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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2500/2025

ATA/1153/2025 du 20.10.2025 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2500/2025-PRISON ATA/1153/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 octobre 2025

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE FERMÉ CURABILIS intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est incarcéré depuis le 23 septembre 2024 dans l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis (ci-après : Curabilis) en exécution d'une mesure.

b. Depuis son incarcération, il a fait l’objet de deux avertissements et de cinq sanctions disciplinaires, pour possession de matériel interdit, pour possession et diffusion de films pornographiques non autorisés, pour avoir confectionné de manière artisanale une boisson alcoolisée en cellule et pour détention d'une console de jeux pendant une période de sanction de suppression de multimédia.

Notamment par décision du 27 juin 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, il a été sanctionné de dix jours de suppression multimédia et de 30 jours de suppression de visites pour avoir uriné dans des gobelets au parloir et pour avoir tenu des propos inadéquats envers un collaborateur. Cette décision a été confirmée par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 3 septembre 2025.

c. Il ressort du rapport établi le 2 juillet 2025 que le même jour à 19h10, un agent de détention a croisé A______ descendant les escaliers avec une Playstation 2 à la main.

Interrogé à ce propos, il a expliqué qu'il souhaitait la rendre à un détenu après l'avoir réparée gratuitement.

d. Par décision du 3 juillet 2025, il a été sanctionné de 30 jours de suppression de multimédia pour « détention d'une console de jeux pendant sa période de sanction du 27 juin 2025 ».

B. a. Par acte posté le 14 juillet 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre cette décision, sans prendre de conclusions formelles.

Il avait voulu rendre service à un codétenu – qui n'avait pas beaucoup de moyens –en lui réparant gratuitement sa Playstation 2 pendant la sanction de 10 jours de suppression de multimédia prononcée le 27 juin 2025. Lui rajouter 30 jours de suppression de multimédia était abusif.

b. L'établissement a conclu au rejet du recours.

Bien que A______ eût recouru contre la sanction du 27 juin 2025, elle était exécutoire et il ne pouvait ignorer qu'il contrevenait à la sanction précédemment prononcée. La suppression de 30 jours de multimédia respectait le principe de proportionnalité puisqu'il s'agissait d'une récidive.

c. A______ n'ayant pas fait usage de son droit à la réplique, les parties ont été informées le 19 septembre 2025 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Même s'il n'a pas pris de conclusions formelles, on comprend que le recourant conteste la sanction de 30 jours de suppression de multimédia prononcée le 3 juillet 2025.

2.1    Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

2.2    Selon l'art. 67 du règlement de l'établissement de Curabilis du 19 mars 2014 (RCurabilis - F 1 50.15), la personne détenue a l’obligation de respecter les dispositions du RCurabilis, les directives du directeur général de l’office cantonal de la détention, du directeur de Curabilis, du personnel pénitentiaire ainsi que les instructions du personnel médico‑soignant.

À teneur de l’art. 69 al. 1 RCurabilis, sont en particulier interdits l’insubordination et les incivilités à l’encontre du personnel de Curabilis (let. b) et d’une façon générale, le fait d’adopter un comportement contraire au but de Curabilis (let. n).

2.3    Si une personne détenue enfreint le RCurabilis, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 70 al. 1 RCurabilis). Il est tenu compte de l’état de santé de la personne détenue au moment de l’infraction disciplinaire (art. 70 al. 2 RCurabilis).

Selon l’art. 70 al. 4 RCurabilis, les sanctions sont l’avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximale de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b.), l’amende jusqu’à CHF 1'000.- (let. c) et les arrêts pour une durée maximale de dix jours (let. d). Ces sanctions peuvent être cumulées (art. 70 al. 5 RCurabilis). L’exécution de la sanction peut être prononcée avec un sursis ou un sursis partiel de six mois au maximum (art. 70 al. 6 RCurabilis).

2.4    Le directeur de Curabilis et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer les sanctions (art. 71 al. 1 RCurabilis). Le directeur de Curabilis peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l’art. 70 al. 4 RCurabilis à d’autres membres du personnel gradé de l’établissement, les modalités de la délégation étant prévues dans une directive interne (art. 71 al. 2 RCurabilis). La chambre administrative a jugé qu’une sanction prise par un agent pénitentiaire ayant le grade de sous-chef auquel le directeur de Curabilis avait délégué la tâche de statuer était valablement prononcée par une autorité compétente (ATA/1598/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2d et la référence citée).

2.5    Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATA/284/2020 précité consid. 4d et la référence citée).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limitant à l’excès ou l’abus de ce pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f et les références citées).

2.6    De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s’en écarter (ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 consid. 2d ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

2.7    En l’espèce, il ressort de la décision de sanction querellée que le recourant détenait une console de jeux pendant sa période de sanction du 27 juin 2025. Il savait pertinemment qu'il faisait l'objet d'une telle sanction et qu'elle était directement exécutoire malgré le recours formé à son encontre. Aussi, quel que soit le motif allégué, en se trouvant en possession d'une console de jeux le 2 juillet dernier, il a violé la décision précitée. Les éléments constitutifs d’une violation des art. 69 let. b et n RCurabilis sont donc réalisés.

Il s’ensuit que le principe d’une sanction pour les faits du 27 juin 2025 est fondé.

2.8    Reste à déterminer si la sanction disciplinaire infligée est conforme au principe de la proportionnalité.

Elle consiste en 30 jours de suppression du multimédia. La sanction de privation du multimédia est la plus légère après l’avertissement. Le recourant a de nombreux antécédents et il s'agit d'une récidive. Elle apparaît ainsi apte et nécessaire pour garantir le respect des buts poursuivis par le droit disciplinaire et pour éviter qu'un tel comportement se reproduise. Le principe de la proportionnalité est en conséquence respecté.

Il découle de ce qui précède que le recours sera rejeté.

3.             Au vu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juillet 2025 par A______ contre la décision de l’établissement pénitentiaire fermé Curabilis du 3 juillet 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :