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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3420/2022

ATA/989/2025 du 09.09.2025 sur JTAPI/645/2023 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;LOI FÉDÉRALE SUR LES ÉTRANGERS ET L'INTÉGRATION;RESSORTISSANT ÉTRANGER;AUTORISATION DE SÉJOUR;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : CEDH.8; LEI.30.al1.letb; OASA.31; LEI.64.al1.letc
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3420/2022-PE ATA/989/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 septembre 2025

 

dans la cause

 

A______, agissant pour elle-même et ses enfants

B______, C______ et D______,

et E______ recourants
représentés par le Centre social protestant, soit pour lui Sandra LACHAL

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 juin 2023 (JTAPI/645/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1986, ressortissante d’Indonésie, est arrivée en Suisse en 2009.

Depuis le début de l’année 2022, elle fait ménage commun avec E______, ressortissant tunisien né le ______ 1984, arrivé en Suisse en 2010, au bénéfice d’une autorisation de séjour depuis cette date et titulaire d’une autorisation d’établissement depuis le 25 février 2015.

b. Ils sont les parents d’C______, née le ______ 2015 à Genève, et de D______, né le ______ 2023 à Genève. Les deux enfants sont de nationalités indonésienne et tunisienne.

B______, de nationalité indonésienne, née le ______ 2013 à Genève d’une précédente union de A______, vit avec la famille. L’identité du père ne ressort pas de l’acte de naissance.

c. A______ souffre d’un trouble de l’adaptation avec symptômes dépressifs récurrents pour lequel elle bénéficie d’un suivi psychothérapeutique régulier associé à des traitements psychotropes. Un certificat médical de la Doctoresse F______, psychiatre, du 2 septembre 2022, atteste d’un suivi depuis juin 2020. Une fausse couche intervenue début 2022 avait réactivé le trouble dépressif.

Selon une attestation du 5 septembre 2022 et un rapport médical détaillé du 12 décembre 2024, établis par le Docteur G______, psychiatre, l’intéressée souffre en sus d’un trouble panique et d’une modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe.

d. E______ a bénéficié d’un suivi psychiatrique dans un centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI) depuis août 2019. Il indique l’avoir cessé pour se rendre disponible pour travailler.

e. La famille est suivie et soutenue par la consultation médico-psychologique de l’office médico-pédagogique (ci-après : OMP) de H______. Une action éducative en milieu ouvert (ci-après : AEMO) a été mise en place pour répondre aux besoins éducatifs de la famille.

C______ suit une psychothérapie, depuis septembre 2022. B______ vient de terminer celle entreprise depuis novembre 2021. À teneur d’attestations des 27 et 28 juin 2023 de leur psychologues et psychothérapeutes, l’objectif du traitement s’inscrit dans le cadre d’affects anxiodépressifs et d’angoisse, de séparation pour la première, d’abandon pour la seconde. Afin de soutenir un développement psychologique sain et harmonieux, elles avaient besoin de sécurité, de prévisibilité, tant au niveau du cadre thérapeutique (soins) que du cadre externe, familial et scolaire. Le traitement paraissait indispensable pour leur développement psychoaffectif et leur avenir scolaire et professionnel. Le document précise pour C______: « Les expériences difficiles vécues par [celle-ci] ont eu un effet traumatique sur elle. En réaction à ces vécus difficiles et aux diverses menaces incessantes qui touchent la stabilité de son environnement qui semblent générer chez elle des angoisses d’abandon, elle est parfois poussée à agir en s’opposant ou cherchant les limites. Ces angoisses peuvent également parfois perturber ses capacités de concentration car elle est préoccupée ».

f. À teneur des demandes d’assistance juridique datées du 28 juillet 2023 déposées par le couple, E______ n’exerce aucune activité professionnelle et a des dettes à hauteur d’environ CHF 20'000.-. A______ fait l’objet d’un acte de défaut de biens de CHF 1'832.-. La famille dépend des prestations financières de l’hospice général.

g. E______ a fait l’objet d’un avertissement, le 14 juin 2022, de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) : il bénéficiait de prestations d’aide sociale depuis le 1er mai 2015, pour un montant total de plus de CHF 192'106.-. Un nouvel examen de ses conditions de séjour serait effectué à l’échéance de son permis, le 25 février 2025, lequel pourrait être révoqué s’il dépendait toujours de l’assistance sociale.

h. Selon une attestation de l’hospice du 2 février 2023, A______ et ses enfants sont totalement pris en charge financièrement depuis le 1er août 2016.

B. a. Par décision du 5 mars 2020, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur à A______ et ses deux filles, et a prononcé leur renvoi de Suisse.

b. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé cette décision par jugement du 7 mai 2021.

c. Par arrêt du 2 novembre 2021, la chambre administrative de la Cour de Justice (ci‑après : la chambre administrative) a confirmé la décision de renvoi. Si certes, la recourante résidait à Genève depuis environ douze ans, le séjour s’était déroulé dans l’illégalité puis, dès 2015, au bénéfice d’une tolérance des autorités. Elle n’avait pas établi qu’elle se serait bien intégrée en Suisse. Dès août 2016, elle avait été entièrement dépendante de l’aide sociale. Elle avait quitté l’Indonésie à l’âge de 20 ans. Elle avait soutenu, dans un premier temps, n’avoir plus de parenté en Indonésie à part sa mère, pour concéder dans son recours que ses deux sœurs y vivaient. Elle était issue d’une fratrie de huit enfants comportant trois frères et cinq sœurs. Aussi, malgré les décès d’un de ses frères et de son père, elle conservait de la parenté en Indonésie avec laquelle elle avait d’ailleurs indiqué être en contact téléphonique régulier. Elle avait, certes, dit avoir assisté à l’assassinat de son oncle lorsqu’elle était âgée de dix ans et quitté le pays durant plus d’un an, mais elle y était ensuite revenue. Elle disait avoir été mariée contre son gré, mais avait quitté son époux qu’elle n’aimait pas. Elle était ensuite partie travailler en Arabie Saoudite. Elle ne soutenait pas avoir dû quitter l’Indonésie dans des circonstances traumatisantes ni n’établissait qu’elle ne pourrait continuer d’y bénéficier de soins et de médicaments. Jeune et en bonne santé, elle pourrait se réinsérer en Indonésie avec le soutien de sa famille en faisant valoir les compétences linguistiques qu’elle avait acquises en arabe, anglais et français. Ses filles, âgées de huit et six ans, n’avaient commencé que récemment leur scolarité. Contrairement à ce qu’avait soutenu la recourante, l’accès à l’enseignement en Indonésie n’était pas refusé aux enfants illégitimes. Enfin, elle alléguait, sans l’établir, que son renvoi l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible d’être victime de formes graves de discrimination, de persécution et de violence sexiste. Il ne ressortait toutefois pas du dossier que son renvoi comporterait une violation de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979 (CEDEF – RS 0.108). Elle ne pouvait se prévaloir de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), ne faisant pas ménage commun avec E______. La relation entre elle-même et ce dernier avait été si houleuse qu’elle avait entraîné la fin de la vie commune et le dépôt par la recourante de deux plaintes pénales en raison de menaces et de violences que ses filles avaient également subies. La condition de l’existence de relations économiques étroites faisait défaut. Si le renvoi de la recourante et de ses filles compliquerait assurément l’exercice du droit de visite par le père, du moins aussi longtemps qu’il resterait sans autre ressource que l’aide sociale, le recours aux moyens de communication électronique modernes lui permettrait de conserver le contact avec sa fille. Le renvoi de l’intéressé et de ses deux filles était possible, licite et exigible.

d. Par arrêt du 13 décembre 2021 (2C_1001/2021), le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable. Les relations familiales qui pouvaient fonder, en vertu de l'art. 8 § 1 CEDH, un droit à une autorisation de police des étrangers étaient avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble. Or, les parents ne faisaient pas ménage commun et la condition de l'existence d'une relation économique étroite faisait défaut. La recourante ne pouvait se prévaloir d'aucun droit potentiel à séjourner en Suisse tiré du principe de protection de l'intérêt de l'enfant consacré aux art. 3 et 9 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE ; RS 0.107), qu'elle invoquait dans son recours, ni de la CEDEF.

e. Le 3 février 2022, l’OCPM a imparti un délai au 31 mars 2022 à A______ et ses deux filles pour quitter la Suisse.

f. Le 25 février 2022, A______ a informé l’OCPM qu’elle vivait avec le père de sa fille et qu’elle avait effectué des démarches en vue de son mariage.

C. a. Le 24 mars 2022, A______ a sollicité de l’OCPM la délivrance d’une autorisation de séjour en vue de mariage, puis pour regroupement familial auprès de son fiancé E______.

b. Par décision du 16 septembre 2022, l’OCPM a refusé de délivrer l’autorisation de séjour en vue de mariage, puis une autorisation de séjour au titre du regroupement familial en faveur de A______ et de ses deux filles, rappelant qu’elles étaient tenues de se conformer à la décision de renvoi du 5 mars 2020 dont elles faisaient l’objet et qui était exécutoire. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

c. Par acte du 15 octobre 2022, A______ et E______ ont formé recours auprès du TAPI, pour eux-mêmes et leurs enfants, contre la décision précitée, concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et à la suspension de la procédure pendant six mois, principalement, à l’annulation de la décision, et subsidiairement, à la constatation du caractère inexigible de leur renvoi et, partant, à leur mise au bénéfice de l’admission provisoire, ainsi qu’au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision.

d. Par décision du 31 octobre 2022, le TAPI a rejeté la demande de suspension de la procédure, mais avec l’accord de l’OCPM, a restitué l’effet suspensif au recours en tant qu’il concernait l’obligation de la recourante et de ses deux filles de quitter la Suisse.

e. Par jugement du 13 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours. Les recourants ne disposaient manifestement pas des moyens suffisants pour ne pas dépendre financièrement de l’aide sociale. C’était ainsi à bon droit que l’OCPM avait refusé de mettre la recourante au bénéfice d’une autorisation de séjour de durée limitée afin de préparer son mariage, ce d’autant plus que la présence de son fiancé en Suisse n’apparaissait nullement assurée. Elle pourrait, le cas échéant, entreprendre les démarches en vue de se marier depuis son pays d’origine. La relation économique du recourant tant avec sa fille qu’avec sa compagne était manquante puisqu’il ne contribuait pas matériellement à leur entretien, à défaut de disposer de moyens financiers propres. Les problèmes dont souffrait la recourante n’apparaissaient pas d’une gravité telle que l’exécution de son renvoi mettrait de manière imminente sa vie ou son intégrité psychique sérieusement et concrètement en danger au sens de la jurisprudence, étant noté que ni des tendances suicidaires, ni même une tentative de suicide ne s’opposaient à l’exécution du renvoi, y compris s’agissant de son exigibilité.

D. a. Par acte du 14 juillet 2023, A______ et E______ ont interjeté recours pour eux-mêmes et leurs enfants contre le jugement précité devant la chambre administrative. Ils ont conclu à l’annulation de la décision du 16 septembre 2022 et du jugement du 13 juin 2023, et au constat que A______ et ses filles remplissaient les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour. Subsidiairement, il devait être constaté que leur renvoi était inexigible, illicite et ils devaient être mis au bénéfice d’une admission provisoire.

A______ a détaillé les différentes étapes importantes de sa vie. Elle avait perdu l’enfant qu’elle portait en mai 2022. Son état psychique s’était alors fortement péjoré. Elle avait fait trois tentatives de suicide. Il ne lui avait pas été possible de chercher du travail comme elle l’aurait souhaité. Elle avait été suivie par une conseillère en insertion professionnelle de l’antenne emploi de H______ depuis le mois d’avril 2022 et avait effectué de nombreuses recherches aux fins de trouver un travail. Elle s’était inscrite aux ateliers « Autonomia » dispensés par la commune de H______ (ci-après : la commune) et avait suivi des cours de français niveau B2 afin de perfectionner sa maîtrise de la langue. E______ avait postulé à de nombreux emplois. Il avait effectué des missions pour l’entreprise I______, le salaire réalisé ne lui permettant toutefois pas de sortir de l’aide sociale. Il avait concentré ses recherches sur un emploi fixe. Désireux de mettre tous ses efforts dans la recherche d’un emploi malgré sa fragilité psychique, il avait arrêté le suivi médical dont il bénéficiait. Dans le cadre de son droit d’être entendu, le couple avait indiqué, le 2 septembre 2022 à l’OCPM, qu’il déposerait une plainte auprès du comité des droits de l’enfant. Selon une recherche effectuée par l’Organisation suisse d'aide aux réfugiés (ci-après : OSAR), il y avait des risques importants de discrimination pour la recourante et ses filles en cas de retour en Indonésie.

Les conditions du regroupement familial au sens de l’art. 43 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) étaient remplies. Subsidiairement, le renvoi n’était pas exigible et était illicite au sens de l’art. 83 LEI, 3 et 9 de la CDE.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. La situation de la famille était singulière en raison notamment de l’isolement et des traumatismes subis par la recourante, de l’état de santé de son compagnon et de l’arrivée prochaine d’un troisième enfant. Les deux aînées bénéficiaient d’un accompagnement spécialisé mis en place par le SPMi. Les enfants étaient âgés de bientôt dix ans, respectivement huit. Ces éléments étaient toutefois insuffisants pour contrebalancer en particulier le déficit de l’intégration socioprofessionnelle de l’intéressée après plus de dix ans de séjour en Suisse et l’absence totale d’indépendance financière du couple, lequel avait recouru à l’aide sociale depuis de très nombreuses années. Au vu de leur situation actuelle, il n’était pas possible de s’attendre à une amélioration sous cet angle, bien au contraire. Faute de moyens suffisants, le refus de regroupement familial apparaissait justifié en droit et proportionné tant au regard du droit interne que de la CEDH. Sous l’angle de l’admission provisoire, l’intéressée souffrait déjà des affections dont elle se prévalait lorsqu’elle était arrivée en Suisse, ce qui conduisait à n’en tenir compte que dans une moindre mesure. Les difficultés d’un retour en Indonésie avaient été examinées dans les décisions judiciaires rendues en 2021 sous l’angle du cas individuel d’une extrême gravité.

c. Dans leur réplique, les recourants ont indiqué n’avoir pas encore pu procéder à la reconnaissance de D______ par E______, différents documents en provenance d’Indonésie devant encore être produits. À son arrivée en Suisse, A______ souffrait d’un stress post-traumatique. Elle ne pouvait être renvoyée sur les lieux de son traumatisme.

La CDE consacrait le principe d’intérêt supérieur de l’enfant. La décision d’une séparation d’avec ses parents ne devait être prise qu’en dernier ressort. Les enfants étaient nés en Suisse, y avaient grandi et y étaient scolarisés. Ses filles ne parlaient que le français. Leur suivi auprès de l’OMP était nécessaire à leur stabilité et leur bien-être. Leur renvoi serait contraire à leur intérêt supérieur. De surcroît, il y avait lieu de craindre que les relations personnelles ne puissent plus être exercées valablement et que D______ ne puisse voir sa filiation paternelle établie.

d. Une audience de comparution personnelle s’est tenue le 9 novembre 2023.

da. A______ a expliqué que la reconnaissance de D______ n’avait pas encore pu être effectuée. Elle n’avait pas obtenu tous les documents nécessaires d’Indonésie. Le couple se répartissait les tâches ménagères, notamment les nettoyages, les courses. C’était toutefois elle qui cuisinait. Ils accompagnaient leurs enfants à l'école chacun leur tour et les filles en revenaient avec leurs voisins. Leurs deux filles faisaient de la natation. Elles y étaient amenées par leur père car c'était l'après-midi, pendant qu’elle préparait le repas.

La famille était toujours soutenue par l’hospice. Les prestations de l'hospice pour toute la famille, E______ compris, étaient versées sur son compte, auquel tous deux avaient accès, d'entente avec ce dernier et l'hospice. E______ cherchait un emploi mais n'en avait pas trouvé. Il était toujours suivi par un médecin. Elle ignorait s'il avait un traitement médical. En l’état, vu la naissance de D______, elle ne recherchait pas activement un emploi. Elle s'y était employée précédemment mais avait été freinée par l'absence de permis. Elle était toutefois prête à travailler dès que D______ aurait environ six mois, étant précisé qu’elle l’allaitait. Elle ne se sentait pas bien et avait envie de sortir et de travailler ou de faire une formation d'auxiliaire de santé. Elle était suivie par la Dre G______ qu’elle avait vue pour la dernière fois un mois auparavant.

Le couple s’entendait très bien. Il était vrai qu’ils avaient rencontré des difficultés précédemment, lorsqu’ils étaient notamment en foyer, y compris de compréhension, puisqu’ils ne parlaient pas la même langue. Leur situation était très problématique. Par exemple, leurs filles participaient pendant les vacances à des activités avec la maison de quartier mais elles ne pouvaient pas y prendre part dès qu'elles se déroulaient hors de Suisse. Elles souffraient de cette différence qui les marginalisait et qu’elles ne comprenaient pas. Elles étaient toujours suivies par des psychiatres. La situation restait difficile, même si elles se portaient mieux depuis deux ans.

db. E______ a précisé avoir rencontré des problèmes pour reconnaître D______, le couple ne parvenant pas à obtenir les documents d'Indonésie. Il avait arrêté le suivi auprès du CAPI notamment parce qu’il avait fréquemment des médecins différents et avait le sentiment de devoir chaque fois recommencer son histoire. Un des médecins lui avait conseillé un confrère, dans un autre cabinet, qui pourrait le suivre personnellement. Le praticien était absent, mais il avait prévu de prendre contact avec lui dès son retour pour fixer un rendez-vous en début d'année. Il souhaitait trouver un travail fixe avec un salaire régulier mais cela était difficile car il avait environ CHF 20'000.- de poursuites. Il avait cessé son activité avec I______, l’entreprise n’ayant plus assez de travail. Il envisageait de devenir chauffeur de taxi.

Il a confirmé que le couple se partageait les tâches ménagères. Il ne retirait du compte sur lequel les prestations de l’hospice étaient versées que ce qui lui était nécessaire. La vie familiale se déroulait bien et leurs deux filles étaient ravies d'avoir un petit frère.

Il avait essayé de faire des démarches à l'ambassade de Tunisie à Berne pour obtenir un passeport pour C______. Cela lui avait été refusé au motif qu'elle n'avait pas de permis de séjour en Suisse. Il avait obtenu les mêmes réponses pour essayer de se marier.

dc. La mandataire des recourants a précisé que A______ ayant changé de nom, il était probable qu'il faille passer par une action en constatation d'état civil la concernant, préalablement à la reconnaissance de D______. Par ailleurs, une fois D______ reconnu, et vivant avec un titulaire de permis C, la question d'une éventuelle suspension de la présente procédure pourrait se poser.

L'hospice traitait le dossier comme « mixte » à savoir que les deux dossiers originaux avaient été fusionnés au vu de la vie commune. Cela avait péjoré la situation tant financière que surtout sociale d’E______. Préalablement, il bénéficiait non seulement d'un barème de prestations financières plus élevé, mais surtout d'un suivi social par le centre d’action sociale (ci‑après : CAS) de H______ qui incluait une aide à la recherche d'emploi. Cela n’était plus le cas. Or, cette aide était nécessaire, raison pour laquelle elle était intervenue auprès de l'hospice pour essayer de trouver une solution.

dd. La représentante de l’OCPM a indiqué qu’au vu des nouveaux éléments, l’office ne s'opposait pas à la suspension de la procédure.

de. À l’issue de l’audience, la juge déléguée a relevé que A______ comprenait parfaitement toutes les questions et s'exprimait de manière fluide en français.

e. Par décision du 9 novembre 2023, la procédure a été suspendue d’entente entre les parties.

f. Elle a été reprise par décision du 2 décembre 2024, à la demande de l’OCPM qui souhaitait se déterminer sur la suite à donner à cette cause. Les recourants étaient invités à fournir toute pièce utile en lien avec l’évolution de leur situation familiale, singulièrement de la situation de leurs enfants.

g. Les recourants ont produit plusieurs documents.

ga. Selon les documents d’état civil, E______ avait pu reconnaître D______. Les parents partageaient l’autorité parentale.

gb. E______ avait effectué un stage d’évaluation à l’emploi du 19 février au 15 mars 2024. Selon le bilan rédigé à l’issue de celui-ci, il avait de bonnes compétences et pourrait s’insérer professionnellement.

gc. J______, psychologue – psychothérapeute, relevait que la famille était suivie et soutenue par la consultation médicopsychologique de l’OMP de H______. Une des enfants était suivie en psychothérapie, l’autre avait terminé très récemment le suivi. Leurs parents étaient soutenus sur le plan social. Le suivi comprenait également une collaboration accrue avec le réseau au vu des périodes de désorganisation psychique pour reproduire la situation administrative familiale et de l’impact que cela pouvait avoir sur le développement des enfants. L’OMP avait pu constater « les fluctuations de l’humeur du père, de l’intensité de l’anxiété qui pouvait le mettre en grande difficulté, de sa demande constante de pouvoir bénéficier d’une évaluation psychiatrique adéquate puis d’un suivi régulier » mais aussi, « malgré une situation fluctuante, une collaboration et une mobilisation des parents pour les suivis de leurs enfants, ainsi que des compétences parentales de qualité bien que pouvant fluctuer selon leur propre état ». Une évaluation circonstanciée par un psychiatre semblait nécessaire.

gd. Selon le rapport de consultation du 24 janvier 2025 de la Docteur K______, psychiatre, auprès de qui E______ avait initié un suivi en novembre 2024, son patient présentait une « symptomatologie anxiodépressive et dépressive avec une thymie basse et des idées suicidaires passives notamment. De plus, il présentait des symptômes d’allure psychotiques avec hallucinations auditives et cours de la pensée discontinue (barrages) ». Au vu du premier entretien, « le patient ne semblait pas en capacité de travailler, principalement à cause d’une anxiété et d’une thymie basse invalidantes ».

ge. A______ avait repris contact avec le service social de H______ qui la suivait en vue de sa réinsertion professionnelle avant sa grossesse, afin de pouvoir bénéficier à nouveau d’une aide pour retrouver un emploi. Une formation comme auxiliaire de santé était envisagée, sans que cela ne soit confirmé par les autorités en l’état.

gf. Selon un rapport médical de la Dre G______ du 12 décembre 2024 à l’attention du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), A______ avait été témoin, à l’âge de 10 ans, d’un événement traumatique marquant : le cambriolage de leur domicile par quatre hommes cagoulés, au cours duquel son oncle paternel, âgé de 37 ans, avait été poignardé sous ses yeux alors qu’il tentait de défendre sa famille. Ne supportant plus de vivre en Indonésie, elle avait été envoyée chez une tante maternelle à Singapour avant d’y revenir, en alternance. À 16 ans, elle avait subi des pertes majeures, soit son frère aîné, décédé dans un accident de voiture à l’âge de 22 ans, trois mois plus tard, son père d’un infarctus du myocarde à l’âge de 50 ans. À 17 ans, elle avait été contrainte par sa mère et ses oncles d’épouser un homme âgé de 21 ans, choisi pour sa situation financière favorable bien qu’elle n’éprouvait aucun sentiment pour lui. Elle avait donné naissance à des jumeaux le ______ 2006. Son mariage s’étant rapidement détérioré, elle avait quitté son mari après 18 mois, laissant ses enfants chez sa mère en Indonésie pour chercher du travail à Singapour. Le décès tragique de son fils, tombé des bras de sa nounou à l’âge de sept mois, l’avait poussée à retourner en Indonésie.

Le diagnostic, pour la psychiatrie, selon « ICD 10 » consistait en F33.2 : trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques ; F41.0 : trouble panique ; F62.0 : modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe. Son état psychique s’était fortement péjoré par l’anxiété liée à son statut légal. Elle avait récemment tenté de mettre fin à ses jours à trois reprises. Son compagnon avait un rôle protecteur. Il existait un risque accru de passage à l’acte suicidaire en cas de renvoi en Indonésie. Un traitement médicamenteux et un support thérapeutique à long terme étaient nécessaires sous peine que l’évolution de son état global compromette gravement sa santé mentale et physique et aggrave sa situation médicale et sociale de manière significative. Un retour dans son pays d’origine entraînerait très probablement des conséquences graves sur sa santé mentale et physique et l’exposerait à un danger sérieux.

gg. Selon plusieurs documents médicaux, C______ continuait à avoir besoin de suivi auprès de l’OMP et d’un traitement logopédique. Elle souffrait d’allergies au bœuf, aux poissons et aux crevettes nécessitant la prise de médicaments, sans lesquels elle pouvait avoir des troubles respiratoires, voire la prise en charge urgente par un service médical.

B______ était aussi suivie, chaque semaine, par une logopédiste.

gh. Dans un rapport du 3 février 2025, le SPMi a précisé soutenir la demande de régularisation. Il suivait le dossier de la famille dans le cadre d’un appui éducatif afin d’accompagner et soutenir la prise en charge éducative des enfants. Il était intervenu depuis mars 2015, lorsque la mère se trouvait dans une situation de grande précarité administrative et économique. Il avait œuvré pour la mettre à l’abri dans un foyer avec ses enfants et la soutenir sur le plan de la parentalité. Leurs multiples interventions, notamment à travers de l’aide éducative à domicile, avaient permis au couple de renforcer leurs compétences parentales et contribuer au bon développement des enfants. La fragilité de la santé psychique des parents avait conduit le SPMi à collaborer de manière étroite avec l’ensemble du réseau de professionnels afin de préserver la sécurité des enfants.

La longue procédure de régularisation était symptomatique du stress que cela avait généré et du risque de la dégradation du cadre familial en cas de renvoi en Indonésie. Une telle décision aurait des conséquences graves sur l’état de santé mentale de chacun des membres de la famille. B______ et C______ étaient nées en Suisse et étaient scolarisées à Genève. La construction de leur personnalité et tout leur ancrage ainsi que leurs références étaient à Genève, à l’instar de l’ensemble des relations sociales et du centre de leurs intérêts.

Dans cette situation particulière, le SPMi ne pouvait accompagner un projet de retour des filles en Indonésie, pays qu’elles ne connaissaient pas et dans lequel elles ne disposaient d’aucune attache, en y ajoutant la barrière de la langue. Séparer les enfants de leur père serait délétère pour leur développement psychomoteur affectif. Il était indéniable qu’en termes de perspectives d’avenir, l’obtention d’un statut à travers une régularisation suisse permettrait à la mère et aux enfants de stabiliser leur situation psychosociale et contribuerait au bon équilibre familial.

h. Le 7 mars 2025, l’OCPM a précisé que le cas de la famille avait été maintes fois discuté en interne. Il s’était dit favorable à la longue suspension de la cause afin de permettre aux recourants de mettre en place leur nouvelle organisation familiale, les projets professionnels d’E______, une prise d’activité de A______, l’assainissement de la situation financière, leur mariage notamment. La situation du couple demeurait fragile, sous quelque angle que ce soit. Les circonstances des enfants étaient elles aussi particulières, au vu notamment de leur âge et du cadre soutenant et sécurisant dont ils bénéficiaient à Genève.

En conséquence, l’OCPM s’en rapportait à justice quant à l’issue de la procédure.

i. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

j. Le 27 mai 2025, E______ a transmis un certificat médical de la Dre K______ attestant de sa totale incapacité de travailler. La médication et la psychothérapie étaient encore en train d’être adaptées et le pronostic était incertain.

k. À la demande de la juge déléguée, l’OCPM a précisé, le 6 juin 2025, qu’E______ n’avait pas déposé de demande de renouvellement de son permis d’établissement auprès de leurs services.

l. Le 30 juin 2025, le mandataire d’E______ a confirmé que la demande de prolongation du permis d’établissement venait d’être déposée. En raison de sa maladie, l’intéressé avait des difficultés à transmettre les pièces nécessaires.

m. Par courrier du 23 juillet 2025, le mandataire d’E______ a transmis copie du permis d’établissement de ce dernier, valable jusqu’au 25 février 2030.

n. Interpellé, l’OCPM a confirmé s’en rapporter à justice quant à l’issue de la procédure.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus par l’OCPM, le 16 septembre 2022, d’octroyer à la recourante une autorisation de séjour en vue de son mariage, puis de regroupement familial.

3.             Le droit au mariage est garanti par les art. 12 CEDH, 14 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 22 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00).

3.1 La Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH) admet que les limitations apportées au droit de se marier par les lois nationales puissent se traduire par des règles formelles portant, par exemple, sur la publicité et la célébration du mariage. Les limitations en question peuvent également se matérialiser par des règles de fond s’appuyant sur des considérations d’intérêt public généralement reconnues, telles que celles concernant la capacité de contracter un mariage, le consentement, l’interdiction à des degrés divers des mariages entre parents et alliés et la prévention de la bigamie. En matière de droit des étrangers, et lorsque cela se justifie, il est loisible aux États d’empêcher les mariages de complaisance contractés dans le seul but d’obtenir un avantage lié à la législation sur l’immigration. Toutefois, la législation nationale en la matière, qui doit elle aussi satisfaire aux exigences d’accessibilité et de clarté posées par la CEDH, ne peut pas autrement enlever à une personne ou à une catégorie de personnes la pleine capacité juridique du droit de contracter mariage avec la personne de son choix (ACEDH O'Donoghue c. Royaume-Uni, du 14 décembre 2010, req. 34'848/07, § 83, et les arrêts cités).

3.2 Selon le Tribunal fédéral, un étranger peut, à certaines conditions, déduire du droit au mariage garanti par les art. 12 CEDH et 14 Cst. un droit à pouvoir séjourner en Suisse en vue de s’y marier (ATF 137 I 351 consid 3.5). Les autorités de police des étrangers sont tenues de délivrer un titre de séjour en vue de mariage lorsqu’il n’y a pas d’indice que l’étranger entende, par cet acte, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial, et qu’il apparaît clairement qu’il remplira les conditions d’une admission en Suisse après son union. Dans un tel cas, il y aurait en effet disproportion d’exiger de l’étranger qu’il rentre dans son pays pour se marier ou pour y engager à distance une procédure en vue d’obtenir le droit de revenir en Suisse pour se marier. En revanche, dans le cas inverse, soit si, en raison des circonstances, notamment de la situation personnelle de celui-ci, il apparaît d’emblée qu’il ne pourra pas, même une fois marié, être admis à séjourner en Suisse, l’autorité de police des étrangers pourra renoncer à lui délivrer une autorisation de séjour provisoire en vue du mariage. Il n’y a en effet pas de raison de lui permettre de prolonger son séjour en Suisse pour s’y marier alors qu’il ne pourra de toute façon pas, par la suite, y vivre avec sa famille. Cette restriction correspond à la volonté du législateur de briser l’automatisme qui a pu exister dans le passé entre l’introduction d’une demande de mariage et l’obtention d’une autorisation de séjour pour préparer et célébrer le mariage (ATF 139 I 37
consid. 3.5.2 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_480/2024 du 1er mai 2025 consid. 5.4 destiné à publication et les arrêts cités).

3.3 La chambre administrative a également déjà confirmé que la délivrance d'une autorisation de séjour en vue de mariage doit s'accompagner, à titre préjudiciel, d'un examen des conditions posées au regroupement familial du futur conjoint (ATA/80/2018 du 30 janvier 2018 consid. 4d et l’arrêt cité).

3.4 En application de l’art. 30 let. b LEI, en relation avec l’art. 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), une autorisation de séjour de durée limitée peut en principe être délivrée pour permettre à un étranger de préparer en Suisse son mariage avec un étranger titulaire d’une autorisation d’établissement. Les conditions du regroupement familial ultérieur doivent être remplies (par exemple, moyens financiers suffisants, absence d’indices de mariage de complaisance, aucun motif d’expulsion ; Directives du secrétariat d’État aux migrations [ci-après : SEM], domaine des étrangers, 2013, état au 1er juillet 2022, ch. 5.6.5 [ci-après : directives SEM]).

4.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de l’Indonésie.

4.1 Le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité aux conditions suivantes : a) ils vivent en ménage commun avec lui ; b) ils disposent d’un logement approprié ; c) ils ne dépendent pas de l’aide sociale ; d) ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile ; e) la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (art. 43 al. 1 LEI).

Les moyens financiers doivent garantir que le regroupement familial n’entraîne pas une dépendance à l’aide sociale (art. 43 al. 1 let. c LEI). Pour évaluer le risque de dépendance à l’aide sociale, il faut se baser sur la situation passée et actuelle et estimer l’évolution financière probable à long terme, en prenant en compte les possibilités financières de tous les membres de la famille. La possibilité d’exercer une activité lucrative et les revenus qui en découlent doivent être concrètement prouvés et doivent, avec un certain degré de probabilité, être assurés à moyen ou long terme (ATF 139 I 330 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal Fédéral 2C_1144/2014 du 5 août 2015 consid. 4.5.2 ; 2C_502/2020 du 4 février 2021 consid. 5.1 ; 2C_309/2020 du 5 octobre 2021 consid. 5.5).

Les moyens financiers doivent au moins correspondre aux normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (Normes CSIAS). Les cantons sont libres de prévoir des moyens supplémentaires permettant de garantir l’intégration sociale des étrangers (Directives SEM 6.3.1.3).

4.2 Les droits prévus à l’art. 43 LEI s’éteignent notamment s’il existe des motifs de révocation au sens de l’art. 62 LEI (art. 51 al. 2 let. b LEI).

L’autorité compétente peut révoquer une autorisation, à l’exception de l’autorisation d’établissement, ou une autre décision fondée sur la LEI notamment lorsque l’étranger lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale (art. 62 al. 1 let. e LEI).

L'art. 62 al. 1 let. e LEI n'exige pas que la dépendance de l'aide sociale soit durable et significative comme le requiert la révocation d'une autorisation d'établissement. Toutefois, le critère de la proportionnalité doit, là aussi, être pris en compte, même si ce sont surtout la part de responsabilité de l’intéressé et la durée du séjour effectué jusqu’ici dans le pays qui doivent être pris en considération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1228/2012 du 20 juin 2013 consid. 2.2). De plus, on doit craindre un risque concret de future dépendance à l’aide sociale. Enfin, l’évolution probable de la situation financière à long terme doit également peser dans la balance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_456/2014 du 4 juin 2015 consid. 3.2).

5.             Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale.

5.1 Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2), ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse, qu'il soit au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 146 I 185 consid. 6.1 ; 144 I 266 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_110/2024).

5.2 Une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 CEDH est possible aux conditions de l’art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu’elle soit prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d’établissement fondé sur l’art. 8 § 2 CEDH suppose une pesée des intérêts en présence et l’examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 6b).

L’art. 8 CEDH n’emporte pas une obligation générale pour un État de respecter le choix par des immigrants de leur pays de résidence et d’autoriser le regroupement familial sur le territoire de ce pays (ACEDH Ahmut c. Pays-Bas, 28 novembre 1996, Rec. 1996-VI, req. n° 21702/93, § 67) ; il ne consacre pas le droit de choisir l'endroit le plus approprié à la poursuite de la vie familiale (DCEDH Adnane c. Pays-Bas, du 6 novembre 2011, req. n° 50568/99 ; Mensah c. Pays-Bas, du 9 octobre 2001, req. n° 47042/99). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue un droit d'entrée et de séjour, ni non plus, pour un étranger, le droit de choisir le lieu de domicile de sa famille (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2 et les arrêts cités). Dans une affaire qui concerne la vie familiale aussi bien que l’immigration, l’étendue des obligations pour l’État d’admettre sur son territoire des proches de personnes qui y résident varie cependant en fonction de la situation particulière des personnes concernées et de l’intérêt général (ACEDH Osman c. Danemark, du 14 juin 2011, req. n° 38058/09, § 54 ; Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, du 28 mai 1985, série A n° 94, § 67 et 68).

Les facteurs à prendre en considération dans ce contexte sont la mesure dans laquelle le refus d’autorisation entrave la vie familiale, l’étendue des liens que les personnes concernées ont avec l’État contractant en cause, la question de savoir s’il existe ou non des obstacles insurmontables à ce que la famille vive dans le pays d’origine d’une ou plusieurs des personnes concernées et celle de savoir s’il existe des éléments touchant au contrôle de l’immigration ou des considérations d’ordre public pesant en faveur d’une exclusion de l’étranger (ACEDH Rodrigues da Silva et Hoogkamer c. Pays-Bas, Rec. 2006-I, req. n° 50435/99, § 39 ; DCEDH Margoul c. Belgique, du 15 novembre 2011, req. n° 63935/09).

Il n'est pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées au regroupement familial ne soient réalisées (arrêts du Tribunal Fédéral 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.1 et 2C_1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Sur ce plan, la condition d'absence de dépendance à l'aide sociale prévue par la LEI correspond au but légitime d'un pays au maintien de son bien-être économique, qui peut justifier une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie familiale (art. 8 § 2 CEDH). Le critère de l'existence de moyens financiers suffisants et donc de l'allègement de l'aide sociale et des finances publiques est reconnu par le droit conventionnel comme une condition préalable au regroupement familial (ACEDH Konstantinov c. les Pays-Bas, du 26 avril 2007, req. n°16351/03, § 50 [« bien-être économique du pays »] et Hasanbasic c. Suisse, du 11 juin 2013, req. n°52166/09, § 59).

Une autre considération importante consiste à savoir si la vie familiale a été créée à un moment où les personnes impliquées étaient conscientes que le statut de l'une d’elles vis-à-vis des services de l'immigration était tel que la pérennité de la vie familiale dans l'État hôte serait dès le départ précaire : lorsque tel est le cas, le renvoi du membre étranger de la famille ne sera qu'exceptionnellement incompatible avec l'art. 8 CEDH (ACEDH M.A. c. Danemark du 9 juillet 2021, req. n° 6697/18, § 134 ; Antwi et autres c. Norvège du 14 février 2012, req. n° 26940/10, § 89 ; Nunez précité, § 70).

Le refus d'octroyer une autorisation de séjour (ou d'établissement) fondé sur l'art. 8 § 2 CEDH ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). Cette condition correspond aux exigences de l'art. 96 LEI (ATF 137 I 284 consid. 2.1).

6.             Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale (art. 3 al. 1 CDE).

6.1 L'art. 3 CDE ne fait pas de l'intérêt supérieur de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 144 I 91 consid. 5.2 ; 139 I 315 consid. 2.4; 136 I 297 consid. 8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_429/2021 précité consid. 4.2).

6.2 Dans le cadre de l'examen de la proportionnalité de la mesure (art. 8 § 2 CEDH, art. 96 LEI et art. 13 cum art. 36 Cst.), il faut aussi tenir compte de l'intérêt fondamental de l'enfant (art. 3 CDE) à pouvoir grandir en jouissant d'un contact étroit avec ses deux parents (ATF 143 I 21 consid. 5.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1050/2016 du 10 mars 2017 consid. 5.1 ; 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.2 et les arrêts cités ; aussi arrêt de la CourEDH (ci-après : CrEDH) El Ghatet c. Suisse du 8 novembre 2016 [requête n° 56971/10], § 27 s. et 46 s.), étant précisé que, sous l'angle du droit des étrangers, cet élément n'est pas prépondérant par rapport aux autres (ATF 143 I 21 consid. 5.5.1 ; 139 I 315 consid. 2.4) et que l'art. 3 CDE qui le protège ne saurait fonder une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (ATF 140 I 145 consid. 3.2 ; 139 I 315 consid. 2.4).

6.3 D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

6.4 Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 LPA).

Au cours de la procédure de recours, il n'est tenu compte des faits nouveaux que si la juridiction y est en général autorisée, si la décision ne sortit ses effets que dès la date de la décision sur recours et si l'économie de procédure l'impose. Le rôle de l'autorité de recours consiste non seulement à contrôler la solution qui a été adoptée, mais aussi à imposer celle qui est propre à mettre fin à la contestation (ATF 98 Ib 178 ; 92 I 327 ; 89 I 337). Or, en faisant abstraction des faits survenus après la décision attaquée, l'autorité de recours ouvrirait la porte à de nouvelles procédures et risquerait donc de laisser subsister le litige, sans contribuer toujours utilement à le trancher (André GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. II, 1984, p. 932). Statuant sur les recours de droit administratif, le Tribunal fédéral prend en compte les faits nouveaux notamment dans le domaine de la police des étrangers (ATF 105 Ib 165 consid. 6b ; 105 Ib 163).

À plusieurs reprises, la chambre de céans a tenu compte, d'office ou sur requête, de faits qui s'étaient produits après que la décision de première instance a été rendue (ATA/507/2023 du 16 mai 2023 consid. 5.1 ; ATA/1154/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4b).

6.5 En l’espèce, le litige porte sur une requête d’autorisation de séjour en vue de mariage, puis de regroupement familial. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convient de déterminer si la recourante remplira les conditions d’une admission après son union.

Dans son arrêt du 2 novembre 2021, la chambre de céans a déjà jugé, notamment, que le renvoi de la recourante et de ses filles était exigible, ne violait pas les art. 8 CEDH et 3 CDE, ce que le Tribunal fédéral a confirmé dans son arrêt du 13 décembre 2021.

La situation a toutefois évolué : un troisième enfant est né en août 2023, et le père vit en ménage commun, depuis plus de trois ans, avec sa concubine et les deux, puis trois enfants, même s’il n’existe pas de lien de filiation avec la première fille.

Le refus d’autoriser le mariage et le regroupement familial décidé le 16 septembre 2022 se fonde quasi exclusivement sur la dépendance de la famille à l’aide sociale, singulièrement du titulaire de l’autorisation d’établissement, toujours à la charge de l’hospice.

Le titulaire de l’autorisation d’établissement a fait l’objet d’un avertissement formel, le 14 juin 2022, de l’OCPM au motif qu’il bénéficiait de prestations d’aide sociale depuis le 1er mai 2015 pour un montant total de plus de
CHF 192'106.- et sur les conséquences que pourrait avoir la poursuite de sa dépendance à l’aide sociale au moment de l’examen de ses conditions de séjour à l’échéance de son permis, le 25 février 2025. L’autorité intimée a évoqué la possibilité d’une révocation de son permis d’établissement pour ce motif.

Le permis d’établissement du père, qui arrivait à échéance en février 2025 a toutefois été renouvelé jusqu’au 25 février 2030.

Il ressort des pièces nouvellement versées à la procédure que, selon le bilan de son stage d’évaluation à l’emploi du 19 février au 15 mars 2024, il avait de bonnes compétences et pourrait s’insérer professionnellement. Sa situation médicale s’était toutefois péjorée. La psychiatre, auprès de qui l’intéressé avait initié un suivi en novembre 2024, a évoqué une « symptomatologie anxiodépressive et dépressive avec une thymie basse et des idées suicidaires passives notamment, avec, en sus, des symptômes d’allure psychotiques avec hallucinations auditives et cours de la pensée discontinue (barrages) ». Cette évaluation a été confirmée par le dernier certificat médical, du 27 mai 2025, qui confirme une totale incapacité de travailler et évoque un pronostic incertain.

La prise en charge médicale de l’intéressé est récente. Il conviendra en conséquence d’analyser ultérieurement l’évolution de son état de santé, et par voie de conséquence, ses perspectives d’une reprise d’une activité professionnelle. À teneur des documents médicaux, le règlement de la situation familiale pourrait y contribuer. La condition de l’art. 43 al. 1 let. c LEI, à savoir la non dépendance de l’aide sociale, n’étant en l’état pas remplie, le recourant ne peut sans autre se prévaloir d’un droit à une autorisation de séjour pour son épouse et ses enfants mineurs, faisant aujourd’hui ménage commun avec lui.

De son côté, la recourante est sans activité lucrative à la suite de la naissance de son enfant le 27 août 2023. Elle ne peut toutefois pas attester d’une activité lucrative régulière depuis son arrivée en Suisse et dépend des prestations de l’hospice depuis le 1er août 2016. Une reprise d’emploi a certes été compliquée par la naissance récente de son troisième enfant. Elle soutient toutefois que l’obtention d’une autorisation de séjour faciliterait son insertion professionnelle. Elle a prouvé avoir été suivie par une conseillère en insertion professionnelle de l’antenne emploi de H______ depuis avril 2022 et avoir effectué de nombreuses recherches d’emploi. Elle s’était inscrite aux ateliers « Autonomia » de sa commune, qu’elle avait suivis du 22 septembre au 1er décembre 2022. Elle y avait approfondi ses connaissances en gestion administrative personnelle (e‑démarches ; factures, comptes bancaires, assurances, logement, impôts principalement). Elle avait par ailleurs suivi des cours pour obtenir un niveau de français A2. En audience, elle avait confirmé être prête à travailler dès que son dernier-né aurait environ six mois puisqu’elle l’allaitait. Elle avait envie de sortir et de travailler ou de faire une formation d’auxiliaire de santé.

Sous l’angle de l’art. 8 CEDH, le premier enfant commun du couple est né le 12 juillet 2015 alors que les parents savaient que la mère n’avait pas les autorisations nécessaires pour vivre en Suisse. Le couple a donc pris le risque de créer une famille sans garantie de pouvoir résider en Suisse. De même, le couple a décidé de faire ménage commun et d’avoir un second enfant après que le renvoi de la mère et ses deux filles a été prononcé et confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral. À teneur de la jurisprudence, un renvoi dans une telle situation n’est qu'exceptionnellement incompatible avec l'art. 8 CEDH.

Cependant, il est établi que bien que le père n’ait pas les moyens financiers d’entretenir sa famille, il s’investit en nature pour l’entretien de celle-ci et participe activement aux tâches ménagères, aux courses, aux nettoyages et surtout à l’encadrement des trois enfants, ce que les nombreuses attestations de professionnels confirment.

Chacun des membres de la famille entretient des relations affectives effectives et étroites avec les autres. Dans ces conditions, imposer une séparation des parents n’apparaît pas dans l’intérêt supérieur de chacun des trois enfants.

Les deux parents ont entrepris des démarches en vue de leur insertion professionnelle. Chacun d’eux souffre toutefois d’atteintes graves à leur santé psychique qui les empêchent actuellement de trouver un emploi.

Un renvoi en Indonésie apparaît, à teneur du certificat médical détaillé de la psychiatre de la recourante, de nature à mettre en danger sa santé physique et psychique. Le SPMi, qui suit étroitement la famille depuis de nombreuses années, a relevé un risque de la dégradation du cadre familial en cas de renvoi en Indonésie évoquant des conséquences graves sur l’état de santé mentale de chacun des membres de la famille. Il relevait aussi que séparer les enfants de leur père serait délétère pour leur développement psychomoteur affectif.

L’ensemble des membres de la famille a de très forts liens avec la Suisse. La recourante y réside depuis 2009 quand bien même une décision de renvoi a été confirmée par arrêt du 2 novembre 2021 de la chambre de céans. Elle avait toutefois séjourné pendant douze ans dans l’illégalité puis pendant plusieurs années au bénéfice d’une tolérance des autorités. Son compagnon réside en Suisse depuis 2010 et est bénéficiaire d’un permis d’établissement. Les trois enfants sont nés à Genève. Les deux aînées, aujourd’hui âgées de presque 12 et 10 ans, y sont parfaitement intégrées. Elles ne connaissent d’ailleurs que la Suisse et ignorent tout du pays d’origine tant de leur père que de celui de leur mère dont elles ne parlent au surplus pas la langue.

À cela s’ajoute que les deux parents sont originaires de pays différents et que le père des enfants ne parle pas l’indonésien.

Dans ces conditions, il apparaît que le refus de délivrer une autorisation de séjour en vue de mariage à la recourante, puis pour regroupement familial, à la mère et aux enfants auprès, respectivement, de leur compagnon et père pour les deux cadets ne respecte pas le principe de la proportionnalité au vu des intérêts privés importants de la recourante et de ses trois enfants. Sans nier l’importance des intérêts publics concernés, notamment à la préservation des deniers publics et au respect des décisions de justice, la pesée des intérêts à prendre en considération selon la jurisprudence penche en faveur des recourants. Ainsi, l’entrave à la vie familiale, l’étendue des liens que les personnes concernées entretiennent avec la Suisse, les obstacles au renvoi des intéressés dans leur pays d’origine en regard des considérations d’ordre public aboutissent au résultat, in casu, que la décision de refus d’une autorisation de séjour en vue de mariage, puis d’une autorisation de séjour en faveur de la recourante et de ses trois enfants, est contraire principalement à l’art. 8 CEDH.

6.6 Toutefois, la pesée des intérêts entre celui des recourants à être réunis avec les membres de leur famille proche en Suisse et l'intérêt de la collectivité dans son ensemble à maîtriser l'immigration afin de protéger la prospérité économique du pays, tel que reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme impose que la recourante fasse, à l’instar du titulaire de l’autorisation d’établissement, l’objet d’un avertissement au sens de l’art. 96 al. 2 LEI et que son attention soit expressément attirée sur le fait qu’il lui appartient de tout entreprendre pour améliorer sa situation financière et sortir de la dépendance à l’aide sociale.

Au vu de ce qui précède, l'OCPM devra soumettre le dossier de la recourante et ses enfants au SEM en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour pour mariage et regroupement familial.

Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours. Le jugement du TAPI sera annulé, de même que la décision de l'OCPM. Le dossier sera renvoyé à l'OCPM pour qu'il procède dans le sens des considérants en vue de l'octroi des autorisations de séjour en vue du mariage et pour regroupement familial, avec un avertissement à la recourante dans le sens précité.

7.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée solidairement à A______ et E______, à la charge de l’OCPM (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juillet 2023 par A______ agissant pour elle-même et ses enfants, B______ et C______ ainsi que D______, et E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 juin 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du 16 septembre 2022 de l’office cantonal de la population et des migrations et le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 juin 2023 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- solidairement à A______ et E______, à la charge de l’office cantonal de la population et des migrations ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au Centre social protestant, soit pour lui Sandra LACHAL, mandataire des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Joanna JODRY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.