Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1923/2024

ATA/1107/2024 du 24.09.2024 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1923/2024-PRISON ATA/1107/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 septembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée

_________



EN FAIT

A. a. A______ est incarcéré à la prison de Champ-Dollon depuis le 16 novembre 2023 en détention provisoire.

b. Depuis son incarcération, il a été sanctionné :

-          le 29 mars 2024, d'un jour de cellule forte pour trouble à l'ordre et l'établissement ;

-          le 23 avril 2024, de deux jours de cellule forte pour trouble à l'ordre et l'établissement en récidive ;

-          le 25 avril 2024, de deux jours de cellule forte pour refus d'obtempérer.

c. Le 1er juin 2024, A______ a de nouveau été sanctionné de trois jours de cellule forte pour trouble à l’ordre de l’établissement et violence physique exercée sur un détenu. La peine a été immédiatement exécutée.

Selon le rapport d'incident, lors de la remontée de la promenade, un agent de détention a aperçu aux caméras qu'une bagarre se déclenchait dans l'escalier central entre A______ et un autre détenu (ci-après : le codétenu) de sorte qu'il a déclenché l'alarme. Le même jour, A______ a pu se déterminer sur ces faits, indiquant qu'il s'était bagarré alors qu'il rigolait avec le codétenu.

Il ressort de l'audition du codétenu qu'il s'était défendu suite à l'agression de A______, lequel le harcelait depuis quelques jours.

B. a. Par acte expédié le 5 juin 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), complété le 18 juin suivant, A______ a recouru contre cette décision.

Il était en train de rigoler avec un codétenu et ils faisaient semblant de se battre quand l'alarme s'était déclenchée. Ils s'étaient tous deux retrouvés en cellule forte – mais son codétenu n'en avait écopé que d'un jour – alors qu'ils avaient fait semblant de se battre, comme ils avaient l'habitude de le faire. Cette sanction était ainsi injustifiée car il n'avait jamais eu l'intention de faire de mal à son codétenu.

b. La direction de la prison a conclu au rejet du recours.

Il ressortait des images de vidéosurveillance que les deux protagonistes avaient commencé à s'empoigner et A______ avait poussé le codétenu en arrière dans l'escalier. Ce dernier l'avait repoussé à son tour, les deux s'étaient énervés et une bagarre s'en était suivie, faisant chuter le codétenu au sol. On y apercevait ensuite A______ dos au mur avec le codétenu qui mettait une pression contre son torse avec sa tête. A______ a ensuite pris avec sa main l'entier du visage du codétenu pour la repousser avant de lui infliger, toujours avec sa main, un geste brusque au niveau du visage. D'autres personnes détenues avaient dû intervenir afin de séparer les deux protagonistes et plusieurs agents de détention étaient venus en renfort.

La sanction disciplinaire reposait sur une base légale et était justifiée par un intérêt public. Les mesures prises avaient été adéquates et nécessaires pour garantir le respect des buts poursuivis par le droit disciplinaire.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Bien que la sanction ait été exécutée, le recourant conserve un intérêt actuel à l'examen de la légalité de celle-ci, dès lors qu'il pourrait en être tenu compte en cas de nouveau problème disciplinaire ou de demande de libération conditionnelle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 2 ; ATA/498/2022 du 11 mai 2022 consid. 2).

Le recours est donc recevable.

3.             Le recours porte sur la conformité au droit de la sanction du 1er juin 2024 de trois jours de cellule forte.

3.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/439/2024 du 27 mars 2024 consid. 3.2 ; ATA/412/2022 du 13 avril 2022 consid. 4a ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4b).

3.2    Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), dont les dispositions doivent être respectées par les détenus (art. 42 RRIP). En toute circonstance, ceux-ci doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel pénitentiaire, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP). Il est interdit aux détenus, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP).

Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP).

À teneur de l'art. 47 al. 3 RRIP, les sanctions peuvent être a) la suppression de visite pour 15 jours au plus, b) la suppression des promenades collectives, c) la suppression des activités sportives, d) la suppression d’achat pour 15 jours au plus, e) suppression de l’usage des moyens audiovisuels pour 15 jours au plus, f) la privation de travail ou encore g) le placement en cellule forte pour 10 jours au plus.

3.3    Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATA/439/2024 précité consid. 3.6 ; ATA/679/2023 du 26 juin 2023 consid. 5.4 ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limitant à l'excès ou l'abus de ce pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/439/2024 précité consid. 3.7 ; ATA/97/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4f et les références citées).

3.4 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/439/2024 précité consid. 3.8 ; ATA/284/2020 du 10 mars 2020 consid. 4f et les références citées).

3.5 En l'espèce, il ressort tant du rapport d'incident que du visionnage des images de vidéosurveillance qu'une bagarre a eu lieu entre le recourant et le codétenu, nécessitant l'intervention d'autres personnes détenues pour les séparer. Par ailleurs, le codétenu a expliqué être harcelé depuis quelques jours par le recourant. La version du recourant, qui indique qu'ils faisaient semblant de se battre, ne peut être ainsi retenue. C'est donc de manière bien fondée que la prison a qualifié son comportement de contraire à l'art. 45 let. h RRIP précité, étant rappelé que le comportement de l’autre détenu ne fait pas l’objet du présent litige.

La sanction de cellule forte est la sanction la plus sévère dans le catalogue des sanctions. Toutefois, sa durée de trois jours infligée in casu demeure dans la fourchette inférieure de la durée maximale autorisée et il convient de tenir compte des antécédents disciplinaires du recourant. En le privant pendant trois jours de tout contact avec les codétenus, elle est ainsi de nature à l’inciter, à l’avenir, à ne plus s’en prendre ni physiquement ni verbalement à ses codétenus et à ne plus troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement. La sanction précitée est ainsi apte à atteindre le but d’intérêt public et est nécessaire compte tenu du fait que les bagarres entre détenus constituent une violation grave des règles de coexistence pacifique qui doivent prévaloir dans un établissement de détention.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que la sanction ne viole pas la loi ni ne consacre un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

4.             Vu la nature du litige, il n’y a pas lieu à perception d’un émolument. Le recourant succombant, il ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 juin 2024 par A______ contre la décision de la prison de Champ-Dollon du 1er juin 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :