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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3347/2020

ATAS/572/2021 du 03.06.2021 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3347/2020 ATAS/572/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 juin 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à LA PLAINE

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        En juin 2017, Monsieur A______ (ci-après : le bénéficiaire), originaire de Macédoine du nord, s'est vu accorder des prestations complémentaires familiales et des subsides d'assurance-maladie (cf. décisions des 26 juin 2017, 11 décembre 2017 et 30 janvier 2018).

2.        Fin juin 2018, le Service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a constaté, lors de la révision du dossier de son bénéficiaire, que ce dernier n'était pas titulaire d'un permis de séjour valable.

3.        En conséquence de quoi, par décision du 28 juin 2018, le SPC a mis fin au versement des prestations avec effet au 30 juin 2018.

4.        Le bénéficiaire ayant redéposé une demande de prestations, le SPC a statué par décision du 2 juillet 2020 et l'a rejetée.

5.        Le 14 juillet 2020, l'intéressé s'est opposé à cette décision en alléguant être au bénéfice, dans l'attente de la délivrance d'un permis de séjour, d'une attestation de résidence.

6.        Par décision du 15 octobre 2020, le SPC a rejeté l'opposition au motif que le délai de carence prévu par la loi n'était pas écoulé, l'intéressé n'étant titulaire d'une autorisation de séjour (permis B) que depuis le 20 avril 2020.

7.        Par écriture du 22 octobre 2020, l'intéressé a interjeté recours contre cette décision en alléguant qu'il séjourne à Genève depuis dix ans au moins et en faisant remarquer que le SPC lui a dans un premier temps reconnu le droit aux prestations.

8.        Invité à se déterminer, l'intimé, dans sa réponse du 16 novembre 2020, a conclu au rejet du recours.

9.        Par écriture du 9 décembre 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions.

10.    Une audience de comparution personnelle s'est tenue en date du 11 février 2021, au cours de laquelle le recourant a fait part de son incompréhension, en rappelant qu'il a bénéficié des prestations depuis 2017.

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l'art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Selon l'art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC, les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830).

3.        Interjeté dans les formes et les délais légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations complémentaires familiales au-delà du 30 juin 2018.

5.        Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1.2 ; ATF 127 V 466 consid. 1 et les références citées).

En l'occurrence, la période litigieuse débute le 1er juillet 2018.

6.        L'une des conditions d'octroi de prestations complémentaires familiales est d'avoir son domicile et sa résidence habituelle dans le canton de Genève depuis cinq ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (art. 36A al. 1 let. a LPCC). Cette condition s'applique à toute personne, indépendamment de sa nationalité.

Selon l'art. 13 LPGA, le domicile d'une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée. Cette disposition s'applique en matière de PCF, du fait du renvoi qu'opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de PCFam, en l'absence de définition spécifique dans ces matières et en raison du renvoi que la LPCC fait à la LPGA (art. 1A al. 1 let. b et al. 2 let. c LPCC), ainsi que pour des motifs de sécurité juridique et d'harmonisation des pratiques administratives (ATAS/208/2017 du 14 mars 2017 consid. 9 ; ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013 consid. 5).

Selon la jurisprudence, la résidence habituelle implique la résidence effective en Suisse et la volonté de conserver cette résidence ; en outre, le centre de toutes les relations de l'intéressé doit se situer en Suisse (ATF 141 V 530 consid. 5.3 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 24 ad art. 4 LPC p. 37).

En outre, les directives sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI
(ci-après : DPC) éditées par l'office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), valables dès le 1er avril 2011 et dans leur version au 16 mai 2018, précisent que seule la présence effective et conforme au droit vaut résidence habituelle en Suisse. Les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour.

7.        La LPC et la LPCC prévoient des conditions spécifiques pour les étrangers.

S'agissant des PCF, l'art. 5 al. 1 LPC, intitulé « Conditions supplémentaires pour les étrangers », dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 2018, prévoit que ceux-ci n'ont droit à des prestations complémentaires que s'ils séjournent de manière légale en Suisse.

D'après le message relatif à la modification de la loi fédérale sur les étrangers (gestion de l'immigration et amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes) du 4 mars 2016 (FF 2016 p. 2835ss), la modification de l'art. 5 al. 1 LPC, entrée en vigueur le 1er juillet 2018, permet de ne plus octroyer des prestations complémentaires lorsque l'étranger séjourne en Suisse de manière illégale.

8.        En l'occurrence, l'intimé considère que le recourant ne remplit pas la condition de du délai de carence de cinq ans posée par l'art. 36A al. 1 let. a LPCC dès lors que seule la durée de son séjour légal en Suisse peut être prise en compte ; or, il n'a obtenu un permis de séjour valable qu'en avril 2020.

En premier lieu, le recourant doit avoir son domicile et sa résidence habituelle en Suisse, ce qui n'est pas contesté en l'occurrence.

S'agissant du critère de la résidence légale, il sied de relever que cette condition est également réalisée depuis avril 2020, date à laquelle le recourant a obtenu son permis de séjour.

Pour se voir octroyer des prestations complémentaires familiales, le recourant doit encore pouvoir justifier d'un délai de carence de cinq ans au moins, comme toute autre personne, quelle que soit sa nationalité.

Le recourant fait valoir qu'il séjourne à Genève depuis plus de dix ans, ce qui revient à soutenir qu'il y a lieu, dans la computation du délai de carence résultant de l'art. 36A al. 1 let. a LPCC, de tenir compte de la durée de domicile et de résidence effective dans le canton à compter du dépôt de la demande de PCFam, y compris les périodes de séjour non couvertes par une autorisation de séjour.

Dans un arrêt ATAS/428/2018 du 22 mai 2018, la Cour de céans a rappelé que l'art. 36A al. 1 let. a du projet de loi (ci-après : PL 10600) prévoyait qu'auraient droit aux PCFam les personnes qui « ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève », et l'art. 36A al. 2 précisait que les « conditions de durée de séjour minimale dans le canton [seraient] celles prévues » à l'art. 2 al. 2 et 3 LPCC, disposition qui instituait un délai de carence différencié en fonction de la nationalité du requérant. La commission parlementaire en charge de l'étude de ce projet de loi a accepté un amendement consistant à prévoir, à l'art. 36A al. 1 let. a, que les requérants de PCFam devaient avoir « leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations », impliquant l'abandon du renvoi que l'art. 36A al. 2 du projet de loi faisait à l'art. 2 al. 2 et 3 LPCC (MGC 2010-2011 V A 4382 s.). Le Grand Conseil a adopté l'art. 36A al. 1 let. a ainsi amendé, en dépit d'un débat ayant porté sur le fait que cette disposition mettait sur le même pied le requérant suisse, l'étranger (quel que soit son État d'origine, donc aussi les ressortissants extracommunautaires), le réfugié ou l'apatride (MGC 2010-2011 V D/28 2244 ss).

Le mode de computation du délai de carence de cinq ans institué par l'art. 36A al. 1 let. a LPCC pour les PCFam n'a pas été évoqué lors des travaux préparatoires. Il n'en demeure pas moins que la préoccupation qui s'est manifestée lors des débats parlementaires de limiter l'attrait - estimé cependant marginal (MGC 2010-2011 V D/28 2244 ss) - que les PCFam pourraient exercer sur des familles domiciliées en dehors du canton de Genève, que ce soit ailleurs en Suisse, dans l'UE ou l'AELE ou encore dans d'autres États, tend à rendre inconcevable que le législateur ait entendu ouvrir le droit aux PCFam aux ressortissants étrangers qui seraient domiciliés et résideraient en Suisse et dans le canton de Genève sans autorisation de séjour valable et, partant, que de telles périodes de séjour en situation d'irrégularité du point de vue de la police des étrangers doivent être prises en compte dans la computation du délai de carence considéré (ATAS op. cit., consid. 5c).

Dans cet arrêt, la Cour de céans a jugé que les motifs pour lesquels il se justifie de ne compter comme temps de résidence (respectivement en Suisse et dans le canton de Genève) que le temps durant lequel l'étranger requérant des PCF était au bénéfice d'un permis de séjour valable avaient toute leur pertinence pour les PCFam. Il était en effet logique et cohérent de retenir - sauf exception, justifiée notamment pour le prélèvement de cotisations et, partant, l'obtention de prestations représentant le corollaire d'une obligation de cotiser - que le législateur qui fait dépendre l'octroi de prestations d'une condition de domicile et de résidence depuis un certain nombre d'années n'entend pas ouvrir le droit auxdites prestations à des ressortissants étrangers qui se seraient constitués un domicile et une résidence habituelle en violation des prescriptions sur le séjour et l'établissement des étrangers avant l'échéance du délai de carence compté à partir de la régularisation de leur situation. Or, le versement de PCFam n'est pas le corollaire du versement de cotisations.

On ne saurait déduire de conclusion inverse de l'art. 6 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales, du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04), selon lequel la durée minimale de séjour prévue à l'art. 36A al. 1 let. a LPCC est comptée à dater du premier jour du mois où l'intéressé s'est annoncé à l'OCPM, à moins qu'il ne puisse faire la preuve qu'il avait constitué son domicile dans le canton à une date antérieure. Cette disposition réglementaire vise les Confédérés, et non les étrangers, qui, eux, doivent non simplement « déposer des papiers » ou, expression équivalente, « s'annoncer » à l'OCPM, mais requérir l'autorisation de séjourner en Suisse (art. 10 ss de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 décembre 2005 - LEtr - RS 142.20).

Au demeurant, conférer, sur la base d'une interprétation littérale, une portée plus étendue à cette disposition réglementaire - à savoir retenir que cette dernière imposerait la prise en compte, dans la computation du délai de carence de l'art. 36A al. 1 let. a LPCC, de périodes durant lesquelles des étrangers auraient séjourné illégalement en Suisse, sur le territoire genevois - serait contraire au sens qui se dégage, d'un point de vue historique, systématique et téléologique, de la condition légale considérée. Une interprétation purement littérale de cette disposition réglementaire doit être écartée comme étant contraire au droit (ATAS/376/2016 du 17 mai 2016 consid. 5b sur le contrôle incident de constitutionnalité). Le législateur ne saurait avoir voulu que les PCFam soient accessibles aux étrangers résidant sans autorisation de séjour valable sur le territoire du canton, ni, partant, à ceux qui n'auraient pas régularisé leur situation, du point de vue de la police des étrangers, depuis au moins cinq ans.

Eu égard à la jurisprudence qui précède, il convient de considérer que seul peut être comptabilisé le laps de temps durant lequel le recourant a légalement séjourné dans le canton. En conséquence, la condition du délai de carence de 5 ans - dont il est rappelé qu'elle s'applique indifféremment de la nationalité de l'intéressé - n'est pas remplie en l'occurrence, de sorte que c'est à bon droit que l'intimé a nié à l'assuré le droit aux prestations complémentaires familiales.

Le recours est rejeté.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le