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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2044/2023

ATA/874/2025 du 19.08.2025 sur ATA/1108/2023 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2044/2023-FPUBL ATA/874/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 août 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Stéphane GRODECKI, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat


EN FAIT

A. a. A______, né en 1968, a fonctionné comme cardiomobiliste dès l’automne 2001, d’abord comme auxiliaire, à temps partiel, puis à 100%, avant d’être engagé par contrat de durée indéterminée en cette qualité le 1er avril 2003.

Il a été nommé fonctionnaire par arrêté du 31 août 2004 en qualité de cardiomobiliste au département de médecine communautaire, centre d’accueil et d’urgence des HUG. Le 1er novembre 2014, sa fonction est devenue celle d’ambulancier de la centrale et du service mobile d’urgence de réanimation
(ci-après : SMUR) Cardiomobile, avec un positionnement salarial en classe 14 de l’échelle des traitements.

Un nouveau cahier des charges est entré en vigueur le 1er mars 2020.

À compter du 1er mai 2021, sa fonction a été portée en classe 15, annuité 11.

b. Selon les entretiens d’évaluation et de développement des compétences
(ci-après : EEDC) des 31 octobre 2003, 10 mai 2004, 23 juin 2006, 5 juillet 2011, 1er octobre 2013 et 10 mai 2016, l’évaluation globale était bonne.

Toutefois, à l’occasion de l’EEDC du 23 juin 2006, son tempérament très individualiste, ressenti par le reste de l’équipe comme un manque de solidarité, ainsi qu’une attitude hautaine et parfois indolente ont été soulignés. Le 1er octobre 2013, le critère « comportement, coopération, communication, information » était faible. A______ devait améliorer la gestion des tensions qui pouvaient apparaître entre partenaires sur le terrain et informer sa hiérarchie sans délais si un événement de ce type survenait. Lors d’un entretien de recadrage avec sa hiérarchie, il a été noté qu’il avait beaucoup changé, n’était plus sur la défensive et adoptait une attitude constructive.

Il ressort de l’EEDC du 10 mai 2016 que le critère « comportement, coopération, communication, information » était faible. A______ avait eu plusieurs altercations avec sa hiérarchie lors desquelles il avait opposé frontalement ses points de vue, au lieu d’user de propositions ou de faire preuve d’introspection. Pour le critère de l’« autonomie », il était indiqué que si la fonction avait pour corollaire une grande autonomie, notamment lors des activités en extrahospitalier, cela impliquait toutefois le respect des procédures et des ordres de la hiérarchie. Celle-ci avait parfois le sentiment que A______ agissait « en électron libre », sans devoir en référer à qui que ce soit. Un net progrès avait été constaté depuis quelques mois et la hiérarchie avait observé de sa part une attitude beaucoup plus loyale par le respect des règles et des procédures de l’unité.

B. a. Le 17 octobre 2022 peu après 19h00, A______ a dû intervenir avec la cheffe de clinique en pédiatrie, la Dre B______, et le Dr C______, chef de clinique des urgences, alors de garde, à domicile, auprès d’un enfant de 5 ans s’étant plaint de douleurs abdominales aiguës, ayant fait un malaise, avec perte de connaissance puis ayant cessé de respirer. Avant leur arrivée sur place, tous trois avaient reçu l’information que l’enfant se trouvait en arrêt cardiaque respiratoire (ci-après : ACR). À leur arrivée sur place, deux ambulanciers, D______ et E______, procédaient à la réanimation de l’enfant.

Lors de cette intervention, l’intéressé a procédé à l’intubation de l’enfant pour essayer de le sauver, même s’il n’était pas habilité à le faire et que personne ne le lui avait demandé. Les deux médecins présents avaient refusé d’effectuer ce geste au motif qu’ils n’avaient pas l’expérience requise pour le pratiquer. La médecin superviseur et cadre de la brigade sanitaire cantonale (ci-après : BSC), la Dre F______, n’était alors pas présente. Elle est arrivée sur place quelques minutes après qu’il a effectué l’intubation et a dû changer le tube à deux reprises. La possibilité de ventiler l’enfant par masque laryngé comme alternative à l’intubation avait été écartée au vu des importantes sécrétions (vomi) qu’il aurait fallu aspirer. Les secours professionnels étaient restés sur place durant 34 minutes. L’enfant est décédé le soir même au service d’accueil et d’urgences pédiatriques.

b. A______ a été libéré de l’obligation de travailler dès le 21 octobre 2022, tout en conservant son traitement.

C. a. Par décision du 12 mai 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, le directeur général des HUG et le directeur des ressources humaines ont résilié les rapports de service de A______ pour motif fondé avec effet au 31 août 2023, se référant aux entretiens de service des 14 novembre 2022 et 3 février 2023 ainsi qu’à ses observations des 6 décembre 2022 et 24 février 2023.

b. Lors de l’entretien de service du 14 novembre 2022, mené en présence de A______, accompagné de son conseil, d'G______, ambulancier et supérieur hiérarchique de l’intéressé, du Dr H______, médecin adjoint agrégé et responsable du secteur SMUR et de la BSC concernant le cadre général et particulier de la formation des médecins du SMUR, ainsi que de la responsable des ressources humaines (ci-après : RH) :

b.a Il a été reproché à A______ d’avoir pratiqué cette intubation sur l’enfant de son propre chef, alors qu’il n’en avait pas la compétence, ni l’expérience, ni la délégation médicale. Le matériel utilisé avait été inadéquat puisque la taille du tube (3.5) ne correspondait pas à l’âge de l’enfant et qu’il était dépourvu de ballonnet, ce qui n’aurait en aucun cas permis de protéger les voies aériennes, même si le tube avait été en place. Le capteur d’EtCO2 n’était pas connecté. Il n’avait donc pas respecté les principes de sécurité les plus élémentaires lors de toute intubation, car la capnographie était le seul moyen qui permettait de s’assurer que le tube était bien en position trachéale et non dans l’œsophage.

La médecin cadre de la BSC était arrivée quelques minutes après l’intubation et avait constaté que le tube trachéal n’était pas en place, ce qui empêchait donc toute oxygénation de l’enfant.

Il avait donc effectué ce geste alors qu’il n’en avait pas les compétences et sans avoir procédé à la préparation nécessaire du matériel, avait ignoré le fait qu’il n’avait pas le droit d’effectuer ce geste, ce qui était régulièrement abordé au cours des colloques quotidiens et des formations SMUR, avait compromis les chances de survie de l’enfant en empêchant toute oxygénation et n’avait pas immédiatement rapporté ces faits à sa hiérarchie dont il avait croisé deux membres le lendemain vers 7h00 dans la loge SMUR.

b.b A______ a expliqué qu’aucune alternative n’avait été proposée à l’intubation. Il avait préparé le matériel et, devant la situation de blocage, dans la mesure où aucun des deux médecins présents ne voulait effectuer ce geste, il avait dit qu’il s’en occupait. Il s’était placé à la tête de l’enfant et la Dre B______ lui avait dit une fois le geste fait, « ça passe du côté gauche ». La médecin cadre de la BSC était arrivée « dans la minute ». Il lui avait demandé « de vérifier ». Elle lui avait fait part de sa surprise du fait qu’il avait procédé à l’intubation et avait rectifié avec le bon tube.

La capnographie « était arrivée » après l’intubation par la Dre F______.

La situation avait été évoquée « en pédiatrie avec le Dr I______, la pédiatre et lui. Par la suite, une discussion avait eu lieu avec la Dre F______ ainsi qu’avec le Dr C______ en voiture alors [qu’ils] av[aient] dû retourner au domicile pour un oubli de lunettes ». Le lendemain matin, il ne se sentait pas bien.

Il y aurait eu comme alternative à une intubation le masque laryngé, mais l’équipe ne l’avait pas retenue. Ils auraient pu « aspirer, ballonner, aspirer, ballonner…et continuer ainsi de suite ». Ils étaient dans une situation d’urgence et il s’agissait de donner une chance de survie au patient, étant rappelé que la pédiatre avait dit que « ça passait ». Il pensait que la capnographie allait suivre. Il était dans une situation de stress.

Si c’était à refaire, il aurait attendu la Dre F______. Il n’avait jamais intubé un enfant de cet âge. Il confessait avoir outrepassé les prérogatives et c’était « pour cela qu’il avait dit à F______ de venir vérifier ».

Il avait perdu une fillette dans des conditions similaires, par défaut d’intubation. Il était conscient qu’il avait complètement manqué de recul sur cette situation.

b.c. Selon le Dr H______, A______ n’avait pas pu suivre « la formation de 2017 » car il était en arrêt.

c. Dans ses observations du 6 décembre 2022, A______ a entendu préciser qu’alors qu’il préparait le matériel d’intubation, il avait surpris une conversation entre « C______ qui disait n’avoir jamais fait une intubation sur un enfant de cet âge-là et la cheffe de clinique de pédiatrie qui avait ajouté ne pas savoir intuber. Aucune alternative n’avait été proposée alors qu’ils étaient tous d’accord qu’une intubation était nécessaire afin que le patient ait des chances de survie. Pendant qu’il effectuait le geste, « C______ était au massage cardiaque et la pédiatre l’assistait en auscultant l’enfant. Il était sous la supervision des médecins et avait demandé à « F______ de venir vérifier dès qu’elle était arrivée.

En réponse aux reproches de ne pas avoir rapporté les faits dès le lendemain matin au Dr H______, il a ajouté qu’après l’intervention, trois debriefings avaient eu lieu, dont celui en voiture. Il souhaitait en parler avec le Dr H______ mais était sous le choc. Il n’avait jamais vécu une telle situation de sa carrière et admettait qu’il avait fait quelque chose qu’il n’avait pas le droit de faire.

Parce que l’oxygène ne passait pas du tout au masque, les professionnels sur place avaient décidé de procéder rapidement à une intubation, ce principe n’ayant pas été remis en cause durant l’entretien de service. Les deux médecins présents dans la voiture avaient regardé les tailles des tubes et sélectionné celui qui avait été utilisé. L’équipe ambulancière avait exclu le masque laryngé lors de son arrivée sur place. Certains médecins lui avaient dit que dans le cas de cet enfant, l’intubation était la seule solution indiquée pour une ventilation efficace. Lorsque l’enfant était déjà en arrêt cardiaque, la pire des solutions était de ne rien faire.

Il est revenu aussi sur qui avait le lead au moment de l’intervention.

d. D______ et E______ ont adressé aux HUG, le 8 novembre 2022, un courriel, à la demande de A______.

Dans l’attente de l’équipe médicale, ils avaient priorisé un massage cardiaque de qualité, la gestion des voies aériennes avec une aspiration des « VAS » et une ventilation du patient afin de garantir une oxygénation adéquate. À l’arrivée de l’équipe du SMUR, D______ leur avait passé le lead après avoir relevé les points clés concernant la réanimation en cours. Celle-ci avait proposé « au médecin SMUR » d’intuber le patient mais il avait répondu préférer ne pas le faire car ne pas avoir l’expérience requise. « Cette même demande [avait été] faite alors à la médecin pédiatre qui selon [leur] souvenir, [avait donné] la même réponse… ». Les rôles avaient dès lors été redéfinis, à savoir que le médecin SMUR était au massage, la pédiatre à la tête du patient et les deux ambulanciers « i.O/TTT ». A______ avait verbalisé l’envie de faire une tentative d’intubation. Aucun des quatre intervenants n’avait émis d’objection, eux-mêmes ne connaissant pas les compétences ni l’autonomie de A______ dans ce geste technique. À partir de ce moment-là, elle n’avait plus de visuel sur la gestion des voies aériennes du patient et ne pouvait rien dire sur le geste de l’intubation. La médecin cadre de la BSC était arrivée quelques minutes après.

e. Les Dr C______, B______ et F______ ont signé, le 12 janvier 2023, une note établie à la suite de leur entretien avec deux collaboratrices des RH des HUG.

e.a Il ressort de celle du Dr C______ que A______ avait proposé l’intubation, que la pédiatre avait reconnu ne pas savoir effectuer ce geste, lui-même ayant indiqué ne pas avoir d’expérience pratique avec la population de cette tranche d’âge. A______ avait alors rétorqué « j’y vais ». Cela ne l’avait pas choqué et il ne s’y était pas opposé car certains ambulanciers du SMUR étaient formés pour. Alors que A______ se préparait pour intuber, lui-même avait demandé « où est l’EtCO2 ? ». Le matériel n’était pas prêt, en effet il n’y avait pas de quoi « la » mesurer. Après que la Dre F______ avait constaté que le tube n’était pas de la bonne taille et qu’il était dans l’œsophage, elle avait ré-intubé avec le bon matériel.

e.b. La Dre B______ a confirmé que A______ avait décidé de son propre chef de réaliser l’intubation. Elle ignorait qu’il n’était pas formé pour ce geste. Dans le cardiomobile, ils avaient défini correctement la taille du tube à l’aide de la tabelle du Dr C______. Le matériel était alors dans le coffre. A______ avait préparé seul le matériel d’intubation.

e.c La Dre F______ a indiqué qu’à son arrivée, A______ était à la tête de l’enfant. Elle avait été énormément surprise qu’il lui dise qu’il l’avait intubé, puisqu’elle savait qu’il n’était pas formé à ce geste et surtout qu’il n’était strictement pas habilité à le faire, non seulement sur un adulte, mais encore moins sur un enfant. Elle s’était rendu compte que l’appareil de capnographie n’était pas branché, ni même sorti, alors qu’il appartenait à la personne effectuant l’intubation de s’assurer que tout le matériel soit prêt avant de procéder. Elle avait donc demandé à l’ambulancière de sortir et brancher la capnographie. Aucune valeur ni courbe ne s’étaient affichées sur le scope, ce qui signifiait qu’il n’y avait pas de CO2 expiré et donc que le tube n’était pas en place dans la trachée, mais dans l’œsophage. Par ailleurs, le tube était trop petit, ce qu’un professionnel de la santé expérimenté ou formé pour l’intubation aurait remarqué à l’œil nu, et dépourvu de ballonnet (donc pas de sécurisation des voies aériennes). Le matériel nécessaire pour le contrôle de l’emplacement du tube n’était pas en place.

A______ avait banalisé l’impact de son geste, paru totalement détaché, n’avait exprimé aucun regret ni remise en question. Elle avait ressenti qu’il avait réalisé l’intubation comme une opportunité de se réaliser.

f. Lors du second entretien de service du 3 février 2023, en présence des mêmes personnes que l’entretien de service précédent, qui était motivé par des « éléments nouveaux », à savoir les trois notes d’entretien précitées, le rapport de l’événement indésirable grave (ci-après : EIG), établi le 3 février 2023 par le Dr J______, les notes personnelles d’G______, ambulancier, supérieur hiérarchique de A______, et du Dr H______, il a été considéré qu’il y avait eu faute grave et aucune remise en question de la part de A______. Il était informé que l’entretien de service était susceptible de conduire à une résiliation des rapports de travail ou à une sanction disciplinaire.

f.a Selon G______, il était faux d’affirmer que la seule solution était d’intuber l’enfant pour lui donner une F______ce de survie. A______ avait eu le choix. Il avait fait celui d’effectuer un acte téméraire en toute connaissance de cause au lieu de s’en tenir à une oxygénation en attendant l’arrivée, très rapide, de la médecin cadre. Il était faux d’affirmer qu’il y avait eu un blocage, le timing et les déclarations des Drs B______ et C______ le démontrant. La cohérence des déclarations de ces deux médecins ainsi que de celles de la Dre F______ et les différences marquées avec la version de A______ ne faisaient rien pour restaurer le lien de confiance qui était indéniablement rompu. Les Drs B______ et C______ pouvaient de toute bonne foi penser que, vu son assurance, il avait la compétence pour intuber. Il avait donc trahi leur confiance. Lors d’un premier entretien téléphonique qu’il avait eu avec A______ avant le premier entretien de service, celui-ci lui avait dit « si c’était à refaire, je le referais ».

f.b A______ a relevé qu’il avait le sentiment qu’il existait une part de subjectivité et aucune volonté de comprendre la situation l’ayant amené à effectuer l’intubation. Il aurait souhaité pouvoir en discuter avec le Dr H______.

f.c Le rapport de l’EIG du 3 février 2023 était fondé sur six éléments : la déclaration EIG du 18 octobre 2022 n° GIDI-1______, le dossier de médicalisation
pré-hospitalière n° folio 2______ (dont seul le rapport « provisoire non signé » était produit dans la procédure cantonale antérieure à l’arrêt du Tribunal fédéral évoqué plus bas), le rapport d’intervention du SMUR n° 3______, le rapport complémentaire de la Dre F______ du 20 octobre 2022 sur le déroulement de l’intervention, le matériel de formation de la BSC et les entretiens avec le Dr H______.

Le rapport définitif du dossier de médicalisation pré-hospitalière et le rapport du 20 octobre 2022 de la Dre F______ ont été produits par les HUG en septembre 2024 dans la procédure cantonale postérieure à l’arrêt du Tribunal fédéral. Les HUG ont alors précisé que les différences entre le rapport provisoire et le rapport définitif de médicalisation pré-hospitalière s’expliquaient par le fait que le rapport provisoire était rédigé par le médecin en charge de la mission SMUR et qu’il était ensuite soumis au superviseur pour validation, lequel, en fonction du contexte et de la complexité du cas, y ajoutait les informations supplémentaires permettant d’avoir une documentation exhaustive de la prise en charge.

D. a. A______ a formé recours contre la décision de résiliation des rapports de service par acte expédié le 16 juin 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative).

Il a conclu à la restitution de l’effet suspensif au recours. Au fond, il a conclu préalablement à ce qu’il soit ordonné aux HUG de produire l’intégralité du dossier concernant l’incident du 17 octobre 2022 et à une audience de comparution personnelle des parties ainsi qu’à l’audition de témoins, notamment l’ensemble des intervenants déployés sur les lieux de l’incident. Principalement, il a conclu à la nullité de la décision du 12 mai 2023, subsidiairement à son annulation, et à son intégration, subsidiairement proposée, plus subsidiairement encore au renvoi de l’affaire aux HUG pour ordonner l’ouverture d’une enquête administrative, plus subsidiairement encore, à la condamnation des HUG à lui verser une indemnité correspondant à 24 mois de son dernier salaire brut, 13e salaire inclus, plus intérêts à 5% l’an dès le 1er septembre 2023.

Son droit d’être entendu avait été violé. Il avait été suspendu dès le 20 octobre 2022 alors qu’aucune enquête administrative, pourtant nécessaire pour établir les faits de manière exacte, n’avait été diligentée, pour ensuite être licencié sans autres mesures d’instruction. Les HUG s’étaient fondés sur la seule version des trois médecins présents, sans avoir même entendu les deux ambulanciers. Ils n’avaient pas tenu compte du fait qu’il avait contesté les reproches ni de sa version des faits exposée lors des entretiens de service. Ils avaient sans autre écarté les rapports des deux ambulanciers, rédigés à sa seule demande. Lui-même n’avait pas eu accès au rapport d’intervention du SMUR ni au rapport complémentaire de la Dre F______ du 20 octobre 2022. On ne pouvait donc pas dire que les déclarations des intervenants, contradictoires à maints égards, pas plus d’ailleurs que leurs rapports, permettaient aux HUG de se prononcer en connaissance de cause. Une telle violation du droit d’être entendu, vu sa gravité, ne pouvait être réparée devant la chambre administrative. La décision attaquée était donc nulle.

Celle-ci n’indiquait pas, par sa formulation toute générale, lequel des trois motifs, tels que reprochés lors de l’entretien de service du 3 février 2023 selon la synthèse du Dr H______, justifiait la résiliation des rapports de service, en raison d’une prétendue rupture du lien de confiance, ce qui constituait un clair défaut de motivation. Il ressortait de la chronologie des événements ainsi que de l’attitude des HUG que la décision constituait en réalité une sanction déguisée en licenciement, soit la révocation, laquelle ne pouvait intervenir qu’en présence de faits avérés, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. La suspension de son obligation de travailler dès le 20 octobre 2022 était une mesure provisoire prise dans l’attente du résultat d’une enquête administrative que les HUG auraient dû ouvrir. Une telle décision aurait dû être prononcée uniquement par le conseil d’administration des HUG et non par le directeur des RH et le directeur général des HUG. Ainsi, les HUG avaient l’intention de procéder à une révocation mais avaient préféré invoquer un juste motif afin d’éviter l’ouverture d’une enquête administrative, laquelle aurait pourtant pu déterminer les responsabilités respectives. Ceci était d’autant plus choquant compte tenu des circonstances rares et éminemment particulières de l’incident du 17 octobre 2022.

La décision attaquée était arbitraire dans ses motifs et son résultat. Les HUG avaient instruit les faits uniquement à charge et fait abstraction de son parcours exemplaire depuis 22 ans. Il n’avait jamais fait l’objet d’un avertissement ou de tout autre sanction disciplinaire. Le dernier EEDC, du 3 août 2016, indiquait qu’il était un « collaborateur qui dispos[ait] de nombreuses qualités et compétences que ce soit dans le domaine professionnel ou privé. Il a[vait] des capacités de réflexion et de travail qui [étaient] supérieures à la moyenne ».

Il était impossible à ce stade de considérer que la décision de résiliation des rapports de service reposait sur un quelconque motif fondé. La situation du 17 octobre 2022 avait mis les HUG dans une position délicate et il était bien plus facile de se débarrasser du problème en rendant la décision attaquée, plutôt que d’entreprendre une procédure disciplinaire plus longue, mais aussi plus approfondie.

La question de l’intubation de l’enfant avait déjà été discutée lors du trajet avec les Drs B______ et C______. Ces derniers avaient sélectionné le tube utilisé par la suite. Ces deux médecins n’avaient alors pas mentionné qu’ils n’étaient pas compétents pour effectuer ce geste médical. Sur place, D______ avait d’abord demandé au Dr C______ d’intuber l’enfant, mais il avait refusé en indiquant qu’il n’avait pas l’expérience requise. Elle avait ensuite fait cette même demande à la Dre B______ qui avait refusé car n’étant pas non plus en mesure de le faire. Ces médecins n’avaient proposé aucune alternative à l’intubation et personne ne savait à quel moment la Dre F______ arriverait. C’était la première fois qu’il s’était trouvé dans une situation où le geste décidé n’était pas effectué alors que le pronostic vital du patient en dépendait. Il avait donc, rappelant l’état de stress de l’équipe sur place et le refus des deux médecins, sous leur supervision, procédé à ce geste qui aurait peut-être pu sauver l’enfant.

Il rappelait que s’il n’était pas habilité à procéder à cette intubation, il en avait déjà réalisé environ une quinzaine, réelles, sur adultes et plus d’une centaine en simulation adultes et enfants, outre le suivi du cours PALS (pédiatric advanced life support) en 2022 où il avait été mis dans des situations similaires. Les réanimations pédiatriques étaient rares.

Suite à cet événement, il était sous le choc et plusieurs discussions avaient eu lieu dans la soirée même concernant l’incident. Alors que l’enfant était emmené au bloc opératoire, un débriefing avait eu lieu en pédiatrie avec les Drs I______ (médecin adjoint au service d’accueil et d’urgences pédiatriques des HUG) et B______ ainsi que l’équipe ambulancière, puis entre lui-même et la Dre F______ dans les locaux du SMUR. Le 18 octobre 2022, la Dre B______ avait établi un rapport de médicalisation pré-hospitalière. Il avait, le 22 octobre 2022, remis au Dr H______ un rapport détaillé sur l’intervention du 17 octobre précédent. Il n’avait en revanche pas été demandé aux deux ambulanciers de relater leur version des faits, alors qu’ils avaient pourtant été présents tout du long. C’était à sa demande que ces derniers avaient mis par écrit leur version des faits le 8 novembre 2022. Ce n’était que trois mois plus tard que les Drs C______, B______ et F______ avaient été entendus par des collaborateurs des RH, alors que le rapport d’EIG était daté du 3 février 2023. Il ressortait de ce dernier document que les éléments du dossier fournissaient suffisamment d’informations factuelles de sorte qu’il n’avait pas été jugé nécessaire de procéder à des auditions formelles des déclarants.

Il n’avait pas eu accès au rapport d’intervention du SMUR, dont le Dr H______ lui avait refusé la remise au motif que cela irait à l’encontre de l’art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), ni au rapport complémentaire de la Dre F______ du 20 octobre 2022.

Selon le rapport d’EIG, les ambulanciers accrédités pouvaient intuber un patient adulte en présence d’un médecin uniquement avec l’accord explicite de ce dernier et sous sa responsabilité. Seuls deux ambulanciers du SMUR avaient acquis cette qualification. Tous les médecins étaient autorisés à pratiquer une intubation lors d’un ACR adulte ou pédiatrique et étaient libres d’y renoncer et d’appeler le médecin superviseur de la BSC. Ni le rapport d’EIG ni les déclarations des médecins du 12 janvier 2023 ne permettaient de connaître leur statut. Selon le rapport d’EIG, le médecin du SMUR (le Dr C______) pensait que son coéquipier ambulancier était autorisé à réaliser une intubation du patient et n’avait donc pas vu de motif de l’en empêcher. Ce rapport concluait que l’incident avait permis de mettre en évidences quelques points d’amélioration à considérer à l’échelon de l’organisation de la BSC, à savoir que les actes médicotechniques avancés autorisés aux médecins et ambulanciers devraient faire l’objet d’une formalisation écrite et facilement accessible de manière simple et transparente par les équipiers.

Selon l’arbre de décision pour l’analyse systémique des responsabilités en cas d’incident, celui du 17 octobre 2022 était la conséquence d’une défaillance du système, ce que le Dr K______, médecin adjoint agrégé, lui avait confirmé dans un courriel du 26 avril 2023.

Les faits pertinents avaient été constatés de manière inexacte et incomplète. Premièrement, la nécessité d’intuber l’enfant n’avait pas été remise en cause par les différents intervenants, ce qui était corroboré par les tentatives d’intubation effectuées par la Dre F______. Le rapport d’EIG concluait que l’indication à l’intubation était indiscutable ; le Dr H______ avait indiqué que « idéalement cet enfant devait être intubé » et les deux ambulanciers avaient expliqué avoir demandé au médecin présent d’intuber le patient. Contrairement à ce que retenait la décision, il était bel et bien sous la supervision des médecins sur place et avait pris cette décision uniquement car l’urgence de la situation le commandait et que ceux-là avaient refusé d’effectuer l’intubation, pourtant nécessaire, et alors même qu’ils étaient autorisés à la pratiquer, que ce soit sur adulte ou enfant, lors d’un ACR. Ils n’avaient pas cherché à savoir s’il était effectivement habilité à procéder à ce geste et lui en avaient laissé la responsabilité. Les médecins suivaient d’ailleurs une formation obligatoire à cet effet depuis 2015, selon le rapport d’EIG. Les deux médecins présents n’étaient pas même au clair quant aux prérogatives relatives aux intubations effectuées par un ambulancier, comme cela ressortait de leurs déclarations rapportées le 12 janvier 2023. Ainsi, plutôt que d’incriminer son acte et de prétendre qu’il aurait trahi la confiance de ces deux médecins, les HUG auraient dû prendre en considération leurs propres carences en matière d’information sur les compétences respectives du personnel qu’il déployait en urgence.

Lors de l’entretien de service du 3 février 2023, le Dr H______ avait considéré qu’il n’y avait pas de situation de blocage. Pourtant, les deux médecins habilités à effectuer l’intubation avaient refusé d’y procéder. Il avait expliqué aussi qu’il n’était pas capable en l’espèce de dire qui avait pris le lead, entre les membres de l’équipe ambulancière et les médecins. Ceci expliquait la situation de blocage à laquelle lui-même avait dû pallier, dans la mesure où justement personne n’assumait la responsabilité de prendre le lead et d’effectuer le geste médical recommandé, ou de contacter le médecin cadre ou dans tous les cas de s’opposer à l’intervention ou assurer que les conditions étaient réunies pour qu’il effectue l’intubation. Il n’avait aucun intérêt à procéder lui-même à un tel acte si ce n’était de sortir de cette situation de blocage et partant de donner une chance de survie à l’enfant.

Les HUG avaient violé la loi en s’abstenant de procéder à une procédure de reclassement, ainsi que le principe de proportionnalité. Si l’établissement des faits avait effectivement déterminé une quelconque responsabilité de sa part, les HUG auraient disposé d’un éventail de sanctions dont le choix devait respecter le principe de proportionnalité. Les raisons conduisant à l’absence d’une procédure de reclassement n’avaient pas été motivées.

b. La chambre administrative a, par décision du 21 juillet 2023, après avoir recueilli les observations des HUG et que le recourant avait renoncé à répliquer sur ce point, refusé de restituer l’effet suspensif au recours.

c. Les HUG, dans leur réponse au recours, ont conclu à son rejet. Ils ont précisé qu’ils ne donneraient pas suite à une éventuelle proposition de réintégration.

S’agissant d’une prétendue violation du droit d’être entendu du recourant, ils rappelaient que le rapport d’EIG s’inscrivait dans une démarche de qualité et de sécurité des patients et non dans le processus RH à proprement parler. Dans ce dernier cadre, le recourant avait pu largement faire valoir ses observations, notamment lors et en marge des deux entretiens de service. Vu l’option prise de la voie du licenciement pour motif fondé, il leur était loisible de renoncer à l’enquête administrative.

L’échéance des rapports de travail avait été repoussée au 30 septembre 2023 compte tenu de l’incapacité de travail du recourant attestée par certificat médical du 16 juin 2023.

Le motif fondé de licenciement était avéré. Le recourant avait commis une faute grave aux dépens d’un patient lors de la prise en charge du 17 octobre 2022. Il avait de son propre chef décidé d’effectuer une intubation endotrachéale bien qu’il n’avait ni les compétences ni les accréditations pour le faire. Il n’avait pas procédé à la préparation nécessaire ni choisi le matériel adéquat. Il avait fait fi de toutes les procédures usuelles en matière d’intubation et le fait qu’il s’agissait d’une situation d’urgence, commune au demeurant pour une intervention du SMUR, ne saurait justifier ses actes téméraires avec un potentiel délétère pour le patient. Ce dernier était de plus ventilé de manière efficace par des mesures non invasives. Il était enseigné au cours PAL, que le recourant avait suivi, que les mesures de la BLS primaient toute autre mesure plus avancée. Autrement dit, si l’indication à l’intubation était donnée, en l’absence momentanée des personnes compétentes pour effectuer ce geste de manière professionnelle, l’alternative était de continuer la ventilation au masque, avec des aspirations du liquide présent dans les voies aériennes. En l’occurrence, la médecin superviseur de la BSC était engagée et allait arriver d’un moment à l’autre. L’intubation faite par le recourant s’était révélée être un échec puisqu’elle avait été faite dans l’œsophage. En procédant de la sorte, le recourant avait compromis les chances de succès de la réanimation. Sa faute était donc grave. Il n’avait nullement pris conscience de son acte et de la mise en danger qu’il venait de commettre et de surcroît avait dissimulé cet événement grave en n’en parlant pas immédiatement à sa hiérarchie.

Les HUG ont ensuite abordé chacun des griefs et arguments du recourant.

Conformément à la jurisprudence, ils n’étaient pas tenus de procéder à une enquête administrative préalable, puisqu’ils étaient en mesure d’établir les faits et qu’ils avaient opté pour la voie de la résiliation des rapports de service pour motif fondé. Pour cette même raison, il n’était pas question de révocation. Enfin, ils n’avaient pas suspendu le recourant mais l’avaient simplement libéré de l’obligation de travailler, étant relevé qu’il n’avait pas sollicité son retour au travail.

Compte tenu de la faute grave et de l’absence totale de respect des procédures, de surcroît aux dépens d’un patient, aucun reclassement n’était exigible de leur part. Ils ne pouvaient pas prendre le risque qu’une telle faute se reproduise dans une autre affectation. Ceci était d’autant plus vrai que le recourant n’avait aucunement pris conscience de sa faute, ce qui était toujours le cas, ni de la mise en danger qu’il avait causée, ce qui ne leur permettait plus de garantir la sécurité des patients. S’y ajoutait la dissimulation des faits à sa hiérarchie, alors même que lors de l’EEDC du 1er octobre 2013 son attention avait été précisément attirée sur cette obligation d’information immédiate en cas de problème sur le terrain, contraire au lien de confiance nécessaire à la poursuite des relations de service.

d. La juge déléguée a interpellé les deux parties sur la question de l’existence d’une éventuelle procédure pénale et, dans l’affirmative, de la suspension de la présente procédure dans l’attente de son issue.

d.a Les HUG ont répondu, le 24 juillet 2023, qu’ils ignoraient s’il y en avait une mais que, vu l’écoulement du temps depuis les événements du 17 octobre 2022, tel ne devait pas être le cas. À leur connaissance, il n’y avait pas eu de dépôt de plainte pénale. Par ailleurs, dans la mesure où le patient concerné avait présenté à domicile un ACR sur trouble du rythme dans le contexte d’une cardiopathie dilatée, c’était une cause naturelle du décès qui avait été retenue. La réanimation de l’enfant était toujours en cours lors de son acheminement aux HUG où son décès avait été finalement constaté. Compte tenu de ces circonstances, l’information du Ministère public en vue de l’ouverture d’une procédure pénale ne s’imposait pas. Quand bien même une procédure pénale aurait été ouverte, il ne se justifiait pas, pour les raisons invoquées, de suspendre la procédure administrative.

d.b A______ a indiqué qu’il n’était pas partie à une quelconque procédure pénale, raison pour laquelle une suspension de la procédure administrative ne se justifiait pas.

e. Dans sa réplique du 4 septembre 2023, A______ a rappelé sa conclusion tendant à la tenue d’une audience de comparution des parties et à l’audition de onze témoins, selon une liste annexée, comportant outre les trois médecins et deux ambulanciers présents le 17 octobre 2022, six autres médecins, sans motivation des points sur lesquels ces derniers devraient être interrogés.

Il a ajouté que rien ne permettait d’évaluer le degré d’efficacité de la ventilation pratiquée sur l’enfant. Si elle avait été efficace, D______ n’aurait probablement pas demandé aux médecins d’effectuer rapidement l’intubation. Il savait qu’une discussion aurait lieu le lendemain des événements, étant rappelé qu’il en avait parlé le soir-même avec les Drs I______ et F______. Il ne les avait donc pas dissimulés à sa hiérarchie. Il y avait bien eu une situation de blocage due notamment au manque de communication sur les compétences respectives du personnel médical. Il n’y avait jamais eu de confrontation entre les intervenants déployés le 17 octobre 2022, nonobstant sa demande.

f. Par arrêt du 10 octobre 2023 (ATA/1108/2023), la chambre administrative a écarté les offres de preuve de A______ et rejeté son recours contre le licenciement pour motif fondé prononcé le 12 mai 2023 par les HUG, sans examiner les conclusions tendant à sa réintégration.

Elle a confirmé la rupture du lien de confiance entre les HUG et le recourant empêchant la poursuite des rapports de service compte tenu du comportement de ce dernier et de la gravité de sa faute. Le reclassement, considéré comme illusoire, n’était pas exigible. Le licenciement litigieux respectait le principe de proportionnalité compte tenu, notamment, de l’absence de remise en question du recourant et de la rupture irrémédiable du lien de confiance.

E. a. Par arrêt du 24 mai 2024 (cause 1C_609/2023), le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt de la chambre administrative.

Cette dernière était invitée à se prononcer sur les griefs tirés de la violation du droit d’être entendu concernant la production des pièces sollicitées par le recourant (à savoir le rapport d’intervention du SMUR évoqué dans le rapport de l’EIG et le rapport complémentaire de la Dre F______ du 20 octobre 2022) ainsi que la demande du recourant d’entendre les cinq intervenants en tant que témoins compte tenu des contradictions émaillant les déclarations des médecins, celles du recourant et des ambulanciers, notamment quant aux circonstances ayant précédé la décision du recourant d’intuber l’enfant (consid. 3.3 à 3.5).

La chambre administrative devrait renvoyer la cause aux HUG pour qu’ils ouvrent la procédure de reclassement, dans le cas où elle admettrait le licenciement pour motif fondé. L’incident du 17 octobre 2022 apparaissait comme isolé dans le parcours professionnel de l’intéressé qui avait travaillé pendant plus de vingt ans au service de l’État en donnant en principe satisfaction. Aucun manquement du même genre ne lui était reproché. L’hypothèse qu’il se retrouve dans la même situation et prenne une décision analogue pouvait raisonnablement être écartée. Certes, il avait été qualifié d’électron libre lors d’une évaluation intervenue en 2016. L’intubation pratiquée de sa propre initiative et en dehors du cadre protocolaire pouvait confirmer dans une certaine mesure cette appréciation et faire craindre qu’il puisse à nouveau agir sans tenir compte des règles et des procédures à suivre au sein de l’unité d’intervention et mettre ainsi en péril la santé voire la vie des patients. En ce sens, les HUG pouvaient faire prévaloir la sécurité, la santé et la vie des patients et considérer qu’un reclassement de l’intéressé dans sa fonction actuelle dans un autre établissement public médical n’était d’emblée pas envisageable. On ne voyait pas pour autant que son comportement lors de l’incident précité empêchait de manière rédhibitoire un éventuel reclassement dans une autre fonction ou à un autre poste au sein des HUG ou d’un autre établissement public médical, voire au sein de l’administration cantonale, qui ne mette pas en jeu la sécurité, la santé ou la vie des patients. Sans vouloir minimiser la gravité des manquements reprochés à l’intéressé, celui-ci avait procédé à l’intubation de l’enfant dans l’intention non pas de lui nuire, mais de le sauver. L’évènement du 17 octobre 2022 revêtait un caractère extraordinaire. Par ailleurs, ce n’était qu’en présence de circonstances exceptionnelles que l’État en tant qu’employeur pouvait ordonner un licenciement administratif sans procéder préalablement à des mesures de reclassement (consid. 4).

b. Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties. L’intéressé a sollicité l’audition des deux ambulanciers et de trois médecins étant intervenus dans l’incident précité. Les HUG se sont engagés à produire les deux pièces sollicitées pour autant qu’elles existent sous forme définitive et sous réserve du caviardage nécessaire au respect du secret professionnel.

c. Puis, le juge délégué a procédé, en présence des parties, aux auditions des cinq témoins sollicités. Après avoir entendu le recourant, il a procédé, le 4 novembre 2024, à l’audition des Dre B______ et Dr C______. La Dre F______ a été entendue les 8 novembre et 16 décembre 2024. Les deux ambulanciers ont été entendus
le 17 février 2025.

c.a Selon la Dre B______, elle avait indiqué, dans le véhicule, ne jamais avoir fait d’intubation. Elle savait alors qu’un superviseur, c’est-à-dire un médecin urgentiste senior, allait se rendre sur place, mais ignorait dans quel délai. En arrivant sur place, tout le monde était d’accord sur le fait qu’une intubation était effectivement indiquée vu l’état du patient et savait que le superviseur allait arriver. Elle avait dit ne pas pouvoir faire l’intubation. En pédiatrie, il était enseigné de ventiler plutôt que d’intuber si on n’avait pas l’expérience d’intubation. Dans le cas d’espèce, l’intubation s’annonçait difficile, vu les traces de vomi, ce qui laissait penser que les voies respiratoires seraient obstruées par des sécrétions et qu’il serait difficile de voir où mettre le tube. Le Dr C______ a également annoncé ne pas pouvoir faire l’intubation, étant précisé que pendant l’intubation, l’enfant n’est pas ventilé. Ces déclarations avaient été faites avant que ces deux médecins s’occupent de l’enfant.

Elle avait ensuite commencé à ventiler, ce qui était difficile en raison du vomi. Elle avait alors aspiré le vomi, puis ça passait mieux, ce qui avait été confirmé par une personne ayant ausculté. Elle confirmait qu’il avait été convenu de ventiler l’enfant jusqu’à l’arrivée d’une personne plus expérimentée, soit environ 20 à 30 minutes, les cadres de brigade intervenant rapidement. Cela avait été dit à haute voix. Personne n’avait dit non. Elle ignorait si le recourant l’avait entendu. Sur la base d’une appréciation des risques et des bénéfices d’une intubation, elle avait estimé que celle-ci pouvait attendre l’arrivée du cadre de brigade. Le bénéfice était une bonne ventilation et une protection des voies aériennes, le risque étant que l’intubation ne soit pas bien réalisée et que du temps soit perdu dans la ventilation.

Elle avait été étonnée par le fait que le recourant ait dit qu’il allait intuber lui‑même. Elle ignorait si les ambulanciers pouvaient ou non faire ce geste. Elle était partie du principe que s’il s’était proposé, c’était qu’il avait l’expérience pour procéder à un tel acte. Comme cet acte était clairement indiqué, elle ne s’y était pas opposée, précisant que l’autorisation d’intuber ne lui avait pas été demandée. Elle n’avait pas surveillé la manière du recourant de procéder à l’intubation. Après l’intubation, ce dernier lui avait demandé si l’air passait. Elle avait ausculté le patient, mais ne pouvait répondre à la question. Il y avait beaucoup de sécrétions. Le capteur (la capnographie) permettant de savoir si l’air passait dans les poumons, n’avait pas été installé. Elle avait alors dit qu’il fallait enlever le tube et reprendre la ventilation. La cheffe de brigade était arrivée à ce moment-là et avait été surprise que le recourant ait procédé à l’intubation. Elle confirmait ne pas avoir effectué l’intubation car elle n’avait pas l’expérience nécessaire. Le fait que, selon les ambulanciers, la ventilation passait bien, était un facteur en faveur de l’attente du cadre de la brigade sanitaire.

c.b Le Dr C______ a confirmé disposer d’une expérience en matière d’intubation sur les adultes. Il était déjà intervenu avec le recourant et cela s’était bien passé. Il n’avait pas le souvenir d’avoir discuté dans la voiture qui allait procéder à l’intubation au cas où elle s’avérait nécessaire, l’idée étant de prendre d’abord connaissance de la situation. Il avait appris, dans la voiture ou en arrivant, que le cadre BSC était en route, ce qui signifiait que cette personne arriverait dans quelques minutes. Lors de la transmission, les ambulanciers avaient dit qu’il y avait des problèmes à ventiler, mais il sentait sous ses mains que, lors des insufflations, de l’air passait.

Le recourant avait évoqué une intubation. Le pédiatre, leader lors d’interventions pédiatriques, avait dit ne pas savoir intuber et avait la responsabilité de coordonner la réanimation. Lui-même avait dit ne jamais avoir intubé un enfant. Presque immédiatement, le recourant avait dit « j’y vais ». Il n’y avait, selon lui, pas d’obligation de procéder à l’intubation puisque de l’air passait et que le cadre BSC allait arriver. Si la ventilation n’était pas possible, alors il fallait intuber dans les meilleurs délais faute de solutions alternatives. Le pédiatre et lui-même avaient exprimé leurs limitations et immédiatement après, quelqu’un était entré en action, sans communication ouverte. Il n’avait pas eu de verbalisation de son appréciation, selon laquelle il était préférable d’attendre l’arrivée du cadre BSC. L’intubation pouvait avoir des effets bénéfiques mais comportait aussi des risques, tel qu’une insertion incorrecte du tube, un geste mal exécuté pouvant prétériter la réanimation. Il n’était pas intervenu lorsque le recourant avait déclaré procéder à l’intubation, certains cardiomobilistes étant formés à ce geste. Comme il s’était porté volontaire, il était vraisemblable qu’il avait la formation nécessaire et pensait qu’il avait une plus grande expérience que lui, ce qui minimisait les risques. Après la première intubation, il avait demandé où se trouvait la capnographie, mais n’avait pas eu de réponse, puis, à son souvenir, le cadre de la BSC était arrivé.

L’intervention avait ensuite été évoquée à plusieurs reprises, notamment lors du colloque du matin. Il avait demandé à la Dre F______ si son intervention était adéquate. Elle lui avait répondu que c’était à lui d’intuber s’il avait estimé qu’il fallait le faire et qu’il était correct d’attendre l’arrivée du cadre BSC. Le fait de ne jamais avoir procédé à une intubation sur un enfant avait pesé dans sa décision de ne pas le faire.

c.c Selon la Dre F______, lorsqu’elle était entrée dans son véhicule, les intervenants de première ligne (le recourant, le Dr C______ et la Dre B______) étaient encore dans leur véhicule, en direction du lieu de l’intervention. Elle y était arrivée entre 5 et 10 minutes après et avait été surprise d’apprendre que le recourant avait procédé à l’intubation. La surprise avait été grande car il n’avait pas le droit de procéder à ce geste, et encore plus grande vu qu’il s’agissait d’un patient pédiatrique.

En cas d’ACR, la première priorité était l’administration d’un massage cardiaque, voire les défibrillations qui n’entraient pas en considération dans le présent cas. La deuxième priorité était la ventilation, qui se faisait en principe avec un masque facial et un ballon. Puis, il pouvait se justifier de protéger les voies aériennes en procédant à une intubation. Dans le cas d’espèce, une intubation était indiquée, sans être un geste prioritaire. Cela signifiait qu’en situation d’ACR, l’administration d’oxygène était prioritaire. Elle pouvait être faite par un masque facial ou laryngé et si cela fonctionnait « a minima », c’était suffisant dans un premier temps. L’intubation se faisait lorsque les personnes ayant les compétences nécessaires étaient sur place. Il valait mieux ventiler un patient que mal l’intuber. Pendant le geste technique de l’intubation, la ventilation était interrompue. Sitôt le geste terminé, il était procédé à un contrôle du bon emplacement du tube par voie de capnographie. Si le tube n’était pas en place, il était immédiatement retiré et la ventilation au masque était reprise. Dans le présent cas, il y avait un doute sur l’emplacement du tube ; pendant un certain temps, il n’y avait eu ni ventilation, ni massage cardiaque, ce qui était délétère pour le patient. Ce n’était pas à la Dre B______ de dire si le tube était bien placé ou non, mais à celui qui procédait à l’intubation de le vérifier, d’où l’importance de prévoir dans sa check-list un moyen de contrôle devant permettre de vérifier le bon emplacement du tube. L’auscultation, telle que pratiquée par la Dre B______, était un moyen de contrôle complémentaire qui ne se substituait pas à la capnographie.

La Dre F______ a expliqué le fonctionnement des interventions des véhicules SMUR, et notamment l’engagement du médecin cadre de la BSC. Celui-ci intervenait automatiquement dans certains cas, tels que des arrêts cardiaques sur des personnes de moins de 60 ans, ou à la demande des médecins se trouvant dans le véhicule SMUR. Dans celui-ci, il y avait généralement un ambulancier SMUR et un médecin, qui était le plus souvent une personne en formation venant des services d’urgences, d’anesthésiologie ou de médecine interne. Il pouvait s’agir de médecins en début de formation (internes) ou de médecins plus expérimentés, ou de chefs de clinique, soit des médecins seniors dans leur domaine respectif mais non en urgences pré-hospitalières. Lorsque le patient était un enfant, le médecin de première ligne et l’ambulancier se faisaient accompagner d’un chef de clinique des urgences pédiatriques.

Elle a également décrit la formation du geste technique de l’intubation. Celle‑ci devait être préparée, ce qui signifiait que le matériel adéquat devait être préparé, un plan devait être en place en cas d’échec de l’intubation et il fallait préparer le matériel de contrôle, le matériel de fixation et le matériel de monitoring. La formation, comprenant aussi la ventilation par masque facial et masque laryngé, s’adressait aux médecins effectuant une rotation au SMUR et aux chefs de clinique du service d’urgence de pédiatrie appelés à intervenir dans les véhicules SMUR (mais seul un pédiatre par session de formation pouvait y participer). Des ambulanciers SMUR ou externes pouvaient participer à cette formation, au terme de laquelle les ambulanciers SMUR n’avaient pas l’autorisation de procéder à une intubation. Il existait des consignes pour les médecins concernant le droit de procéder à une intubation : en principe, hors situation d’ACR, ils n’avaient pas le droit d’y procéder et en cas d’ACR, ils ne pouvaient faire qu’une seule tentative.

Parmi les ambulanciers SMUR, seuls deux, à l’époque et aujourd’hui, avaient l’autorisation de procéder à une intubation. Il s’agissait de deux personnes ayant suivi les formations et démontré leurs compétences. Elles étaient intervenues sur le terrain sous la supervision d’autres médecins, soit des médecins cadres soit des chefs de clinique d’anesthésiologie. La décision d’autoriser ces deux personnes à procéder à des intubations avait été prise par des médecins cadres. Elles pouvaient notamment procéder seules à une intubation si le médecin présent lors de l’intervention n’avait pas les capacités pour procéder à une intubation, à condition qu’il s’agisse de cas ne présentant pas de critères d’intubation difficiles. Dans un tel cas, il fallait faire appel aux médecins cadres.

Il avait également été envisagé de donner une telle autorisation à d’autres ambulanciers SMUR suivant certaines étapes décrites par la Dre F______. En sus d’une formation spécifique, les ambulanciers recevaient un logbook, dans lequel ils devaient indiquer les intubations effectuées sous la supervision d’un médecin cadre ou d’un chef de clinique en anesthésiologie. Après un certain nombre d’intubations, ils étaient autorisés, après validation supplémentaire, à reprendre des intubations en cas d’échecs par des médecins. L’étape suivante consistait, selon un processus similaire d’intubations effectuées sous surveillance puis de validation par les médecins cadres, à procéder à des intubations en situation d’ACR ou, en l’absence de critères d’intubation difficile, hors situation d’ACR. Aucun ambulancier n’avait terminé ce processus. À sa connaissance, seuls deux ambulanciers avaient commencé à remplir le logbook, mais avaient arrêté.

Concernant le dossier de médicalisation pré-hospitalière, le document était, pour l’essentiel, établi le plus rapidement possible après l’intervention par le médecin de première ligne. Il était ensuite discuté lors du colloque SMUR du matin. Dans le cas d’espèce, elle l’avait abordé brièvement lors du colloque car il était très lacunaire et l’avait complété par la suite. Ni le recourant ni la Dre B______ n’étaient présents lors du colloque. La différence entre la version définitive et provisoire de ce document était due à une conversation avec le Dr C______ dans les 24 heures suivant l’intervention. La première version du rapport ne la satisfaisait pas car on ne comprenait pas pour quelle raison l’intubation n’avait pas été effectuée. Après cette conversation, elle avait compris qu’il y avait eu une décision prise en pleine connaissance de cause par les deux médecins de ne pas procéder à l’intubation dans l’attente de son arrivée. Elle n’en avait parlé ni avec le recourant, ni avec la Dre B______. Il lui semblait avoir signé la version définitive du rapport à une date relativement proche de l’intervention.

Concernant son constat selon lequel il n’y avait pas de réel leadership, il se fondait sur les éléments suivants : un geste avait été effectué par une personne qui n’y était pas autorisée, une complication était intervenue mais aucun contrôle n’était effectué ; aucun plan B n’avait été préparé ; l’échec n’avait pas été objectivé ; le massage cardiaque avait été interrompu ; les intervenants étaient comme figés.

Lors d’une intervention en cas d’ACR, il existait trois options dans l’ordre suivant : le masque facial (l’option la plus rapide et la plus pratique pour ventiler rapidement le patient en même temps que le massage cardiaque était effectué), le masque laryngé (qui s’appuyait devant les cordes vocales pour mieux diriger le flux d’oxygène, sans devoir interrompre le massage cardiaque) et l’intubation (qui, avec un ballonnet, pouvait complètement protéger les voies respiratoires, mais il s’agissait d’une opération pouvant prendre du temps de par sa préparation). La présence de vomissures n’était pas une contre-indication à l’utilisation du masque facial ; si elles obstruaient les voies aériennes, elles devaient être aspirées. L’important était de ventiler le patient en lui administrant de l’oxygène. Le seul moyen pour vérifier l’emplacement du tube était la capnographie ; celle-ci servait aussi à mesurer le CO2 expiré, ce qui permettait de vérifier que le tube restait bien en place. L’absence de courbe et de valeur ETCO2 sur le moniteur de contrôle signifiait que le tube n’était pas dans la trachée. Par la suite, elle n’avait pas constaté de lésion des voies respiratoires.

c.d Selon E______, lui et sa collègue, leader, avaient entamé la réanimation, lui procédant au massage cardiaque et elle, à la tête du patient, faisant les insufflations. La ventilation était complexe, il y avait beaucoup de vomissements et de liquide. Les insufflations, au nombre de deux, se faisaient au moyen d’un ballon et d’un masque. Il avait été immédiatement apparent que les voies respiratoires étaient obstruées par du « bol alimentaire », soit le contenu normal de l’estomac. Il était donc nécessaire de faire des aspirations avec une sonde en même temps que les compressions, avant de procéder aux insufflations. Sa collègue avait estimé plus efficace de continuer avec le masque et des aspirations régulières. Selon lui, il y avait un gros problème de ventilation. Les patchs posés sur l’enfant indiquaient qu’il était en « asystolie », ce qui signifiait que rien ne se passait. L’équipe du SMUR était arrivée quelques minutes après eux.

Lui et sa collègue estimaient qu’une intubation était indiquée. Ce geste revêtait, selon lui, une certaine urgence, mais c’était au médecin sur place d’évaluer la situation. Tout s’était passé très vite, en une à deux minutes. Il avait entendu le recourant dire « je vais l’intuber », plus exactement des mots indiquant cette intention, et ne se souvenait pas que, avant cette déclaration, des paroles aient été échangées entre les intervenants.

Pour lui, la décision d’intuber ou non était une véritable décision, qui devrait être argumentée, c’est-à-dire reposer sur des raisons exprimées. Dans le cas d’espèce, il n’avait pas entendu de raisons et il ne lui semblait pas qu’une véritable décision ait été prise. Le recourant avait en revanche pris une décision. Il n’avait pas entendu les médecins discuter entre eux de l’opportunité d’intuber, ni d'intuber tout de suite. Le recourant avait beaucoup d’expérience. Ni lui ni sa collègue n’avaient été choqués par la décision du recourant de procéder lui-même à l’intubation. Il avait ressenti beaucoup de stress chez les médecins lors de la transmission à l’arrivée de l’équipe SMUR. Selon lui, il n’y avait pas chez les médecins le leadership espéré. Ils auraient dû leur dire clairement s’ils avaient pris une décision et laquelle, car ils formaient une équipe.

c.e Selon D______, leader dans cette intervention, il y avait de nombreuses régurgitations, de sorte qu’elle et son collègue s’étaient limités à faire un massage cardiaque et de la ventilation. Les compressions faisaient remonter beaucoup de régurgitations, de telle sorte qu’il fallait aspirer plus ou moins en continu et avant chaque ventilation. L’équipe SMUR était arrivée cinq minutes après eux. Elle leur avait communiqué qu’une intubation était indiquée car la ventilation se faisait mal du fait des nombreuses régurgitations. Ensuite, les médecins étaient responsables des voies aériennes supérieures. Ils avaient exprimé le fait qu’ils « ne se sentaient pas » de procéder à une intubation. Elle n’avait entendu de leur part ni dire qu’une intubation n’était pas nécessaire, ni dire qu’il était préférable d’attendre une personne plus expérimentée pour procéder à ce geste. Elle n’avait pas entendu d’objection à la volonté du recourant de procéder lui-même à l’intubation. Elle avait été plus surprise par le refus des médecins que par la déclaration du recourant de procéder à l’intubation. Elle savait que certains ambulanciers pouvaient faire ce geste, en tout cas sur des adultes. Elle ignorait si le recourant en faisait partie. La Dre F______ était arrivée quelques minutes après.

À part le refus des médecins de pratiquer l’intubation, l’intervention s’était déroulée normalement. Les interventions de réanimation pédiatrique étaient très rares et généraient plus de stress. Selon elle, la ventilation au ballon n’était pas efficace dans la situation de l’enfant. Ils n’avaient pas utilisé le masque laryngé en raison de la quantité des régurgitations et de la nécessité d’aspirer fréquemment. Elle s’attendait à une intubation rapide après avoir évoqué la nécessité d’une intubation, le temps de préparer le matériel. Le soir même, après le transport de l’enfant à l’hôpital, ils avaient tous « débriefé » : les deux ambulanciers, le recourant et les deux premiers médecins arrivés sur place.

Elle ne pouvait pas se prononcer sur les déclarations de la Dre B______, mais, à son avis, la ventilation était difficile, même avec aspiration.

d. Les parties se sont ensuite déterminées, persistant chacune dans leur position.

d.a Le recourant a invoqué la nécessité d’une intubation rapide, en se référant notamment à l’avis de deux personnes tierces, non entendues, produit par écrit, et les circonstances exceptionnelles de l’incident, en particulier le caractère peu fréquent des arrêts cardio-respiratoires pédiatriques, source de stress pour les intervenants. Il reprochait aux deux premiers médecins présents une attitude passive face au geste de l’intubation et un manque de leadership dans la gestion de l’urgence vitale pour l’enfant jusqu’à l’arrivée du médecin cadre, la Dre F______. Cela avait conduit à une situation de blocage et l’avait poussé à agir.

Il a critiqué les déclarations des deux premiers médecins arrivés sur place, leur reprochant de tenter de justifier leur « inaction » et de se « déresponsabiliser de [son] geste, causé par celle-ci ». Ses erreurs avaient été amplifiées, alors que les HUG n’avaient pas clarifié le déroulement des événements en cause, en particulier s’agissant des causes l’ayant conduit à réaliser le geste d’intubation, et ce en dépit des manquements des trois médecins présents et des problèmes systémiques de l’institution. Sa position de « bouc émissaire » démontrait à elle seule l’absence de proportionnalité de la décision litigieuse.

Compte tenu des graves violations du droit d’être entendu, de l’établissement inexact et incomplet des faits déterminants par les HUG ainsi que de l’absence de motif fondé, le licenciement querellé devait être annulé. Les violations du droit d’être entendu ne pouvaient pas être réparées par la chambre administrative qui n’était pas compétente pour statuer en opportunité.

d.b Selon les HUG, les mesures d’instruction postérieures à l’arrêt du Tribunal fédéral confirmaient les arguments retenus dans le premier arrêt cantonal, à savoir l’absence de compétences et de qualifications du recourant pour procéder à une intubation, l’absence de préparation du matériel et de la capnographie, le fait qu’il ne revenait pas au recourant de « débloquer » la situation en procédant à l’intubation même si celle-ci était indiquée vu les mesures prises dans l’attente de la médecin cadre de la BSC qui était en route, l’oxygénation du patient prétéritée du fait de l’intubation manquée et le comportement du recourant postérieur à l’intervention. Celui-ci n’en avait pas parlé le lendemain à son supérieur hiérarchique, se limitant à des debriefings avec notamment les trois médecins de l’intervention, puis cherchant, au stade du recours, à faire porter la responsabilité à d’autres. Les HUG ont confirmé l’existence d’une faute grave du recourant et la rupture du lien de confiance empêchant la poursuite des rapports de service.

La question du reclassement n’avait pas été définitivement tranchée par le Tribunal fédéral. De plus, le renvoi de la cause pour procéder à la procédure de reclassement n’était pas envisageable vu le texte clair des art. 31 al. 3 et 4 de l’ancienne teneur (ci-après : aLPAC) de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Ils persistaient à demander l’audition du Dr H______ et celle du responsable RH du département auquel était rattaché le secteur SMUR où exerçait le recourant, sollicitées en février 2025, pour éclairer la chambre administrative sur les éventuelles possibilités de reclassement au moment du licenciement. Ils invoquaient la jurisprudence cantonale pour exclure un reclassement du recourant au sein de l’administration cantonale et s’opposaient à un reclassement au sein des HUG ou d’un autre établissement public médical. Le recourant ne pouvait être affecté ni dans les soins avec responsabilités, tel que celui de régulateur à la centrale 144, vu le risque pour la santé publique, malgré l’absence de contact direct, ni dans une fonction ayant moins de responsabilités, comme celle d’aide-soignant, vu qu’elle impliquait un contact avec les patients et qu’elle était colloquée dans une classe inférieure (classe 9) à celle du poste du recourant (classe 15). Il n’avait en outre pas les compétences nécessaires pour occuper un poste administratif ou dans le domaine de la stérilisation, celui-ci prévoyant un salaire en classe 6, soit une classe inférieure à celle du recourant. Dès lors, il n’y avait pas de postes correspondant aux capacités du recourant et ne mettant en jeu la santé, de sorte que le reclassement prescrit par le Tribunal fédéral n’était pas exigible, ce que la chambre administrative était invitée à constater, ce par substitution de motifs.

Compte tenu de la faute commise, les HUG ont indiqué qu’ils ne donneraient pas suite à une éventuelle proposition de réintégration de la chambre de céans en application de l’ancien art. 31 al. 3 aLPAC.

e. Le 14 novembre 2024, la caisse de chômage SIT a informé la chambre administrative qu’elle était subrogée dans les droits du recourant à hauteur du montant versé à ce dernier, qui s’élevait à CHF 68’259.10 au 4 août 2025 avec intérêts moratoires depuis le 14 novembre 2024.

f. Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Comme cela a déjà été jugé dans l’arrêt ATA/1108/2023 précité, le recours, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Vu les mesures d’instruction susmentionnées postérieures à l’arrêt fédéral précité, la chambre administrative écarte les griefs tirés d’une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents et des violations du droit d’être entendu invoquées par le recourant.

2.1 D’une part, le premier grief se recoupe, en grande partie, avec l’examen au fond du litige et sera traité en lien avec la question de savoir si le licenciement litigieux repose sur un motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC.

2.2 D’autre part, la chambre administrative a donné suite aux auditions et demandes de production de documents sollicitées par le recourant, qui a en outre pu se prononcer sur les déclarations des témoins entendus et le contenu des pièces produites par les HUG. Cela étant, le recourant conclut à l’annulation de la décision querellée, vu la gravité des violations du droit d’être entendu, considérant que la chambre administrative ne peut pas les réparer.

2.2.1 La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recours sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2). La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/151/2023 du 14 février 2023 consid. 3b).

2.2.2 En l’espèce, les HUG ont maintenu leur volonté de licencier le recourant, fondée sur l’existence d’un motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC et la rupture du lien de confiance empêchant la poursuite des relations de travail avec le recourant. Ces éléments relèvent de l’établissement des faits pertinents et de l’application du droit, qui entrent tous deux dans le pouvoir d’examen de la chambre administrative (art. 61 al. 1 LPA). Ils n’impliquent pas de choisir entre plusieurs mesures, vu la volonté précitée des HUG clairement opposés non seulement à réintégrer le recourant mais également à tenter de le reclasser. Dès lors, le fait que la chambre administrative ne puisse pas statuer en opportunité (art. 61 al. 2 LPA) n’est pas déterminant pour l’issue du présent litige, les questions litigieuses entrant dans son pouvoir d’examen (art. 61 al. 1 LPA).

Par ailleurs, le recourant a été personnellement entendu par le juge délégué, a participé aux auditions des témoins requises et consulté les pièces sollicitées, puis s’est exprimé à la fin de l’instruction. Dès lors et dans la mesure où la chambre administrative a le même pouvoir d’examen sur les points litigieux que l’autorité intimée, les violations du droit d’être entendu du recourant sont réparées devant la chambre administrative. Les mesures d’instruction menées après l’arrêt du Tribunal fédéral sont propres à effacer les conséquences de ces violations, dans la mesure où les HUG ont clairement manifesté leur volonté de résilier les rapports de travail avec le recourant. La décision litigieuse ne peut donc pas être annulée pour ce seul motif, un renvoi aux HUG aboutissant en outre à un allongement inutile de la procédure vu la position de ces derniers.

3.             Les points litigieux se sont réduits entre le dépôt du recours et la présente procédure. Le grief tiré de l’absence d’enquête administrative a été définitivement écarté par l’arrêt du Tribunal fédéral. Celui lié aux personnes compétentes pour signer la décision querellée a été traité par le premier arrêt de la chambre de céans, auquel il sera renvoyé, sans être contesté devant le Tribunal fédéral, de sorte qu’il n’y sera pas revenu in casu.

4.             Il reste à examiner si le licenciement litigieux repose sur un motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC, dans la mesure où le statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999, dans sa version au 25 janvier 2012 (ci-après : statut) ne prévoit pas de règle particulière à ce sujet.

4.1 Selon l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées par règlement.

Conformément à l'art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a) ; l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ; la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

4.1.1 L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC entrée en vigueur le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration (ATA/783/2016 du 20 septembre 2016). L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; MGC 2005-2006/XI A 10420).

4.1.2 Selon le Tribunal fédéral, le licenciement pour motif fondé au sens de l'art. 21 al. 3 LPAC est une mesure administrative qui ne suppose pas l'existence d'une violation fautive des devoirs de service ; il faut que le comportement de l'employé - dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers - perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2019 consid. 4.1 et 4.2). Selon une jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s'intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l'intéressé (ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019 consid. 8a ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 17a et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, les justes motifs de résiliation ordinaire des rapports de service peuvent procéder de toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait pas éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_676/2021 du 27 juin 2022 consid. 2.3 et les arrêts cités).

L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). Celui-ci exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

Par ailleurs, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif (soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC. Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5).

4.1.3 Les rapports de service étant soumis au droit public, leur résiliation doit respecter les principes constitutionnels généraux, notamment les principes de la légalité, de l'égalité, de la proportionnalité, de la bonne foi, de l'interdiction de l'arbitraire, lors de la fin des rapports de travail des employés (ATA/600/2021 précité consid. 9d ; ATA/479/2020 du 19 mai 2020 consid. 5d).

4.2 Dans son premier arrêt du 10 octobre 2023 (ATA/1108/2023), la chambre administrative a admis la rupture du lien de confiance empêchant la poursuite des rapports de service entre les parties, compte tenu des faits suivants établis sur la base des pièces du dossier.

Premièrement, le recourant, cardiomobiliste depuis deux décennies, admettait avoir pratiqué, le 17 octobre 2022, une intubation sur un enfant de 5 ans alors qu’il n’était pas habilité à le faire. Deuxièmement, il n’avait pas effectué la préparation nécessaire du matériel avant de procéder à l’intubation. Sur ce point, il était relevé qu’il n’avait pas utilisé un tube de la bonne dimension, celui utilisé étant trop petit et non muni d’un ballonnet. Il n’avait pas non plus sorti, ni a fortiori branché, l’indispensable capteur d’EtCO2 (capnographie). C’était seulement après le branchement de cet appareil, demandé par la médecin cadre de la BSC, arrivée quelques minutes après l’intubation, que celle-ci s’était rendu compte que l’enfant n’expirait pas de CO2, signe que le tube se trouvait dans son œsophage et non dans sa trachée. Troisièmement, avant l’arrivée de ladite médecin, l’enfant était ventilé au masque, avec des aspirations du liquide présent dans les voies aériennes. Cela constituait une alternative à l’action du recourant, de sorte que celle-ci ne pouvait, dans ces circonstances, être considérée comme étant indispensable, étant en outre relevé que la médecin cadre de la BSC était arrivée quelques minutes après l’intubation de l’enfant par le recourant. Quatrièmement, par son acte, le recourant avait empêché toute oxygénation de l’enfant entre le moment où la ventilation n’avait plus été pratiquée pour procéder à l’intubation du tube jusqu’à l’introduction d’un tube de bonne dimension dans la trachée du patient par la médecin cadre de la BSC.

La chambre administrative a également retenu que le recourant ne pouvait se dédouaner en prétendant que les deux médecins présents auraient dû lui demander s’il était légitimé à effectuer le geste, y procéder eux-mêmes ou encore l’empêcher d’agir. Il ne pouvait pas non plus invoquer une situation de « blocage » ou la perte de « lead » de la première ambulancière ou des deux médecins présents. Il n’avait pas la responsabilité de débloquer la situation en procédant à l’intubation, ce d’autant plus qu’il était, de par sa fonction, habitué à intervenir dans des situations d’urgence, le cas échéant avec pronostic vital engagé. Le fait que la situation particulière concernant un enfant de 5 ans ait pu être déstabilisante pour le recourant, ayant déjà été confronté dans le passé au décès d’une fillette lors d’une intervention similaire, et qu’il avait pensé bien faire, ne changeait rien au fait qu’il n’était pas habilité à procéder à l’intubation.

La chambre administrative a enfin considéré que le devoir du recourant, bien que choqué par la situation de détresse de l’enfant, était d’aller en parler avec son supérieur hiérarchique, surtout qu’il avait croisé deux membres de sa hiérarchie le lendemain de l’incident dans la loge du SMUR et qu’il ne l’avait pas mentionné, et non de se limiter à des « débriefings » avec les deux médecins et la médecin cadre de la BSC ou d’attendre que le cas soit abordé lors du colloque. En outre, elle a suivi les HUG, estimant que le recourant n’avait opéré aucune réelle remise en cause de son comportement, bien qu’il ait d’emblée admis ne pas pouvoir procéder à l’intubation, et qu’il avait cherché à en faire porter la responsabilité à d’autres, dont à son employeur pour ne pas avoir mis en place des processus clairs.

4.3 Les auditions menées par la chambre administrative, résumées plus haut, confirment les faits pertinents retenus dans le premier arrêt de la chambre de céans.

Aucune partie ne conteste ni le fait que le recourant a procédé à l’intubation du jeune enfant sans y être autorisé, ni le fait que ce geste était nécessaire. Seul restait à définir le moment de l’exécution de l’intubation, point sur lequel l’appréciation du recourant diverge avec celle des Dre B______ et Dr C______, ce qui sera abordé plus bas. Les témoignages recueillis confirment également le fait que le recourant a réalisé l’intubation de sa propre initiative, sans aucune discussion préalable sur cette démarche avec ces deux médecins présents. Ceux-ci ont repris et poursuivi, sans changement, la prise en charge entreprise par les deux premiers ambulanciers, consistant à ventiler l’enfant au moyen du massage cardiaque (compressions) et d’insufflations tout en aspirant les sécrétions, dans l’attente de l’arrivée prochaine de la médecin cadre de la BSC, avertie de la situation et en route.

Il ressort des témoignages que les ambulanciers, y compris le recourant, étaient surpris que les deux premiers médecins arrivés sur place ne procèdent pas d’emblée à l’intubation de l’enfant. Cela étant, l’ambulancier E______ a, d’une part, relevé que la décision d’intuber devait être argumentée et reposer sur des raisons exprimées. D’autre part, il a expliqué que si lui et sa collègue estimaient une ventilation indiquée, il revenait au médecin sur place d’évaluer la situation.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que, dès l’arrivée des Dre B______ et Dr C______, la responsabilité de la gestion de l’urgence médicale leur incombait en l’absence de la Dre F______. En outre, si les deux premiers ambulanciers semblent ne pas avoir été informés des raisons pour lesquelles les deux premiers médecins n’ont pas procédé à l’intubation de l’enfant en arrivant sur place, tel n’est pas le cas du recourant. Dans le véhicule, les Dre B______ et Dr C______ ont exprimé le fait qu’ils ne pouvaient pas procéder à l’intubation. Ils avaient également discuté de la taille du tube à utiliser et l’avait définie suivant l’avis du Dr C______, bien qu’au final le recourant ait utilisé le tube de la taille de celle indiquée, initialement et de manière erronée, par la Dre B______ qui s’était ralliée dans le véhicule à la taille identifiée par le Dr C______. Quoiqu’en pense le recourant, ces éléments ressortent clairement des témoignages recueillis. Le fait qu’aucune décision n’ait été prise dans le véhicule quant à savoir qui allait procéder à l’intubation ne change rien à la situation dans laquelle s’est retrouvé le recourant arrivé sur place. Il en va de même du processus au terme duquel la taille du tube a été correctement identifiée par les médecins, s’étant mis d’accord après la divergence initiale, dans le véhicule.

Quant à la question de savoir s’il fallait ventiler le patient, les témoignages mettent en lumière qu’elle était difficile en raison des régurgitations. Cela étant, ni les deux premiers ambulanciers, ni les deux premiers médecins sur place n’ont considéré que le patient n’était plus oxygéné lorsqu’ils procédaient au massage cardiaque et aux insufflations, précédées de l’aspiration des sécrétions émises par le patient. L’oxygénation du patient n’a été interrompue qu’au moment de l’intubation initiée par le recourant, en l’absence de la médecin cadre de la BSC. Par ailleurs, la Dre B______ a relevé devant la chambre de céans que la présence de vomi laissait penser que les voies respiratoires seraient obstruées par des sécrétions, ce qui compliquerait l’intubation. En outre, lors de la transmission des premiers ambulanciers aux médecins, l’information selon laquelle il y avait des problèmes à ventiler a conduit le Dr C______, selon ses déclarations devant la chambre de céans, à vérifier ce point. Il a alors constaté sentir l’air passer sous ses mains lors des insufflations. Ces éléments ne sont pas en soi contradictoires, quoiqu’en pense le recourant, mais témoignent de la difficulté de la prise en charge et de l’importance de s’assurer concrètement de l’oxygénation du patient. Le fait que cette situation exigeait une intubation rapide selon des avis généraux de tiers non présents lors de l’intervention, produits par le recourant, ne saurait prévaloir sur l’appréciation des médecins directement impliqués, ni s’y substituer, étant en outre précisé que la nécessité d’une intubation n’était pas contestée. Elle ne change par ailleurs rien à la consigne générale, rappelée par les Dres B______ et F______, selon laquelle il est préférable de ventiler un patient que de l’intuber en l’absence d’une personne ayant les compétences requises, vu les risques d’une mauvaise exécution de ce geste et l’absence d’oxygénation du patient pendant celui-ci.

4.4 En l’espèce, l’argumentation du recourant consiste à situer son action sur l’enfant par rapport au comportement qu’il attendait personnellement des Dre B______ et Dr C______. Ce sont ses propres attentes par rapport à ces deux médecins qui le conduisent à alléguer une « situation de blocage » qui serait, selon lui, à l’origine de son geste, l’expliquerait et minimiserait sa faute. Or, cette manière de percevoir la situation d’urgence à laquelle il était objectivement confronté révèle une attitude individualiste et peu rationnelle du recourant, détachée des contraintes de la situation et des risques d’une intubation mal exécutée.

En effet, d’une part, en tant qu’ambulancier, le recourant n’avait pas la responsabilité de l’intervention médicale sur le jeune patient, celle-ci revenant au médecin responsable. De plus et contrairement aux deux médecins et à ce que son attitude pouvait de bonne foi laisser croire à ces derniers, il savait ne pas être autorisé à pratiquer des intubations. Malgré son expérience personnelle en matière d’intubations, reportée sur son logbook, il ne pouvait pas ignorer la procédure, décrite par la Dre F______, exigeant non seulement un certain nombre d’intubations réussies sur le terrain sous la supervision d’un médecin compétent, mais également la validation formelle par le médecin habilité pour obtenir l’autorisation de pratiquer l’intubation. Or, le recourant a in casu agi sans rien demander aux Dre B______ et Dr C______. Le seul fait d’avoir outrepassé cette autorisation de sa propre initiative, et ce sans aucune concertation préalable avec les médecins présents, est une faute professionnelle grave, vu la technicité requise du geste et l’importance de celui-ci sur la vie et la santé du patient. Un tel comportement tend à démontrer que le recourant sous-estime la difficulté technique du geste et les risques pour le patient en cas de mauvaise exécution. En outre, le fait de reprocher à ces médecins de ne pas avoir formulé d’objection à son geste aggrave ce dernier, en ce sens que le recourant n’en assume pas la responsabilité, mais cherche à reporter sur autrui l’échec et l’impulsivité de son acte.

D’autre part, si le motif de l’action du recourant peut être louable, il dénote une attitude peu professionnelle de sa part. En effet, le principe et la nécessité d’une intubation n’étaient in casu pas contestés. Seules ses modalités, et plus précisément le moment de son exécution, devaient être déterminés. La question cruciale à se poser lors de l’intervention litigieuse n’était pas de savoir si on voulait sauver le patient, ce qui était indiscutable, mais d’évaluer les chances de succès de l’intubation sur celui-ci compte tenu d’une mise en balance objective des risques et des avantages d’un tel geste au regard des circonstances. Parmi
celles-ci figurent sans conteste les compétences et l’expérience du personnel médical impliqué, les spécificités liées au patient (très jeune et avec beaucoup de sécrétions) et le moment de l’arrivée de la médecin cadre de la BSC, avertie et déjà en route, ce que le recourant n’ignorait pas bien que le moment exact de son arrivée auprès du patient n’était pas précisé.

À cet égard, la prudence des Dre B______ et Dr C______, fondée principalement sur la conscience de leurs limites en matière d’intubation sur un enfant, contraste nettement avec l’action du recourant qui apparaît précipitée et peu réfléchie, comme cela ressort des déclarations de l'ambulancier E______ (affirmant que tout s’était passé très vite, en une à deux minutes et avoir entendu le recourant exprimer l’idée « je vais l’intuber ») et du Dr C______ (déclarant que presque immédiatement après son échange, le recourant avait dit « j’y vais »). Le recourant a agi spontanément alors qu’il n’avait jamais auparavant fait d’intubation sur un enfant et qu’il ne s'était pas assuré d'avoir tout le matériel nécessaire pour y procéder, en particulier la bonne taille du tube et le dispositif lui permettant de contrôler l’exécution du geste (capnographie). Selon ses déclarations, notamment devant le juge délégué, l’action du recourant repose sur la « nécessité d’une intubation rapide » et sur le fait qu’il approchait des dix intubations réussies dans son logbook, celles-ci ayant toutes été faites sous la supervision de médecins expérimentés et sur des adultes. Il a aussi ajouté en audience que s’il se proposait pour faire l’intubation, le médecin lui disait qu’il pouvait y aller, ce qui signifie qu’en général, il attendait l’aval du médecin compétent avant de procéder à l’intubation, contrairement au cas d’espèce.

La chambre administrative peine à comprendre pourquoi le recourant, ambulancier et non habilité par sa hiérarchie à faire des intubations, qui plus est sur des enfants, écarte, sans discussion avec les médecins responsables, la solution alternative à une intubation immédiate, déjà en cours, sous la responsabilité des Dre B______ et Dr C______, et consistant à ventiler l’enfant et à aspirer les sécrétions, compte tenu de l’arrivée prochaine, bien que non précisée, de la médecin cadre de la BSC et du fait que le jeune patient était oxygéné, sous la responsabilité de la cheffe de clinique en pédiatrie et du chef de clinique en urgences. Le fait que le recourant ignorait le moment exact de l’arrivée de la médecin cadre de la BSC ne change rien au fait que celle-ci, en route, n’allait pas tarder. L’attitude du recourant est d’autant moins compréhensible que la décision d’intuber n’était pas contestée par les médecins, seul le moment de son exécution restait à fixer, décision dont la responsabilité incombait aux médecins et non au recourant. À cela s’ajoute, comme l’a par ailleurs déclaré l’ambulancier E______, que l’exécution d’un tel geste doit reposer sur une analyse objective et circonstanciée de la situation dans l’intérêt du patient, et ce en dépit du stress suscité par les circonstances particulières, peu usuelles s’agissant d’un ACR sur un jeune patient. En outre, s’il semble que l’action des deux premiers médecins arrivés sur place n’a pas été verbalisée à voix haute, il n’en demeure pas moins qu’ils étaient coordonnés et attentifs au fait que le patient soit dûment ventilé, élément fondamental selon les déclarations de la Dre F______ affirmant qu’il valait mieux ventiler un patient que mal l’intuber et précisant que, pendant le geste technique de l’intubation, la ventilation était interrompue.

Dans ces circonstances, l’attitude du recourant, bien que sans doute motivée par une bonne intention de vouloir sauver le jeune patient, est objectivement injustifiable et de nature à rompre le lien de confiance avec sa hiérarchie. Son supérieur hiérarchique, G______, ne peut qu’être suivi lorsqu’il soutient que le recourant avait le choix et qu’il a choisi d’effectuer un acte téméraire en toute connaissance de cause au lieu de s’en tenir à une oxygénation. En effet, le recourant a fait fi de la répartition des responsabilités, dans ce type d’intervention concernant qui plus est un jeune patient, avec les médecins, surtout qu’il n’est formellement pas habilité à procéder à des intubations et qu’il n’a pas expressément demandé l’autorisation aux Dre B______ et Dr C______, comme il déclare le faire habituellement. En outre, il a décidé, malgré ses propres limites professionnelles, d’intuber l’enfant, alors que le jeune patient était ventilé par les médecins et que la médecin cadre de la BSC allait arriver. À cela s’ajoute son comportement postérieur à l’incident, déjà évoqué dans le premier arrêt, en particulier le fait de tenter de justifier son geste en mettant en cause les deux premiers médecins présents, par divers reproches tels qu’absence de leadership, absence d’opposition à son geste, état de stress. Cela ne fait que mettre en évidence les carences du recourant quant aux paramètres nécessaires à prendre en compte face à une telle situation, particulièrement délicate, en particulier les risques d’une intubation mal exécutée sur la santé et la vie du patient, tels que l’absence d’oxygénation du patient pendant ce geste et dans l’hypothèse où le tube n’est pas dûment introduit dans la trachée. Ces carences se sont en l’espèce concrétisées sous la forme d'une exécution imparfaite de l'acte médical entrepris et ont révélé différentes erreurs du recourant, détaillées dans le premier arrêt auquel il sera renvoyé, en particulier s’agissant des défaillances dans la préparation de l’intubation telles que le fait de ne pas avoir anticipé la nécessité de contrôler la réussite ou non de son geste au moyen de la capnographie et d’avoir omis de préparer ce dispositif, pourtant central en matière d’intubation.

L’ensemble de ces éléments tend à asseoir le sentiment de la Dre F______, exprimé dans sa note du 12 janvier 2023, selon lequel le recourant avait effectué l’intubation « comme une opportunité de se réaliser ». En effet, le recourant insiste sur le nombre d’intubations à son actif, sur la gestion, inadéquate à son sens, de la situation par les Dre B______ et Dr C______ et sur la nécessité de procéder à une intubation rapide. Or, il n’a jamais pris en compte, dans sa décision d’intuber, les risques découlant d’une mauvaise exécution du geste sur la santé et la vie du jeune patient, et ce alors qu’il n’était pas autorisé à faire des intubations. Quant à la situation « de blocage » qu’il attribue à ces deux médecins, il ne s’agit pas d’une donnée factuelle, mais d’une appréciation personnelle de la situation par le recourant, qui est différente de l’approche prudente suivie par les deux médecins, comme déjà décrit plus haut. Si certes le recourant a d’emblée admis ne pas avoir l’autorisation de procéder à des intubations et qu’il a pu être choqué par la situation de détresse du jeune patient, il n’en demeure pas moins qu’il lui appartenait de se manifester directement auprès de sa hiérarchie après l’incident, ce d’autant plus vu ses graves défaillances dans l’exécution de l’acte lui-même, telles que détaillées dans le premier arrêt auquel il sera renvoyé.

Au vu de ces éléments, l’attitude du recourant, tant pendant l’intervention litigieuse qu’après celle-ci, peut, selon les règles de la bonne foi, conduire les HUG à considérer que le lien de confiance est définitivement rompu, excluant la poursuite de leurs rapports de service. D’ailleurs, le Tribunal fédéral juge que l’intubation pratiquée par le recourant de sa propre initiative et en dehors du cadre protocolaire pouvait confirmer dans une certaine mesure l’appréciation d’« électron libre » faite lors de son évaluation de 2016 et faire craindre qu’il puisse à nouveau agir sans tenir compte des règles et des procédures à suivre au sein de l’unité en cause et mettre ainsi en péril la santé voire la vie des patients. Fondé sur un motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC et de la jurisprudence susmentionnée, le licenciement litigieux est de ce point de vue conforme au droit et doit être confirmé.

Le recours est donc rejeté sur ce point.

5.             Compte tenu de cette issue et de l’arrêt 1C_609/2023 précité du Tribunal fédéral, qui lie la chambre administrative, celle-ci est tenue de renvoyer la présente cause aux HUG pour qu’ils ouvrent la procédure de reclassement, qu’ils n’ont, à tort selon le Tribunal fédéral, pas initiée, en particulier s’agissant d’une autre fonction ou à un autre poste au sein des HUG ou d’un autre établissement public médical notamment, qui ne mette pas en jeu la sécurité, la santé ou la vie des patients (consid. 4).

5.1 Certes, selon l’art. 48A statut, lorsque les éléments constitutifs d’un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors de l’entretien de service, un reclassement selon l’art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein des établissements publics médicaux et que l’intéressé au bénéfice d’une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). Comme l’a déjà relevé la chambre administrative (ATA/1144/2024 du 1er octobre 2024 consid. 6.2 ; ATA/726/2024 du 18 juin 2024 consid. 7.2), le reclassement prévu à l’art. 48A al. 1 statut, règle spéciale applicable au personnel des HUG, est limité aux postes disponibles au sein des « établissements publics médicaux » ; il ne vise donc pas ceux de l’ensemble de l’administration cantonale comme le prévoit l’art. 46 RPAC.

Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’employeur public de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 6.2 ; ATA/560/2025 du 20 mai 2025 consid. 7.4 ; ATA/506/2022 du 17 mai 2022 consid. 9b). La loi n’impose toutefois pas à l’employeur public une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/506/2022 précité consid. 9b). L’employeur est tenu d’épuiser les possibilités appropriées et raisonnables pour réincorporer l’employé dans le processus de travail et non de lui retrouver coûte que coûte une place de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 précité consid. 6.2).

Seules des circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l'intérêt public et privé de nombreux employés de l'État sur l'intérêt privé de la personne licenciée (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9c ; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h).

5.2 Toutefois, lorsque la procédure de reclassement aurait dû être mise en place, comme l’a jugé le Tribunal fédéral dans la présente espèce, et qu’elle ne l’a pas été, il s’agit, selon la jurisprudence cantonale, d’une erreur de procédure rendant la décision de résiliation des rapports de service contraire au droit (ATA/560/2025 précité consid. 7.5 ; ATA/778/2019 du 10 décembre 2019 et ATA/677/2017 du 20 juin 2017, dans une même affaire concernant les HUG, confirmés respectivement par les arrêts du Tribunal fédéral 8C_96/2020 du 15 octobre 2020 et 8C_561/2017 du 29 août 2018). Dans un tel cas, que ce soit au regard de l’ancien art. 31 al. 3 aLPAC dans sa teneur en vigueur au moment du prononcé de la décision de résiliation litigieuse ou de la teneur actuelle de l’art. 31 al. 3 LPAC, la chambre administrative peut proposer à l’autorité compétente la réintégration, mais elle ne peut pas l’ordonner. En cas de décision négative de l'autorité compétente ou de refus du recourant, la chambre administrative fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois et supérieur à 24 mois du dernier traitement brut à l'exclusion de tout autre élément de rémunération (art. 31 al. 4 LPAC).

5.3 Ainsi, la chambre administrative ne peut en l’espèce, à teneur du droit cantonal applicable, que proposer aux HUG la réintégration du recourant, puisque le licenciement litigieux repose sur un motif fondé mais qu’il est intervenu, à tort selon le Tribunal fédéral, sans reclassement préalable du recourant. Or, l’autorité intimée a déjà exprimé son refus face à une telle proposition. Elle a également indiqué les raisons, exposées plus haut, pour lesquelles elle estime que le reclassement prescrit par le Tribunal fédéral n’était pas exigible au moment du prononcé du licenciement querellé. Dans ces circonstances et en vertu du principe d’économie de procédure, la chambre administrative prend acte de la décision des HUG de refuser de réintégrer le recourant au sein de son personnel et, a fortiori, de tenter de lui trouver un poste qui serait adapté à ses compétences et qui ne mettrait pas en jeu la sécurité, la santé ou la vie des patients. Une fois le présent arrêt entré en force et après avoir entendu les parties, la chambre administrative se prononcera sur la question d’une éventuelle indemnité au sens de l’art. 31 al. 4 LPAC en faveur du recourant.

Le recours est dès lors partiellement admis.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 1'000.- est mis à la charge du recourant, qui succombe en grande partie (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, dans la mesure où l’admission partielle du présent arrêt découle de l’injonction de l’arrêt 1C_609/2023 précité du Tribunal fédéral. Les HUG disposant d’un service juridique, aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/605/2021 du 8 juin 2021 et les références citées).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juin 2023 par A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 12 mai 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate que la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 12 mai 2023 est contraire au droit ;

prend acte du refus des Hôpitaux universitaires de Genève de réintégrer A______ au sein de son personnel et de procéder à son reclassement ;

réserve la question d’une indemnité dans le sens des considérants ;

met un émolument, réduit, de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature des recourants ou de leur mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane GRODECKI, avocat du recourant, à Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève, ainsi qu’à la caisse de chômage SIT pour information.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :