/325/2019 du 15 avril 2019 consid. 10c). Par ailleurs, un avis médical de partie issue de médecins-traitants ou d’un médecin employé par une assurance privée dispose d’une force probante inférieure à celle d’une expertise judiciaire ou administrative, même en droit des assurances sociales (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3c ; ATAS/876/2016 du 1er novembre 2016 consid. 5d/bb).

10.2.5 Lorsqu’une expertise administrative ou judiciaire a été réalisée dans une autre procédure, elle doit néanmoins se voir reconnaître une force probante identique à celle d’une expertise ordonnée par le juge civil au sens du CPC ; cela pour autant toutefois qu’elle ait été réalisée dans le respect des principes jurisprudentiels applicables notamment en matière de droit d’être entendu des parties (ATF 140 III 24 consid. 3.3.1.3; ATAS/700/2021 du 29 juin 2021 consid. 13 ; ATAS/540/2019 du 17 juin 2019 consid. 6b ; ATAS/334/2019 du 12 avril 2019 consid. 8).

10.3 Le demandeur fait valoir une prétention à l’encontre de l’assurance. Il supporte donc le fardeau de la preuve de son incapacité de travail au cours du mois de juin 2020. Cela avec le degré de la preuve stricte.

10.4 Pour prouver son incapacité de travail, le demandeur se fonde en particulier sur le rapport du 28 octobre 2019 de la Dresse C______, sur le rapport de la Dresse F______ et du Dr G______ du 2 juin 2020, ainsi que sur le rapport d’expertise du Dr H______ du 17 février 2021.

10.4.1 Tant le rapport de la Dresse C______, que le rapport de la Dresse F______ et du Dr G______ du 2 juin 2020, ou encore le rapport du 13 février 2020 du Dr D______ ont été réalisés sur requête de l’une ou l’autre des parties. Ils n’ont donc valeur que d’allégués de parties selon la jurisprudence fédérale.

10.4.2 En revanche, le rapport du Dr H______ du 17 février 2021 été réalisé sur mandat d’une autorité administrative dans une procédure concernant des prestations relevant de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20). Une telle expertise administrative doit se voir reconnaître une force probante identique à celle d’une expertise ordonnée par le juge civil si elle remplit les exigences jurisprudentielles applicables en la matière.

En l’espèce, le rapport du Dr H______ du 17 février 2021 remplit prima facie les exigences susmentionnées, notamment sur le plan formel. En effet, il se fonde sur l’anamnèse et sur un examen clinique de l’assuré et procède à un diagnostic en se fondant sur les critères développés par la jurisprudence fédérale. Sur cette base, le diagnostic d’existence de troubles dépressifs récurrents moyens (F33.1 CIM-10), puis légers (F.33.0 CIM-10) est clairement posé (outre une accentuation de certains traits de la personnalité [Z73.1 CIM-10]). Surtout, l’évaluation du potentiel impact de ce trouble sur la capacité de travail de l’assuré eu égard au type d’activité qu’il exerçait jusqu’alors, ou sur une autre activité, est réalisée clairement et explicitée sur la base des éléments recueillis par l’expert.

10.4.3 Les conclusions de l’expertise médicale du Dr H______ sont les suivantes :

Le demandeur souffre d’une dépression de gravité légère au moment de l’expertise, de gravité moyenne antérieurement. Ce trouble n’a pas eu d’impact sur la capacité de travail du demandeur. Celle-ci est de 100% sans baisse de rendement depuis septembre 2019 dans l’activité exercée jusqu’alors. L’assuré peut assumer 100% des heures qu’il effectuait dans son activité antérieure. Elle est également de 100% dans une autre activité adaptée, étant entendu que l’activité exercée lors du dernier emploi est elle-même adaptée. Aucune limitation fonctionnelle significative n’impacte l’assuré. L’expert écrit ainsi :

« 9.1 Capacité de travail dans l’activité exercée jusqu’ici

100% sans baisse de rendement depuis septembre 2019 au présent {17 février 2021 ndr.}, tenant compte de la jurisprudence de novembre 2017 ».

Le résultat auquel parvient l’expert suite à son examen est donc clair : au cours du mois de juin 2020, le demandeur était entièrement capable de travailler.

Cependant, l’expert, dans une prise de position spontanée sur la question des indemnités perte de gain refusée par la défenderesse, précise:

« Les arrêts maladies étaient justifiés d’un point de vue clinique jusqu’à fin juin 2020, car en même temps que la prise en charge psychiatrique ils ont favorisés la consolidation clinique qui a permis une inscription au chômage. { } Cependant, je ne peux pas me prononcer par rapport à la position de l’Assurance perte de gain pour arrêter les indemnités, n’étant pas médecin conseil de cette assurance. »

Comme le souligne la défenderesse, il existe un hiatus entre cette remarque du Dr H______ et le résultat de son propre examen explicité quelques pages auparavant. En outre, le prénommé se contredit puisqu’il se prononce sur le caractère justifié ou non des arrêts maladies de l’assuré, soit de son incapacité de travail, puis affirme qu’il n’est cependant pas la personne adéquate pour ce faire. L’expert n’explique par ailleurs pas comment l’expertisé aurait pu être en incapacité totale jusqu’au 30 juin 2020 – en contradiction avec la quasi-totalité des éléments de son analyse en pages trente-deux à trente-neuf de son rapport –, puis subitement retrouver une capacité de travail totale au 1er juillet 2020. Une telle constatation aurait pourtant mérité un minimum de développements.

On remarquera que le contenu de la section dix, page quarante, de l’expertise du Dr H______ correspond au contenu d’une lettre du 16 février 2021 envoyée par ce dernier au Dr G______, psychiatre-traitant du demandeur. Il semblerait que le contenu de ladite lettre ait été repris tel quel à titre d’annexe dans l’expertise, alors qu’il ne correspond pas au résultat final de l’analyse effectuée par le Dr H______. C’est pourtant sur la base des développements accessoires susmentionnés que le SMR, respectivement l’OAI, ont retenu une incapacité de travail de 100% uniquement temporaire et rejeté la demande de prestations de l’assuré.

10.4.4 Au vu de ce qui précède, le rapport du Dr H______ du 17 février 2021 apparait contradictoire au fond sur le point essentiel de l’incapacité de travail du demandeur au cours du mois de juin 2020. Bien que cette expertise tende plutôt à démontrer que le demandeur disposait d’une capacité de travail pleine et entière au cours du mois de juin 2020, elle ne saurait établir ni l’incapacité, ni la capacité de travail du demandeur avec le degré de la preuve stricte.

10.5 Il convient encore d’examiner si d’autres éléments présents au dossier permettent de retenir l’incapacité de travail du demandeur au cours du mois de juin 2020 comme établie.

10.5.1 À cet égard, le rapport de la Dresse C______ du 28 octobre 2019, couplé à ses explications du 31 mars 2020, ne constitue en droit de procédure civile qu’un allégué de partie. Or, celui-ci a été dûment contesté par la défenderesse dans son mémoire de réponse, sur la base d’un avis clairement divergeant du Dr D______. Il est donc manifeste que cette allégation ne permet pas de démontrer l’existence d’une incapacité de travail au cours du mois de juin 2020 avec le degré de la preuve stricte.

10.5.2 En ce qui concerne le rapport de la Dresse F______ et du Dr G______ du 2 juin 2020, la défenderesse le conteste également mais dans des développements nettement plus brefs qu’en ce qui concerne l’opinion de la Dresse C______. Le fait que l’assuré serait capable de travailler à 50% dans les vignes et de faire du vélo serait ainsi, de l’avis de la défenderesse, incompatible avec un diagnostic de dépression de gravité moyenne.

Il ne revient toutefois pas à la Cour de céans de trancher d’elle-même un conflit entre différentes appréciations médicales qui n’apparaissent pas manifestement insoutenables et qui constituent par ailleurs uniquement des allégués de partie selon la jurisprudence fédérale. En tout état de cause, il n’apparaît pas que le rapport de la Dresse F______ et du Dr G______, qui entre en conflit tant avec l’expertise postérieure du Dr H______ qu’avec les allégués de partie antérieurs du Dr D______, suffirait à lui seul à établir une incapacité de travail du demandeur dans une autre profession ou un autre domaine d'activité avec le degré de la preuve stricte. Cela d’autant plus que le Dr G______ est le psychiatre-traitant du demandeur.

10.5.3 Il n’apparaît pour le surplus pas que d’autres moyens de preuve instruits dans la présente procédure permettent de considérer que le demandeur était incapable de travailler au cours du mois de juin 2020.

10.6 En conclusion, il ressort de l’appréciation des preuves que l’incapacité de travail du demandeur au cours du mois de juin 2020 n’est pas établie. Or, c’est le demandeur qui supporte le fardeau de la preuve d’une telle incapacité. Partant, une des conditions indispensables à l’existence de sa prétention pécuniaire n’est pas remplie.

11.         La demande doit dès lors être rejetée. Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge du demandeur (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC -E 1 05];) ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le ______