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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/626/2024

ATA/651/2024 du 28.05.2024 sur JTAPI/319/2024 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/626/2024-ICC ATA/651/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mai 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A_____

représentée par sa fille B_____ recourante

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 avril 2024 (JTAPI/319/2024)


EN FAIT

A. a. Le 20 novembre 2023, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a envoyé à A_____ un bordereau d'impôt sur les chiens en tant que propriétaire d'un caniche répondant au nom de C_____.

b. A_____ a formé opposition au bordereau précité. Son chien avait définitivement quitté la Suisse le 1er juin 2023 et se trouvait désormais au Guatemala.

c. Par décision du 23 janvier 2024, l'AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable, car n'ayant pas été formée dans le délai légal et impératif de 30 jours. La voie et le délai de recours étaient mentionnés, de même que le fait que le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) pouvait demander une avance de frais avant de statuer sur le recours.

B. a. Par acte du 15 février 2024, A_____ a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles. Elle a simplement indiqué que son chien était parti le 1er juin 2023, qu'elle n'avait donc plus de chien et a joint deux pièces pour prouver ses dires.

b. Par pli recommandé du 23 février 2024, le TAPI a imparti à A_____ un délai au 25 mars 2024 pour s'acquitter d'une avance de frais de CHF 400.-, sous peine d'irrecevabilité de son recours.

Selon le suivi des envois de la Poste, ce pli a été distribué le 4 mars 2024.

c. Par jugement du 10 avril 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l'avance de frais n'ayant pas été effectuée et rien ne permettant de retenir que A_____ avait été victime d'un empêchement non fautif de s'en acquitter dans les délais. Il a mis à la charge de A_____ un émolument de CHF 100.-.

C. a. Par acte du 7 mai 2024, sur indication du TAPI à qui elle avait envoyé un courriel, B_____, fille de A_____, a interjeté recours au nom de celle-ci auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, sans prendre de conclusions formelles.

Sa mère se trouvait au Guatemala et serait de retour à Genève le 30 mai 2024. Elle demandait donc à la chambre administrative de « retirer [sa] décision » et de « stopper les frais supplémentaires » à l'encontre de sa mère, absente. Celle-ci avait pensé qu'elle ne devait pas payer l'impôt dès lors qu'elle n'avait plus de chien – ce dernier était du reste décédé quelques mois après son arrivée au Guatemala. Elle était âgée de 73 ans, vivait avec une petite rente et n'arrivait pas à « payer des sommes pareilles ». Au besoin, sa mère enverrait à son retour les justificatifs nécessaires.

b. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10), étant précisé que la recourante peut être représentée par sa fille dans la présente procédure aux termes de l'art. 9 LPA.

2.             Dans la mesure où le TAPI a déclaré le recours devant lui irrecevable, le recours par-devant la chambre de céans ne peut tendre qu'à l'annulation de ce prononcé d'irrecevabilité et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure (ATA/256/2023 du 14 mars 2023 consid. 3). Seul donc doit être examiné le point de savoir si c'est à tort que le TAPI a déclaré le recours formé devant lui irrecevable pour cause de non-paiement de l'avance de frais.

2.1 L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques en cas de non‑paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal. Les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1262/2017 du 5 septembre 2017 consid. 2a et les références citées).

2.2 En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/184/2019 du 26 février 2019 consid. 3c ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid 2c).

2.3 Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2 ; ATA/158/2020 du 11 février 2020).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b ; ATA/916/2015 précité consid 2c). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence citée ; ATA/1028/2016 et ATA/916/2015 précités consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée). Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9).

2.4 Le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA).

2.5 La décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA) pour autant que celui-ci ait dû s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication de l’autorité, ce qui est le cas chaque fois qu’il est partie à la procédure (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_552/2018 du 24 octobre 2018 consid. 3 ; ATA/820/2021 du 10 août 2021 consid. 2c).

La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; ATA 130 III 396 consid. 1.2.3).

Dès lors qu’un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d’avertir l’autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/23/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3.2).

2.6 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

2.7 En l'espèce, la recourante a reçu le pli contenant la demande d'avance de frais du TAPI le 4 mars 2024, à l'adresse qu'elle a elle-même indiquée quelques jours plus tôt dans son acte de recours, sans mentionner du reste qu'elle avait une quelconque indisponibilité à venir.

Dans son acte de recours, elle ne soutient ni qu'elle aurait payé l'avance de frais, ni que le délai imparti était insuffisant. Rien ne l'empêchait de demander à être mise au bénéfice de l'assistance juridique, ni de demander la prolongation du délai de paiement ou une baisse du montant de l'avance demandée – certes élevée au regard de l'objet du litige (moins de CHF 100.-) –, ce qu'elle n'a pas fait. Elle n'invoque pas davantage de circonstances à même de correspondre à un cas de force majeure, le fait de partir en voyage – sans l'annoncer à la juridiction à qui elle venait pourtant d'adresser un recours – n'étant pas constitutif d'un tel cas.

Elle se plaint par ailleurs des frais excessifs engendrés par la procédure. Pour autant que l'on puisse y voir un grief relatif au montant de l'émolument fixé dans le jugement attaqué, celui-ci doit être écarté dès lors que le TAPI a perçu un émolument d'un montant nettement plus faible que l'avance de frais demandée, soit CHF 100.-, montant que l'on ne saurait qualifier de disproportionné.

Il découle de ce qui précède que le recours, manifestement mal fondé, sera rejeté sans autre acte d'instruction, conformément à l'art. 72 LPA. La recourante devra donc s'acquitter du bordereau d'impôt sur les chiens 2023 ainsi que de l'émolument de CHF 100.- fixé par le TAPI.

3.             En revanche, vu les circonstances, la chambre de céans renoncera à percevoir un émolument (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mai 2024 par A_____ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas aperçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A_____, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :