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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/976/2024

ATA/248/2025 du 11.03.2025 sur JTAPI/944/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DROIT PÉNAL FISCAL;SOUSTRACTION D'IMPÔT;CHARGES COMMERCIALES(DROIT FISCAL);AMENDE;INTENTION;DOL ÉVENTUEL;NÉGLIGENCE
Normes : LIFD.151.al1; LIFD.16.al1; LIFD.18.al1; LIFD.18.al2; LIFD.18.al3; LIFD.27.al1; LIFD.125.al2; LIFD.126; LIFD.175.al1; LIFD.175.al2; LHID.56.al1; LHID.56.al2; LIPP.17; LIPP.19.al1; LIPP.19.al3; LIPP.19.al4; LIPP.30; LPFisc.29.al2; LPFisc.31; LPFisc.59.al1; LPFisc.69.al1; LPFisc.69.al2; CP.12; CP.47; CP.48; CC.8; Cst
Résumé : Recours d’un contribuable exerçant une activité lucrative indépendante de carreleur contre les reprises relatives à ses deux véhicules Maserati effectuées par l’AFC-GE et les amendes y relatives. Rejet du recours. L’analyse de la justification commerciale de charges liées à un véhicule de « luxe » comportait deux étapes, la première consistant à examiner la justification commerciale du véhicule en lui même et la seconde à analyser la justification commerciale de son caractère luxueux. Ainsi, si l’achat du véhicule n’avait aucune justification commerciale pour l’entreprise, les charges liées à ce dernier ne pouvaient pas être prises en compte et l’analyse s’arrêtait. En revanche, si l’utilisation du véhicule était justifiée par l’usage commercial, alors une potentielle part privée pouvait être calculée à l’aide de la notice N1/2007 de l’AFC-CH et il était également possible d’examiner la justification commerciale du caractère luxueux. Dans le cas d’espèce, le recourant n’était pas parvenu à établir la nécessité commerciale pour son entreprise individuelle d’utiliser les deux véhicules en cause, alors que le fardeau de la preuve lui incombait. Ainsi, c’était bien la justification commerciale des véhicules en tant que telle qui était remise en cause et pas son caractère luxueux. Il n’était en effet pas contesté que, durant les périodes concernées, le recourant avait disposé d’autres véhicules utilitaires, en propriété et en leasing et il n’expliquait pas en quoi l’achat des Maserati, en sus des autres véhicules, était nécessaire à l'exploitation de son activité de carreleur. Concernant les amendes infligées pour soustraction fiscale, il y avait lieu de rappeler que l’infraction en question était punissable aussi bien intentionnellement que par négligence, ainsi, même si l’AFC-GE avait retenu la négligence du recourant, ce dernier n’aurait pas de facto été exempté d’amende. L’intention du précité ne faisait toutefois aucun doute puisqu’il disposait, en raison de son activité professionnelle à titre d’indépendant et de son bon sens, de capacités suffisantes pour se rendre compte des conséquences de la comptabilisation de frais de véhicules privés dans le compte de résultat de son entreprise. Le fait que sa comptabilité et ses déclarations fiscales aient été établies par une fiduciaire n’y changeait rien. Il apparaissait au contraire que c’était lui-même qui avait indiqué à ses comptables que tous ses véhicules étaient professionnels, puisqu’il le soutenait encore à ce stade de la procédure et que le caractère inexact de ses déclarations avait persisté malgré les changements de fiduciaires.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/976/2024-ICCIFD ATA/248/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 mars 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Damien BLANC, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 septembre 2024 (JTAPI/944/2024)


EN FAIT

A. a. À teneur du registre du commerce de Genève, A______ exerce une activité indépendante depuis le 1er avril 2008, en exploitant une « entreprise générale dans le bâtiment ».

b. Ses taxations pour les années 2012 à 2017 sont entrées en force.

B. a. Le 31 mars 2022, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) l’a informé de l’ouverture à son encontre de procédures en rappel et en soustraction d’impôt pour les années 2012 à 2017.

Ces procédures faisaient suite à une communication de l’administration fédérale des contributions, division de la TVA (ci-après : AFC-CH) informant l’AFC-GE de l’existence de charges non justifiées par l’usage commercial, sous forme de frais de véhicules comptabilisés dans son activité indépendante.

Le contribuable était invité à produire la liste des véhicules qu’il détenait entre 2012 et 2016, le détail des comptes « véhicules », « frais de véhicules », « réparations véhicules », « leasing véhicules », « amortissements », ainsi que les pièces comptables y relatives et les contrats d’achat des véhicules Ferrari F430 et Maserati.

b. Le 24 mai 2022, A______ a fourni à l'AFC-GE les documents sollicités ainsi qu’une attestation de l’office cantonal des véhicules datée du 16 mai 2022 selon laquelle 40 véhicules avaient été immatriculés au nom de son entreprise entre 2012 et 2021.

Le tableau récapitulatif joint à son courrier indiquait qu’il avait détenu les véhicules suivants au titre de « véhicules d’entreprise » :

-          en 2012 : une Cadillac, une Maserati, une Citroën Berlingo, une Mercedes Vito camionnette, une GMC Sierra, une Audi, une Peugeot camionnette, une Mercedes plateau, une Mercedes Benz 160 ;

-          en 2014 : une Citroën Berlingo, une GMC Sierra, une Mercedes plateau, une Citroën C4 Picasso, une Maserati, une Citroën C4, une Ford transit camionnette ;

-          en 2015 : une Citroën Berlingo, une Mercedes plateau, une Citroën Picasso, une Maserati, une Citroën C4, une Ford transit camionnette, une Citroën DS4, une Mazda.

Les véhicules étaient tous désignés par l’intéressé comme « voitures de fonction », « voitures pour employés », « utilitaires » ou encore « utilitaires employés ».

Dans un courrier d’accompagnement, il a indiqué que les véhicules Cadillac, Citroën et Mazda étaient des leasing pour ses employés, le véhicule Mercedes Benz 160 avait été acheté pour son compte privé et n’avait pas été comptabilisé et le véhicule Porsche appartenait à un de ses employé et seules les plaques et l’assurance avaient été comptabilisées. Il a également expliqué avoir acquis successivement deux Maserati auprès de la société B______. La première avait été acquise en 2012 pour le prix de EUR 75'000.-, équivalent à CHF 95'000.-, payée en liquide, revendue la même année en échange d’un appartement situé au Kosovo. L’acheteur avait repris le véhicule, mais n’avait finalement pas versé le prix de vente de CHF 50’000.-, ni fourni d’appartement en échange. Une perte de CHF 45'000.- avait été comptabilisée dans les comptes de son activité indépendante. La seconde avait été acquise en 2014 pour le prix de CHF 120’000.- par virement bancaire, revendue en 2015 à C______ pour le prix de CHF 100'000.-, somme qui n’avait toutefois jamais été versée. Les amortissements liés à ce véhicule correspondant à CHF 44'444.45 par an, avaient été comptabilisés dans les comptes 2014 et 2015 de son activité indépendante.

Il a précisé, enfin, que l’achat de véhicules haut de gamme lui permettait d’obtenir la soumission de chantiers et qu’il s’agissait dès lors de transactions à but commercial.

Le compte pertes et profits de son entreprise indiquait, sous la rubrique « charges de véhicules » regroupant les postes réparations, service, nettoyage, carburants, assurances et taxes, charges de location de voitures en leasing, des montants de CHF 79'859.77 en 2012, CHF 52'113.51 en 2014 et CHF 39'702.56 en 2015. Le détail des transactions était joint.

C. a. Le 21 novembre 2022, l'AFC-GE a notifié à l’intéressé les bordereaux de rappel d’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et d’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2012 à 2017 ainsi que les bordereaux d’amende y relatifs. La quotité des amendes était fixée à 3/4 des impôts soustraits, compte tenu de sa faute intentionnelle, toutefois partiellement compensée par sa bonne collaboration.

Concernant l’activité indépendante du contribuable et plus particulièrement les éléments de son compte pertes et profits, sous rubrique 12.16 « autres produits », l’AFC-GE a repris un montant de CHF 52'418.- en 2012, CHF 62'193.- en 2014 et CHF 55'287.- en 2015 accompagné de l’indication suivante : « Service du contrôle - Rappel d’impôt : charges non justifiées par l’usage commercial ».

b. Le 26 novembre 2022, A______ a contesté ces bordereaux.

Les véhicules Maserati avaient été acquis pour entretenir des relations commerciales avec ses clients. Il s’agissait de faire « affaire » en obtenant des chantiers en échange de l’achat de véhicules, B______ étant son client principal. Les charges liées à ces véhicules revêtaient dès lors un caractère commercial, et l’amortissement y relatif devait être admis.

Enfin, les amendes pour soustraction d’impôt devaient être annulées. Il était carreleur de formation et n’avait aucune connaissance en comptabilité, raison pour laquelle il avait fait appel à des fiduciaires pour gérer sa comptabilité.

c. Par décision du 12 février 2024, l'AFC-GE a partiellement admis la réclamation du contribuable et diminué les amendes à la moitié des impôts soustraits, compte tenu de sa bonne collaboration et de l'impact de la peine sur son avenir.

Les reprises liées aux véhicules Maserati étaient toutefois maintenues, au motif que l'acquisition de véhicules de luxe n'était manifestement pas en lien avec le but de l’activité indépendante du contribuable et que ce dernier n’avait fourni aucun élément concret démontrant un lien de connexité entre son activité d’entreprise générale dans le bâtiment et l'acquisition de ces véhicules.

D. a. Par acte du 13 mars 2024, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de cette décision, concluant à son annulation. Préalablement, il a requis l’audition de ses fiduciaires en qualité de témoins, afin de prouver qu’aucune faute ne pouvait lui être reprochée.

Il contestait le refus de l'AFC-GE d’admettre, pour les années 2012 et 2014 à 2017, « la part professionnelle des frais et charges » relatifs à ses deux Maserati, acquises en 2012 et 2014. Rien ne l'empêchait d'utiliser professionnellement un véhicule d'une valeur supérieure à CHF 100'000.-, pour autant qu'il respectât la répartition des frais et charges entre ses activités professionnelles et privées. Du reste, la Maserati achetée en 2012 ne pouvait être considérée comme un véhicule de luxe, au vu de son prix d’acquisition. Quant à la Maserati acquise en 2014, « seule une faible part, soit CHF 11'111,11, était totalement à sa charge ». La part professionnelle des amortissements et des frais relatifs à ces deux véhicules devait être déduite de son chiffre d'affaires.

b. Le 24 juillet 2024, l’AFC-GE a résumé le détail des reprises finales pour les périodes fiscales concernées :

-          en 2012, elle avait, après réclamation, repris un montant total de CHF 51'289.60 comprenant des sommes d’assurance liées au véhicule Porsche appartenant à un employé du contribuable ainsi que des montants d’assurance ne comprenant aucune indication du véhicule y relatif et un montant de CHF 45'000.- correspondant à la perte sur vente de la Maserati ;

-          en 2014, elle avait repris un montant total de CHF 62'193.55 comprenant des contraventions routières non déductibles ainsi que des sommes payées à l’office cantonal des véhicules sans autre information et un montant de CHF 44'444.40 correspondant à l’amortissement de la seconde Maserati du contribuable.

-          en 2015, elle avait repris un montant total de CHF 55'287.31 comprenant une somme de CHF 847.- correspondant à la part privée du véhicule Mazda du contribuable ainsi que des contraventions routières non déductibles, des montants d’assurance ne comprenant aucune indication du véhicule correspondant et un montant de CHF 44'444.40 correspondant à l’amortissement de sa seconde Maserati.

c. Par jugement du 23 septembre 2024, le TAPI a rejeté le recours d’A______.

Le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte à ce qu’il avait été renoncé à l’audition des témoins cités.

Seules restaient litigieuses les reprises des frais et amortissements liés aux deux véhicules de marque Maserati, ce pour les périodes 2012 et 2014 à 2017, et les amendes infligées pour la soustraction d’impôt.

Le contribuable n’avait pas établi la nécessité commerciale pour son entreprise individuelle, active dans le bâtiment, d’utiliser des véhicules de très haut de gamme, tels que les deux Maserati. C’était partant à bon droit que l'AFC-GE avait repris tous les frais et amortissements y relatifs.

Les amendes infligées par l’AFC-GE ainsi que leur quotité étaient confirmées, le contribuable ne pouvant ignorer que de nombreuses charges de nature privée avaient, à tort, été portées en déduction des bénéfices de son entreprise individuelle. C’était en effet lui seul qui pouvait connaitre, mieux que quiconque, la nature privée des frais comptabilisés. Le fait que sa comptabilité et ses déclarations fiscales aient été établies par des experts en comptabilité ne le dédouanait pas de ses responsabilités fiscales. Il y avait lieu de retenir qu’il avait agi fautivement, à tout le moins par dol éventuel.

E. a. Le 23 octobre 2024, A______ a interjeté recours par devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) à l’encontre de ce jugement, concluant à son annulation ainsi qu’à l’audition de ses fiduciaires D______, E______ et F______.

L’audition des fiduciaires en charge de sa comptabilité était nécessaire afin d’écarter sa faute et d’annuler ses amendes, car elle permettait de confirmer sa méconnaissance de la comptabilité et la transmission de toutes les informations nécessaires à l’établissement d’une comptabilité correcte.

Concernant les reprises, il reprochait au TAPI d’avoir interdit à un carreleur l’utilisation de voitures de luxe dans l’accomplissement de son travail. Il n’existait aucune interdiction légale l’empêchant d’utiliser ce type de véhicule dans l’exercice de son activité professionnelle. À ce titre, la notice N1/2007 de l’AFC-CH relative à la manière d’estimer les prélèvements en nature et les parts privées aux frais généraux des propriétaires d’entreprises (ci - après : notice N1/2007) n’interdisait pas la déduction des frais et charges de voitures de luxe, mais fixait un seuil de prix au-delà duquel il convenait de leur appliquer des imputations comptables différentes. Il était dès lors libre de choisir le véhicule de son choix, mais devait accepter que la partie du prix de vente dépassant CHF 100'000.- soit réputée appartenir à sa fortune privée.

Les amendes infligées n’étaient pas justifiées, car il n’avait dissimulé aucun élément comptable à l’AFC-GE. Les reprises reposaient uniquement sur une interprétation comptable différente de l’AFC-GE concernant les charges justifiées par l’usage commercial, preuve en était que l’AFC-CH avait admis des charges en déduction que l’AFC-GE avait refusées. Il n’avait commis aucune faute, s’étant justement entouré de comptables possédant les compétences nécessaires à l’établissement de déclarations fiscales conformes à la loi et leur avait fait confiance.

b. Le 22 novembre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les montants repris n’étaient pas justifiés par l’usage commercial, ou subsidiairement, n’étaient pas démontrés par justificatifs.

Concernant les amendes infligées, les auditions sollicitées n’étaient pas pertinentes pour trancher l’issue du litige. L’AFC-GE n’avait pas outrepassé son pouvoir d’appréciation en fixant la quotité des amendes ; au contraire, elle avait fait preuve de clémence en la fixant à la moitié des impôts soustraits compte tenu de la bonne collaboration et de la situation personnelle de l’intéressé.

c. Le 9 décembre 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Le 17 décembre 2024, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             À titre préalable, le recourant sollicite l’audition de ses fiduciaires, D______, E______ et F______.

2.1 Aux termes des art. 115 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 18 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 317), les offres de preuve du contribuable doivent être acceptées, à condition qu’elles soient propres à établir des faits pertinents pour la taxation.

2.2 Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend pour le justiciable le droit d'obtenir l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes (ATF 142 Il 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Cette garantie constitutionnelle n'empêche toutefois pas l’autorité de renoncer à procéder à des mesures d'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il s’ensuit que le droit d'être entendu n'emporte avec lui aucun droit absolu d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3). L'autorité peut renoncer à les faire citer si, dans le cadre d'une appréciation anticipée non arbitraire des preuves, elle peut d'emblée dénier à ces témoignages une valeur probante décisive pour le jugement (ATF 130 II 425 consid. 21).

2.3 En l’espèce, le recourant sollicite l’audition de ses fiduciaires afin d’écarter le caractère intentionnel de l’infraction de soustraction d’impôt retenu par l’AFC-GE à son encontre. La chambre administrative estime toutefois que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige, de sorte qu’il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition des témoins cités. En effet, comme l’analysera la chambre de céans ci-après, l'allégation du recourant selon laquelle il se serait appuyé sur des fiduciaires compétentes et méticuleuses pour établir ses déclarations d'impôt ne le soustrait pas à sa responsabilité pénale (cf. consid. 7). La situation du recourant relève typiquement d’une situation justifiant un usage prépondérant de la procédure écrite, à savoir du contrôle de la justification commerciale des charges portées au passif de son entreprise individuelle. Au surplus et bien que le TAPI ait indiqué au recourant dans son jugement que rien ne l’empêchait de produire des attestations écrites des personnes citées, l’intéressé ne l’a pas fait, préférant prendre le risque de se voir refuser sa demande d’audition.

Partant, la demande d’audition de témoins sera rejetée.

3.             Il convient ensuite de déterminer le droit matériel applicable.

3.1 De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues par le droit en vigueur au cours des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 du 25 avril 2015 consid. 4 ; 2C_476/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4.1 ; ATA/1270/2017 du 12 septembre 2017). Le rappel d'impôts relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_663/2014 précité consid. 4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.1).

3.2 Le présent litige concernant les périodes fiscales 2012 et 2014 à 2016, la cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir la LIFD, la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

4.             Le litige porte sur le rappel d’impôt et les amendes ICC et IFD prononcées à l’encontre du recourant pour les périodes fiscales 2012, 2014 et 2015, plus spécifiquement sur les reprises relatives à ses deux véhicules Maserati.

5.             Dans un premier grief, le recourant conteste les reprises d’un montant de CHF 45'000.- correspondant à la « perte sur vente » de sa première Maserati pour l’année 2012 et de CHF 44'444.40 en 2014 et 2015 correspondant à l’amortissement de sa seconde Maserati.

5.1 Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD et 59 al. 1 LPFisc).

En l’occurrence, le recourant ne conteste pas que les conditions de ces dispositions sont remplies.

5.2 L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD ; art. 17 LIPP). Sont imposables tous les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD ; art. 19 al. 1 LIPP). Constituent notamment de tels revenus tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale. Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel (art. 27 al. 1 LIFD ; art. 30 LIPP), en particulier les dépenses faites pour l'exploitation d'un commerce, d'une industrie ou d'une entreprise et celles qui sont nécessaires pour l'exercice d'une profession ou d'un métier (art. 30 let. a LIPP).

Selon la jurisprudence, sont justifiées par l'usage commercial les dépenses qui apparaissent comme acceptables du point de vue commercial, ce qui dépend du contexte dans lequel elles sont effectuées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1). Une dépense dûment comptabilisée est justifiée par l'usage commercial lorsqu'il existe entre celle-ci et l'activité commerciale exercée par l'entreprise une connexité objective, en ce sens qu'il doit s'agir de frais qui sont en relation immédiate et directe (organique) avec le bénéfice réalisé par cette dernière. Cette connexité existe lorsque la dépense aurait été consentie par un gestionnaire ordinaire faisant preuve de la diligence objective requise par le droit commercial (Robert DANON in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2e édition, 2017, p. 1090 n. 129 et 130). Sa nécessité effective pour l'entreprise n'est pas déterminante. Il suffit qu'il existe un rapport de causalité objectif entre la dépense et le but économique de l'entreprise. Si un contribuable utilise son véhicule aussi bien pour des trajets privés que professionnels, il est nécessaire de procéder à la délimitation entre les frais nécessités par l'usage privé et les frais professionnels (arrêts du Tribunal fédéral 9C_719/2022 du 4 avril 2024 consid. 3.1 ; 2A.262/2006 du 6 novembre 2006 consid. 5.2).

5.3 La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent, entièrement ou de manière prépondérante, à l'exercice de l'activité lucrative indépendante (art. 18 al. 2 LIFD ; art. 19 al. 3 LIPP).  

Pour déterminer s'il y a lieu d'attribuer un bien à la fortune privée ou commerciale, il convient d'apprécier dans chaque cas l'ensemble des circonstances. Ainsi que cela ressort de la définition légale de la fortune commerciale, c'est la fonction technique et économique de chaque élément qui constitue le critère d'attribution déterminant; c'est par conséquent en première ligne la fonction effective et actuelle des biens en cause dans l'entreprise qui est déterminante (cf. ATF 133 II 420 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2020 du 18 mars 2021 consid. 4.2 et les références). 

La distinction entre frais professionnels, déductibles, et frais privés, non déductibles, peut être délicate chez l'indépendant. L'autorité de taxation doit notamment apprécier le caractère professionnellement usuel de la dépense (arrêts du Tribunal fédéral 2C_612/2012 et 2C_613/2012 du 26 février 2013 consid. 7.3.1 ; ATA/1060/2017 du 4 juillet 2017 consid. 7b).

Lorsque des biens alternatifs, à savoir des biens qui, par leur nature, peuvent appartenir aussi bien à la fortune commerciale que privée, font l'objet d'un usage mixte, c'est-à-dire une utilisation en partie commerciale et en partie privée (par exemple un véhicule utilisé à des fins professionnelles et privées), il convient de recourir à la méthode de la prépondérance. Selon celle-ci, la fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune mixtes qui servent entièrement ou de manière prépondérante à l'exercice de l'activité lucrative indépendante (art. 18 al. 2 LIFD). En revanche, les objets qui ne servent pas de manière prépondérante à l'activité commerciale appartiennent intégralement à la fortune privée, même s'ils sont en partie utilisés à des fins commerciales. En d'autres termes, un bien sera toujours attribué à la fortune commerciale lorsqu'il sert essentiellement les intérêts de l'activité indépendante. Dans ce contexte, c'est la fonction effective du bien qui est déterminante (ATF 133 II 420 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_719/2022 précité consid. 3.2).

5.4 La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales (art. 18 al. 3 LIFD et 19 al. 4 LIPP).

5.5 Concernant spécifiquement l’utilisation professionnelle de véhicules, la notice N1/2007, en vigueur lors des périodes fiscales concernées, prévoyait que si la totalité des coûts d'utilisation d'un véhicule utilisé partiellement à des fins privées et les kilomètres parcourus à titre privé et commercial (selon livre de bord) ne pouvait être prouvée, la part privée à déclarer mensuellement s'élevait à 0,8 % du prix d'achat du véhicule (TVA exclue), mais au moins à CHF 150.- par mois (notice N1/2007 point 5 let. b).

Dans le canton de Genève, l'utilisation professionnelle d'un véhicule dont les caractéristiques de confort et/ou de puissance dépassent celles que l'on peut raisonnablement reconnaître comme nécessaires à l'exercice d'une profession, est considérée comme relevant de la convenance personnelle. Ceci concerne aussi bien le prix d'achat du véhicule que son entretien au sens large (assurances, réparations, entretien, essence, etc.). Sauf cas particuliers dûment justifiés, l’AFC-GE considère qu’un véhicule peut être qualifié de « véhicule de luxe » lorsque son prix d'achat est supérieur à CHF 100'000.- (hors TVA).

Pour les véhicules de luxe, la part du prix d'achat qui excède le seuil de CHF  100'000.- (hors TVA) est réputée servir exclusivement à la convenance personnelle et doit donc être imposée à ce titre auprès du bénéficiaire. Étant donné que le véhicule demeure rattaché à l'entreprise, c'est la valeur de l'usage de la part de « luxe » qui est considérée comme une part privée (consulté sur le site officiel de l’État de Genève le 11 février 2025 à l’adresse suivante : Véhicules d'entreprise utilisés à des fins privées | ge.ch).

5.6 Dans un arrêt de 2024, le Tribunal fédéral a examiné le cas d'un médecin qui, pour effectuer le trajet entre son domicile et son cabinet médical, avait effectué 10'464 km avec son véhicule durant l’année litigieuse. Il n'était pas établi que le véhicule de l'intéressé lui était, par exemple, nécessaire et indispensable pour transporter du matériel médical encombrant ou pour effectuer des trajets fréquents d'une distance significative entre son cabinet et des patients auxquels il devait rendre visite. En conséquence, le véhicule litigieux n'était pas techniquement nécessaire à l'exploitation du cabinet médical, en tant qu'il servait au trajet du domicile au lieu de travail du contribuable et n'était pas déterminant pour l'affectation à la fortune commerciale. Partant, en vertu du principe de prépondérance en fonction des trajets effectués annuellement par le contribuable, le véhicule litigieux devait être considéré comme appartenant intégralement à sa fortune privée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_719/2022 précité consid. 5.2 ; ATA/1026/2024 du 27 août 2024 consid. 7.5). Le Tribunal fédéral a précisé que la situation d'espèce se distinguait, du point de vue de la fonction technique du véhicule, par exemple, de la situation d'un ébéniste qui devrait utiliser son véhicule utilitaire de manière prépondérante (par rapport à ses trajets privés) non seulement pour se rendre à son atelier depuis son domicile mais également pour transporter des fournitures et livrer ses clients.

Dans un autre arrêt de 2015 concernant une société ayant acquis en 2010 une Porsche d’une valeur de CHF 143'000.-, puis une BMW d’une valeur de CHF  137'000.- comme véhicules de fonction pour son actionnaire unique, le Tribunal fédéral a confirmé la décision de l’administration fiscale du canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures (ci- après : AFC-AR) d’admettre, pour la Porsche, un amortissement en retranchant toutefois la partie « luxueuse » du véhicule du prix d’achat (soit la différence entre le prix d’achat et CHF 100'000.-) considérant que cette partie n’avait aucune justification commerciale. Concernant la BMW, achetée peu après la Porsche, l’AFC-AR avait refusé de la qualifier de véhicule professionnel, la contribuable n’ayant pas prouvé la nécessité pour son actionnaire-unique de posséder deux véhicules de fonction. Devant les instances cantonales, l’intéressée avait finalement renoncé à qualifier la BMW de véhicule professionnel (arrêt du Tribunal fédéral 2C_697/2014 du 1er mai 2015 consid. 3).

5.7 Conformément au principe général de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), il appartient à l'autorité fiscale d'établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette fiscale ou la suppriment (cf. ATF 140 II 248 consid. 3.5 p. 252; 121 II 257 consid. 4c/aa). C'est partant au contribuable qui fait valoir une dépense d'apporter la preuve de son existence, ainsi que de sa justification commerciale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_149/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.1 ; 2C_15/2021 du 27 mai 2021 consid. 5.2 ; 2C_232/2015 du 20 août 2015 consid. 5.1; 2C_697/2014 du 1er mai 2015 consid. 2.3).

La déductibilité des frais justifiés par l’usage commercial ou professionnel est conditionnée par la preuve de leur nécessité au regard de l’activité poursuivie. Cette preuve incombe au contribuable, puisqu’elle tend à la diminution de la charge fiscale. La jurisprudence retient que la notion de frais justifiés par l’usage commercial doit être interprétée de manière large. Tout ce qui, selon l’usage commercial et la bonne foi, peut être considéré comme frais doit être admis du point de vue fiscal (ATA/1026/2024 précité consid. 7.6 ; ATA/626/2024 du 21 mai 2024 consid. 3.2).

5.8 L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, p. 620 n. 11 ; ATA/1127/2024 du 24 septembre 2024 consid. 2.7 ; ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4b). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_710/2016 du 5 août 2016 consid. 6.2 ; 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 in RDAF 2009 II 408 consid. 5 ; ATA/1026/2024 précité consid. 7.7 ; ATA/701/2024 du 10 juin 2024 consid. 6.6).

5.9 Les personnes physiques dont le revenu provient d’une activité lucrative indépendante doivent joindre à leur déclaration, à chaque période fiscale, les extraits de comptes signés (bilan, compte de résultats et, le cas échéant, annexe) de la période concernée ou, à défaut d’une comptabilité tenue conformément à l’usage commercial, un état des actifs et des passifs, un relevé des recettes et des dépenses ainsi que des prélèvements et apports privés (art. 125 al. 2 LIFD et 29 al. 2 LPFisc). Le contribuable doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte. Sur demande de l’autorité de taxation, il doit notamment fournir des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d’affaires (art. 126 LIFD et 31 LPFisc).

Les exigences auxquelles doivent répondre les pièces comptables requises par les dispositions précitées dépendent des circonstances du cas d'espèce, en particulier du type d'activité et de l'ampleur de cette dernière. Dans tous les cas, elles doivent être propres à garantir une saisie complète et fiable du revenu et de la fortune liés à l'activité lucrative indépendante et pouvoir être contrôlées dans des conditions raisonnables par les autorités fiscales (arrêts du Tribunal fédéral 2C_189/2016 du 13 février 2017 consid. 6.4.4 ; 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 6.5). Cette exigence est d'autant plus importante lorsque le contribuable entend alléguer des faits de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa), ce qu'il lui incombe de prouver (ATF 133 II 153 consid. 4.3).

La fonction première de la comptabilité commerciale est de fournir un système d’information fiable. Cette fiabilité intéresse en particulier les créanciers et les actionnaires de l’entreprise ou encore l’administration fiscale. Le principe d’intégralité (art. 957a al. 2 ch.1 et 958c al. 1 ch.1 de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse - CO - RS 220) exige que toutes les informations qui sont nécessaires à l’évaluation de la situation économique de l’entreprise (art. 957a al. 1 CO) soient communiquées. Le principe de fiabilité, quant à lui, englobe les principes de l’exactitude des comptes, de la sincérité (fidélité) du bilan et de l’absence d’arbitraire. Selon ce principe, les informations fournies dans les comptes doivent être exemptes d’erreurs importantes et de distorsions. En particulier, les écritures ne doivent pas être falsifiées ou déformées. De plus, les transactions doivent être enregistrées chronologiquement et intégralement dans un journal, la comptabilité doit être tenue en partie double et les comptes doivent s’aligner sur une structure logique qui soit conforme à un plan comptable reconnu. Le principe de justification de chaque enregistrement par une pièce comptable, qui concerne l’établissement de la comptabilité commande de documenter chaque opération significative par une pièce comptable reflétant l’élément de fait concerné (art. 957a al.2 ch. 2 CO). La pièce justificative doit porter le libellé de l’écriture, son montant, les références de l’émetteur et la date de son établissement (Robert DANON op. cit., p. 1059-1060).

Selon la jurisprudence, des explications générales et non étayées ne suffisent pas à établir que l'usage commercial justifie les frais comptabilisés. En effet, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, il incombe au contribuable d'apporter la preuve que la totalité des dépenses comptabilisées est en relation directe avec l'acquisition ou le maintien du chiffre d'affaires (ATA/182/2024 du 6 février 2024 consid. 8.2 ; ATA/1218/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2c).

6.             En l’espèce, le recourant prétend qu’il était libre de choisir des Maserati comme voitures de fonction et que seule la valeur correspondant à la partie dite « luxueuse » de ces dernières, soit la partie dépassant CHF 100'000.-, n’était pas justifiée par l’usage commercial et pouvait être reprise par l’AFC-GE.

Ce raisonnement ne peut être suivi. En effet, l’analyse de la justification commerciale de charges liées à un véhicule de « luxe » comporte deux étapes, la première consistant à examiner la justification commerciale du véhicule en lui‑même et la seconde à analyser la justification commerciale de son caractère luxueux. Ainsi, si l’achat du véhicule n’a aucune justification commerciale pour l’entreprise, les charges liées à ce dernier ne pourront pas être prises en compte et l’analyse s’arrête là. En revanche, si l’utilisation du véhicule est justifiée par l’usage commercial, alors une potentielle part privée pourra être calculée à l’aide de la notice N1/2007 et il sera également possible d’examiner la justification commerciale du caractère luxueux.

Or, dans le cas présent, le recourant ne parvient pas à établir la nécessité commerciale pour son entreprise individuelle, active dans le bâtiment, d’utiliser les deux véhicules en cause. Ainsi, c’est bien la justification commerciale des véhicules en tant que telle qui est remise en cause par l’intimée et pas uniquement son caractère luxueux comme semble le penser l’intéressé. Il n’est en effet pas contesté que, durant les périodes concernées, le recourant disposait d’autres véhicules « utilitaires », en propriété et en leasing, dont notamment des Mercedes, un pick up GMC Sierra, une Mazda, une Cadillac, des camionnettes Peugeot et Ford et des Citroën. Il n’explique pas en quoi l’achat des Maserati, en sus des autres véhicules déjà à disposition, était nécessaire à l'exploitation de son activité de carreleur. Il ne prétend, en particulier, pas que le nombre d’employés de son entreprise – qu’il ne chiffre d’ailleurs pas – justifie l’utilisation de deux véhicules supplémentaires à ceux déjà comptabilisés dans les charges commerciales. Il n’allègue pas non plus que ses Maserati seraient nécessaires et indispensables pour transporter du matériel de chantier encombrant, se contentant d’alléguer qu’en tant qu’entrepreneur, il a le droit de choisir des Maserati comme véhicules de fonction.

S’ajoute à cela que l’utilisation à des fins commerciales des deux Maserati pour des prix de CHF 95’000.- et CHF 120'000.- paraît d’autant moins crédible que les revenus du recourant déclarés en 2012 et 2014 ne s’élevaient qu’à respectivement CHF 63'094.- et CHF 97'395.-. Ces éléments conduisent ainsi à penser que les deux Maserati en question n’ont servi qu’à son propre intérêt et non à celui de son entreprise. C’est le lieu de préciser, bien que ce grief n’ait plus été soulevé devant la chambre de céans, que l’intéressé n’a jamais expliqué de manière spécifique et détaillée quelles relations commerciales ses Maserati lui auraient permis de nouer ou de faire perdurer. Il s’est contenté d’indiquer, de manière toute générale, que l’achat et la vente de véhicules de luxe lui avaient permis d’entretenir des relations commerciales avec ses clients, ce qui ne suffit à l’évidence pas à retenir l’existence d’une justification commerciale.

Il convient ainsi de retenir que le recourant ne parvient pas à démontrer que l'achat de tels véhicules était nécessaire à l'exercice de sa profession et qu’il ne relevait pas de sa pure convenance personnelle, alors que le fardeau de la preuve lui incombait. Les reprises litigieuses opérées par l’AFC-GE en lien avec les deux Maserati doivent ainsi être confirmées.

7.             Dans un second grief, le recourant conteste le bien-fondé des amendes infligées pour soustraction d’impôt.

7.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1 ; ATA/1183/2023 du 31 octobre 2023 consid. 7.1).

La violation d'une obligation légale peut résulter d'une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l'art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.4.2).

7.2 En l’occurrence, la réalisation des éléments objectifs de la soustraction fiscale n’est pas remise en cause. Le recourant conteste uniquement avoir commis une faute.

7.3 La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 précité consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 précité consid. 3.7.1 ; 2C_1066/2018 précité consid. 4.1). Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_874/2018 précité consid. 10.1.3 ; 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1).

Selon la jurisprudence, la conformité du comportement du contribuable à ses obligations légales s'examine de manière objective, et non suivant la représentation subjective que celui-ci avait des événements à l'époque (ATA/203/2014 du 1er avril 2014 consid. 6c). En outre, les administrés ne sauraient se prévaloir de leur méconnaissance du droit (ATF 126 V 308 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2010 du 3 octobre 2011 consid. 6).

7.4 Lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention. Il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2017 du 17 septembre 2018 consid. 9.4 ; 2C_908/2011 du 23 avril 2012 consid. 3.5). Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, conformément à l'art. 124 al. 2 LIFD, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent. Il répond ainsi lui‑même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui-même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables. Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 précité consid. 3).

Ainsi, il n’est pas déterminant sous l'angle des conditions d'une soustraction fiscale que le contribuable ait confié à une fiduciaire le soin d'effectuer sa comptabilité et ses déclarations fiscales (arrêts du Tribunal fédéral 9C_762/2023 du 26 juin 2024 consid. 10.2 ; 9C_257/2024 du 24 juin 2024 consid. 7.3).

Lorsque le contribuable qui ne dispose pas de connaissances fiscales particulières choisit un mandataire compétent et lui communique tous les documents et renseignements nécessaires à l’établissement d’une déclaration conforme à la vérité, on ne peut raisonnablement pas lui reprocher de signer sa déclaration sans la contrôler dans les moindres détails. Il y aurait plutôt lieu de déterminer si le contribuable a transmis des documents incomplets à son mandataire, s’il l’a correctement instruit ou s’il s’est entendu avec lui pour commettre l’infraction fiscale (ATA/1183/2023 précité consid. 7.2).

7.5 En cas de soustraction d’impôt consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1).

La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1).

Le Tribunal fédéral considère que la bonne collaboration du contribuable dans le cadre la procédure en soustraction d'impôt constitue en principe un élément permettant de réduire la peine (arrêts du Tribunal fédéral 9C_763/2023 précité consid. 10.3 ; 2C_875/2018 du 17 avril 2019 consid. 8.2.2 ; 2C_1007/2012 du 15 mars 2013 consid. 5.2). Il en va de même de l'écoulement d'un temps relativement long entre l'acte et sa découverte, durant lequel le contribuable s'est comporté correctement à l'égard du fisc (Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 47 ad art. 175).

Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (ATF 144 IV 136 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1 ; ATA/376/2024 du 12 mars 2024 consid. 6.3). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

7.6 En l’espèce, le recourant conteste avoir eu l’intention de commettre l’infraction de soustraction fiscale et invoque, à sa décharge, son absence de connaissance en matière fiscale et le fait qu’il avait confié sa comptabilité à des fiduciaires.

La chambre de céans relève à titre liminaire que la soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. Ainsi, même si l’AFC-GE avait retenu la négligence du recourant, ce dernier n’aurait pas de facto été exempté d’amende. Toutefois, et comme retenu à juste titre par l’AFC-GE, l’intention du précité ne fait aucun doute. En effet, même sans être au bénéfice d’une formation particulière en fiscalité, l’intéressé disposait, en raison de son activité professionnelle à titre d’indépendant et de son bon sens, de capacités suffisantes pour se rendre compte des conséquences de la comptabilisation de frais de véhicules privés dans le compte de résultat de son entreprise, puis répercutés comme tels dans ses déclarations d’impôts. Le fait que sa comptabilité et ses déclarations fiscales aient été établies par une fiduciaire n’y change rien. Il apparait au contraire que c’est le recourant lui‑même qui indiqué à ses comptables que tous ses véhicules étaient professionnels, puisqu’il le soutient encore dans la présente procédure, en affirmant n’avoir disposé que de « véhicules utilitaires ». La chambre administrative relève au surplus que le caractère inexact de ses déclarations a persisté malgré les changements de fiduciaires entre 2012 et 2017, confirmant ainsi son intention délictueuse.

Le recourant ne remet pas en cause la quotité des amendes, lesquelles ont été fixées à la moitié des impôts soustraits, soit une proportion proche du minimum d’un tiers admis. L’intimée a ainsi pris en considération la bonne collaboration du recourant et l’impact financier des pénalités sur l’avenir de son entreprise. En particulier, l’intéressé ne saurait se prévaloir de sa prétendue méconnaissance du droit fiscal et comptable à titre de circonstance atténuante, puisqu’il ne pouvait ignorer que ses deux Maserati n’étaient pas nécessaires à l’exercice de son activité indépendante, considérant le nombre abusif de véhicules « commerciaux » déjà immatriculés au nom de son entreprise individuelle. Au vu de la gravité des faits reprochés, il n’apparaît pas que l’intimée ait mésusé de son large pouvoir d’appréciation en la matière.

En conséquence, les amendes infligées sont justifiées tant dans leur principe que dans leur quotité et doivent être confirmées.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe intégralement (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 septembre 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Damien BLANC, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’administration fédérale des contributions.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :