Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/815/2025 du 23.07.2025 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3808/2024-EXPLOI ATA/815/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 23 juillet 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Pierre MAYE, avocat
contre
OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé
A. a. A______ (ci-après : A______), avec siège à Genève, inscrite au registre du commerce depuis le 8 septembre 1999, est une société active dans le courtage en assurances, travaux de fiduciaire, comptabilité et crédit.
b. Le 23 janvier 2023, dans le cadre d'un contrôle du respect du salaire minimum, l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail (ci‑après : OCIRT) a demandé à A______ de lui transmettre les documents suivants : la liste de l’ensemble du personnel actif dans l’entreprise, les contrats de travail, les fiches de salaire, l’attestation des salaires, le mode de calcul des salaires annuels, ainsi que le mode d’enregistrement de la durée du travail du personnel.
c. Par courriel du 28 février 2023, la société a transmis des documents pour les trois catégories de travailleurs occupés par l’entreprise (apporteurs d’affaires, service externe [courtiers] et service interne).
d. Par courrier du 15 mars 2024, intitulé « avertissement et droit d’être entendu avant le prononcé d’une sanction administrative », l’OCIRT a rappelé que tout employeur devait pouvoir lui fournir en tout temps un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d’heures de travail effectuées. Or, dans son cas, le nombre d’heures travaillées ne pouvait être déterminé.
La société était invitée à produire les justificatifs de stage de préapprentissage pour trois travailleurs du service interne, soit B______ et C______, annoncés comme stagiaires, et D______, annoncée comme étant en préapprentissage.
e. Par courriel du 23 avril 2024, la société a indiqué que l’activité et la rémunération des collaborateurs au service externe répondaient point par point aux dispositions concernant les voyageurs de commerce. Les commissions versées à ses agents étaient calculées de façon à permettre, pour autant que leur temps de travail soit réellement de 100%, d’atteindre les standards minimaux genevois. Ses collaborateurs au service externe étaient payés à la commission et selon le temps de travail effectué. Lorsqu’un conseiller n’atteignait pas le salaire minimum, c’était qu’il n’avait pas travaillé à 100%, c’était pourquoi les collaborateurs devaient indiquer sur leurs fiches de salaire le temps de travail effectué. Le salaire versé correspondait donc bien au taux horaire requis par la loi. Cela était convenu tacitement et de façon orale avec les collaborateurs du service externe.
Elle a transmis l’ensemble des décomptes que les agents avaient reçus tous les mois avec le montant commissionné pour chaque contrat. Pour ce qui concernait les heures de travail de ces collaborateurs, il serait ingérable de tenir des registres horaires du fait que les personnes utilisaient comme elles l’entendaient leur temps pour visiter les clients et qu’elles ne devaient en aucun cas faire des heures de présence au bureau. Elles ne devaient pas non plus effectuer du travail administratif. Elles géraient leur temps de travail comme elles le souhaitaient, seuls les employés du service interne étant soumis à des heures de présence au bureau. Il était donc impossible de mettre en place un système de contrôle des heures de travail pour les collaborateurs du service externe, d’où l’obligation mise en place de tenir des agendas. Elle était ouverte à toute solution lui permettant d’enregistrer le temps de travail des courtiers voyageurs de commerce.
Elle a également transmis des contrats de stage et différentes attestations concernant B______, C______ et D______.
f. Par courrier du 7 mai 2024, également intitulé « avertissement et droit d’être entendu avant le prononcé d’une sanction administrative », l’OCIRT a informé l’entreprise que sa pratique consistant à ne pas contrôler les heures de travail pour les collaborateurs du service externe constituait une violation de l’art. 39M de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05). La rémunération des salariés du service externe était basée essentiellement, sinon exclusivement, sur les commissions générées par leur activité et en aucune manière sur les heures effectivement travaillées. Il réitérait sa demande de mettre en place sans délai un enregistrement du temps de travail pour l’ensemble des travailleurs de l’entreprise, y compris les travailleurs du service externe.
S’agissant en particulier de B______, le contrat de stage validé par l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC) portant sur la période allant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 était reconnu au sens de l’art. 39J LIRT. En revanche, les heures de travail fournies au cours de la période ultérieure, soit dans le cadre du contrat de durée déterminée allant du 1er septembre 2021 au 31 août 2023 étaient soumises au salaire minimum cantonal. Employée à 50% du 1er septembre 2021 au 31 août 2023 (suite à un stage validé par l’OFPC du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021), l’intéressée avait perçu un salaire mensuel brut de CHF 1'800.- pour 21 heures de travail hebdomadaire, au lieu de :
- CHF 2'105.74 brut en 2021, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 305.74 brut ; la différence de salaire totale pour l’année 2021 étant de CHF 1'226.96 brut ;
- CHF 2'117.57 brut en 2022, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 317.57 brut, compte tenu du versement d’une commission de CHF 1'092.50 en janvier 2022, la différence de salaire totale pour l’année 2022 étant de CHF 2'718.34 brut ;
- CHF 2'184.- brut en 2023, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 384.- brut ; la différence de salaire totale pour l’année 2023 étant de CHF 3'072.- brut.
Le rattrapage de salaire à effectuer en application du salaire minimum cantonal en sa faveur, pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2023, était de CHF 7'031.30 brut.
S’agissant de D______, aucun justificatif n’avait été fourni concernant le préapprentissage annoncé, si bien que les heures de travail fournies au cours de la période allant du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022 étaient soumises au salaire minimum cantonal. Employée à 100% du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022, l’intéressée avait perçu un salaire horaire de CHF 11.- brut en décembre 2021 et, dès janvier 2022, un salaire mensuel brut de CHF 1'125.- brut pour 42 heures de travail hebdomadaire, au lieu de :
- CHF 23.14 brut de l’heure pour 37.5 heures de travail en décembre 2021, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 12.14 brut de l’heure ; la différence de salaire totale pour l’année 2021 étant de CHF 455.25 en tout ;
- CHF 4'235.14 brut en 2022, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 3'110.14 brut, la différence de salaire totale de janvier à mars 2022 étant de CHF 9'330.42 brut.
Le rattrapage de salaire à effectuer en application du salaire minimum cantonal en sa faveur, pour la période du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022, était de CHF 9'785.67 brut.
La société était invitée à faire parvenir ses observations.
g. Le 25 juin 2024, la société a conclu à ce qu’aucune sanction ne soit prononcée à son encontre. Elle contestait avoir violé la LIRT. S’agissant de l’enregistrement du temps de travail, le service interne ne posait pas de problème et tous les documents avaient été fournis. Pour les travailleurs du service externe, elle souhaitait être informée sur la pratique à adopter pour enregistrer le temps de travail des voyageurs de commerce, étant précisé que la tenue d’un timesheet n’était pas envisageable. À défaut de solution pragmatique, la pratique esquissée de l’OCIRT aurait comme fâcheuse et principale conséquence de participer à la disparition du salaire à la commission dans le canton de Genève.
Le stage de B______ s’était poursuivi jusqu’au 31 août 2023. Cette période était donc exemptée du contrôle du salaire minimum et ne devait pas faire l’objet d’un quelconque rattrapage. Dès le 1er septembre 2023, elle avait été engagée à 50% et son salaire était versé conformément à la législation cantonale, comme cela ressortait de ses fiches de salaire pour les mois d’avril et mai 2024.
D______ avait été en préapprentissage du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022. Aucun rattrapage n’entrait donc en ligne de compte, l’apprentissage étant une exception au salaire minimum.
Elle contestait son manque de collaboration. Elle avait toujours fourni en toute transparence et en grande quantité les documents requis et avait essayé de comprendre ce qui était attendu d’elle. Elle n’avait par ailleurs aucun antécédent.
h. Le 5 août 2024, l’OCIRT a rappelé que si les travailleurs du service externe n’étaient pas soumis à un enregistrement du temps de travail au sens de de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11), l’employeur n’en était pas moins tenu de se conformer à l’obligation que lui imposait l’art. 39M LIRT. Il a contesté l’affirmation selon laquelle le service interne ne posait pas de problème au regard de l’application de la LIRT.
Selon les documents transmis par la société, B______ était occupée à raison de 42 heures par semaine de septembre 2021 à août 2023, son taux ne passant à 50% qu’à compter du 1er septembre 2023. Son courrier du 7 mars 2024 retenait par erreur un taux d’activité de 50% dès le 1er septembre 2021. Employée à 100% du 1er septembre 2021 au 31 août 2023 (suite à un stage validé par l’OFPC du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 et à l’obtention de son certificat fédéral de capacité [ci-après : CFC] en juin 2021), l’intéressée avait perçu un salaire mensuel brut de CHF 1'800.- pour 42 heures de travail hebdomadaire, au lieu de :
- CHF 4'211.48 brut en 2021, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 2'411.48 brut ; la différence de salaire totale pour l’année 2021 étant de CHF 9'645.92 brut ;
- CHF 4'235.14 brut en 2022, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 2'435.14 brut, compte tenu du versement d’une commission de CHF 1'092.50 en janvier 2022, la différence de salaire totale pour l’année 2022 étant de CHF 28'129.18 brut ;
- CHF 4’368.- brut en 2023, en application du salaire minimum cantonal, soit une différence mensuelle de CHF 2’568.- brut ; la différence de salaire totale pour l’année 2023 étant de CHF 20’544.- brut.
Le rattrapage de salaire à effectuer en application du salaire minimum cantonal en sa faveur, pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2023, était de CHF 58'319.10 brut.
Il a repris les calculs de son courrier du 7 mai 2024 s’agissant de D______.
Il a réitéré sa demande de mettre en place sans délai un enregistrement du temps de travail pour l’ensemble des travailleurs de l’entreprise, à compris ceux du service externe.
La société était invitée à faire parvenir ses observations.
i. Le 16 septembre 2024, la société a contesté le taux d’activité de B______ de 100%, précisant qu’il était de 50% jusqu’au 31 août 2023. D______ était préapprentie jusqu’au 31 mars 2022.
Elle avait d’ores et déjà mis en place un enregistrement du temps de travail pour le service interne au moyen de fichiers Excel remplis de mois en mois par les employés. Elle ne parvenait pas à comprendre le traitement réservé au service externe et l’application de l’art. 39M LIRT. La mise en place d’un tel système était excessivement compliquée, chronophage et lourde d’un point de vue administratif. Elle souhaitait que l’OCIRT lui explique, de manière constructive et claire, comment elle devait s’y prendre pour enregistrer le temps de travail des employés du service externe, qui étaient des voyageurs de commerce payés à la commission. Il ne s’agissait pas d’un refus de collaborer mais d’une véritable et légitime interrogation d’une entreprise au sujet des nouvelles règles et de leur application en pratique.
j. Par décision du 11 octobre 2024, l'OCIRT a infligé à A______ une amende administrative de CHF 20'200.- en application de l’art. 39N al. 1 LIRT, mis à sa charge un émolument de CHF 100.- en vertu des art. 42 LIRT et 66A du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01) et fixé les frais de contrôle à CHF 2'550.- en application de l’art. 42 LIRT et 66B RIRT. Il a réservé les procédures de contrôle et de mise en conformité au droit public.
Dans le cadre de son contrôle, l’OCIRT avait constaté qu’A______, occupant habituellement des travailleurs dans le canton de Genève, ne respectait pas le salaire minimum prévu à l’art. 39K al. 1 LIRT à l’égard de deux employés, B______ et D______. Sur la base des renseignements et documents partiels remis, la sous-enchère salariale s’élevait à CHF 58'319.- brut pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2023 s’agissant de B______ et à CHF 9'330.42 brut pour la période du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022 s’agissant de D______.
Par ailleurs, la société n'avait pas respecté son devoir de collaboration dès lors qu'elle n'avait pas remis tous les renseignements et documents demandés à plusieurs reprises, permettant à l'office d'effecteur le calcul du salaire minimum.
Pour fixer le montant de l’amende, dont le maximum était de CHF 30'000.-, l’OCIRT avait pris en compte la durée des faits litigieux (du 1er novembre 2020 au 31 janvier 2024), le nombre de travailleurs concernés et la gravité des infractions commises. En outre, malgré les demandes de mise en conformité adressées les 7 mai, 5 juin et 5 août 2024, A______ n’avait procédé à aucune des mises en conformité demandées.
k. Le même jour, l’OCIRT a établi une facture d’un montant de CHF 22'850.- (CHF 20'200.- d’amende ; CHF 100.- d’émoluments de sanction et CHF 2'550.- de frais de contrôle).
B. a. Par acte du 14 novembre 2024, A______ a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision et la facture datées du 11 octobre 2024, concluant principalement à leur annulation. À titre préalable, elle a sollicité la production par l’OCIRT de « l’entièreté du dossier ».
Elle n’avait pas violé son obligation de collaborer : elle avait toujours répondu aux courriers de l’OCIRT dans les délais impartis et transmis tous les documents nécessaires, sous réserve des documents du service externe. Le service externe était composé d’employés qui géraient librement leur temps de travail, qui n’étaient pas soumis à un horaire et qui étaient rétribués à la commission. La rémunération à la commission était un mode de rémunération variable qui ne se prêtait pas à une comptabilisation rigide des heures de travail. L’absence d’horaire était un élément important du cadre de l’organisation de travail. Il lui était « matériellement impossible » d’assurer un contrôle des horaires des employés du service externe. Elle avait fourni des documents concernant le service externe, notamment des agendas des employés concernés. L’obliger à mettre en œuvre une surveillance des heures de travail était « impossible concrètement », comme elle n’avait eu de cesse de l’expliquer à l’OCIRT.
Il n’y avait pas de violation des règles de la LIRT sur le salaire minimum concernant B______ et D______. Elle avait fourni un contrat de stage et une attestation signés par B______ indiquant qu’elle avait poursuivi son stage jusqu’au 31 août 2023, période durant laquelle elle avait poursuivi sa formation. Elle avait également fourni plusieurs documents démontrant que D______ était préapprentie depuis le 20 décembre 2021 jusqu’au 31 mars 2022. Cette période était donc exemptée du contrôle du salaire minimum.
L’OCIRT avait violé le principe de la bonne foi en ne répondant pas à ses questions sur la façon dont elle devait calculer le temps de travail des employés du service externe et en rendant « de manière abrupte » une décision à son encontre.
La décision entreprise n’était pas suffisamment motivée. L’OCIRT s’était borné à constater qu’elle avait prétendument violé son obligation de collaborer, sans même examiner si une violation du salaire minimum était survenue. Il n’avait pas non plus expliqué pourquoi il ne prenait pas en considération les arguments et documents fournis pour B______ et D______.
Si, par impossible, la chambre administrative devait confirmer le principe d’une sanction, l’amende devait être fortement réduite. Elle n’avait aucun antécédent, avait entièrement collaboré à la procédure, aucune faute ne lui était imputable, le montant de la prétendue sous-enchère salariale était peu important et ne concernait que deux employés sur 36, les périodes concernées étaient peu étendues et ses moyens financiers n’avaient pas été pris en compte.
Enfin, les frais de contrôle apparaissaient comme « largement disproportionnés » et devaient être réduits.
b. Par réponse du 27 janvier 2025, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.
Il ne remettait pas en cause le mode de rémunération choisi pour les voyageurs de commerce. Or, ni le mode de rémunération ni la liberté donnée aux employés d’organiser leur temps de travail ne constituaient des obstacles à une forme d’enregistrement du temps de travail. Un crayon et un papier suffisaient à noter l’heure de début et de fin de l’activité déployée en faveur de l’employeur, ainsi que les heures des pauses interrompant ces périodes. Ces relevés pouvaient ensuite être transmis à l’employeur pour qu’il procède à leur éventuelle vérification et qu’il les conserve en vue de respecter son obligation légale de présentation des documents. À titre de demi-mesure, la recourante avait parfois fait attester les employés de leur taux d’activité global durant le mois, en signant une formule, au bas d’une fiche de salaire, confirmant qu’un certain taux d’activité avait été déployé. Une telle manière de faire n’était cependant pas conforme à l’obligation légale de tenir un détail des heures travaillées. Il s’agissait en effet d’un document rempli a posteriori et qui pouvait, en une ligne, être rempli pour faire correspondre le salaire versé au salaire horaire. En outre, le texte clair de la loi imposait un état détaillé des heures, ce qui ne correspondait pas à un taux global d’activité. Dans tous les cas, les contrats des voyageurs de commerce ne prévoyaient pas de durée hebdomadaire ou mensuelle du travail. Faute d’un tel référentiel, un taux d’activité n’avait pas de sens pratique. Il fallait relever la contradiction entre la prétendue impossibilité de tenir des registres horaires pour les travailleurs du service externe et l’indication de taux d’activité très précis sur les fiches de salaire. La recourante n’avait toutefois jamais expliqué la méthode ayant permis d’établir ces taux, en dépit de ses demandes des 5 mars et 5 août 2024. Ainsi, par son refus de mettre en place un système d’enregistrement du temps de travail pour ses employés du service externe, la recourante avait violé les dispositions sur le salaire minimum et faisait obstacle au contrôle de celui-ci. Dans un arrêt récent ATA/39/2025, la chambre administrative avait confirmé qu’une entreprise rémunérant des courtiers uniquement à la commission, sans que ceux-ci ne soient soumis à une obligation de présence au sein de locaux de l’employeur, restait soumise à l’obligation d’enregistrer le temps de travail et de fournir les documents y relatifs.
La période postérieure au contrat de stage de B______ et l’obtention du CFC n’avait pas fait l’objet d’une validation ou suivi par l’OFPC. Elle ne remplissait dès lors pas les conditions pour bénéficier d’une exemption. Il n’existait au demeurant aucune convention tripartite entre la recourante, la stagiaire et l’OFPC s’agissant du préapprentissage de D______. Ainsi, pour les deux employées, le salaire minimum cantonal devait être respecté.
S’agissant de la prétendue violation du principe de la bonne foi, le site Internet de l’OCIRT disposait d’une page intitulée « enregistrement du temps de travail », laquelle proposait un lien avec un document du SECO décrivant pas moins de six méthodes d’enregistrement du temps de travail. S’il aurait été opportun de la renvoyer à la consultation de ce document, l’absence de référence à celui-ci ne constituait en aucun cas une violation du principe de la bonne foi. Il peinait du reste à comprendre pourquoi les employés du service externe ne pourraient pas remplir, eux aussi, le fichier Excel qui était rempli par les employés du service interne.
S’agissant du montant de la sanction, il était justifié pour des raisons d’équité entre les administrés : on ne saurait punir plus légèrement un employeur dont la collaboration avait permis de mettre en lumière une infraction qu’un employeur faisant obstacle au contrôle et pour lequel l’existence ou l’étendue de l’infraction n’avait pas pu être déterminée. La recourante avait commis des violations du salaire minimum avérées pour deux employées et avait fait obstacle au contrôle en refusant de collaborer. Trois demandes de mise en conformité lui avaient été adressées pour lui permettre de démontrer sa volonté de rétablir une situation conforme au droit. Or, l’intéressée s’était réfugiée derrière une prétendue impossibilité d’enregistrer le temps de travail pour persister, à dessein, dans son refus de collaborer. Composée de 43 employés, elle n’était pas d’une taille modeste et disposait des moyens nécessaires à la mise en place des mesures commandées par la loi. Ces éléments conduisaient à considérer sa faute comme grave. Le fait qu’il ne s’agissait pas d’une récidive avait été pris en considération. Sa collaboration ne pouvait être qualifiée de très bonne. Le fait que les documents demandés n’existaient pas au moment du début du contrôle n’empêchait pas, suite aux demandes réitérées, de mettre en place un système pour pallier les défaillances organisationnelles. Le relativement faible montant de la sous-enchère salariale ne pouvait être retenu sans rappeler que le montant total et réel de celle-ci ne pouvait faire l’objet d’un chiffrage en raison de son absence de collaboration. Enfin, elle n’avait donné aucune indication quant à ses moyens financiers propres.
c. La société a répliqué le 23 avril 2025.
B______ n’avait travaillé que 21 heures durant la période litigieuse et non 42. Quant à D______, son occupation hebdomadaire était de 40 heures, et non de 42 heures. Elle a rappelé que si elle n’avait pas pu fournir les documents concernant le temps de travail du service externe, c’était parce que ces documents n’existaient pas. Elle n’avait pas les moyens matériels de comptabiliser les heures de travail des employés du service externe. Elle n’avait pas apposé a posteriori le taux d’activité de ses employés, mais avait calculé en se basant sur le salaire minimum à 100% la part de rémunération si l’employé n’arrivait pas à ce montant mensuel de par son activité. Cette manière de faire avait été guidée par les spécificités de l’activité de courtier, notamment de l’entière liberté et flexibilité dont les employés du service externe jouissaient, ce qui avait été attesté par ces derniers. L’OCIRT faisait une mauvaise interprétation de la LIRT et appliquait schématiquement une règle de droit à une entreprise qui n’était tout simplement pas en mesure de fournir une récapitulation du temps de travail de ses employés courtiers, payés à la commission.
d. Lors de l’audience de comparution personnelle du 13 juin 2025, E______, assistante du gérant de la société, a indiqué qu’elle avait établi une attestation de stage pour B______ pour la période de juillet 2021 à juin 2023. Elle était inscrite en voie duale, étant précisé que l’annexe à la pièce 8 ne correspondait pas à sa situation.
Le représentant de l’OCIRT a indiqué avoir appris en avril 2025 que B______ était en formation durant cette période. Il a produit un document par lequel il avait recalculé le montant de la sous-enchère en tenant compte de cet élément. Il maintenait qu’il n’y avait pas eu de contrat de stage durant la période 2021 à 2023, dans le sens d’un stage exempté des conditions de la loi. Il aurait fallu que la société produise un contrat de stage validé par l’institut de formation. Or, renseignements pris, l’école F______ ne requérait pas de contrat de stage, mais un contrat de travail. La formation en voie duale suivie par la précitée était prévue pour les étudiants « en emploi ». Dans ce cas, il ne s’agissait pas d’un stage mais d’un emploi.
S’agissant de l’engagement de D______, E______ a expliqué avoir reçu une candidature pour un pré-apprentissage. La société avait été d’accord de la former. Elle avait commencé à travailler le 20 décembre 2021. Ensuite, il y avait eu les féries, les périodes d’incapacité de travail, suivies de sa démission en mars 2022. Ils l’avaient donc très peu vue.
Le représentant de l’OCIRT a indiqué n’avoir pas tenu compte des trois jours d’arrêt maladie en mars 2022. Cela posait la question de savoir s’il fallait tenir compte de trois jours non rémunérés. Si ces déductions étaient prévues contractuellement, elles auraient pu être prises en compte. Il n’avait toutefois pas reçu le contrat de travail pour le confirmer.
Le gérant de la société a indiqué avoir toujours affirmé qu’il n’était pas possible de comptabiliser les heures de travail des employés du service externe. L’OCIRT ne l’avait pas aidé à trouver une solution. Les attestations établies en avril 2025 permettaient de montrer que tout le personnel était au courant de cette situation et qu’il jouissait d’une liberté et d’une flexibilité totales, qui étaient très importantes pour l’accomplissement de leur activité. Cela était d’ailleurs inhérent à leur activité. Leurs employés appréciaient cette « grande liberté ». Ils pouvaient partir en vacances durant trois mois sans demander un accord préalable. C’était cette liberté que leur offrait la société.
Le représentant de l’OCIRT a relevé que quand bien même les employés du service n’étaient pas tenus d’enregistrer leurs heures au sens de la LTr, la société devait fournir un relevé d’heures, conformément à l’art. 39 LIRT. Ils l’avaient invitée à plusieurs reprises à expliquer comment cela était possible de retenir des taux d’activité très précis par mois alors que, selon elle, il était impossible d’enregistrer le temps de travail. Les fiches de salaire donnaient des résultats invraisemblables qui ne correspondaient pas du tout au cours ordinaire des choses. Le principe de la rémunération par commission n’était pas remis en cause, mais celui-ci devait respecter le minimum salarial. L’employeur devait organiser la saisie du temps de travail, ce qui n’avait pas été fait dans le cas d’espèce. Le courtier devait fournir à son employeur un décompte mensuel des heures effectuées. Il s’agissait d’une obligation minium, n’étant pas soumis à la LTr.
Le gérant de la société a répondu qu’il avait déjà expliqué à l’OCIRT, par téléphone, que les taux d’activité ne correspondaient pas à des heures de travail mais à la rémunération mensuelle en fonction des commissions. Les fiches de salaire avaient été établies dans le seul but de se conformer à la LIRT. La société restait ouverte à toute proposition de la part de l’OCIRT. Il regrettait que l’OCIRT n'ait pas rendu visite à la société, ce qui lui aurait permis de constater que les conditions de travail étaient bonnes. Il contestait fermement l’assimilation que faisait l’OCIRT de sa société aux « bandes de courtiers », qui étaient des escrocs. Il menait également un combat contre ces personnes.
Le représentant de l’OCIRT a également contesté cette assimilation et rappelé que le problème résidait dans le fait qu’il n’avait aucune indication quant aux taux d’activité des courtiers et aux heures effectivement réalisées. La solution la plus simple consisterait en un enregistrement par le salarié d’un nombre d’heures. Ensuite, il faudrait lisser ce nombre d’heures à hauteur du salaire minimum, étant précisé que l’OCIRT acceptait le 13e salaire. En début de contrat, il s’agirait d’avances sur commissions.
Le gérant de la société a répondu qu’il pourrait avancer dans ce sens et envisager que le courtier mentionne de façon approximative le nombre d’heures effectué chaque mois.
Enfin, le représentant de l’OCIRT a confirmé qu’il n’avait pas retenu de
sous-enchère en tant que tel pour les salariés du service externe. Ils avaient toutefois retenu un manque de collaboration, à savoir l’absence de production des documents requis par la LIRT. Il était exact que la recourante avait mis en place un système pour complaire à leurs exigences. Celui-ci ne permettait toutefois pas d’effectuer le contrôle. En revanche, elle n’avait jamais répondu à leur demande de préciser comment les taux figurant dans les fiches de salaire avaient été établis. Il contestait en avoir parlé au téléphone avec la recourante.
Sur quoi, un délai a été imparti à l’intéressée pour la production de l’attestation qu’elle avait établie en septembre 2021.
e. Le 27 juin 2025, elle a produit une attestation datée du 23 août 2021, par laquelle elle avait confirmé que B______ était employée au sein de l’entreprise à 50% du 1er septembre 2021 au 31 août 2023.
f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. La prescription est une question de droit matériel qu’il y a lieu d’examiner d'office lorsqu'elle joue en faveur de l’administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/917/2021 du 7 septembre 2021).
2.1 Ni la LDét ni la LPA ni la LIRT ne contiennent de disposition réglant la question de la prescription.
Il s’agit d’une lacune proprement dite, dès lors que le législateur s’est abstenu de régler un point qu’il aurait dû fixer et qu’aucune solution ne se dégage du texte ou de l’interprétation de la loi, laquelle doit être comblée par le juge (ATA/1308/2020 précité). Il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans pour les contraventions, soit les infractions passibles d’une amende (art. 103 CP ; ATA/917/2021 précité et les références citées).
2.2 Selon l’art. 98 CP, la prescription court, alternativement, dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c).
L'art. 98 let. c CP règle le début de la prescription pour les délits continus (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, in Alain MACALUSO/Nicolas QUELOZ/ Laurent MOREILLON/Robert ROTH [éd.], Commentaire romand du code pénal I, 2e éd., 2021, n. 28 ad. art. 98 CP). Le délit continu se caractérise par le fait que la situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au droit se poursuit. Il y a infraction continue lorsque les actes qui créent la situation illégale forment une unité avec les actes qui la perpétuent ou avec l'omission de la faire cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments constitutifs de l'infraction. L'infraction est consommée dès que tous ses éléments constitutifs sont réalisés, mais n'est achevée qu'avec la cessation de l'état de fait ou du comportement contraire au droit (ATF 135 IV 6 consid. 3.2 ; 132 IV 49 consid. 3.1.2.2). Le délit continu ne se prescrit pas tant qu'il dure (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, op. cit., n. 29 ad. art. 98 CP).
2.3 En l’espèce, les contraventions reprochées à la recourante consistent en des versements inférieurs aux salaires minimaux à deux employées entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2023, ainsi qu’un refus de transmettre le décompte des heures des collaborateurs du service extérieur pour la période du 1er novembre 2020 au 31 juillet 2024. Ces manquements doivent être considérés comme ayant cessé à cette dernière date. C’est dès lors à partir de cette date que la prescription a commencé à courir. Celle-ci n'est donc pas encore acquise et la poursuite administrative pas éteinte.
3. Dans un grief d'ordre formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue.
3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend également le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 141 V 557 consid 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1 et les références). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; ATA/250/2023 du 14 mars 2023 consid. 3.1 ; Pierre TSCHANNEN/Ulrich ZIMMERLI, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4e éd., 2014, p. 271 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 348 ss, n. 2.2.8.3).
3.2 En l’espèce, la décision, qui comporte neuf pages, détaille les raisons pour lesquelles une sanction administrative a été prononcée à l’encontre de la recourante. Elle précise les faits et manquements justifiant l’amende ainsi que les bases légales appliquées et l’ensemble des circonstances ayant conduit l’autorité intimée à prononcer ladite sanction, tant dans son principe que dans sa quotité. L’intimé a notamment expliqué que le refus de transmettre les décomptes d’heures effectuées par les employés du service externe avait entrainé l’impossibilité de procéder au contrôle de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise. Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, l’intimé a dûment expliqué les raisons pour lesquelles aucun montant et aucun nom d’employés du service externe n’avaient été mentionnés dans la décision. En tant que la recourante se plaint de l’absence de motivation quant aux raisons pour lesquelles ses arguments concernant les rattrapages salariaux dus à B______ et D______ n’avaient pas été pris en compte, force est de constater que la décision se réfère aux griefs de la recourante mais précise que ceux-ci avaient déjà été formulés dans son précédent courrier du 25 juin 2024. On comprend ainsi de la décision entreprise que l’OCIRT considérait avoir déjà répondu à ces arguments dans son courrier du 5 août 2024. Quant à savoir si c’est à juste titre que ces arguments ont été écartés, il s’agit d’une question de fond, qui sera examinée ci-après. Il apparait enfin que la recourante a pu saisir le fondement de la décision, puisqu’elle l’a attaqué utilement et en connaissance de cause.
Aucune violation du droit d’être entendue de la recourante pour défaut de motivation ne peut ainsi être retenue. Ce grief doit donc être écarté.
4. La recourante invoque une violation du principe de la bonne foi de l’administration (art. 5 al. 3 et 9 Cst.).
4.1 Conformément à l'art. 5 al. 3 Cst., tant les organes de l’État que les particuliers doivent s'abstenir d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 136 I 254 consid. 5.2).
4.2 En l’occurrence, la recourante reproche à l’intimé de n’avoir jamais répondu à ses questions quant à la manière d’enregistrer le temps de travail de ses employés du service externe.
Il ressort des échanges de courriers entre les parties que la recourante a invité l’OCIRT à lui expliquer comment procéder de manière « pragmatique » afin de respecter la LIRT, tout en précisant que le système du timesheet était, à son sens, impossible à mettre en place pour les employés du service externe. L’intimé ne lui a toutefois jamais expliqué comment procéder, concrètement, à l’enregistrement des heures de travail de ses employés, se contentant de lui rappeler son obligation de mettre en place un enregistrement du temps de travail pour l’ensemble de ses travailleurs.
Il est certes regrettable que l’intimé n’ait pas jugé utile de répondre à la question de la recourante, ni ne s’est déterminé sur les propositions faites par l’intéressée pour tenter de remédier à l’absence de système mis en place pour l’enregistrement des heures de travail. On ne saurait, pour autant, en déduire que le comportement de l’autorité intimée serait contradictoire ou abusif. En effet, dans ses différents courriers, l’intimé a expliqué en détail les raisons pour lesquelles la manière de procéder de la recourante était contraire à la loi cantonale. Elle a dûment pris en compte les arguments de celle-ci et précisé en quoi ils ne suffisaient pas pour déterminer si le salaire versé correspondait au taux horaire requis par la loi. On relèvera, au demeurant, que la recourante n’a pas non plus répondu à toutes les questions de l’intimé, puisqu’elle n’a pas expliqué à l’intimé, à tout le moins par écrit, la manière dont étaient établis les taux d’activité de ses employés.
Ce grief doit partant également être écarté.
5. La recourante reproche dans un premier temps à l’OCIRT d’avoir retenu une
sous-enchère salariale à l’égard de deux de ses employées.
5.1 Depuis le 31 octobre 2020, à la suite de l’adoption le 27 septembre 2020 de l’initiative populaire législative cantonale n° 173 « 23 frs, c'est un minimum! », la LIRT institue un salaire minimum afin de combattre la pauvreté, de favoriser l’intégration sociale et de contribuer ainsi au respect de la dignité humaine ; elle définit les rôles et les compétences pour la mise en œuvre de ce salaire minimal (art. 1 al. 4 LIRT).
5.2 Le salaire minimum est réglé au chapitre IVB de la LIRT. Les relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton y sont soumises (art. 39I LIRT). Les dispositions de ce chapitre ne sont en revanche pas applicables aux contrats d’apprentissage au sens des art. 344ss CO (let. a), aux contrats de stage s'inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale (let. b) et aux contrats conclus avec des jeunes gens de moins de 18 ans (let. c ; art. 39J LIRT).
5.2.1 L’art. 56E RIRT précise que les critères que doivent remplir les contrats de stage au sens de l’art. 39J let. b LIRT sont déterminés par le conseil de surveillance du marché de l’emploi (ci-après : CSME), statuant à l'unanimité (al. 1). Le CSME peut également, à l'unanimité, admettre à titre d'exception au sens de cette même norme d’autres dispositifs assimilables, notamment dans le domaine de l'insertion professionnelle ou sociale (al. 2). L’OCIRT publie, sous forme de directives, les critères propres aux stages et aux dispositifs assimilés sur le site Internet de l’État de Genève (al. 3).
5.2.2 Selon le site Internet de l’OCIRT (https://www.ge.ch/appliquer-salaire-minimum-genevois/qui-n-est-pas-soumis-au-salaire-minimum, consulté le 16 mai 2025), le salaire minimum cantonal ne s’applique notamment pas aux stages s’inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale (par exemple : maturité professionnelle, école supérieure, HES, université). Il ne s’applique pas non plus aux stages et activités qui sont mentionnés sur ledit site Internet et qui respectent les conditions fixées par le CSME. S’agissant de stages de pré-qualification (préapprentissage), les conditions suivantes doivent être obligatoirement requises :
- le stage fait l'objet d'une convention tripartite entre l'employeur, le stagiaire et l’OFPC ;
- le stage est d'une durée maximale de 10 mois ;
- on peut identifier une ou plusieurs personnes de référence au sein de l'entreprise qui suivent le stagiaire dans sa formation ;
- à la fin du stage, l'employeur délivre au stagiaire un certificat avec les objectifs atteints et le détail des différentes étapes d'apprentissage.
5.3 Selon l’art. 39K LIRT le salaire minimum est de CHF 23.- par heure (al. 1). Chaque année, le salaire minimum est indexé sur la base de l'indice des prix à la consommation du mois d'août, par rapport à l'indice en vigueur le 1er janvier 2018 (al. 3). Par salaire, il faut entendre le salaire déterminant au sens de la législation en matière d'assurance-vieillesse et survivants, à l'exclusion d'éventuelles indemnités payées pour jours de vacances et pour jours fériés (al. 4).
Si le salaire prévu par un contrat individuel, une convention collective ou un contrat-type est inférieur à celui fixé à l’art. 39K, c'est ce dernier qui s'applique (art. 39L LIRT).
Par arrêté relatif au salaire minimum légal pour 2020 et 2021 du 28 octobre 2020 (ArSML – J 1 05.03), le Conseil d’État a arrêté le salaire horaire minimum à CHF 23.- dès le 1er novembre 2020, à CHF 23.14 dès le 1er janvier 2021 (art. 1 al. 1 ArSML), à CHF 23.27 dès le 1er janvier 2022 (ArSML du 3 novembre 2021) et à CHF 24.- dès le 1er janvier 2023 (ArSML du 19 octobre 2022).
5.4 Dans la décision entreprise, l’intimé a retenu une sous-enchère salariale de CHF 58'319.10 brut pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2023 s’agissant de B______ et de CHF 9'330.42 brut pour la période du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022 s’agissant de D______, soit une
sous-enchère totale de CHF 67'649.52. Lors de l’audience de comparution personnelle, l’OCIRT a toutefois relevé que le montant de la sous-enchère totale ne s’élevait plus qu’à CHF 16'798.97, le taux d’activité de B______ n’étant que de 50% du 1er septembre 2021 au 31 août 2023.
La recourante conteste le bien-fondé de ces rattrapages salariaux, faisant valoir que, depuis son engagement, et jusqu’au 31 août 2023, B______ était en stage si bien que cette période était exemptée du contrôle du salaire minimum. Il en allait de même de D______, qui était en préapprentissage du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022. Il convient donc d’examiner successivement la situation des deux employées.
5.4.1 Il ressort des pièces du dossier que B______ a effectué un stage auprès de la recourante du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 s’inscrivant dans une formation de CFC employée de commerce. Après l’obtention de son CFC le 2 juillet 2021, elle a entrepris une formation de maturité professionnelle auprès de F______ dès la rentrée académique 2021. Selon les pièces au dossier, en particulier le plan d’études produit par la recourante et ses déclarations en audience, cette formation s’est déroulée pendant deux ans (pour les candidats en emploi) à raison de 18 cours hebdomadaires par semestre. Après avoir obtenu une maturité professionnelle avec mention en juin 2023, la précitée a été engagée par la recourante en qualité d’aide-comptable à 50%, dès le 1er septembre 2023.
S’agissant de la période du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, l’intimé a admis la qualité de stagiaire à 50% de celle-ci, dès lors que son stage avait été validé par l’OFPC. Il a donc exempté cette période du contrôle du salaire minimum. Ce point n’est pas contesté.
Pour ce qui est de la période subséquente, soit du 1er septembre 2021 au 31 août 2023, les parties s’opposent sur la question de savoir si la recourante était au bénéfice d’un contrat de stage. Or, comme le relève l’intimé, la recourante n’a produit, pour cette période, aucun contrat de stage, ni convention tripartite validée par l’OFPC. La seule attestation d’emploi établie par la société n’est à cet égard pas déterminante. Il résulte d’ailleurs du courriel de l’établissement scolaire
F______ du 14 juillet 2021 que l’inscription en formation « duale » n’était possible que sur présentation d’un « contrat de travail ». Cela démontre ainsi, comme l’a expliqué l’intimé en audience, que la formation « duale » de deux ans en maturité professionnelle dispensée par l’établissement scolaire a pour but de permettre aux étudiants d’effectuer, en parallèle, un emploi rémunéré. Il ne s’agit donc pas d’un stage effectué dans le cadre d’une formation. Il suit des considérations qui précèdent que, pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2023, la recourante n’a pas démontré que son employée était au bénéfice d’un contrat de stage.
La recourante était donc soumise à l’obligation de respecter le minimum salarial dans la situation de B______. La sous-enchère salariale doit toutefois être recalculée en tenant compte du fait que l’employée travaillait à 50% du 1er septembre 2021 au 31 août 2023. Il ressort, en effet, des pièces produites par la recourante devant la chambre de céans, en particulier de l’attestation d’obtention de la maturité professionnelle et des confirmations d’inscription à l’établissement scolaire pour les années 2021/2022 et 2022/2023, que l’intéressée a travaillé à 50% pour la société, tout en effectuant, en parallèle, une formation de maturité professionnelle pendant deux ans, en voie duale. Les parties s’accordent désormais sur ce point, si bien que c’est à tort que la décision entreprise retient un taux d’activité de 100% pour cette période.
Le rattrapage de salaire à effectuer en application du salaire minimum cantonal, pour la période du 1er septembre 2021 au 31 août 2023, était donc de CHF 7'013.30 brut (soit CHF 1'222.96 en 2021 ; CHF 2'718.34 en 2022 et CHF 3'072.- en 2023).
5.4.2 Reste à examiner la situation de D______. La recourante allègue qu’elle était en préapprentissage du 20 décembre 2021 au 31 mars 2022. Elle ne parvient toutefois pas à démontrer cet élément. La seule pièce figurant au dossier est une attestation datée du 8 février 2022, signée par la recourante, selon laquelle l’employée avait été engagée en qualité de pré-apprentie. Ce seul document, établi par la recourante elle-même, ne suffit à l’évidence pas à démontrer l’existence d’un contrat de pré-apprentissage. Le salaire minimum devait donc être respecté dans son cas, ce que l’intimé a retenu à juste titre.
S’agissant du calcul de la sous-enchère, la recourante fait valoir que son employée a travaillé 40 heures par semaine, et non 42, comme le retient la décision. Or, faute d’éléments probants, en particulier un contrat de travail, il n’est pas possible de tenir compte d’une durée hebdomadaire de 40 heures par semaine. La recourante requiert également qu’il soit tenu compte d’un délai de carence de trois jours, non payés, en raison de la maladie de son employée. La fiche de salaire afférente au mois de mars 2022 mentionne que l’employée a été absente durant trois jours, période durant laquelle elle n’a pas touché de salaire. Sur la base du dossier, il n’est toutefois pas possible de déterminer si une telle déduction était justifiée, si bien qu’il n’en sera pas tenu compte. Il sera précisé, comme l’a fait l’intimé en audience, que la différence de rattrapage serait, quoi qu’il en soi, minime et n’aurait pas d’influence sur la quotité de l’amende. Il convient ainsi de confirmer la décision entreprise en tant qu’elle retient un rattrapage de salaire de CHF 9'330.42 brut.
Ainsi, au total, le rattrapage salarial pour ces deux employées s’élève à CHF 16'798.97. Le principe d’une sanction était donc fondé pour ce motif déjà.
6. Il convient ensuite de déterminer si c’est à juste titre que l’intimé a retenu une violation de l’obligation de renseigner.
6.1 Selon l’art. 9 al. 1 LIRT, conformément à l’art. 46 LTr, tout employeur doit pouvoir fournir à l’office et à l’inspection paritaire en tout temps un état détaillé des horaires de travail et de repos effectués par chaque travailleur, sous peine des sanctions prévues par la LTr et par l’art. 46 LIRT. Selon l’al. 2 de cette disposition, les documents tenus par l'employeur doivent mentionner la durée du travail supplémentaire au cours de chaque période de paie et totale au cours de l'année civile, ainsi que les jours de repos hebdomadaires accordés, à moins qu'ils ne tombent régulièrement un dimanche. Les périodes de repos compensatoire doivent être clairement indiquées comme telles.
L'art. 46 LTr et les dispositions d'exécution y relatives obligent l'employeur à enregistrer et conserver diverses données concernant chaque travailleur, en particulier les durées quotidienne et hebdomadaire du travail effectivement fourni, y compris le travail compensatoire et le travail supplémentaire, et les jours de repos ou de repos compensatoire accordés (art. 73 al. 1 let. c et d OLT 1 [Ordonnance 1 relative à la Loi sur le travail; RS 822.111]). Les dispositions d'exécution de l'art. 46 LTr exigent de tout employeur qu'il enregistre et conserve, par écrit et pour chaque travailleur, parmi d'autres données, les durées quotidienne et hebdomadaire du travail effectivement fourni, y compris le travail compensatoire et le travail supplémentaire, et les jours de repos ou de repos compensatoire accordés
(art. 73 al. 1 let. c et d OLT 1; RS 822.111).
6.2 L’office et l'inspection paritaire des entreprises sont compétents pour contrôler le respect par les employeurs des dispositions du présent chapitre (art. 39M al. 1 LIRT). Tout employeur doit pouvoir fournir en tout temps à l'office ou à l'inspection paritaire un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d'heures de travail effectuées (al. 2). Selon l’art. 56G al. 1 RIRT, l’employeur doit pouvoir fournir en tout temps aux organes de contrôle les fiches de salaire mensuelles mentionnant les composantes du versement visé à l’art. 56F. Selon cette disposition, peuvent être pris en compte dans la composition du salaire horaire minimum les éléments de salaire visés à l’art. 39K al. 4 LIRT, à savoir le salaire déterminant au sens de la législation en matière d'assurance-vieillesse et survivants, à l'exclusion d'éventuelles indemnités payées pour jours de vacances et pour jours fériés.
Selon l’art. 76 al. 1 RIRT, constitue une violation du devoir de renseigner : le refus de fournir les renseignements ou les documents requis (let. a) ; la transmission de renseignements ou de documents de nature à induire en erreur (let. b) ; tout procédé dilatoire, dont le non-respect des délais impartis, la production de renseignements incomplets ou perlés (let. c).
6.3 À teneur de l’art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni (salaire aux pièces ou à la tâche).
Les éléments caractéristiques de ce contrat sont donc une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3 ; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.1 ; 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1).
Le contrat d’engagement des voyageurs de commerce est un contrat individuel de travail à caractère spécial, par lequel une personne, appelée voyageur de commerce (travailleur), s'oblige, contre paiement d'un salaire, à négocier ou à conclure, pour le compte d'un commerçant, d'un industriel ou d'un autre chef d'entreprise exploitée en la forme commerciale (employeur), des affaires de n'importe quelle nature hors de l'établissement (art. 347 al. 1 CO).
Le contrat d'engagement des voyageurs de commerce est avant tout un contrat de travail, dont les quatre éléments caractéristiques usuels doivent être cumulativement réalisés. L'éloignement physique entre le voyageur et son employeur et l'autonomie organisationnelle dont les voyageurs bénéficient souvent, impliquent une appréciation particulière du lien de subordination. Ce qui importe alors réside dans la faculté d'instruction et de contrôle de l'employeur (lien hiérarchique) et dans l'incorporation du voyageur dans la structure organisationnelle de l'employeur (Gabriel AUBERT, Commentaire romand, Code des Obligations I, 3e éd., 2021, n. 6 s. ad art. 347 CO).
6.4 La chambre de céans a jugé que le salaire minimum devait être respecté également pour des employés exerçant une activité de courtage, dont la rémunération était exclusivement ou essentiellement constituée de commissions (ATA/1335/2023 du 12 décembre 2023 consid. 5.5). Elle a en particulier considéré que c'était avant tout l'existence et l'intensité d'un lien de subordination entre les parties contractantes qui devaient être déterminantes pour la qualification d'un contrat de travail, dont découlait l'application des règles relatives au salaire minimum (ATA/117/2024 du 30 janvier 2024 consid. 5.9.1 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2024 du 20 mars 2024 consid. 3).
Récemment, la chambre administrative a précisé que la possibilité pour les parties à un contrat de travail de prévoir, sous certaines conditions, une rémunération composée exclusivement de commissions demeurait sans effet sur l'applicabilité à une telle relation de travail des dispositions de la LIRT et du RIRT relatives au salaire minimum. Ces dispositions poursuivaient un but de politique sociale consistant à assurer aux travailleurs exerçant leur activité dans le canton la perception d'une rémunération leur permettant de couvrir leurs besoins vitaux. Or, il n’y avait aucune raison de retenir que ces motifs avaient une pertinence moindre pour les travailleurs rémunérés exclusivement à la commission que pour ceux percevant un salaire totalement ou partiellement fixe. On ne voyait pas davantage en quoi l'atteinte portée par lesdites dispositions à la liberté économique des parties – jugée proportionnée par la chambre constitutionnelle – serait plus importante dans les cas où les parties auraient convenu d'une rémunération versée exclusivement sous forme de commissions. Sur ce dernier point, la recourante fait grand cas de la liberté. La liberté dont bénéficiaient les employés de la recourante s’agissant tant des heures effectivement ouvrées que de leur présence dans ses locaux n’était aucunement incompatible avec l'application des règles de la LIRT et du RIRT, lesquelles se bornaient à exiger de l'employeur qu'il soit en mesure de fournir en tout temps les données nécessaires à la vérification du respect du salaire minimum, soit un état détaillé des salaires versés et du nombre correspondant d'heures de travail effectuées (art. 39M LIRT et 56G RIRT). Le fait que l'employeur omette d'aménager un système d'enregistrement des heures de travail effectivement exécutées par ses employés ne saurait à l'évidence avoir pour conséquence que les dispositions de la LIRT et du RIRT relatives au salaire minimum ne seraient plus applicables (ATA/39/2025 du 14 janvier 2025 consid. 2.7).
6.5 En l’espèce, il n’est pas contesté que l’activité des collaborateurs du service externe relève de celle des voyageurs de commerce. Ils doivent donc être qualifiés d’employés, engagés sur la base d’un contrat de travail à caractère spécial. Conformément aux dispositions précitées, l’employeur n’était dès lors pas tenu d’enregistrer leur temps de travail conformément à la LTr. Or, dans la mesure où l’existence d’une relation de travail est acquise, et dès lors qu’il n’est pas contesté que les employés accomplissent habituellement leur activité dans le canton, les dispositions sur le salaire minimum s’appliquent (art. 39 LIRT). Il ne fait toutefois aucun doute que la recourante n’a pas fourni à l’intimé un état détaillé des heures effectuées par ces employés. L’autorité n’était donc pas en mesure de vérifier le respect de leurs conditions de travail et de salaire. La recourante a contrevenu, en cela, à l’art. 39M al. 2 LIRT, qui impose à tout employeur de fournir en tout temps à l'office un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d'heures de travail effectuées.
Dans ses écritures, la recourante fait valoir qu’elle n’était pas en mesure d’assurer un contrôle des horaires des employés du service externe, qui était « matériellement impossible ». Dans la mesure où ils étaient dispensés de l’obligation d’enregistrer leurs heures au sens de la LTr, l’obligation de mettre en œuvre un suivi de leur temps de travail représenterait « une charge administrative totalement disproportionnée ».
Or, comme la chambre de céans a déjà eu l’occasion de préciser dans des cas similaires, la liberté dont bénéficient les employés de la recourante s'agissant des heures effectivement exécutées n’est aucunement incompatible avec l'application des règles de la LIRT et du RIRT, lesquelles se bornent à exiger de l'employeur qu'il soit en mesure de fournir en tout temps les données nécessaires à la vérification du respect du salaire minimum, soit un état détaillé des salaires versés et du nombre correspondant d'heures de travail effectué (art. 39M LIRT et 56G RIRT). Le fait que l'employeur omette d'aménager un système d'enregistrement des heures de travail effectivement exécutées par ses employés ne saurait avoir pour conséquence que les dispositions de la LIRT et du RIRT relatives au salaire minimum ne seraient plus applicables (ATA/39/2025 du 14 janvier 2025 consid. 2.7). Il appartenait ainsi à la recourante de tenir un décompte des heures exécutées par ses employés, afin que l’autorité soit en mesure de vérifier le respect du salaire minimum.
Il convient donc de retenir que la recourante a contrevenu à l’art. 9 al. 1 LIRT, cum 39M al. 2 LIRT, en ne fournissant pas de renseignements sur les horaires de travail effectués par chaque travailleur. La sanction est ainsi également justifiée pour ce motif.
7. Reste à examiner la quotité de l’amende.
7.1 Selon l’art. 39N LIRT, lorsqu’un employeur ne respecte pas le salaire minimum prévu à l’art. 39K, l’office peut prononcer une amende administrative de CHF 30’000.- au plus. Ce montant maximal de l’amende administrative peut être doublé en cas de récidive (al. 1). L’office peut également mettre les frais de contrôle à la charge de l'employeur (al. 2).
L'office est habilité à percevoir des émoluments pour l'accomplissement de ses tâches légales, notamment pour la délivrance d'autorisations, dérogations, attestations, ainsi que pour ses tâches de contrôle (art. 42 al. 1 LIRT). Leur quotité est fixée par voie réglementaire (al. 2).
7.2 Les contraventions aux dispositions d’ordre de la LIRT sont sanctionnées par une amende administrative de CHF 100.- à CHF 5'000.- (art. 46 LIRT).
Selon l'art. 75 RIRT, l’amende prévue par l'art. 46 LIRT peut être infligée à toute personne qui, de quelque manière que ce soit, entrave ou tente d'entraver la mission de l'autorité compétente ou viole l'obligation de collaborer au sens de l'art. 76 RIRT (al. 1). Dans la fixation du montant de l'amende administrative prévue par la loi ou le présent règlement, il est tenu compte du degré de gravité de l'infraction. Le dessein de lucre et les cas de récidive constituent notamment des circonstances aggravantes (al. 5).
7.3 Les amendes administratives prévues par la législation cantonale sont de nature pénale. Leur quotité doit ainsi être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/991/2016 du 22 novembre 2016 consid. 6a ; ATA/810/2016 du 27 septembre 2016 consid. 4a et la référence citée). En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, ce qui vaut également en droit administratif sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d'une simple négligence. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP ; ATA/651/2022 du 23 juin 2022 consid. 14d et les arrêts cités).
La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/651/2022 précité consid. 14d et les arrêts cités).
Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP). Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/651/2022 précité consid. 14e et les arrêts cités).
L'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/991/2016 précité consid. 6a).
7.4 Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a confirmé une amende de CHF 1'300.- pour une sous-enchère salariale de CHF 24'051.-, commise pendant dix mois, par un employeur dont la collaboration à l’instruction avait été excellente, qui avait procédé au rattrapage salarial et n’avait pas d’antécédents (ATA/1071/2023 du 28 septembre 2023 consid. 3.2). Elle a confirmé une amende de CHF 8'000.- portant sur une sous-enchère salariale de CHF 42'668.-, ayant duré plus d'un an et demi, dans le contexte d’une mauvaise collaboration de l’employeuse et de l’absence de rattrapage salarial (ATA/521/2023 du 22 mai 2023 consid. 4.2). Dans une autre affaire de sous-enchère salariale de CHF 20'000.- concernant cinq employés et ayant eu lieu pendant une durée allant de juillet à début novembre 2022, une entreprise à qui était reprochée une faible collaboration s'est vue infliger une amende de CHF 5'900.- (ATA/117/2024 du 30 janvier 2024 consid. 7.6). En raison de la durée de la sous-enchère (de novembre 2020 à décembre 2022), de son l’ampleur (CHF 565'537.54 au minimum de rattrapage salarial) et du nombre (43) de travailleurs touchés, soit plus de la moitié de l’effectif de l’entreprise, à l'encontre de laquelle une faute lourde a été retenue, une amende maximale de CHF 30'000.- a été prononcée à l'encontre de l'entreprise coupable (ATA/349/2024 du 7 mars 2024 consid. 9.3).
7.5 En l’espèce, les manquements reprochés à la recourante sont réalisés et constituent des fautes passibles d’une amende administrative. Dans la décision entreprise, il a été tenu compte du fait que les infractions constatées au salaire minimum concernaient deux travailleuses sur les 36 travailleurs occupés au sein de l’entreprise et que le refus de collaborer avait de fait entrainé l’impossibilité de procéder au contrôle de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise, plus particulièrement au contrôle de conformité de la rémunération des 22 membres du service externe au salaire minimum. L’OCIRT a également tenu compte de la gravité particulière des infractions commises, notamment au regard de l’art. 39M al. 2 LIRT. La société n’avait au demeurant procédé à aucune mise en conformité en faveur de B______ et D______ malgré les demandes des 7 mai, 5 juin et 5 août 2024. La société n’avait, en sus, pas collaboré entièrement au contrôle, puisqu’elle ne lui avait pas fourni tous les renseignements et documents demandés, malgré quatre relances.
Sur la base de ces éléments, l’autorité intimée a fixé le montant de l’amende litigieuse à CHF 20'200.-. En cours de procédure, elle a toutefois proposé de réduire ce montant à CHF 11'800.- pour tenir compte de la baisse de la sous-enchère salariale totale, en raison du taux d’activité de 50%, et non de 100% comme retenu dans la décision litigieuse, de B______.
Le montant – réduit – de l’amende proposé par l’OCIRT apparaît toutefois disproportionné. Outre le fait qu’il s’agit d’une première infraction, la sous-enchère salariale en lien avec les deux employées ne se monte qu’à CHF 16'798.97 et les faits se sont déroulés pendant une courte période. Il n’est certes pas possible de calculer le montant de la sous‑enchère totale en l'absence de relevés d'horaires concernant les collaborateurs du service externe. C’est toutefois le lieu de préciser que, tout au long de la procédure, la recourante a proposé à l’OCIRT des solutions visant à établir un décompte des heures de ses employés du service externe. On rappellera qu’il n’a jamais été contesté que, sous l’angle de la LTr, la société n’était pas soumise à l’obligation d’enregistrer les heures. La difficulté consistait uniquement à établir si le minimum salarial était respecté, ce qui impliquait de connaître le nombre d’heures effectuées par les employés. Quand bien même la recourante n’a pas mis en place un système de décompte d’heures, alors qu’elle y était tenue selon le droit cantonal, les échanges entre les parties révèlent qu’elle a proposé des solutions et établi des attestations d’employés, dans le but de se conformer à ses obligations. Elle a par ailleurs toujours réagi aux demandes de l’OCIRT, comme en attestent ses courriers des 28 février 2023, 23 avril, 25 juin et 16 septembre 2024. Lors de l’audience devant la chambre de céans, l’intimé a proposé à la recourante de tenir un décompte mensuel du nombre d’heures effectuées et de lisser ce nombre d’heures à hauteur du salaire minimum, méthode à laquelle la recourante a acquiescé. Il convient donc de retenir que la collaboration de la recourante était bonne, en tant qu’elle a toujours été guidée par la recherche d’une solution.
Vu les circonstances particulières de la présente espèce, l’amende querellée sera réduite à CHF 5'000.-. La quotité de la sanction ainsi fixée est apte à produire le résultat escompté, le but de la procédure de contrôle du salaire minimum étant de permettre à l'autorité de vérifier que l'entreprise respecte les lois et règlements auxquels elle est soumise. Elle apparaît également adéquate s’agissant de dissuader la recourante de réitérer.
8. Enfin, la recourante conteste les frais de contrôle de CHF 2'550.- mis à sa charge.
8.1 Selon l’art. 42 LIRT, l’office est habilité à percevoir des émoluments pour l'accomplissement de ses tâches légales, notamment pour la délivrance d'autorisations, dérogations, attestations, ainsi que pour ses tâches de contrôle.
L'office peut percevoir des frais, selon un tarif horaire de CHF 150.-, pour les contrôles qu'il exécute dans le cadre de ses compétences, notamment lorsque des contrôles complémentaires sont nécessaires en raison de la mauvaise exécution de ses prescriptions.
8.2 En l’occurrence, l’OCIRT a fixé les frais de contrôle à CHF 2'550.-, ce qui correspond à 17 heures de travail. La recourante ne rend pas vraisemblable que le temps consacré à l’instruction aurait été inférieur aux chiffres avancés par l’OCIRT. Les nombreuses pièces produites par la recourante s’agissant de ses 36 travailleurs, ainsi que les réponses détaillées fournies par l’OCIRT à la recourante permettent de tenir pour établi que le travail d’analyse a nécessité de l’OCIRT le nombre d’heures que celui-ci a allégué. Ce grief doit partant être écarté.
Les considérants qui précèdent conduisent à l’admission partielle du recours.
9. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe sur le principe même des manquements reprochés (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.-, lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 14 novembre 2024 par A______ contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail du 11 octobre 2024 ;
au fond :
l’admet partiellement ;
fixe à CHF 5'000.- le montant de l’amende administrative ;
confirme pour le surplus la décision du 11 octobre 2024 ;
met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;
alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Pierre MAYE, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière :
S. CARDINAUX
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière : |