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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/633/2024

ATA/1179/2024 du 08.10.2024 sur JTAPI/185/2024 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/633/2024-PE ATA/1179/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 octobre 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mars 2024 (JTAPI/185/2024)


EN FAIT

A. a. Par décision du 23 janvier 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse et des États membres de l’Union Européenne et associés à Schengen de A______, née le ______ 1986, ressortissante de Mongolie.

Elle était entrée en Suisse sans documents de voyage valables, ne disposait pas de visa ou de titre de séjour valable, ni de moyens financiers suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou de transit. Elle avait été condamnée à cinq reprises entre septembre 2020 et août 2023 par le Ministère public pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation.

b. A______ était détenue en exécution de peine à la prison de la Tuilière lorsqu’elle a reçu cette décision.

B. a. Par acte du 20 février 2024, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.

Elle était consciente d’être hors délai pour le recours. Elle n’avait toutefois pas compris jusque-là la décision et vu qu’il y avait un droit de recours.

Elle était en Suisse depuis douze ans et était en droit de demander une autorisation de séjour, ce qu’elle s’apprêtait à faire lorsqu’elle avait été arrêtée par la police. À sa sortie de prison, elle comptait retourner à Genève, chercher un travail et régulariser sa situation.

Il n’était pas envisageable pour elle de retourner en Mongolie, où elle retrouverait le père de sa fille, qui était dangereux. Elle était venue en Suisse pour y refaire sa vie et s’efforçait de s’y intégrer.

b. Par jugement du 6 mars 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

A______ avait posté son recours le 23 février 2024, soit bien au-delà du délai de cinq jours fixé par la loi. Elle n’avait pas fait état d’un élément quelconque qui pourrait laisser supposer la survenance d’un cas de force majeure qui l’aurait empêchée d’agir en temps utile, mais admis que son recours était tardif et expliqué qu’elle avait compris tardivement le sens de la décision et le fait qu’elle pouvait recourir contre elle.

C. a. Par acte remis à la poste le 3 avril 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement.

Le délai de cinq jours lui avait laissé très peu de temps pour recevoir la nouvelle, la comprendre et décider quelle suite lui donner. Elle avait lu le courrier avec plusieurs personnes et aucune n’avait vu le délai indiqué en petits caractères au bas de la dernière page.

Elle était en Suisse depuis douze ans et n’avait jamais commis de délit ni causé de problème. Elle avait été contrôlée cinq fois entre 2020 et 2023 et la seule chose qui lui avait été reprochée était de ne pas avoir de permis. Elle s’était vu infliger des amendes, qu’elle n’avait pu payer. Elle avait l’intention de demander un permis B lorsqu’elle s’était fait arrêter. Il n’était pas envisageable de retourner en Mongolie. Elle craignait de retrouver le père de sa fille, qui était dangereux. Elle s’efforçait de s’intégrer en Suisse. Elle avait déjà une bonne connaissance de la langue française et prenait des cours de français à la prison de la Tuilière. Elle avait un cercle d’amis, devenu sa famille et un conjoint à Annemasse.

b. Le 6 mai 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 8 mai 2024, la recourante a été invitée à répliquer dans un délai échéant au 5 juin 2024.

d. Le 30 mai 2024, le TAPI a produit l’ordonnance du 27 mai 2024 par laquelle le Tribunal d’application des peines et mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la libération conditionnelle de A______ pour le 28 mai 2024, attirant son attention sur le fait que sa seule présence en Suisse après sa mise en liberté serait constitutive d’une infraction pouvait entraîner la révocation de sa libération conditionnelle.

e. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti.

f. Le 7 juin 2024, l’OCPM a produit la copie du courrier du 24 mai 2024 par lequel la recourante le saisissait d’une contestation de la décision d’interdiction d’entrée en Suisse prononcée le 2 avril 2024 par le secrétariat d’État aux migrations (ci‑après : SEM), afin qu’il l’adresse à ce dernier. Elle s’était réfugiée en Europe pour échapper au père de sa fille qui la persécutait et menaçait son entourage. Elle craignait pour sa vie et celle de sa famille si elle rentrait en Mongolie.

g. Le 11 juin 2024, la prison de la Tuilière a indiqué que la recourante avait quitté l’établissement sans laisser d’adresse et qu’elle était par ailleurs sans adresse connue.

h. Le 14 juin 2024, la demande d’assistance juridique de la recourante a été rejetée, faute de chances de succès.

i. Le même jour, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Dans la mesure où le TAPI a déclaré le recours porté devant lui irrecevable, l’objet du litige est circonscrit à ce point. Les arguments que la recourante fait valoir au sujet du bien-fondé de la décision de l’OCPM, en tant qu’ils peuvent être considérés comme des griefs, ne sont pas recevables.

3.             Il convient d’examiner si le jugement d’irrecevabilité est fondé.

3.1 L’art. 64 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) prévoit que les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre (a) d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu, (b) d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse. Selon l’al. 3 de la même disposition, la décision visée à l’al. 1 let. a et b, peut faire l’objet d’un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification. Le recours n’a pas d’effet suspensif. L’autorité de recours statue dans les dix jours sur la restitution de l’effet suspensif.

3.2 Les délais de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1 1ère phr. LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (SJ 2000 I 22 ; ATA/1240/2019 du 13 août 2019 consid. 4a). L'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_659/2021 du 24 février 2022 consid. 2.1 ; 6B_1079/2021 du 22 novembre 2021 consid. 2.1).

3.3 Aux termes de l'art. 16 LPA, les cas de force majeure sont réservés (al. 1) ; le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (al. 2) ; la restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé ; la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (al. 3).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c ; ATA/378/2014 du 20 mai 2014 consid. 3d). Les conditions pour admettre un empêchement de procéder à temps sont très strictes. Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. L’empêchement doit être de nature telle que le respect des délais aurait impliqué la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’une personne avisée (ATA/495/2022 du 10 mai 2022 consid. 2c ; ATA/1373/2018 du 18 décembre 2018 consid. 8 ; ATA/1595/2017 précité consid. 3).

3.4 En l’espèce, la recourante admet elle-même que son recours auprès du TAPI est tardif.

Les voies et délais de recours étaient indiqués en caractères gras sur la décision que la recourante a reçue. Le temps qu’elle dit avoir mis pour comprendre la décision et décider de recourir ne constituent pas un cas de force majeure au sens de la jurisprudence suscitée.

Les arguments relatifs au bien-fondé de son recours au TAPI ont trait au fond et ne lui sont d’aucun secours pour contester la tardiveté de son recours.

C’est ainsi de manière conforme à la loi que le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

Mal fondé, le recours formé devant la chambre administrative sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, la recourante supportera un émolument de CHF 400.- et ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 avril 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mars 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A_______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.