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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/406/2025

ATA/610/2025 du 03.06.2025 ( PROC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/406/2025-PROC ATA/610/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 juin 2025

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SA demanderesse

contre

DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES MOBILITÉS défendeur

_________



EN FAIT

A. a. L'A______ SA (ci-après : la société ou A______) est inscrite depuis mars 1986 au registre du commerce (ci‑après : RC) du canton de Genève. Son but social est notamment l’exploitation d’un ou plusieurs instituts médicaux et toute activité dans le domaine médical (achat/vente de produits médicaux, services de soins à domicile, centre de fécondation in vitro, bloc opératoire, centres de bien-être, thermaux et hôteliers en Suisse et à l’étranger, plantes médicinales, consulting dans le domaine médical).

b. Le 28 février 2023, la société a déposé une demande de création d’une organisation de soins et d’aide à domicile (ci-après : OSAD).

c. Le 18 mars 2024, le groupe risque pour l’état de santé et inspectorat (ci‑après : GRESI) a rendu un préavis défavorable. Le contenu du dossier était un ensemble désorganisé de documents extraits d’Internet, mis les uns à la suite des autres, sans mention de sources. Cette juxtaposition de concepts généraux n’avait pas été adaptée à la future activité, ce qui la rendait « incompréhensible pour le lecteur et a fortiori inapplicable d’un point de vue opérationnel ». Il était relevé de nombreuses incohérences en lien avec les bonnes pratiques ainsi que les bases légales en vigueur. Le GRESI considérait que l’entité envisagée n’était pas dotée d’une organisation adéquate permettant de garantir les conditions de la qualité des soins.

Ces constats étaient identiques que lors des demandes de création formées par la société en 2019 et 2021 et aucune évolution favorable n’était constatée.

La société a été informée de ce préavis défavorable le même jour, par courriel.

d. Par courriel du 15 mai 2024, la société a requis le prononcé d’une décision.

e. Le même jour, le groupe des droits de pratique de l'office cantonal de la santé (ci‑après : GDP) lui a répondu qu'une décision formelle négative lui parviendrait prochainement et que le document était en cours de signature auprès de la direction.

f. La société a dès lors demandé à pouvoir être entendue. Il lui a été répondu par courriel – toujours le même jour – que « l'arrêté est déjà signé par la direction générale de la santé ad interim ».

g. Par arrêté du 16 mai 2024, le département de la santé et des mobilités (ci‑après : le département) a refusé d’autoriser la société à exploiter une OSAD et a mis à sa charge un émolument de CHF 500.-.

Le contrôle du dossier avait mis en exergue de nombreux défauts, ce qui préfigurait une organisation inadéquate de l’institution de santé projetée ainsi qu’une incompréhension de la rigueur attendue pour l’exploitation d’une OSAD. Les conditions légales requises pour exploiter une telle institution n’étaient pas remplies par la société.

B. a. Par acte du 17 juin 2024, la société a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant à son annulation.

b. Par arrêt ATA/1250/2024 du 28 octobre 2024, la chambre de céans a rejeté le recours formé par la société.

c. Le 27 novembre 2024, la société a recouru au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation. La procédure est pendante (2C_594/2024).

C. a. Par acte du 31 janvier 2025, la société a saisi la chambre administrative d’une « demande de reconsidération » de l’arrêté du 16 mai 2024, concluant à son annulation.

Dans sa réponse au Tribunal fédéral du 14 janvier 2024 [recte : 2025], le département avait relevé qu'il lui avait été « indiqué que la décision avait déjà été signée le même jour, mais que celle-ci est datée du lendemain ». Cette manière de procéder n'était pas connue de la société. Il s'agissait d'un fait nouveau que la chambre de céans devait analyser, quand bien même son propre arrêt faisait l'objet d'un recours pendant devant le Tribunal fédéral. Il s'agissait d'une atteinte aux droits fondamentaux qui compromettait gravement la validité de la décision en raison de son illégalité.

b. Dans sa réponse, le département a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande de reconsidération, subsidiairement à son rejet.

La décision querellée n'étant pas définitive, la demande de reconsidération était irrecevable.

De toute manière, les conditions d'une reconsidération/révision n'étaient pas remplies. Le fait que la signature de la décision attaquée ait eu lieu la veille de son envoi n'était pas un fait nouveau « ancien » ayant une incidence sur le fond du litige. Par ailleurs aucune modification notable de l'état de fait n'était à constater.

c. Dans sa réplique du 22 avril 2025, la société a conclu à l'annulation de la décision litigieuse, « pour vice de légalité, formel et procédural » et a invité la chambre de céans à « rappeler le caractère impératif des exigences de transparence, de rigueur formelle et de respect des droits fondamentaux ».

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 25 avril 2025.

EN DROIT

1.             La chambre administrative est compétente pour se prononcer sur la révision de l’un de ses arrêts (art. 81 al. 1 in fine de la loi sur la procédure administrative du 12  septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La voie de la révision par la juridiction administrative doit être distinguée de celle de la reconsidération par l'autorité administrative, qui constitue la voie à suivre en cas de « modification notable des circonstances » (art. 48 al. 1 let. b LPA) (ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019 consid. 1b ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1e ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3e).

En l'espèce, la demanderesse sollicite la reconsidération de l'arrêté rendu par le défendeur. Or elle allègue un « fait nouveau » et a choisi d'adresser son acte à la chambre de céans afin que celle-ci en tienne compte dans un nouvel arrêt. L'acte de la demanderesse constitue en conséquence une demande de révision pour laquelle la chambre de céans est compétente.

2.             Selon l’art. 80 LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît : qu’un crime ou un délit, établi par une procédure pénale ou d’une autre manière, a influencé la décision (let. a) ; que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b), les autres hypothèses n’étant in casu pas concernées.

2.1 En vertu de l’art. 81 LPA, la demande en révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

2.2 L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/839/2023 du 9 août 2023 consid. 2.2 ; ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1b et 1c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

2.3 La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b ; ATA/362/2018 précité consid. 1d et les références citées).

2.4 Lorsqu'aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/839/2023 précité consid. 2.5 ; ATA/232/2022 du 1er mars 2022 ; ATA/1748/2019 du 3 décembre 2019 ; ATA/1149/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2).

2.5 Selon l’art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l’autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 621s, 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2 e éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

2.6 En l'espèce, il ressort de la partie en fait et des pièces produites que la demanderesse avait été informée par courriel le 15 mai 2024 que la signature avait déjà été apposée sur l'arrêté querellé qui allait lui être notifié le lendemain.

Ce fait avait d'ailleurs expressément été allégué par la demanderesse dans son recours à la chambre de céans du 15 juin 2024, au ch. 32 : « Le 15 mai 2024 à 16h01, le département de droit de pratique a répondu : « l'arrêté est déjà signé par la direction générale de la santé ad interim ». La demanderesse avait déjà relevé à cet égard que c'était « surprenant vu que l'arrêté est signé le 16 mai 2024 ».

Le fait allégué dans la présente demande – à savoir que l'arrêté querellé avait été signé la veille de sa notification – n'est en conséquence pas nouveau au sens de l'art. 80 LPA et était connu tant de la demanderesse que de la chambre de céans au moment de la première procédure.

Cela étant, il sera relevé à toutes fins utiles que même à retenir par hypothèse le contraire, il ne s'agirait de toute manière pas d'un fait de nature à modifier l'arrêt précité de la chambre de céans, en tant qu'il n'a aucune incidence sur les droits fondamentaux ou garanties procédurales de la demanderesse. L'arrêt en question avait expressément retenu, que son droit d'être entendue avait été respecté avant le prononcé de la décision du 16 mai 2024. De même, le décalage de signature n'a aucune incidence sur le principe de la légalité invoqué par la demanderesse. Ce principe a été respecté puisque la décision querellée émane du département compétent, ce qui n'est pas contesté.

Partant, les conditions d'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA ne sont pas réalisées. La demande de révision est ainsi irrecevable.

3.             Compte tenu de l'issue de la procédure, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la demanderesse (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 31 janvier 2025 par l’A______ SA ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de l'A______ SA;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la demanderesse, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’A______ SA, au département de la santé et des mobilités ainsi qu'au Tribunal fédéral, pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :