Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1120/2024 du 24.09.2024 sur JTAPI/879/2024 ( MC ) , ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/2834/2024-MC ATA/1120/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 24 septembre 2024 1ère section |
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dans la cause
COMMISSAIRE DE POLICE recourant
contre
A______ intimé
représenté par Me Joanna BÜRGISSER, avocate
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 septembre 2024 (JTAPI/879/2024)
A. a. A______, né le ______ 1998, ressortissant tunisien, est titulaire d’un passeport valable jusqu’au 6 avril 2026.
b. Il est le père de B______, né le ______ 2022, de nationalité française, né de son union avec C______, née le ______ 2001. La mère et l’enfant vivent à Grenoble.
c. L’autorisation de séjour en France de A______ est arrivée à échéance le 20 février 2024.
Il a déposé une demande de renouvellement le 5 février 2024, qui a été refusée, en septembre 2024, en raison de violences conjugales.
Selon A______, une seconde demande de renouvellement aurait été déposée le 2 août 2024.
d. A______ est consommateur de crack et de haschich.
e. Il a fait l’objet de plusieurs condamnations tant en France qu’en Suisse.
Il a notamment été condamné pour recel, contravention à la loi sur les stupéfiants, entrée et séjour illégaux en Suisse, vol simple et dommages à la propriété.
Interpellé le 26 mars 2024, il a été mis en détention jusqu’au 25 septembre 2024.
f. Il a fait l’objet d’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois à compter du 19 mai 2022 ainsi que d’une interdiction d’entrée en Suisse et au Liechtenstein, prononcée par le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) le 26 novembre 2021, notifiée le 8 février 2022 et valable jusqu’au 25 novembre 2024.
g. Par décision du 15 août 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse ainsi que du territoire des États membres de l’union européenne et des États associés à Schengen. La poursuite de son séjour constituait une menace pour la sécurité et l’ordre public en raison de ses antécédents judiciaires suisses. Des indices concrets faisaient par ailleurs craindre qu’il entendait se soustraire à l’exécution du renvoi, dès lors qu’il n’avait pas hésité à revenir sur le territoire helvétique malgré une décision d’interdiction d’entrée en Suisse dont il se savait faire l’objet.
h. Le 29 août 2024, A______ a déposé une demande d’asile en Suisse. Il refusait d’être expulsé dans son pays d’origine où il rencontrait des problèmes. Sa femme et son fils vivaient en France. Il demandait l’asile afin de rester auprès de sa famille.
i. Les demandes de réadmission déposées par la Suisse les 23 juillet, 2 août et 4 septembre 2024 ont été refusées par les autorités françaises.
B. a. Le 29 août 2024, à la suite du paiement d'amendes par A______, un ordre d'exécution a été établi par le service de l'application des peines et mesures prévoyant une fin de peine au 3 septembre 2024 en lieu et place du 25 septembre 2024.
b. Le 3 septembre 2024, à 17h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de A______ pour une durée de quatre mois.
Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Tunisie, sans donner de motif, et qu’il était en bonne santé.
Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.
c. Lors de l’audience devant le TAPI, A______ a indiqué qu’il n'était pas d'accord de rentrer en Tunisie et s'opposait à sa mise en détention administrative pour une durée de quatre mois. Il serait convoqué au Tribunal de police le 9 décembre 2024 pour une procédure d’infraction à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Sa femme avait retiré la plainte pénale à son encontre pour violences conjugales.
d. Par jugement du 6 septembre 2024, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative mais a réduit la durée à deux mois, soit jusqu'au 2 novembre 2024 inclus.
A______ faisait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire. Il avait notamment été condamné pour vol et recel, soit des crimes selon l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Il n'avait pas respecté la décision d’interdiction de pénétrer sur le territoire genevois ni celle du SEM lui interdisant l'entrée en Suisse jusqu’au 25 novembre 2024, démontrant son mépris pour les injonctions données par les autorités. Son comportement laissait clairement apparaître qu'il n'était pas disposé à retourner dans son pays d'origine et qu'il refusait d'obtempérer aux instructions des autorités. Il avait admis être un consommateur de crack. Il comptait une procédure en cours pour non‑respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée conformément à l'art. 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), avait franchi la frontière à plusieurs reprises malgré l'interdiction d'entrée en Suisse dont il faisait l'objet et avait été condamné pour ce motif. Il avait enfin déposé une demande d'asile le 22 août 2024, quelques jours après la notification de la décision de renvoi de l'OCPM, alors qu'il avait tout loisir de le faire avant, lors de sa détention pénale. Il pouvait en être déduit que cette demande n'avait d'autre but que d'éviter l'exécution du renvoi en direction de son pays d'origine. Les conditions de la mise en détention administrative selon l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b, c, f, g et h ainsi que selon l'art 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI étaient réalisées.
Les autorités avaient agi avec célérité, puisqu’elles avaient déposé deux demandes de réadmissions infructueuses aux autorités françaises et réserveraient un vol en direction de la Tunisie, une fois droit connu sur la demande d'asile de l'intéressé.
La durée de la détention prenait en considération le temps nécessaire pour l'examen de la demande d'asile par le SEM et pour permettre le refoulement de l'intéressé au moyen d'un vol sans escorte policière. Si l'intéressé devait refuser d'embarquer sur le premier vol possible, l'autorité devrait bénéficier du temps nécessaire à l'organisation d'un vol avec escorte. L'ordre de mise en détention administrative était confirmé, mais pour une durée de deux mois. L’intéressé pourrait, le cas échéant, redéposer une requête de réadmission en France. En l'état, son renvoi en Tunisie paraissait justifié. Le courriel du Centre de coopération policière et douanière (ci-après : CCPD) du 4 septembre 2024 était convaincant en ce qui concernait un refus en cas de demande de réadmission en France.
C. a. Par acte du 13 septembre 2024, le commissaire de police a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation en tant qu’il réduisait à deux mois la durée de la détention administrative et, cela fait, à la confirmation de la détention pendant quatre mois.
Depuis le prononcé du jugement, une quatrième demande de réadmission avait été envoyée aux autorités françaises. Elle avait été refusée le 11 septembre 2024.
Contrairement à ce que A______ avait indiqué devant le TAPI, il n’avait pas retiré sa demande d’asile.
À teneur de la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de la proportionnalité contenait non seulement une interdiction d’excès mais aussi une interdiction d’insuffisance : la durée de la mesure devait être suffisante pour atteindre son objectif. La règle de l’aptitude impliquait que l’étendue temporelle confirmée par le juge saisi de l’examen de la mesure soit propre à atteindre le but fixé à savoir l’exécution du refoulement de la personne privée de liberté aux fins de mettre en œuvre la décision de renvoi ou d’expulsion prononcée à son endroit.
C’était à tort que le TAPI avait considéré qu’une durée de détention administrative de deux mois, limitée au 2 novembre 2024, serait suffisante pour permettre l’exécution du renvoi de l’intéressé dans son pays d’origine. L’examen de sa demande d’asile nécessiterait un certain temps. Au vu de son opposition à son renvoi, il y avait tout lieu de retenir qu’il mettrait en échec une première tentative de rapatriement par vol DEPU (non accompagné) et que, partant, l’organisation d’un nouveau vol DEPA (avec escorte policière) serait nécessaire. Enfin, dans l’analyse de la durée visée, il convenait d’intégrer le délai de huit jours ouvrables avant l’échéance de la mesure se rapportant à une demande de prolongation de la détention administrative institué par l’art. 8 al. 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), ce que le premier juge n’avait pas fait. L’exécution du renvoi de l’intimé, soit le but à atteindre au moyen de la détention administrative, ne pourrait en aucun cas intervenir dans le délai fixé par le TAPI.
b. A______ a conclu au rejet du recours. Devant le refus systématique et inexplicable de la France d’admettre sa réadmission, il avait finalement décidé de maintenir sa demande d’asile. Il avait écrit au SEM afin que la France soit désignée comme « pays responsable » du traitement de sa demande d’asile et que la procédure soit traitée de manière urgente au sens du « règlement UE 04/2013 ».
Il avait collaboré et fourni tous les éléments qui lui étaient demandés. Il ne pouvait pas être tenu pour responsable d’un quelconque retard, contrairement aux autorités suisses. Aucune pièce justificative n’avait été jointe à la première demande de réadmission, raison de son refus. Lors de la seconde demande de réadmission, les services du commissaire de police avaient mis un mois à s’apercevoir qu’un incident informatique s’était produit et que celle-ci n’était pas complète. Aucune pièce au dossier ne prouvait l’envoi d’une troisième demande : seule existait une mention dans les échanges de courriels selon laquelle « donc dans l’absolu, ce sera de nouveau un refus en cas de demande de réadmission ». Par ailleurs, l’autorité avait été inactive pendant plus d’un mois alors qu’il était en détention. Or, deux jours avaient suffi à obtenir une réponse des autorités compétentes lors de la quatrième demande de réadmission. Les délais de traitement ne pouvaient donc servir de prétexte à une prolongation de la détention administrative.
En affirmant que sa demande d’asile était de nature à retarder son renvoi, le commissaire de police oubliait d’envisager qu’il ne serait pas forcément renvoyé en Tunisie. Les délais de traitement des demandes urgentes étaient très brefs. La Suisse pouvait demander une réponse au pays requis dans un délai d’une semaine. Le délai maximum était d’un mois. Dans les cas de demande « Dublin », 50 jours étaient prévus entre le dépôt de la demande et le transfert. Ayant déposé sa requête le 22 août 2024, il devrait être transféré au plus tard le 11 octobre 2024. La détention en vue de son renvoi ne se justifiait pas au-delà du 18 octobre 2024.
Il avait toujours sollicité son renvoi en France, pour rejoindre sa famille. Il avait collaboré de manière rapide et sans opposition aux requêtes qui lui étaient faites. En prison, il avait été respectueux et discipliné. Sa libération conditionnelle avait été préavisée favorablement. Il y avait en conséquence tout lieu de penser que, même dans l’éventualité fortement improbable d’un rapatriement en Tunisie, il ne s’opposerait pas de manière violente à son renvoi, lequel pourrait se faire sans accompagnement. Une détention de quatre mois n’était pas nécessaire à l’exécution d’une mesure, pour le moment hypothétique. Enfin, il y avait des vols quotidiens de Genève à Tunis.
c. Le TAPI a conclu au rejet du recours. À l’issue de sa plaidoirie du 3 septembre 2024, sur question du tribunal, la représentante du commissaire de police n’avait pas pu justifier la durée des démarches pour un renvoi en Tunisie et avait indiqué ne pas la connaître. Aucune feuille de route n’avait été présentée. Dans ces conditions, deux mois de détention paraissaient adéquats, même si l’intéressé refusait d’embarquer sur un premier vol sans escorte policière. La question de la réadmission en France avait été longuement abordée lors de l’audience, sachant que A______ y avait sa femme et son fils. Il n’était pas totalement exclu qu’une réadmission soit possible. Sur la base des pièces soumises, elle apparaissait en l’état exclue. Le cas échéant, la mise en détention pourrait de nouveau être examinée par le TAPI à moyenne échéance.
d. Dans sa réplique, le commissaire de police a persisté dans ses conclusions. À suivre le contraint, sa demande d’asile serait traitée par le SEM en 50 jours. Ceci excluait que son renvoi puisse être exécuté dans ce même laps de temps et ne tenait pas compte de la date d’enregistrement de la demande d’asile ni des modalités de transfert fixées par les autorités nationales étrangères. D’une part, ces délais ne tenaient compte ni de la date d’enregistrement de la demande d’asile ni des modalités de transfert fixées par les autorités nationales étrangères. D’autre part, même dans l’hypothèse où les délais allégués par A______ seraient tenus, la durée de la détention administrative réduite à deux mois par le premier juge ne permettrait pas d’atteindre l’objectif visé par la mesure. Enfin, l’exécution du renvoi était suspendue jusqu’à l’entrée en force de la décision relative à l’asile, de surcroît sujette à un éventuel recours. À ce stade, rien n’indiquait que les accords Dublin puissent s’appliquer. Ses nouvelles déclarations, à teneur desquelles il ne s’opposerait pas à son refoulement dans son pays d’origine par un vol sans escorte, était dépourvues de toute crédibilité.
Il était contesté que la représentante du commissaire de police aurait été empruntée pour renseigner le TAPI quant à la durée des démarches inhérentes au renvoi de l’intimé en Tunisie, dès lors que A______ était en possession d’un passeport original et en cours de validité. Il ignorait ce que le TAPI entendait par « feuille de route ».
e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
f. Le 20 septembre 2024, A______ a transmis à la chambre de céans un échange de courriels avec le SEM. Conformément à l’art. 5 du règlement Dublin III, un entretien aurait lieu avec un représentant du SEM le lundi 23 septembre 2024 dans l’établissement de Favra.
g. Dans le délai imparti aux parties pour tenir la chambre de céans informée de l’avancement du dossier et transmettre toute observation utile, A______ a communiqué, le lundi 23 septembre 2024, une copie du procès-verbal d’audition « Dublin : entretien individuel selon l’art. 5 du règlement (UE) No 604/2013 ».
Selon ce document, A______ a notamment déclaré ne pas être marié. Il avait vécu avec la mère de son enfant jusqu’en mars 2024. Il avait subi des violences policières et du racisme en France. Il était parti « d’un jour à l’autre sans le dire à [sa] femme pour prendre l’air ». Il était en dépression et pensait à se suicider. Le visage de son fils le retenait, mais cela n’allait pas durer longtemps. Il souhaitait être placé dans un centre psychiatrique pour y être soigné. Il n’avait pas pu parler à sa famille, ce qui lui pesait. Sa compagne ne se portait pas bien en raison de cette situation. Elle était venue le voir en prison. Il lui avait donné tout l’argent en sa possession pour subvenir aux besoins de son fils. Il se sentait toujours dépendant du crack, du cannabis et de l’alcool.
À l’affirmation du représentant du SEM qu’il était possible que la France soit compétente pour l’examen de la demande d’asile et que, le cas échéant, la Suisse n’examinerait pas sa requête et qu’il serait renvoyé en France, l’intéressé a indiqué qu’il était d’accord de retourner en France si ce pays acceptait sa réadmission. S’il devait la refuser, il préférait rester en Suisse. Sa volonté première consistait à retourner en France.
h. Il a encore transmis copie de la requête du SEM aux autorités françaises. Copie en a été transmise au commissaire de police.
i. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 16 septembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.
À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).
3.
3.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).
3.2 En vertu de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 LEI, après notification d’une décision de première instance de renvoi ou d’expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d’expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66a bis CP, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 75 al. 1 let. g LEI) ou a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI).
Par crime au sens de l’art. 75 al. 1 let. h LEI, il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a).
3.3 La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 Cst., qui se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; ATA/1037/2022 du 14 octobre 2022 consid. 4 et l’arrêt cité).
3.4 Aux termes de l’art. 79 LEI, la détention en phase préparatoire et la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion visées aux art. 75 à 77 LEI ainsi que la détention pour insoumission visée à l’art. 78 LEI ne peuvent excéder six mois au total (al. 1) ; la durée maximale de la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus et, pour les mineurs âgés de 15 à 18 ans, de six mois au plus, dans les cas suivants : la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (al. 2 let. a) ; l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (al. 2 let. b).
Conformément à l’art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion doivent être entreprises sans tarder.
La durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d’espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).
Le principe de la proportionnalité interdit non seulement que la mesure administrative en cause soit plus incisive que ce qui est nécessaire, mais aussi qu’elle soit insuffisante pour atteindre son but (arrêts du Tribunal fédéral 2C_497/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.2.2 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 4.3.3).
Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n’est plus accomplie en vue de l’exécution du renvoi par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l’étranger lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités).
3.5 À teneur de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention est levée si le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, une telle impossibilité supposant en tout état de cause notamment que l’étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d’origine, de provenance ou un État tiers (ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées).
3.6 Le dépôt d'une demande d'asile n'a pas d'effet ipso facto sur la détention administrative, obligeant uniquement l'autorité à envisager une détention fondée sur l'art. 75 LEI si une détention en vue de renvoi (art. 76 LEI) a déjà été prononcée ou confirmée (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : loi sur les étrangers, 2017, n. 8 ad art. 76 LEI).
4. En l’espèce, et ainsi que l’a admis le TAPI, les conditions de détention administrative sont remplies, point qui n'est pas contesté par le recourant, l'intimé n'ayant quant à lui pas interjeté recours.
Le seul point litigieux est la durée de la détention administrative en cause au regard du délai dans lequel l'expulsion pourra vraisemblablement être exécutée.
La durée de quatre mois, telle que fixée initialement par le commissaire de police, a été ramenée à deux par le TAPI.
L’intimé insiste sur sa volonté de retourner en France auprès de son fils et de la mère de celui-ci, en lieu et place d’un retour en Tunisie. En l’état, il ne démontre pas être au bénéfice d’un titre de séjour en France. Dans ces conditions, c’est à bon droit que le recourant a fixé la durée de la demande de mise en détention administrative en fonction d’un retour en Tunisie. À ce titre, le délai de deux mois apparaît insuffisant pour obtenir une décision définitive et exécutoire sur la demande d’asile que l’intéressé vient de déposer et procéder à son renvoi dans son pays d’origine.
Si la France devait se déclarer compétente sur la question de l’asile, l’intimé serait renvoyé vers ce pays, à teneur du procès-verbal du 23 septembre 2024, la détention administrative en Suisse prenant alors fin.
De même, une réadmission vers la France a été refusée à tout le moins à trois reprises par les autorités françaises. En cas de revirement des autorités françaises, l'intimé pourrait évidemment être renvoyé en France avant l’échéance de la détention administrative fixée en Suisse (ATA/604/2020 du 18 juin 2020 consid. 4).
Le seul objet du recours portant sur la durée de la détention, une durée de deux mois est, en l'état, insuffisante pour permettre l'exécution du renvoi de l'intimé vers son pays d’origine. Il se justifie de rétablir la durée de la détention à quatre mois, étant rappelé que dans l’analyse de la proportionnalité de la durée de la détention administrative, l’intéressé a plusieurs fois violé des mesures moins incisives, à l’instar de l’interdiction territoriale.
Le recours sera en conséquence admis, la détention administrative de l'intimé étant ordonnée pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 2 janvier 2025.
5. La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la police disposant de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2024 par le commissaire de police contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 septembre 2024 ;
au fond :
l’admet ;
rétablit l’ordre de mise en détention du 3 septembre 2024 pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 2 janvier 2025, prononcé par le commissaire de police ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt au commissaire de police, à Me Joanna BÜRGISSER, avocate de A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement de détention administrative de Favra, pour information.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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