Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2932/2022

ATA/1198/2025 du 28.10.2025 sur JTAPI/272/2025 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2932/2022-LCI ATA/1198/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 octobre 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______

B______

C______ et D______

E______

F______

G______

H______

I______ recourants

représentés par Me Anthony Walter, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

et

J______ intimés

représentés par Me Cédric LENOIR, avocat


_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mars 2025 (JTAPI/272/2025)



EN FAIT

A. a. J______ (ci-après : les propriétaires) sont copropriétaires, à la suite du décès le 10 novembre 2020 de K______, de la parcelle n° 7’086, en zone 5, d’une superficie de 1’429 m2, de la commune de L______.

b. B______, G______, C______ et D______, H______, I______, A______, F______, E______, (ci-après : les voisins) sont propriétaires de parcelles sises au chemin M______, voisines ou situées à faible distance de la parcelle n° 7’086.

c. Le 13 décembre 2017, le bureau d’architectes N______ a sollicité auprès du département du territoire (ci-après : le département) une autorisation de démolition de la maison et de l’annexe existantes sur la parcelle susvisée et, parallèlement, l’autorisation d’y construire cinq logements sous la forme d’habitat groupé répondant à une très haute performance énergétique (THPE 48%), des sondes géothermiques et un garage souterrain, avec abattage d’arbres.

d. Les instances de préavis, à l’exception de la commune, se sont prononcées favorablement au projet de construction, avec ou sans réserve. Dans son préavis du 13 août 2018, la direction générale de l’eau, devenue depuis l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) a notamment posé des conditions relatives aux canalisations d’évacuation des eaux usées et pluviales et leur raccordement aux collecteurs du système public d’assainissement des eaux du chemin M______ par l’intermédiaire des réseaux privés. L’ouverture du chantier était subordonnée au règlement des éléments relevant du droit privé (chiffre 11) et, préalablement au branchement des canalisations des eaux usées et pluviales, le requérant était tenu de vérifier l’état, le bon fonctionnement et la capacité hydraulique des équipements privés susmentionnés jusqu’aux équipements publics, les éventuels travaux de réfection, d’adaptation voire de reconstruction devant être entrepris d’entente avec le service (chiffre 12).

e. Le 7 décembre 2018, le département a délivré l’autorisation de démolir (M 1______) et l’autorisation de construction globale (DD 2______). Cette dernière se référait à l’autorisation de démolition M 1______ et précisait à son chiffre 5 que les conditions figurant dans différents préavis, dont le préavis précité du 13 août 2018, faisaient partie intégrante de l’autorisation.

f. Le 21 janvier 2019, les voisins ont formé un recours contre l’autorisation de construire DD 2______ devant le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI), qui a été rejeté par jugement du 5 novembre 2019.

g. En décembre 2019, les voisins ont introduit une demande en conciliation devant le Tribunal civil de première instance à l’encontre de K______, tendant à l’interdiction de procéder aux travaux de construction prévus par l’autorisation DD 2______ et à l’obtention de différents constats concernant l’état et l’étendue des servitudes de passage, de canalisations et d’utilisation de la pompe. Dans ce cadre, il a été question de plans inexacts fournis à l’appui de la demande d’autorisation.

h. Sur recours contre le jugement du TAPI du 5 novembre 2019, les voisins se sont prévalus des règles sur le rapport des surfaces en cinquième zone et ont mis en cause l’équipement du terrain en canalisations. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours par arrêt du 3 novembre 2020, en considérant notamment que les problématiques de réfection, d’adaptation et de raccordement des canalisations sur les parcelles voisines relevaient du droit privé. Les conduites d’amenée en eaux et d’évacuation des eaux usées ne faisaient l’objet d’aucune garantie juridique et une analyse globale de la situation suffisait. Les conditions résultant du préavis et de l’autorisation répondaient aux exigences légales et jurisprudentielles, vu que les travaux ne pourraient être entrepris qu’une fois les problèmes liés aux évacuations des eaux réglés à satisfaction des spécialistes du département. Quant aux plans, au stade de la demande de l’autorisation de construire, les précisions fournies à propos des canalisations étaient suffisantes, l’OCEau ayant réservé d’éventuelles précisions complémentaires nécessaires.

i. Le 20 janvier 2021, une plainte pénale a été déposée contre inconnu, faisant état d’un plan de canalisations erroné produit à l’appui de l’autorisation DD 2______. La chambre pénale de recours a annulé la décision de non-entrée en matière du Ministère public et une enquête a été ouverte (P/3______/2021).

j. L’ouverture des chantiers de démolition et de construction a été annoncée début décembre 2021, avec effet au 1er décembre 2021, la fin de la démolition étant prévue au 12 juin 2022 et celle du chantier de construction au 12 décembre 2023.

k. Le 6 décembre 2021, un ouvrier s’est rendu sur la parcelle n° 7’086. Averti par un voisin, le département a ordonné l’arrêt des travaux le 8 décembre 2021. La société O______ a indiqué par courriel du même jour aux architectes et à l’entreprise mis en œuvre par les propriétaires et à leur conseil que :

« En effet, il y a en principe un délai de 30 jours entre l’annonce de travaux et les travaux effectifs, compte tenu de la période de l’année et pour écarter tout risque de squat, nous avons en effet débuté les travaux de démolition dans la foulée, comme c’est souvent le cas en pratique.

L’entreprise P______ m’informe toutefois que compte tenu de la météo, aucun ouvrier n’était présent sur le site aujourd’hui et qu’ils n’y retourneraient pas avant l’an prochain et donc l’échéance du délai de 30 jours ».

l. Le chef du service de l’inspection de la construction et des chantiers, Q______, a confirmé, par courriel du 14 mars 2022 à D______, que la problématique des canalisations n’impliquait aucune restriction pour la phase de démolition, qui pouvait être entreprise sans l’intervention du département. Il rappellerait au mandataire des propriétaires la condition au chiffre 5 de l’autorisation de construire susceptible de bloquer le début des travaux de construction et demanderait la date précise de la fin de la phase de démolition afin de définir une date claire permettant de vérifier le respect de l’art. 33 et suivants du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01). Cela étant, le département ne ferait pas de procès d’intention à ce stade du chantier, d’autant qu’il était possible que le chantier de construction ne débute jamais ou qu’une requête complémentaire modifiant l’installation soit déposée et obtenue.

m. Par courriel du même jour à R______, de N______, Q______, en se référant au chiffre 5 précité et à la condition au chiffre 11 du préavis de l’OCEau, a indiqué :

« Pour rappel, le chantier de construction ne pourra débuter avant que cette condition soit pleinement respectée.

À ce jour, nous prenons note que vous êtes en phase de démolition (M-1______) en force. Afin de vérifier le suivi correct du chantier, nous vous prions de nous confirmer la date de fin de la démolition inscrite sur le formulaire fourni, soit le 12.06.2022 et cela par retour de courriel dans un délai de 10 jours. Cette date servira de base pour le début de la phase de la construction.

« Je vous rappelle qu’un chantier est censé avoir une durée raisonnable et ne [doit] pas être interrompu plus d’une année en vertu de l’art. 33 RCI ».

« Ne faisant pas de procès d’intention à ce stade, nous n’avons à intervenir pour le moment mais sachez que nous n’aurons aucune tolérance quant au respect de ces éléments clairement établis et rappelés dans le présent courriel ».

« Je réserve d’ores et déjà toutes mesures / sanctions que la situation imposerait ».

n. Le 24 mars 2022, N______ a déposé une requête d’autorisation complémentaire pour une « modification du concept de gestion et d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées », enregistrée sous DD 2______/2. La requête mentionnait S______ de N______ comme mandataire et requérant et portait les signatures de ce dernier et des propriétaires. Dans ce contexte, N______ a indiqué par courriel au département que S______ serait dorénavant le responsable du dossier DD 2______, jusque‑là suivi par R______, les deux étant enregistrés comme mandataire professionnellement qualifié (ci‑après : MPQ).

o. Tous les préavis concernant la requête complémentaire ont été favorables, y compris celui de l’OCEau du 3 juin 2022. L’OCEau prévoyait cinq conditions, qui remplaçaient celles de son préavis d’août 2018, portant notamment sur l’exécution des canalisations privées en système séparatif et les modalités de raccordement au système public d’assainissement des eaux et d’infiltration, les modalités de réalisation de certains tronçons des canalisations, le contrôle par l’OCEau avant le remblayage de la fouille, la limitation du débit de restitution des eaux pluviales et la réalisation d’un ouvrage d’infiltration. L’OCEau ne vérifiait pas le respect des éléments de droit privé, l’autorisation de construire réservant les droits des tiers. Un rapport de conformité devrait être produit à la « fermeture » du chantier.

p. Le 14 juillet 2022, le département a délivré l’autorisation complémentaire DD 2______/2. Celle-ci n’avait pas pour effet de prolonger la validité de l’autorisation initiale (chiffre 4) et les conditions figurant dans le préavis de l’OCEau du 3 juin 2022 en faisaient partie intégrante (chiffre 7).

B. a. Le 13 septembre 2022, les voisins ont interjeté recours auprès du TAPI contre l’autorisation complémentaire DD 2______/2, concluant à son annulation (A/2932/2022). Ils contestaient la viabilité du nouveau concept d’évacuation des eaux par infiltration, qui créait un risque d’inondation de leurs parcelles, et l’application de la procédure d’autorisation complémentaire et ils se plaignaient de privations de vues et d’un surcroît de trafic. Ils sollicitaient préalablement la suspension de la cause jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale.

b. En automne 2022, T______, bureau d’architectes et d’entreprise générale, a effectué, pour le compte des propriétaires, des démarches relatives au désamiantage, aboutissant notamment à la signature d’une offre pour un diagnostic de la société U______ le 29 septembre 2022, une visite de diagnostic le 3 novembre 2022, un rapport de diagnostic du 16 novembre 2022 et un devis du 25 novembre 2022 de P______ SA pour des travaux de désamiantage.

c. Le 18 novembre 2022, un huissier judiciaire mis en œuvre par D______ a constaté que les encadrements de fenêtres et les portes avaient été déposés, un arbre était tombé dans l’angle de la maison, une barrière modulaire avait été posée autour du futur chantier et il n’y avait aucun accès ni installations de chantier.

d. Le 28 novembre 2022, N______ a sollicité une prolongation de la date de démolition de l’immeuble jusqu’à fin mars 2023, en raison du retard lié aux importants travaux de désamiantage à effectuer.

e. Le 12 décembre 2022, les voisins ont sollicité, dans le cadre du recours A/2932/2022, la constatation de la caducité des autorisations de construire DD 2______/1 et DD 2______/2. Le délai de deux ans pour entreprendre les travaux autorisés, prévu à l’art. 4 al. 5 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) était échu, en l’absence d’une demande de prolongation de l’autorisation principale. Un ouvrier était venu le 6 décembre 2021, l’ouverture des chantiers de démolition et de construction n’avait été annoncée que le lendemain, avec effet au 1er décembre 2021, et personne n’était revenu jusqu’au 18 novembre 2022, date à laquelle des « travaux de démolition de l’intérieur de la maison » avaient été effectués. Seules quelques mesures anti-squat avaient été prises. L’autorisation complémentaire et la réalisation ou non de travaux de démolition n’avaient aucun effet sur la notion d’ouverture de chantier et la validité de l’autorisation principale. En tout état, les travaux avaient été interrompus depuis plus d’un an, contrairement à l’art. 33A RCI.

f. Le 22 décembre 2022, après un échange d’écritures, le TAPI a refusé de suspendre la procédure.

g. Par acte du 3 janvier 2023, le département a contesté la recevabilité des conclusions en constatation de nullité, vu l’absence de décision administrative sur ce point. Le délai fixé à l’art. 4 al. 5 LCI n’avait pas été dépassé, compte tenu du lien étroit entre les travaux de démolition engagés et les travaux de construction. Retenir que les travaux de démolition ne constituaient pas le début des travaux de construction s’apparentait à du formalisme excessif. Même si une éventuelle interruption des travaux depuis plus d’une année était avérée, elle n’entraînerait pas la caducité de l’autorisation.

h. Il ressort du dossier qu’une demande d’abattage a été préparée en janvier 2023 et dans un courriel du 13 février 2023, T______ a décrit la situation « à ce jour » comme suit :

« Désamiantage terminé ».

« Décapage terre végétal sur pourtour villa fait ».

« Assainissement intérieur villa, suppression réseau SIG, abattage en cours cette semaine ».

« Dès le 20.02.2023, début de la démolition en commençant par toiture, fin estimée au 31.03.2023 ».

i. Par acte du 15 février 2023, les propriétaires ont contesté la recevabilité et le bien‑fondé des conclusions relatives à la caducité des autorisations. L’ouverture du chantier avait été annoncée bien avant l’échéance du délai de deux ans dès l’entrée en force de l’autorisation de construire principale à l’échéance du délai de recours contre l’arrêt du 3 novembre 2020. Le 28 novembre 2022, une prolongation avait été demandée pour la démolition, en raison de retards dus à des travaux de désamiantage, l’entrée en vigueur de nouvelles exigences sur l’assainissement des matériaux contenant de l’hexabromocyclododécane et la chute d’un arbre sur la maison en 2022 qui nécessitait des travaux d’élagage en coordination avec le service compétent. Depuis lors, le désamiantage avait été réalisé et l’entier du terrain décapé. Les travaux de démolition, qui se termineraient le 31 mars 2023, précédaient par définition les travaux de construction et étaient nécessaires à la mise en œuvre de l’autorisation de construire DD 2______/1.

j. Le 13 mars 2023, les voisins ont conclu à la constatation de la caducité des autorisations de construire des 7 décembre 2018 et 14 juillet 2022 et, subsidiairement, à l’annulation de celle du 14 juillet 2022. Les travaux couverts par l’autorisation de démolition devaient être dissociés de ceux couverts par l’autorisation de construction DD 2______/1 et des travaux de désamiantage ou autre assainissement du bâti existant. À l’échéance de l’autorisation de construire, le 3 novembre 2022, il n’y avait eu aucun travail de démolition, mais seulement des mesures anti-squat et la simple annonce d’ouverture de chantier était sans pertinence. L’ouverture du chantier de construction aurait par ailleurs été illégale, car la condition suspensive relative au règlement de l’évacuation des eaux n’était pas réalisée. La caducité de l’autorisation principale entrainaît celle de l’autorisation complémentaire.

k. Les propriétaires ont répondu que la constatation de la caducité de l’autorisation de construire serait contraire à la bonne foi et l’interdiction de comportements contradictoires de l’administration, en l’absence de tout avertissement préalable et alors que le département n’avait pas fait usage de la possibilité d’ordonner d’achever l’ouvrage ou de remettre les lieux en état. Reconnaître a posteriori la caducité, en dissociant les dates d’ouverture des chantiers de la démolition et de la construction, autorisées systématiquement le même jour, ne ferait aucun sens pratique et serait contraire à l’interdiction du formalisme excessif et au principe de la proportionnalité. La mise en œuvre de l’autorisation DD2______/1 nécessitait au préalable celle de l’autorisation M 1______ et la conservation d’une friche au milieu d’un quartier résidentiel ne poursuivait aucun intérêt public. La démolition étant terminée, l’on ne pouvait raisonnablement soutenir qu’ils n’avaient pas l’intention de mettre en œuvre les autorisations délivrées. Les voisins se plaignaient, de mauvaise foi, que le chantier n’avait pas avancé assez rapidement alors qu’ils avaient tout fait pour le retarder et empêcher la mise en œuvre des travaux.

l. Selon le département, les voisins n’avaient pas démontré en quoi ils seraient atteints par le nouveau système d’évacuation des eaux. Une décision n’était exécutoire que lorsqu’elle ne pouvait plus être attaquée par un recours. Dans le cas contraire, une autorisation de construire pourrait, en cas de recours possible, devenir caduque avant d’être exécutoire, ce qui était absurde. L’ouverture d’un chantier n’était pas soumise, en tant que telle, à la procédure d’autorisation de construire. Les voisins admettaient que des travaux avaient été entrepris le 6 décembre 2021 et il n’était pas démontré que les travaux n’avaient pas été poursuivis, l’art. 33A al. 1 RCI ne disposant pas dans quelle mesure ni dans quel délai ils devaient l’être.


 

m. Les éléments suivants concernant l’enquête pénale ressortent du dossier :

-          Entendu le 28 août 2023, R______, architecte, administrateur de N______ et MPQ, a mentionné des plans de canalisations erronés produits à l’appui de la demande d’autorisation de construire DD 2______/1. Il avait signé la requête d’autorisation.

-          L’inspecteur en assainissement auprès de l’OCEau a expliqué avoir délivré son préavis positif sur la base du plan fourni dans la demande d’autorisation de construire initiale, l’OCEau n’ayant pas les moyens de vérifier l’existence des canalisations figurant sur les plans. R______ a indiqué avoir signé la demande complémentaire en reprenant le projet à la suite de S______, qui avait signé la requête initiale mais ne travaillait plus dans leur société, en raison de problèmes liés à la qualité de son travail.

-          S______ a déclaré qu’il n’avait jamais signé de demande d’autorisation de construire pour le projet concerné et n’était probablement pas encore MPQ lors du dépôt de la demande initiale. C’était à son insu que la demande complémentaire l’indiquait comme requérant et MPQ et portait sa signature, car il était en incapacité totale de travailler à cette époque et jusqu’à son licenciement en juillet 2022. Son nom avait été utilisé à son insu pour l’ouverture du chantier via la plate‑forme V______. Selon les dossiers des demandes d’autorisation obtenus par la police, R______ avait signé la demande initiale et les signatures du mandataire et du requérant, soit S______, sur la demande complémentaire étaient strictement identiques, la suite de l’enquête devant déterminer s’il s’agissait de signatures électroniques.

-          L’incapacité de travail totale de S______ du 22 février au 24 mai 2022 a été démontrée. La police a procédé à une perquisition auprès de N______. Selon W______, architecte associé, les signatures en format électronique des associés, dont S______, pouvaient être utilisées uniquement pour signer des documents au nom d’un associé absent pour ne pas bloquer des dossiers en cours, selon un accord collégial de tous les associés, dont S______. Il ignorait qui avait apposé la signature sur la demande complémentaire concernée. Selon X______, architecte qui s’était aussi occupé du projet litigieux, au vu du départ à la retraite de R______, l’ensemble des administrateurs, dont S______, avait décidé que ses dossiers seraient repris par S______, W______ et lui-même. Pour cette raison ils avaient décidé de remplacer R______ par S______ dans le dossier en question, sans aucune volonté de tromper ni de produire des faux. Apposer la signature de l’un d’entre eux en son absence était une pratique courante, convenue oralement entre les administrateurs. S______ avait entamé une procédure prud’homale.

n. Le 25 octobre 2023, les voisins ont déposé une demande de révision de l’arrêt du 3 novembre 2020 devant la chambre administrative fondée sur la procédure pénale.

o. Le 6 novembre 2023, après un échange d’écritures, le TAPI a suspendu l’instruction dans la présente cause jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale.

p. Par arrêt du 20 août 2024 (ATA/966/2024), la chambre administrative a admis le recours des propriétaires contre cette décision de suspension. L’autorisation du 7 décembre 2018 reprenait les conditions posées par l’OCEau, en conditionnant notamment l’ouverture du chantier au règlement des éléments relevant du droit privé et le branchement des canalisations à la vérification de l’État et au bon fonctionnement et à la capacité hydraulique des équipements privés concernés, ce qui garantissait suffisamment que le chantier ne soit pas ouvert sans que les questions de canalisations ne soient réglées. La chambre administrative n’était pas compétente pour déterminer les éventuelles conséquences pénales voire civiles de la production de plans erronés et une condamnation pour faux dans les titres n’entraînerait pas automatiquement la caducité, avec effet rétroactif, de l’autorisation de construire principale. Rien n’indiquait que l’éventuel crime ou délit avait influencé la décision du département, qui avait confirmé, après avoir pris connaissance des pièces de la procédure pénale, que les inexactitudes dans les plans étaient sans incidence sur le préavis de l’OCEau. Concernant l’allégation de faux dans les signatures, cette question relevait de l’organisation interne du bureau d’architectes et était sans conséquence sur l’issue de la procédure de recours.

q. Par arrêt ATA/967/2024 rendu également le 20 août 2024, la chambre administrative a rejeté le recours en révision. Les faits nouveaux allégués, relatifs aux plans objet de la procédure pénale, n’étaient pas de nature à conduire à une décision différente. La chambre administrative avait rendu l’arrêt du 3 novembre 2022 en connaissant le caractère imprécis voire erroné des plans et n’était pas compétente pour déterminer les éventuelles conséquences pénales ou civiles de leur production. Les inexactitudes dans les plans étaient sans incidence sur le préavis du 13 août 2018, repris dans l’autorisation, qui garantissait suffisamment que le chantier ne soit pas ouvert sans que les questions de canalisations ne soient réglées. Pour des motifs similaires, il n’y avait pas lieu de suspendre la procédure.

r. Par écriture spontanée du 23 septembre 2024 (et non 2023, comme indiqué par inadvertance dans le jugement entrepris), les voisins ont persisté à affirmer que l’autorisation de construire était caduque parce que le chantier n’avait jamais été ouvert. Subsidiairement, l’autorisation complémentaire était nulle, car la procédure pénale P/3______/2021 avait révélé que la demande d’autorisation portait, à la place de la signature manuscrite du MPQ, un fac-similé utilisé à l’insu du MPQ indiqué.

s. Le TAPI ayant invité les parties à se déterminer sur la suite de la procédure, les propriétaires ont allégué que les travaux avaient effectivement débuté et que c’était en raison de la présente procédure qu’ils n’avaient pas pu être poursuivis, ce que le département avait reconnu.

t. Les voisins ont répliqué le 10 décembre 2024 que la situation n’était pas indépendante de la volonté du maître de l’ouvrage ou de son MPQ, qui avaient déposé un plan de canalisation inexact, persisté dans un concept de gestion des eaux irréalisable selon l’expertise privée produite, attendu deux ans pour tenter de le modifier par une autorisation complémentaire et omis de demander la prolongation de l’autorisation de construire. En cas de caducité, le département devait constater d’office la nullité de l’autorisation de construire et refuser de le faire en raison du recours contre l’autorisation complémentaire reviendrait à considérer que celle-ci prolongeait la validité de l’autorisation principale, ce qui était contraire au droit et aux termes de l’autorisation complémentaire. Le chantier de l’autorisation principale ne pouvait être ouvert en l’absence de plan réaliste de traitement des eaux, comme l’avait rappelé la chambre administrative.

u. Le 20 décembre 2024, les propriétaires ont rappelé la démolition intégrale de la maison. L’impossibilité de poursuivre les travaux était une conséquence directe du recours contre l’autorisation litigieuse portant sur le réseau des canalisations, qui devait précéder la construction du bâtiment lui-même. Ils avaient été contraints d’élaborer un schéma de raccordement alternatif à cause de l’opposition des recourants à l’utilisation du réseau de canalisation existant et non en raison de supposées erreurs des plans de canalisation. On discernait mal l’intérêt public poursuivi par la reconnaissance de la caducité de l’autorisation de construire, qui aurait pour seule conséquence de laisser le terrain en friche.

v. Le 16 janvier 2025, les recourants ont produit le courriel précité du 14 mars 2022 du chef du service de l’inspection de la construction et des chantiers à R______, en soulignant que celui-ci, en contradiction totale avec les écritures du département, distinguait clairement entre l’ouverture du chantier de la démolition et celle de la construction et rappelait que cette dernière était subordonnée à la résolution préalable des problématiques d’évacuation des eaux.

w. Le 21 janvier 2025, les propriétaires se sont plaints d’une violation de l’égalité des armes, du droit à un procès équitable et de l’interdiction de l’abus de droit, la pièce produite provenant selon eux du dossier pénal P/3______/2021 auquel ils n’avaient pas accès. Ils ont sollicité que le TAPI statue rapidement.

x. Le TAPI a rejeté le recours par jugement du 13 mars 2025.

La qualité pour recourir des voisins, à tout le moins des propriétaires des parcelles directement voisines de la parcelle litigieuse, était admise, ainsi que la recevabilité de tous les griefs susceptibles d’avoir une incidence pratique sur leur situation de fait ou de droit, notamment en raison du risque d’inondation. L’apport du dossier complet DD 2______ et du dossier pénal n’était pas nécessaire, car le dossier contenait les pièces nécessaires concernant la gestion des eaux, seule visée par l’autorisation complémentaire, et les juridictions administratives n’étaient en tout état pas compétentes au sujet des éventuelles conséquences pénales et civiles de la production de plans erronés.

Les griefs relatifs au type de procédure d’autorisation suivie et aux règles sur le traitement des eaux polluées et leur déversement ou infiltration, étaient écartés.

Il y avait lieu d’entrer en matière sur la caducité de l’autorisation principale, qui ne pouvait être invoquée dans le délai de recours (la période déterminante pour la péremption n’ayant expiré qu’en novembre 2022) et qui entraînerait l’annulation de l’autorisation complémentaire. Laissant ouverte la question de savoir si la « fin de la procédure » correspondait à la date de l’arrêt du 3 novembre 2022 ou à celle de son entrée en force, le TAPI a écarté le grief de la caducité. L’autorisation de construire DD 2______/1, qui était une décision globale, et l’autorisation de démolition M 1______ étaient étroitement liées. Elles avaient été sollicitées, instruites et octroyées en même temps et visaient toutes deux à l’édification d’une nouvelle construction. Elles nécessitaient un examen global qui prenait en considération tant les travaux de démolition que ceux de construction proprement dit. Les travaux visant la mise en œuvre de l’autorisation de construire litigieuse, notamment les travaux de démolition, avaient été entamés près d’une année avant l’échéance, compte tenu de la présence d’un ouvrier le 6 décembre 2021 pour commencer les travaux de démolition, l’arrêt des travaux ordonné par le département le 8 décembre suivant, les travaux de désamiantage depuis à tout le moins septembre 2022, les constats faits le 18 novembre 2022 et l’achèvement complet des travaux de démolition de la villa et du décapement du terrain à fin mars 2023.

Contrairement à la caducité, qui entraînait ipso iure la péremption du droit de construire, l’interruption du chantier, qui ne faisait pas l’objet du litige, conférait au département la prérogative, et non l’obligation, d’ordonner la continuation ou l’arrêt du chantier. Il convenait de relever le contexte judiciairement tendu entre les parties, notamment le rejet du recours contre l’autorisation de construire et la procédure civile, manifestement pas achevée, portant sur l’arrêt immédiat des travaux autorisés en lien avec des servitudes et canalisations.

En vertu du principe de la bonne foi et de l’interdiction de l’abus de droit, les voisins étaient malvenus de se prévaloir de l’absence de mise en œuvre de l’autorisation de construire, alors qu’ils avaient tout fait pour empêcher dite mise en œuvre.

C. a. Par acte déposé le 25 avril 2025, les voisins ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du 13 mars 2025, concluant, principalement, à son annulation et à la constatation de la caducité des autorisations DD 2______/1 du 7 décembre 2018 et DD 2______/2 du 14 juillet 2022 et, subsidiairement, à l’annulation du jugement attaqué et la constatation de la nullité de l’autorisation du 14 juillet 2022. Ils sollicitaient la constatation de l’effet suspensif du recours.

S’agissant des faits, le jugement ne mentionnait ni leur écriture du 23 septembre 2024 ni les faits allégués relatifs aux déclarations faites à la police à propos de la signature des demandes d’autorisation. Il ne contenait pas non plus la réponse de R______ à la question de savoir si le chantier avait commencé : « Ils ont démoli. Je ne crois pas puisque l’autorisation a été contestée et qu’il y a un recours. On ne peut pas commencer. Nous, N______, n’avons pas le mandat des travaux ». Ils n’avaient pas affirmé que des travaux de décapage avaient été entrepris avant l’échéance de l’autorisation ni que les travaux de démolition de la villa avaient débuté le 18 novembre 2022, leur allégation de « travaux de démolition de l’intérieur de la maison » se référant à des mesures anti-squat.

Au fond, les autorisations de construire étaient périmées et, subsidiairement, l’autorisation complémentaire était nulle, car elle avait été obtenue sans la signature d’un MPQ puisque celle de S______ avait été contrefaite. Le TAPI avait commis un déni de justice en omettant de statuer sur ce dernier grief.

b. Le 25 avril 2025, la chambre administrative a indiqué aux recourants que le recours avait effet suspensif de par loi, ce qu’il n’y avait pas lieu de constater.

c. Le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement du 13 mars 2025.

Le TAPI avait correctement constaté les faits et ceux relatifs à la procédure pénale ne relevaient pas de la compétence des juridictions administratives. Les travaux de démolition avaient commencé avant l’échéance du permis de construire et l’ouverture du chantier de l’autorisation de construire pouvait être admise déjà au stade de la phase de démolition. Le projet de construction était en effet étroitement lié à la démolition du bâtiment préexistant et l’exécution des travaux de démolition et de construction nécessitait un examen global. L’art. 33A RCI exigeait l’ouverture effective et la poursuite du chantier, sans préciser que cette poursuite devait avoir lieu avant l’échéance du permis. Les travaux s’étaient poursuivis, puisque la démolition et le décapement du terrain avaient été achevés fin mars 2023. Quant au grief relatif à l’absence de signature d’un MPQ, on pouvait inférer du jugement entrepris que le TAPI avait considéré que les circonstances tirées de la procédure pénale, non achevée, n’étaient pas de nature à influer sur la validité de l’autorisation complémentaire, vu l’incompétence des juridictions administratives relative aux conséquences civiles ou pénales.

d. J______ ont conclu préalablement à l’irrecevabilité du recours et de la demande de constatation de l’effet suspensif du recours et principalement au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris.

Les conclusions tendant à la caducité des autorisations de construire étaient irrecevables, car une action en constatation n’était, selon la jurisprudence, possible que si les conclusions du demandeur ne pouvaient faire l’objet d’une décision et aucune décision en constatation au sens de l’art. 49 LPA n’avait été sollicitée ou rendue en l’espèce. Vu que les recourants avaient abandonné leur conclusion en annulation de l’autorisation complémentaire, le recours était devenu sans objet.

L’ouverture du chantier de démolition dès le 1er décembre 2021 valait ouverture du chantier de construction dans son ensemble. Le chantier n’avait pas pu se poursuivre en raison du recours contre l’autorisation complémentaire, mais les propriétaires avaient activement poursuivi leurs démarches pour mettre en œuvre, notamment, les travaux de démolition. Poursuivant le chantier avec toute la diligence possible, ils avaient constamment tenu le département informé des contraintes, dont la chute d’un arbre sur la villa et la découverte d’amiante, et celui‑ci n’avait jamais affirmé que le chantier, dans son ensemble, n’avait pas été officiellement ouvert, ni laissé entendre que l’autorisation principale risquait de devenir caduque parce que les travaux n’avaient pas formellement débuté. Les recourants confondaient la date formelle de commencement des travaux au sens des art. 4 al. 5 LCI et 33A al. 1 RCI, qui permettait de contrôler le délai de deux ans pour commencer le chantier, et les dates concrètes de début des travaux de démolition et de construction, inscrites administrativement par le département pour contrôler l’avancée d’un chantier.

La question de la signature relevait de l’organisation interne du bureau d’architectes et était sans pertinence pour l’issue du litige, la chambre administrative ayant déjà écarté ce grief dans son arrêt, en force, du 20 août 2024. La requête avait été signée par les propriétaires et par un MPQ et le règlement RCI n’exigeait pas de signature manuscrite. L’exigence de qualification professionnelle était satisfaite aussi si la signature électronique ou fac-similé de S______ avait été apposée par R______, qui l’avait remplacé et qui était un MPQ dûment habilité, travaillant au sein de la même entreprise.

e. Les recourants ont répliqué qu’il était contraire à la systématique légale d’appréhender les autorisations de construire et de démolir de manière globale au stade de l’ouverture de chantier. Les deux procédures étaient indépendantes et non soumises au principe de coordination et elles répondaient à des conditions suspensives différentes pour la mise en chantier. Seules comptaient les interventions concrètes dans le cadre de l’exécution du projet et la référence dans l’autorisation DD 2______/1 à l’autorisation de démolition M 1______ était sans pertinence, la seconde pouvant être mise en œuvre indépendamment de la première. Le département avait indiqué dans son courriel du 14 mars 2022 que le chantier de construction pourrait ne jamais débuter, ce qui impliquait qu’il ne le considérait pas déjà ouvert. Le commencement des travaux au sens de l’art. 4 al. 5 LCI supposait aussi la poursuite du chantier, non réalisée en l’espèce. Le MPQ n’avait pas le mandat des travaux et ceux-ci ne résultaient d’aucune pièce au dossier, tels que des procès‑verbaux de chantier ou des documents de soumission. Le fait que le chantier n’ait jamais été ouvert expliquait pourquoi le département n’était pas intervenu selon l’art. 33 al. 2 RCI, qui visait les constructions restées inachevées après l’ouverture effective du chantier. Le département n’avait aucune marge d’appréciation pour sanctionner la violation de l’art. 4 al. 5 LCI.

La signature de la requête d’autorisation par le requérant ou un MPQ était une condition nécessaire à la délivrance de l’autorisation de construire. La chambre administrative ne s’était pas prononcée sur ce point quand elle avait refusé la suspension de la procédure administrative. Ce n’était pas un problème de forme de la signature, mais de son usage non autorisé. S______ n’avait pas pu donner une procuration générale à des collègues ne revêtant pas la qualité de MPQ, ni autoriser l’usage de sa signature sur la requête concernée vu qu’il était en congé maladie et ne pouvait endosser la qualité de MPQ. Les autres MPQ au sein de N______ n’étant pas ou plus au courant du dossier, la procédure ayant conduit à la délivrance de l’autorisation complémentaire s’était déroulée sans MPQ, et donc sans responsable légal aux commandes.

f. Le 27 juin 2025, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la validité de l’autorisation complémentaire DD 2______/2 délivrée le 14 juillet 2022, qui modifiait le concept d’évacuation des eaux usées et des eaux de pluie couvert par l’autorisation DD 2______/1 du 7 décembre 2018.

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

4.             La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 ; 135 II 416 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 140 V 485 consid. 4.1 ; 140 V 227 consid. 3.2 et les arrêts cités).

5.             Dans un premier grief, les recourants invoquent la péremption de l’autorisation principale dont dépend l’autorisation complémentaire litigieuse.

5.1 En vertu de l’art. 1 al. 1 LCI, une autorisation est requise pour : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b) ; démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c) ; modifier la configuration du terrain (let. d).

5.2 L’autorisation de construire obtenue devient caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication ; en cas de recours, le délai est suspendu pendant la durée comprise entre cette publication et la fin de la procédure, y compris une éventuelle instance devant une juridiction fédérale (art. 4 al. 5 LCI). Le commencement des travaux au sens de l’art. 4 LCI implique l’ouverture effective du chantier et la poursuite de la construction de l’ouvrage (art. 33A al. 1 RCI). En cas de recours contre une autorisation de construire, la durée de validité des autres autorisations en relation avec l’autorisation principale et nécessaires à la réalisation du projet, telles les autorisations de démolir ou de transformer, est prolongée jusqu’à l’échéance de validité reportée de l’autorisation de construire ; c’est aussi le cas, par analogie, pour les autorisations énergétiques et les autorisations d’abattage d’arbres délivrées en relation avec une autorisation de construire (art. 4 al. 6 LCI). Sur demande, le département peut prolonger d’une année la validité de l’autorisation de construire (al. 7), et ce deux fois sous réserve de circonstances exceptionnelles (al. 8).

5.3 La caducité est la conséquence de l’absence de travaux dans un certain délai. Il s’agit d’un délai de péremption, ou d’incombance, pendant lequel l’intéressé doit accomplir un acte pour éviter un désavantage juridique, en l’occurrence la perte du droit de construire selon le permis. La péremption dépend uniquement de l’attitude de l’administré, à savoir de son choix de mettre ou non à exécution son projet dans un délai fixé (arrêt du Tribunal fédéral 1A.150/2001 du 31 janvier 2002 consid. 1.1.3 et les références citées).

Selon la doctrine, pour des motifs de stabilisation juridique, les législations prévoient souvent un délai dans lequel le permis de construire doit être utilisé ; il s’agit d’éviter qu’un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l’autorisation qu’il a reçue à un changement de réglementation. Le juge doit examiner d’office si ce droit est périmé (ATA/308/2021 du 9 mars 2021 consid. 4b ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 102‑104).

Dans un jugement du 20 décembre 2024, confirmé par la chambre administrative (ATA/977/2025 du 9 septembre 2025 consid. 5.3), le TAPI a souligné que le constat de caducité d’une autorisation de construire au sens de l’art. 4 al. 5 LCI vise à protéger les intérêts de la collectivité, non ceux des particuliers, en empêchant la réalisation tardive d’une construction dont l’autorisation serait entretemps devenue contraire au droit public. Lorsque l’autorisation a été concrétisée, même tardivement, sans que sa caducité n’en ait été constatée jusque-là, l’autorité intimée n’est plus fondée à faire un tel constat, car il n’existe alors plus de motif valable pour le faire. Il serait même contraire au principe de la bonne foi et de la proportionnalité de constater la caducité postérieurement à l’édification de la construction, l’autorité intimée ne pouvant priver d’effets juridiques une décision qu’elle a elle-même laissé les déployer (JTAPI/1291/2024 du 20 décembre 2024 consid. 30).

5.4 La jurisprudence cantonale admet, par une interprétation large de la notion de travaux au sens de l’art. 4 al. 5 LCI, que le chantier peut être ouvert avant même que la construction proprement dite ne soit engagée (arrêt du Tribunal fédéral 1A.150/2001 du 19 juin 2001 consid. 2.2 ; ATA/112/2024 du 30 janvier 2024 consid. 5.2). Il a ainsi été jugé que la pose de « chabourys » (clôture en bois), un léger décapage de terrain et la pose de quelques palplanches étaient suffisants pour admettre que des travaux avaient été entrepris et constater l’ouverture effective du chantier et la poursuite de la construction de l’ouvrage (ATA K. du 4 mars 1992, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 19 juin 1992).

Dans un autre cas (ATA/412/2001 du 19 juin 2001), l’ouverture effective du chantier avant la date déterminante du 7 septembre 1999 a été admise en se fondant essentiellement sur le fait qu’à la suite d’une annonce à ce sujet, un inspecteur de chantier du département avait constaté que des travaux de démolition étaient en cours le 27 août 1999. Cette ouverture du chantier avait été suivie de travaux, durant l’été et l’automne 1999, avec la pose d’une clôture et d’un portail, le déplacement d’environ 2’300 m3 de terreau et de compost, le déplacement et la remise en culture de deux serres et le démontage de trois serres. Les recourants avaient fait valoir que le constat de l’inspecteur était lapidaire et n’attestait pas de véritables travaux de construction, soit la pose ou la préparation des fondations des bâtiments, ni de mouvements de terre significatifs, et que d’après les déclarations de certains voisins aucune activité particulière n’avait été remarquée en août et septembre 1999, aucun panneau de chantier n’avait été posé et une incertitude subsistait sur le financement de la construction. Le Tribunal fédéral a confirmé dans cette affaire qu’il n’était pas arbitraire de considérer que les opérations d’ouverture du chantier effectuées avant le 7 septembre 1999 empêchaient la caducité de l’autorisation de construire, en rappelant que la jurisprudence cantonale admettait, par une interprétation large de la notion de travaux de l’art. 4 al. 5 LCI, une interruption du délai d’incombance avant même l’engagement de la construction proprement dite (arrêt du Tribunal fédéral 1A.150/2001 précité consid. 2.2).

Dans un arrêt du 17 février 2021 (1C_202/2020) rendu dans une affaire valaisanne, le Tribunal fédéral a rappelé la teneur de la disposition cantonale, selon laquelle l’autorisation de construire devenait caduque si l’exécution du projet n’avait pas commencé dans les trois ans dès son entrée en force, et estimé que l’exécution était considérée comme commencée lorsque des travaux importants avaient été réalisés, en particulier l’ensemble du terrassement ou une fouille importante nécessaire au projet, et dans tous les cas, lorsque les semelles ou le radier de fondation étaient exécutés.

La chambre administrative a précisé à ce sujet qu’à Genève, le Conseil d’État, sur délégation du législateur genevois, était libre de fixer la durée et les modalités de validité d’une autorisation de construire, avait défini la notion de « commencement des travaux » comme impliquant « l’ouverture effective du chantier », sans autre exigence, et que ni l’art. 4 al. 5 LCI, ni l’art. 33A al. 1 RCI, ne faisaient une quelconque référence à l’ampleur des travaux. Il n’y avait dès lors pas lieu d’examiner le coût des travaux effectués ni à apprécier leur importance par rapport au projet global (ATA/112/2024 du 30 janvier 2024 consid. 5.1).

Dans ce dernier arrêt, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_156/2024 du 21 février 2025, la chambre de céans a notamment admis comme interventions concrètes, dans le cadre de l’exécution du projet, menées par l’entreprise en charge des travaux suite à l’annonce d’ouverture du chantier – et non comme simples mesures préparatoires à l’ouverture du chantier – des travaux de mise hors service et de démontage de la centrale feu, de la centrale antieffraction et du système de contrôle d’accès ; des repérages, des prises de mesures avec un ingénieur civil et des diagnostics de l’existant ; des séances de travail avec des sous-traitants soumissionnaires pour la dépollution et le curage, la dépollution des réseaux, la démolition et le gros œuvre ou l’échafaudage ; et des sondages complémentaires pour la pollution en façade, des sanitaires, des locaux techniques et des escaliers. Ces tâches n’exigeaient pas la mise en place d’une benne à gravats ou l’affectation d’un véhicule de chantier sur le site et pouvaient être réalisées sans que cela ne soit visible depuis l’extérieur du bâtiment, le projet en question comprenant d’ailleurs d’importants travaux à l’intérieur du bâtiment, avec notamment la démolition et la reconstruction des parois internes à plusieurs étages (ATA/112/2024 du 30 janvier 2024 consid. 5.2).

5.5 Le Tribunal fédéral a précisé que l’art. 4 al. 5 LCI ne fait pas dépendre la caducité d’une autorisation de construire d’un examen, à l’occasion de l’ouverture du chantier, de la validité de cette autorisation. Seul est décisif l’acte matériel que le constructeur devait accomplir dans le délai d’incombance (arrêt 1A.150/2001 précité). Il n’y avait dès lors pas lieu d’examiner si le début des travaux n’aurait pas dû être autorisé ou pris en considération dans le cadre de l’art. 4 al. 5 LCI du fait de prétendus vices de l’autorisation de construire (soit le défaut de coordination avec l’autorisation d’exploiter prescrite par la loi cantonale sur la gestion des déchets et la non-conformité de l’installation à l’affectation de la zone agricole) ou du fait que l’autorisation de construire ne pouvait pas être mise en œuvre tant qu’une des conditions (soit la soumission, avant l’ouverture du chantier, d’un complément d’étude pour approbation par le service d’écotoxicologie) n’était pas satisfaite. De tels griefs visaient uniquement l’autorisation de construire elle-même, qui n’était pas l’objet de la contestation (consid. 3.1 et 3.2).

5.6 Le délai pour construire ne commence à courir qu’au moment où la décision administrative d’octroi du permis est définitive, soit à la fin du délai de recours respectivement lorsque le droit est dit sur le dernier recours déposé. Exceptionnellement, le délai peut commencer à courir pendant la procédure de recours si celui-ci ne crée pas pour le titulaire du permis une impossibilité juridique de construire, au motif que la juridiction n’a pas octroyé d’effet suspensif au recours (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit public de la construction, 2024, p. 459 n. 879 et les références).

5.7 Aucun chantier ne peut être ouvert avant d’avoir été annoncé au département sur une formule ad hoc. Le formulaire doit être adressé au département dans les délais indiqués dans l’autorisation de construire. En l’absence d’une telle indication, ainsi que pour les travaux ne nécessitant pas d’autorisation de construire, ce délai est de 30 jours avant le début des travaux (art. 33 al. 1 LCI).

5.8 Une fois le chantier ouvert, les travaux doivent être exécutés sans interruption notable et menés à bien dans un délai raisonnable. En cas de suspension du chantier excédant une année, le département peut ordonner l’achèvement de l’ouvrage ou exiger la démolition des parties inachevées et la remise en état des lieux (art. 33A al. 2 RCI). Vu la formule potestative utilisée, une liberté d’appréciation est reconnue à l’autorité dans le choix de la mesure à prendre et la chambre administrative doit se limiter à examiner si l’autorité a fait un usage correct de son pouvoir d’appréciation (ATA/998/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.6).

5.9 Ancré à l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1 ; ATA/175/2023 du 28 février 2023 consid. 4b). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). L’administration doit en particulier s’abstenir de comportements contradictoires (ATF 143 IV 117 consid. 3.2 ; 136 I 254 consid. 5.2) et de tout comportement propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid.  8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8.1).

5.10 En l’espèce, le TAPI a admis l’ouverture du chantier de construction dans le délai fixé à l’art. 4 al. 5 LCI compte tenu des travaux de démolition engagés.

5.10.1 Il est établi que l’ouverture des chantiers de démolition et de construction a été annoncée en même temps, avec effet au 1er décembre 2021, et que des travaux ont été exécutés sur place le 6 décembre 2021. Selon les explications fournies à l’époque, il s’agissait de « travaux de démolition » exécutés compte tenu de la période de l’année et du risque de squat, qui ont été interrompus en raison de l’ordre d’arrêt des travaux du département par suite d’une dénonciation d’un des voisins et devaient être repris après l’échéance du délai de 30 jours. Le 14 mars 2022, le département a pris note que le projet était en phase de démolition en force, demandé confirmation du délai de la fin de la démolition et rappelé l’obligation de poursuivre les travaux sans interruption notable. Des démarches d’assainissement ont été prises à l’automne 2022, incluant la mise en œuvre d’une société spécialisée dès septembre 2022 en tout cas et une visite de diagnostic d’amiante le 3 novembre 2022. Une barrière a été installée et les encadrements de fenêtres et les portes ont été déposés antérieurement au constat d’huissier du 18 novembre 2022. Les recourants eux-mêmes ont qualifié les travaux effectués le 18 novembre 2022 de « travaux de démolition de l’intérieur de la maison ». Au vu de l’ensemble de ces éléments, les recourants ne sauraient être suivis quand ils affirment que jusqu’à cette date, seules des mesures anti-squat visant à rendre la maison inhabitable avaient été prises, sans aucune intervention relevant du chantier de démolition.

5.10.2 Les recourants contestent que les travaux de démolition puissent être pris en compte pour admettre l’ouverture du chantier de l’autorisation de construire, les phases de démolition et de construction étant indépendantes.

La LCI soumet à autorisation tant la construction que la démolition. Ces autorisations peuvent être sollicitées et octroyées seules ou parallèlement, dans le cas d’un projet de construction qui comporte la démolition préalable d’installations existantes, et elles font en principe l’objet de deux décisions distinctes. Contrairement à ce que suggèrent les recourants, l’octroi de deux autorisations différentes ne signifie pas qu’elles sont par principe indépendantes tout au long du processus. Leur traitement peut ainsi être lié, au stade de l’octroi, dans le cas de l’art. 15 al. 3 LCI évoqué par les recourants, qui permet de subordonner la délivrance d’une autorisation de démolir à la présentation préalable d’un projet de nouvelle construction. Les différentes autorisations délivrées dans le cadre du même projet ne sont pas indépendantes au stade de l’exécution non plus, comme le montre l’art. 4 al. 6 LCI, qui les traite de manière globale en prolongeant la durée de validité des autorisations délivrées en relation avec une autorisation de construire qui fait l’objet d’un recours.

Il résulte de l’arrêt ATA/412/2001 précité, confirmé par le Tribunal fédéral, que l’existence de deux autorisations distinctes dans le cadre d’un projet impliquant la démolition de l’existant suivie d’une construction nouvelle, n’empêche pas de considérer le projet dans son ensemble sous l’angle de l’ouverture du chantier. Dans cette affaire, les travaux de démolition constatés par l’inspecteur, le terrassement, le déplacement de terreau, l’installation d’une clôture et le déplacement de deux serres et le démontage de trois autres avaient conduit à la conclusion que les travaux avaient commencé au sens des art. 4 al. 5 LCI et 33A al. 1 RCI. Contrairement à ce qu’affirment les recourants, le cas d’espèce n’est pas fondamentalement différent de celui traité dans l’ATA/412/2001, lequel ne se fondait pas uniquement sur le recyclage d’éléments préalablement déplacés pour des travaux de terrassement, mêlant nécessairement les notions de démolition et de construction, mais sur l’ensemble des travaux effectués, dont les « travaux de démolition » constaté par l’inspecteur, la pose d’une clôture et le démontage de certaines installations préexistantes. C’est le lieu de rappeler l’interprétation large admise par la jurisprudence de la notion de commencement des travaux, qui ne vise pas que le début des travaux de construction proprement dit, mais aussi les autres interventions concrètes visant à mettre en œuvre l’autorisation, comme le décapage du terrain, des travaux d’assainissement à l’intérieur de l’immeuble, le démontage de certaines installations, des prises de mesures et sondage voire certaines séances de travail avec des sous-traitants.

Dans ses courriels du 14 mars 2022, le chef du service de l’inspection de la construction et des chantiers a distingué la phase de démolition et la phase de construction, essentiellement pour confirmer que la démolition pouvait aller de l’avant sans l’intervention du département parce que la condition relative au contrôle des canalisations concernait uniquement la phase de construction. Quant aux dates de fin de la phase de démolition et de début de la phase de construction, il s’agissait d’assurer le « suivi correct du chantier » qui ne devait pas être interrompu plus d’une année, une précision correspondant à l’art. 33 al. 2 RCI, qui suppose que le chantier a été ouvert. L’indication, dans le courriel à D______, que le chantier de construction pourrait ne jamais débuter semble plutôt se référer aux travaux effectifs de construction, étant relevé que la modification du projet du fait d’une requête complémentaire, possibilité également évoquée, peut parfaitement intervenir après l’ouverture du chantier de construction et le début des travaux. Force est d’ailleurs de constater que les travaux qualifiés de démolition et ceux relevant de la construction n’interviennent pas nécessairement lors de deux phases successives strictement séparées, comme le démontre le point de la situation fait les 13 et 15 février 2023, selon lequel le terrain avait été entièrement décapé mais la démolition, en commençant par la toiture, n’avait pas encore commencé.

Compte tenu de la jurisprudence précitée, les allégations selon lesquelles le chantier de construction ne pouvait être ouvert valablement faute de réalisation des conditions posées par l’OCEau et repris dans l’autorisation de construire ne concernent pas l’ouverture du chantier et n’ont pas à être examinées dans le cadre de l’art. 4 al. 5 LCI. L’absence d’un « plan réaliste » de traitement des eaux, comme allégué par les recourants, n’est en tout état pas établie.

Il résulte de ce qui précède que le TAPI était fondé à considérer la phase de démolition et la phase de construction comme un ensemble qui nécessitait un examen global et à prendre en compte, au stade de l’ouverture du chantier, les travaux de démolition nécessaires à la réalisation du projet de construction.

5.11 Il est par ailleurs établi que, conformément aux al. 1 et 2 de l’art. 33A RCI, les interventions visant à mettre en œuvre l’autorisation de construire DD 2______/1 se sont poursuivies après le 6 décembre 2021, notamment par les travaux d’assainissement et de désamiantage en 2022, un abattage, la démolition complète de la maison et le décapage du terrain achevé fin mars 2023.

Dans le cas de l’art. 33A al. 1 RCI, qui explicite l’art. 4 al. 5 LCI, la sanction est la caducité de plein droit, alors qu’une éventuelle interruption ultérieure des travaux de construction au sens de l’al. 2 laisse à l’autorité compétente une latitude de jugement à propos des mesures qu’elle décide ou non de prendre. En l’occurrence, le département considère que les autorisations de construire qu’il a délivrées ne sont pas caduques et a renoncé à ordonner les mesures prévues par l’art. 33 al. 2 RCI, soit la continuation des travaux ou leur arrêt et la remise en état. Cette attitude ne paraît pas critiquable, notamment eu égard au principe de la bonne foi et à l’interdiction de comportements contradictoires, dans la mesure où le département a laissé les propriétaires aller au bout de la phase de démolition et a autorisé le nouveau concept d’évacuation des eaux qui devait permettre la mise en œuvre du projet autorisé précédemment. L’on peine à décerner l’intérêt qu’aurait la collectivité à ce stade à la non-réalisation du projet ou au recommencement de toute la procédure d’autorisation, ce d’autant plus que ni le département ni les recourants n’ont allégué que le projet modifié tel qu’autorisé serait entretemps devenu contraire au cadre légal actuellement en vigueur, qui est précisément la situation que le régime de la caducité cherche à prévenir.

Pour ces motifs, le grief est écarté.

6.             Dans un second grief, les recourants se prévalent de la nullité de l’autorisation complémentaire DD 2______/2 en lien avec la signature du MPQ.

6.1 Les demandes d’autorisation sont adressées au département (art. 2 al. 1 LCI). Le règlement d’application détermine les pièces qui doivent être déposées par le demandeur et les indications que celui-ci doit fournir concernant les objets destinés à occuper le sous-sol de façon permanente (art. 2 al. 2 LCI). Les plans et autres documents joints à toute demande d’autorisation publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève doivent être établis et signés par une personne inscrite au tableau des MPQ dans la catégorie correspondant à la nature de l’ouvrage, au sens de la loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 [LPAI - L 5 40] ; art. 2 al. 3 LCI). Toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l’éventuel mandataire professionnellement qualifié (art. 2 al. 3 LCI et 11 al. 4 RCI).

6.2 La loi sur l’exercice des professions d’architecte et d’ingénieur du 17 décembre 1982 (LPAI - L 5 40) a pour objet de réglementer l’exercice indépendant de la profession d’architecte ou d’ingénieur civil, ou de professions apparentées, sur le territoire du canton de Genève. L’exercice de cette profession est restreint, pour les travaux dont l’exécution est soumise à autorisation en vertu de la LCI, aux MPQ reconnus par l’État (art. 1). À teneur de l’art. 6 LPAI, le mandataire est tenu de faire définir clairement son mandat (al. 1) et il s’acquitte avec soin et diligence des tâches que lui confie son mandant, dont il sert au mieux les intérêts légitimes tout en s’attachant à développer, dans l’intérêt général, des réalisations de bonne qualité au titre de la sécurité, de la salubrité, de l’esthétique et de l’environnement (al. 2). Il en résulte que le respect du droit public est l’un des devoirs incombant à l’architecte (Blaise KNAPP, La profession d’architecte en droit public, in Le droit de l’architecte, 3e éd., 1986, p. 487 ss n. 510). Selon les travaux préparatoires de la LPAI, la ratio legis de celle-ci était d’atteindre, par des restrictions appropriées au libre exercice de cette activité économique, un ou plusieurs buts d’intérêt public prépondérant à l’intérêt privé – opposé – des particuliers. Il peut s’agir d’assurer aux mandants, à l’instar des capacités professionnelles exigées des mandataires dans le domaine médical ou juridique, des prestations d’une certaine qualité nécessitée par la nature ou l’importance des intérêts du mandant. Il peut s’agir aussi de l’intérêt social de la communauté dans son ensemble, aux titres de la sécurité, de la santé, de l’esthétique et de la protection de l’environnement, à ce que les constructions ne comportent pas de risques pour le public, ni ne déparent l’aspect général des lieux. Il peut s’agir notamment de l’intérêt des autorités compétentes à ce que leurs interlocuteurs, lors de la présentation et de l’instruction de dossiers de demandes d’autorisations de construire, respectivement lors de l’exécution des travaux, soient des personnes qualifiées, contribuant ainsi, d’une manière générale, à une meilleure application de la loi (MGC 1982/IV p. 5204). Il s’ensuit que les manquements professionnels de l’architecte concernés par la LPAI peuvent aussi être trouvés dans les relations qu’entretient ce dernier avec les autorités administratives, respectivement dans l’exécution scrupuleuse des injonctions qu’elles formulent et, d’une manière générale, dans le respect des règles juridiques du droit de la construction justifiant l’existence même du tableau des architectes habilités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_268/2010 du 18 juin 2010 consid. 6 ; ATA/118/2013 du 26 février 2013).

6.3 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1).

6.4 En l’espèce, il est établi que la requête d’autorisation complémentaire a été déposée par le bureau N______, mais il existe une incertitude à propos de l’identité du MPQ chargé du projet. Selon R______, associé et MPQ, il avait signé ladite requête en reprenant le dossier de S______, également associé chez N______ et MPQ, tandis que ce dernier a déclaré à la police qu’il n’avait jamais signé de demande d’autorisation de construire pour le projet en question et que sa signature avait été apposée à son insu. Selon les indications de N______ au département, le dossier était dans un premier temps traité par R______ puis avait été repris par S______. Selon les déclarations de deux architectes de N______, c’était une pratique courante d’apposer la signature en format électronique de l’un d’entre eux en son absence afin de ne pas bloquer l’avancement de dossiers en cours, conformément à un accord collégial entre tous les associés, dont S______. L’état ou l’issue de la procédure pénale ne ressortent pas du dossier.

Il n’est ainsi à ce jour pas établi que la signature de S______ a été contrefaite ou utilisée dans le cadre du projet litigieux sans son accord, d’ordre général, ad hoc ou sous la forme d’une ratification. Vu la pratique décrite par les deux architectes entendus, l’absence d’un tel accord ne découle en tout cas pas de la seule incapacité de travail de l’intéressé.

En outre, comme l’a relevé la chambre administrative dans son arrêt ATA/966/2024 du 20 août 2024, les modalités de signature relèvent de l’organisation interne du bureau d’architectes et les suspicions de faux n’ont pas d’incidence sur la présente procédure de recours. Les instances administratives sont chargées de contrôler le respect du droit public des constructions, dont les art. 2 al. 3 LCI et 11 al. 4 RCI précités, et n’ont pas à examiner l’hypothèse d’une représentation non autorisée ou de l’utilisation indue de la signature que S______ a mis à disposition de ses collègues, ni les éventuelles conséquences civiles ou pénales, pour lesquelles elles sont incompétentes.

L’arrêt cité par les recourants (ATA/500/2011 du 27 juillet 2011) concernait l’absence de signature non pas du MPQ mais du propriétaire et, surtout, l’absence d’accord de celui-ci avec le projet objet de la demande d’autorisation, signée sans aucune procuration par le précédent propriétaire. La chambre administrative avait souligné que la signature du propriétaire sur la demande d’autorisation n’était pas une simple exigence formelle, mais une condition visant à s’assurer de l’accord de celui-ci, ce qui justifiait la révocation de l’autorisation. En l’occurrence, l’accord des propriétaires avec le nouveau projet d’évacuation des eaux est établi et ils ont signé la requête d’autorisation complémentaire.

Quant à la signature du MPQ, les recourants se prévalent de dispositions qui ne visent pas à protéger leurs intérêts privés, mais qui ont pour but d’assurer que les projets de construction soient suivis par des personnes qualifiées, de manière à promouvoir, dans l’intérêt public, la bonne application de la loi. Cet objectif paraît dans tous les cas assuré, vu que les deux personnes susceptibles d’avoir présenté la requête d’autorisation et d’avoir été chargées de son suivi au sein de N______ avaient la qualité de MPQ. Dans ces circonstances, admettre la nullité de la requête et de l’autorisation serait excessivement formaliste et ne se justifierait par aucun intérêt digne de protection. Il en va de même des annonces d’ouverture du chantier, également qualifiées de viciées par les recourants, qui ne peuvent se prévaloir d’aucun intérêt digne de protection à l’application stricte des dispositions formelles invoquées à ce sujet.

Le grief est écarté.

7.             Sous l’angle de la bonne foi des administrés, la chambre de céans relève que les recourants se prévalent de l’écoulement du temps et plaident la péremption alors qu’ils ont entrepris de nombreuses démarches visant à repousser l’exécution du projet litigieux, dont une demande civile, des recours contre les deux autorisations de construire et plusieurs demandes de suspension fondée sur une plainte pénale. Ils ne contestent plus le caractère régulier des préavis de l’OCEau ou l’impartialité de cet office, ni la conformité des autorisations sous l’angle du droit public des constructions, notamment la réglementation sur la gestion des eaux, qui a été confirmée par des décisions judiciaires en force. Les seuls griefs encore invoqués dans le cadre du présent recours sont d’ordre formel et se basent sur des règles qui ont pour but de protéger les intérêts de la collectivité et il n’est pas démontré que ceux-ci auraient été lésés. La péremption ne vise pas à répondre à l’intérêt particulier que les voisins pourraient avoir au report voire à l’annulation du projet litigieux, étant rappelé que les administrés sont également liés par le principe selon lequel l’utilisation d’une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre (ATF 138 III 401 consid. 2.2 ; 137 III 625 consid. 4.3 ; 135 III 162 consid. 3.3.1 ; 132 I 249 consid. 5 ; 129 III 493 consid. 5.1) ne répond pas à un intérêt digne de protection (ATA/500/2011 du 27 juillet 2011 consid. 6b et les références citées).

Quant aux propriétaires, aucun élément au dossier ne conduit à penser qu’ils auraient choisi de renoncer à l’exécution du projet dans le délai fixé. Quand celui‑ci a pris du retard, ils ont certes omis de solliciter la prolongation de l’autorisation DD 2______/1, contrairement à celle de l’autorisation de démolition, jusqu’à sa durée maximale à fin 2024. Ils ont cependant continué à œuvrer pour faire aboutir le projet, en effectuant la démolition totale de la maison, en préparant le terrain, en modifiant le concept d’évacuation des eaux quand des problèmes avec le concept initial sont apparus, en s’adaptant aux besoins d’assainissement qui se sont manifestés et en défendant, jusqu’à ce jour, leur projet devant le juge civil et devant les juridictions administratives.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Au vu de l’issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 2’000.-, à la charge solidaire des recourants, sera allouée aux intimés, qui y ont conclu et ont eu recours aux services d’un mandataire (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2025 par A______, B______, C______ et D______, E______, F______, G______, H______ et I______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mars 2025.

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge solidaire de A______, B______, C______ et D______, E______, F______, G______, H______ et I______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à J______ à la charge solidaire de A______, B______, C______ et D______, E______, F______, G______, H______ et I______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anthony WALTER, avocat des recourants, à Me Cédric LENOIR, avocat des intimés, au département du territoire ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :