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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3830/2023

ATA/598/2024 du 14.05.2024 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3830/2023-TAXE ATA/598/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE LA TAXE D'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE SERVIR

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimés

_________



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1986, a été naturalisé le 2 février 2016, l’année de ses 30 ans.

b. Par deux décisions de taxation de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : STEO), des 19 et 29 septembre 2023, il a été assujetti à la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : TEO) pour l’année 2019 d’une part et pour les années 2020, 2021, 2022 d’autre part. Le montant total dû a été fixé à CHF 2'276.15 (incluant des intérêts moratoires) pour 2019, CHF 2'277.- pour 2020, CHF 2'160.- pour 2021 et CHF 2'175.- pour 2022.

c. Par courrier recommandé du 5 octobre 2023, A______ a adressé au commandant d’arrondissement 3 une demande de renseignements au sujet du recrutement au-dessus de la limite d’âge, afin de remplir son obligation de servir. Par opposition au paiement d’une taxe de remplacement, cette obligation lui apparaissait plus « conforme à son devoir de citoyen ». Celle-ci est restée sans suite à teneur du dossier.

d. Il a formé réclamation contre chacune de ces décisions auprès du STEO les 11 et 13 octobre 2023.

e. Par décisions séparées sur réclamation des 21 octobre et 27 novembre 2023, le STEO a rejeté les réclamations formées par A______ contre les décisions de taxation pour les années d’assujettissement 2019, 2020, 2021 et 2022.

Il n’avait pas effectué de service militaire ou de remplacement (service civil) durant les années 2019, 2020, 2021 et 2022, de sorte que son assujettissement à la TEO était maintenu. La nouvelle loi fédérale sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661), entrée en vigueur le 1er janvier 2019, s’appliquait également aux citoyens naturalisés, comme l’avait confirmé le Tribunal fédéral.

L’assujettissement à la taxe prenait naissance, au plus tôt, au début de l’année au cours de laquelle l’homme atteignait l’âge de 19 ans et s’éteignait, au plus tard, à la fin de l’année au cours de laquelle il atteignait l’âge de 37 ans. Durant cette période, les assujettis qui n’étaient ni incorporés dans une formation de l’armée ni astreints au service civil devaient acquitter onze taxes d’exemption ce qui, comme sous l’ancien droit, correspondait à onze années (soit à compter de l’année des 20 ans jusqu’à l’année des 30 ans). La nouvelle LTEO ne créait donc pas de nouvelles obligations ni de nouvelles charges, car il s’agissait des mêmes obligations, à savoir le paiement de onze taxes. Elles étaient depuis lors réparties différemment dans le temps en raison de la flexibilité dans l’étalement des années de service.

B. a. Par actes séparés des 17 novembre et 15 décembre 2023, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces deux décisions. Il a conclu préalablement à la jonction des deux causes et à l’annulation des décisions de taxation. Il devait être confirmé qu’il n’était pas assujetti à la TEO pour les années 2019 à 2022.

Son « droit à la bonne foi » avait été violé. En entamant une procédure de naturalisation sous l’empire de l’ancienne LTEO, il était assuré de n’être tenu ni par l’obligation de servir ni assujetti à une taxe de remplacement. Le fait que son obligation de servir fût éteinte avait pesé dans sa décision de naturalisation.

Le principe de non-rétroactivité et de sécurité du droit n’était pas respecté. Son assujettissement était choquant et susceptible de concerner de nombreuses années fiscales. La rétroactivité n’était en rien limitée dans le temps ni dans les effets qu’elle déployait.

Les art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), 14 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ainsi que les art. 17 et 26 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (RS 0.103.2; Pacte ONU II) avaient été violés.

Au vu de son âge, il ne pouvait pas prendre part au recrutement en vue du service militaire ou civil. Par souci de rigueur citoyenne et afin de faire obstacle à cette discrimination, il avait adressé le 5 octobre 2023 une demande de renseignements concernant le recrutement au-dessus de la limite. Il n’avait pas reçu de réponse et l’AFC-GE ne tenait pas compte de cette démarche.

L’art. 3 (recte : 5) de la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire (Loi sur l’armée, LAAM ; RS 510.10) n’était pas respecté, dès lors qu’en tant que citoyen binational, il fallait considérer que ses obligations militaires avaient été accomplies en Espagne, car la loi espagnole 17/1999 avait suspendu l’obligation de servir pour tous les hommes nés postérieurement au 31 décembre 1982, depuis le 31 décembre 2022.

S’agissant enfin des intérêts moratoires, ceux-ci n’étaient pas dus, la décision de taxation définitive ne lui étant parvenue qu’en date du 19 septembre 2023, soit près de trois ans après l’avis de taxation provisoire et aucun retard ne lui était imputable.

b. Dans ses observations des 6 décembre 2023 et 10 janvier 2024, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC‑CH) a conclu au rejet du recours. L’autorité d’application appliquait correctement le droit.

S’agissant de la question des intérêts moratoires, l’art. 32c al. 2 LTEO invoqué par le recourant ne s’appliquait pas, celui-ci ayant été taxé provisoirement pour l’année d’assujettissement 2019 le 1er mai 2020. Un intérêt moratoire courait dès lors que la taxe provisoire n’avait jamais été payée. Le relevé de compte pour l’année d’assujettissement 2019 récapitulait cette situation.

S’agissant de la question du recrutement ultérieur, « d’après [leurs] vérifications en date du 5 décembre 2023 auprès du commandement du recrutement, A______ n’avait jamais fait de demande dans ce sens, et pour autant que cela soit déterminant ici, il ne [pouvait] donc raisonnablement pas faire valoir une discrimination du fait de l’absence d’alternatives réelles à l’obligation de s’acquitter de la taxe d’exemption s’il n’a pas fait usage de la possibilité existante ». À ce sujet, deux cas de « nouveau citoyen » (sic) avaient été admis au recrutement durant l’année de leurs 35 ou 36 ans (SV.756.0056.5451.29 et P.A. 756.6992.7032.59). L’AFC-CH a rappelé qu’il n’y avait pas d’âge maximum pour le recrutement ultérieur. Dans le présent cas, on pouvait seulement constater l’absence de démarches actives de la part du recourant visant à avoir une alternative à la taxe d’exemption pour les années concernées.

c. Dans ses observations du 20 décembre 2023, le STEO a conclu au rejet du recours.

De 2020 à 2022, le recourant était astreint à l’obligation de servir, sans être incorporé dans une formation de l’armée ni astreint au service civil. Par conséquent, durant cette période, il devait payer la taxe de remplacement. Il en allait de même en 2019. Il n’apportait en outre pas la preuve qu’il avait accompli ses obligations militaires en Espagne. Certes, il se basait sur la loi espagnole 17/1999 qui avait suspendu l’obligation d’effectuer un service militaire, mais la loi ne prévoyait que la suspension de l’obligation de servir. L’exception prévue à l’art. 5 LAAM ne s’appliquait donc pas et le recourant restait astreint au service militaire suisse. Enfin, même s’il avait effectué son service militaire en Espagne, ce qui était contesté, l’art. 5 al. 2 LAAM prévoyait que l’obligation de s’acquitter de la TEO restait réservée. En l’occurrence la Suisse n’avait conclu aucune convention à ce sujet avec l’Espagne. Le recourant restait donc assujetti au paiement de la TEO.

Enfin, le recourant n’avait effectué sa demande de recrutement ultérieur que le 5 octobre 2023. Cette demande n’avait donc pas d’effet sur les années précédentes.

d. Le 12 janvier 2024, l’AFC-GE a demandé la suspension de la procédure jusqu’à droit connu des causes pendantes au Tribunal fédéral 9C_707/2022 et 9C_648/2022.

e. Le 17 janvier 2024, l’AFC-CH a informé la chambre administrative que le Tribunal fédéral avait confirmé l’assujettissement d’un recourant placé dans une situation similaire, soit né en 1988, naturalisé en 2017 l’année de ses 29 ans, pour l’année d’assujettissement 2019. La question de la suspension était à son sens donc résorbée.

f. Les 9 et 25 janvier 2024, le Tribunal fédéral a rendu les arrêts dans les causes 9C_648/2022 et 9C_707/2022. Leur contenu sera détaillé dans la partie en droit.

g. Le 9 février 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours et à l’application des ATF 9C_648/2022 et 9C_707/2022. En effet, le Tribunal fédéral avait confirmé l’assujettissement d’un recourant dans une situation similaire. La suspension ne se justifiait donc plus.

h. Dans sa réplique du 15 février 2024, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours.

L’AFC-GE et l’AFC-CH tenaient pour acquis que les arrêts récents rendus par le Tribunal fédéral portaient sur des causes semblables à la sienne, ce qu’il réfutait. En effet, dans les arrêts précités, le Tribunal fédéral avait retenu que les recourants concernés n’avaient pas entamé de démarches démontrant leur volonté d’effectuer un recrutement ultérieur. Pour sa part, il avait apporté la preuve d’un envoi le 5 octobre 2023 au commandement d’arrondissement, démontrant sa démarche préalable en vue d’un possible recrutement au-dessus de la limite d’âge. Il s’agissait d’une différence essentielle, qui figurait d’ailleurs dans les griefs soulevés. Enfin, dans les arrêts précités, il n’était pas question d’intérêts moratoires indûment associés à la taxe concernée.

i. Les parties ont été informées le 19 février 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ‑ E 5 10 ; art. 31 al. 1 LTEO ; art. 34 al. 1 et 37 al. 1 de l’ordonnance sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 30 août 1995 - OTEO - RS 661.1 ; art. 2 de la loi d’application des dispositions fédérales sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 14 janvier 1961 - LaTE - G 1 05).

2.             L’autorité intimée conclut à une jonction des procédures relatives respectivement à la taxe 2019 (A/4199/2023) et 2020, 2021 et 2022 (A/3830/2023). Le recourant ne s’y oppose pas.

2.1 Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

2.2 En l'espèce, les procédures A/4199/2023 et A/3830/2023 concernent deux recours émanant du même administré, contre deux décisions de la même autorité, pour une problématique concernant son assujettissement à la TEO, pour quatre années différentes et qui sont toutes deux en état d’être jugées. De plus, les questions juridiques posées sont identiques.

Il se justifie ainsi de joindre les causes précitées sous le numéro de cause A/3830/2023.

3.             Le litige porte ainsi sur la conformité au droit des décisions prononçant l'assujettissement du recourant à la TEO pour les années 2019, 2020, 2021 et 2022.

3.1 L’art. 59 Cst. prévoit que tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement (al. 1). Tout homme de nationalité suisse qui n’accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s’acquitte d’une taxe. Celle-ci est perçue par la Confédération et fixée et levée par les cantons (al. 3). Cette taxe est régie par le droit fédéral, en particulier par la LTEO et l’OTEO. De jurisprudence constante, cette taxe qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l’obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 3.1 ; 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 3.1 et les références).

3.2 La taxe prévue à l'art. 59 al. 3 Cst. est le corollaire du non-accomplissement de l'obligation de servir personnelle. Elle présuppose une obligation de servir. C'est le service militaire ou civil non accompli qui provoque l'obligation de verser la taxe d'exemption. Les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou qui n'accomplissent que partiellement leur service personnel doivent acquitter une taxe d'exemption, réserve faite des exceptions admises par la loi (Message 1996, FF 1997 I 1ss, pp. 242‑243). Celle-ci est calculée sur les bases de l'impôt fédéral direct (ci‑après : IFD), étant entendu, d'une part, que le revenu imposable de l'assujetti à la taxe est déterminant, d'autre part, que l'année de taxation est celle qui suit l'année d'assujettissement, ce qui implique que la taxe est perçue en fonction du service militaire ou civil effectué l'année précédente (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5840).

3.3 La taxe militaire a pour but d'éviter, parmi les personnes soumises aux obligations militaires, les inégalités criantes entre celles qui effectuent un service et celles qui n'en font pas. Elle constitue à ce titre une contribution de remplacement. Le militaire qui est dispensé d'un service en tire normalement un avantage par rapport aux autres astreints de sa classe d'âge. La perception d'une taxe doit compenser cet avantage, sous la forme d'une prestation financière (ATA/1094/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3d). Le rapport entre le service militaire et l'obligation de s'acquitter d'une taxe d'exemption de celui-ci est purement formel. Celui qui est astreint au service militaire doit payer une taxe parce que et aussi longtemps que, pour une raison quelconque, il ne peut accomplir ce service. Le paiement de la taxe n'est toutefois nullement comparable au service militaire et ne peut être raisonnablement tenu pour l'accomplissement, sous une autre forme, de celui-ci. La taxe d'exemption est imposée pour des motifs d'équité et d'égalité devant la loi. Tels sont son sens et son but (ATF 118 IV consid. 3b = JdT 1994 IV 89 ; 115 IV 66 consid. 2b = JdT 1990 IV 70).

3.4 Selon l’art. 1 LTEO, les citoyens suisses qui n’accomplissent pas ou n’accomplissent qu’en partie leur obligation de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire. Cette taxe est fixée chaque année en application de l’art. 25 al. 1 LTEO.

Aux termes de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l’étranger et qui, au cours d’une année civile (année d’assujettissement), ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l’armée ni astreints au service civil.

3.5 L’art. 3 aLTEO, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018, prévoyait que l’assujettissement à la taxe commence au début de l’année en cours de laquelle la personne astreinte atteint l’âge de 20 ans (al. 1). Il se termine : pour les personnes qui ne sont pas incorporées dans une formation de l’armée et qui ne sont pas astreintes au service civil, à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignent l’âge de 30 ans (al. 2 let. a).

L’art. 3 LTEO, dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2019, prévoit que l’assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l’année au cours de laquelle l’homme astreint atteint l’âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de 37 ans (al. 1). Pour les assujettis visés à l’art. 2 al. 1 let. a qui n’effectuent pas de service de protection civile, l’assujettissement à la taxe commence l’année qui suit le recrutement. Il dure onze ans (al. 2).

3.6 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l’interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 5 et 9 Cst.). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n’est possible qu’à des conditions strictes, soit en présence d’une base légale suffisamment claire, d’un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis. La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les références citées).

Il n’y a toutefois pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend règlementer un état de chose qui, bien qu’ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Cette rétroactivité improprement dite est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les arrêts cités).

En ce qui concerne les normes juridiques qui font dépendre la survenance de la conséquence juridique de plusieurs éléments de fait (état de fait dit composite), le Tribunal fédéral a jugé qu’il est déterminant de savoir sous l’empire de quelle norme l’ensemble des faits s’est produit de manière prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.2 et les arrêts cités).

À l’occasion de la modification de la LTEO du 16 mars 2018, le Parlement n’a adopté aucune disposition transitoire spécifique relative à l’art. 3 LTEO (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.2). Partant, en l’absence d’une disposition transitoire explicite ou qui pourrait se déduire d’une interprétation du texte légal, il convient de se référer aux principes généraux relatifs du droit intertemporel qui viennent d’être rappelés (ATF 148 V 70 consid. 5.3).

3.7 En matière de prélèvement de la TEO, le Tribunal fédéral a jugé que celle-ci ne présentait pas les caractéristiques d’un état de fait durable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 5.2). En effet, les éléments de base déterminants servant de fondement à la TEO sont : l’incorporation (ou non) dans une formation de l’armée, la soumission (ou non) à l’obligation de servir dans le civil et l’accomplissement (ou non) du service militaire ou civil pendant l’année d’exemption (art. 2 al. 1 LTEO), puis selon l’art. 3 al. 1 LTEO, l’âge de la personne astreinte à la taxe pendant l’année d’assujettissement et en enfin la date du début de l’assujettissement à la taxe selon les art. 3 al. 2, 3, 4 et 5 LTEO. À l’exception du début de l’obligation de remplacement consistant en le paiement d’une taxe, les autres éléments s’apparentent à des faits et des situations qui se produisent ou existent durant l’année d’assujettissement et qui sont limités dans le temps par celle‑ci. La circonstance que les faits pertinents existent encore à la fin de l’année d’assujettissement n’est pas déterminante, pas plus que les faits qui ne se produisent qu’après la fin de celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les références citées ; 2C_1005/2021 précité consid. 5.1).

3.8 Selon l’art. 9 LAAM, les conscrits participent au recrutement. Le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions pour les cas manifestes d’inaptitude au service (al. 1). Les conscrits passent le recrutement au plus tôt au début de leur 19e année et au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 24 ans (al. 2). Le Conseil fédéral peut prévoir un recrutement ultérieur si les services d’instruction obligatoires (art. 42) peuvent encore être accomplis dans les limites d’âge visées à l’art 13. Le recrutement ultérieur est soumis au consentement des personnes concernées (al. 3). L’art. 12 al. 2 OMi prévoit qu’à leur demande, le « cdmt Instr » peut prévoir un recrutement ultérieur pour les Suissesses et les Suisses qui n’ont pas été convoqués au recrutement jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 24 ans ou qui n’ont pas fait l’objet d’une décision définitive quant à leur aptitude dans ce délai, pour autant que les conditions de l’art. 9 al. 3 LAAM soient remplies et que le besoin de l’armée soit avéré. La demande ne peut être déposée qu’une seule fois.

Bien qu’il existe un lien entre la LTEO et la LAAM du point de vue de la durée de l’obligation de remplacement, la LTEO règle de manière autonome la durée de l’obligation de remplacement par la TEO (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 7.2).

Dans les arrêts 9C_648/2022, qui est destiné à la publication, et 9C_707/2022 précités, le Tribunal fédéral a jugé des litiges similaires à la présente cause. Dans le premier arrêt, il a en effet confirmé l’assujettissement à la TEO pour l’année 2019 d’un homme né en janvier 1988 et naturalisé en septembre 2017 à l’âge de 29 ans. Dans le second arrêt, il a confirmé l’assujettissement à la TEO pour l’année 2019 d’un homme né en janvier 1984 et naturalisé en mai 2017 à l’âge de 33 ans. Le présent arrêt se référera ainsi largement à ces deux arrêts.

3.9 Dans sa jurisprudence, la chambre administrative a retenu que la modification de la LTEO était entrée en vigueur le 1er janvier 2019, de sorte que l’obligation imposée au contribuable se fondait sur des faits postérieurs à ladite modification. Il ne s’agissait dès lors pas d’un cas de rétroactivité proprement dite (ATA/1256/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5a ; confirmé par arrêt 9C_94/2023 du Tribunal fédéral du 29 janvier 2024).

3.10 Dans un autre arrêt, confirmé par le Tribunal fédéral (9C_707/2022 précité) il a été considéré que le fait d’avoir dépassé l’âge auquel un recrutement pouvait avoir lieu ne déliait pas les citoyens suisses, suisses de naissance ou naturalisés, de leurs obligations militaires. N'ayant pas demandé à accomplir le service militaire ou le service civil durant l'année 2019, l’intéressé restait soumis au paiement de la TEO. Une autre solution introduirait une inégalité de traitement injustifiée entre les citoyens suisses naturalisés, âgés au moment de leur naturalisation entre 24 ans et 36 ans, et les citoyens suisses (ou devenus suisses avant leurs 24 ans) du même âge (ATA/1094/2022 du 1er novembre 2022 consid. 4 ; ATA/1056/2022 du 18 octobre 2022, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité).

3.11 Sous le terme de droit acquis est désigné un ensemble assez hétérogène de droits des administrés envers l’État dont la caractéristique commune est qu’ils bénéficient d’une garantie particulière de stabilité. Des droits acquis peuvent être conférés par la loi lorsque celle-ci les qualifie comme tels ou lorsqu’elle garantit leur pérennité, soit si le législateur a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle quelle pendant un certain temps (ATA/48/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.13 et l’arrêt cité).

Un droit acquis peut être créé dans les mêmes conditions que par la loi par une décision individuelle. En tant que telle, la répétition de décisions successives de contenu identique ne crée pas non plus de droit acquis. La catégorie la plus importante de droits acquis est constituée de ceux qui sont créés par un contrat entre l’État et les administrés. La stabilité particulière du droit est ici fondée sur le principe pacta sunt servanda (principe de la confiance ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd. ; p.266 et 267).

À teneur de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Aux termes de l'art. 9 Cst., toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

3.12 En l’espèce, il convient de déterminer si le recourant était, en 2019, 2020, 2021 et 2022, astreint au service militaire. La TEO étant une taxe causale, de remplacement, elle ne saurait en effet être perçue si le recourant n’était alors plus astreint au service militaire ou civil.

Le recourant a été naturalisé en février 2016, dans l’année de ses 30 ans. Selon le droit alors en vigueur, il n’était plus astreint à l’obligation de servir.

Avec l’introduction de la LAAM révisée, le 1er janvier 2018, bien qu’âgé de 31 ans, étant né le ______ 1986, il demeurait soumis à ses obligations militaires. En effet, celles-ci s’adressent à tout citoyen suisse astreint au service militaire. Avec la modification de la LAAM, la période durant laquelle ces obligations doivent être accomplies a été étendue jusqu’à l’âge de 37 ans. Entre 2019 et 2022, le recourant était ainsi soumis à la TEO en application de la législation entrée en vigueur au 1er janvier 2019 (art. 3 LTEO). La nouvelle LTEO n’a pas été appliquée à un état de fait antérieur à son entrée en vigueur. Les éléments de base déterminants servant de fondement aux TEO se sont produits ou existaient en 2019, respectivement en 2020, 2021 et 2022, soit sous l’empire de la nouvelle loi : tant en 2019 qu’en 2020, 2021, 2022, le recourant, alors âgé de 33 ans, respectivement 34, 35 et 36 ans, n’était ni incorporé dans une formation de l’armée, ni soumis à l’obligation de servir dans le civil, ni n’accomplissait du service militaire ou civil. Le fait que, sous l’ancien droit, l’année 2016 constituait la dernière année de son assujettissement à la TEO, parce qu’il avait atteint l’âge de 30 ans en avril 2016 et qu’il a été soumis à nouveau, en vertu du nouveau droit, à l’obligation de payer la taxe d’exemption de servir ne constitue pas une application rétroactive de la loi. L’élévation de la limite d’âge de 30 ans à l’âge de 37 ans se rapporte à l’âge actuel de la personne concernée dans l’année considérée, de sorte qu’il n’y a pas rétroactivité à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 7.2).

Comme relevé dans les ATA/1094/2022 et ATA/1056/2022 précités, une autre solution introduirait une inégalité de traitement injustifiée entre les citoyens suisses naturalisés, âgés au moment de leur naturalisation entre 24 ans et 36 ans, et les citoyens suisses (ou devenus suisses avant leurs 24 ans) du même âge.

Par ailleurs, il ne découle pas des dispositions légales précitées que le législateur aurait conféré des droits acquis s'agissant de l'absence d'assujettissement à la TEO pour des situations telles que celle du recourant, dès lors qu’aucune loi ou décision ne garantissait au recourant la pérennité de la situation qui prévalait avant l’entrée en vigueur du nouveau droit. Il ne ressort de plus pas du dossier qu’il aurait reçu des assurances des autorités intimées de ne pas se voir assujetti à la TEO pour les années 2019 à 2022.

Les griefs du recourant en lien avec la violation des principes de la non-rétroactivité des lois et de la bonne foi seront ainsi écartés. Il en ira de même du grief de violation des droits acquis.

4.             Le recourant soutient que, n’ayant d’autre choix que de payer la TEO, il serait discriminé par rapport aux personnes qui ont eu la possibilité d’être recrutées. Cette situation serait contraire aux art. 8 et 14 CEDH et violerait la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH).

4.1 Aux termes de l’art. 8 CEDH, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (al. 1). Quant à l’art 14 CEDH, il prévoit que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. D'après la jurisprudence constante de la CourEDH, l'art. 14 CEDH complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n'a pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu'elles garantissent (ATA/1091/2023 du 3 octobre 2023 consid. 3.3 et les arrêts cités).

4.2 Dans l’arrêt 9C_648/2002 (consid. 8.2), le Tribunal fédéral rappelle que, en relation avec les art. 8 et 14 CEDH, la CourEDH a, dans l’arrêt GLOR c. Suisse du 30 avril 2009, notamment jugé que, à la lumière du but et des effets de la taxe litigieuse, la différence opérée par les autorités suisses entre les personnes inaptes au service exemptées de ladite taxe et celles qui étaient néanmoins obligées de la verser, était discriminatoire. Aux yeux de la CourEDH, le fait que le contribuable avait toujours affirmé être disposé à accomplir son service militaire, mais qu’il avait été déclaré inapte audit service par les autorités militaires compétentes, était en l’occurrence essentiel. Selon la CourEDH, la discrimination résidait en particulier dans le fait que, contrairement à d’autres personnes qui souffraient d’un handicap plus grave, l’intéressé n’avait pas été exempté de la taxe litigieuse – son handicap n’étant pas assez important – et que, alors qu’il avait clairement exprimé sa volonté de servir, aucune possibilité alternative de service ne lui avait été proposée. À ce sujet, la CourEDH a notamment souligné « l’absence, dans la législation suisse, de formes de service adaptées aux personnes se trouvant dans la situation du requérant » (arrêt GLOR précité, par. 96).

4.3 Dans l’arrêt RYSER c. Suisse du 12 janvier 2021, la CourEDH a considéré que la similarité avec la cause GLOR et l’absence de différences factuelles ne justifiaient pas de s’écarter du résultat concernant l’arrêt GLOR. Elle prenait note des changements apportés à la législation à la suite de l’arrêt GLOR, mais observait qu’ils étaient postérieurs aux faits pertinents de l’affaire RYSER et n’étaient, donc, pas applicables à ce dernier (arrêt RYSER précité § 61 et 62).

Un intéressé ne peut pas se prévaloir d’une violation des art. 8 et 14 CEDH en lien avec l’arrêt GLOR précité, dans l’hypothèse où celui-ci ne s’était pas montré actif pour effectuer un service militaire ou un service civil (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 8.2.2 et les nombreux arrêts cités).

4.4 En l’espèce, l’art. 2 al. 1 let. a LTEO soumet à l’obligation de s’acquitter de la taxe tout homme astreint au service domicilié en Suisse, qui n’était, pendant plus de six mois, ni incorporé dans une formation de l’armée ni astreint au service civil. Or, comme l’a retenu le Tribunal fédéral (arrêt 9C_648/2022 précité consid.8.1), le texte clair de cette disposition ne distingue pas les situations qui ont conduit à l’absence d’incorporation dans une formation de l’armée ou d’astreinte au service civil pendant plus de six mois. En 2019, 2020, 2021 et 2022, le recourant restait ainsi tenu à des obligations militaires Il était ainsi soumis à la TEO en application de la législation entrée en vigueur au 1er janvier 2019 (art. 3 LTEO).

En outre, sans que cela ne soit remis en cause par le recourant, il apparaît que ce dernier n’a pas demandé, pour les années en cause (soit 2019 à 2022) à être mis au bénéfice d’un recrutement ultérieur au sens de l’art. 9 al. 3 LAAM, disposition concrétisée par l’art. 12 OMi, qui lui aurait permis, le cas échéant, d’accomplir un service militaire ou un service civil. Le recourant pouvait aussi, au demeurant, demander d’accomplir un service civil. Or, il ne l’a proposé ni en 2019, ni les années suivantes. Il ne s’est adressé au commandement militaire de son arrondissement qu’en octobre 2023, après avoir reçu les décisions de taxation définitives. Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir des arrêts rendus par la CourEDH dans la mesure où il ne soutient pas qu’il serait invalide et aurait été déclaré inapte au service. De plus, comme vu ci-dessus, il n’a pas été actif ni montré d’intérêt pour effectuer un service militaire ou un service civil. Partant, le recourant n’a pas effectué, du point de vue individuel, pour les années considérées, toutes les démarches visant à profiter de la possibilité d’effectuer un tel recrutement ultérieur, de sorte qu’il ne peut pas se plaindre d’une discrimination fondée sur les art. 8 et 14 CEDH ou encore sur l’arrêt GLOR précité. L’argument selon lequel il n’aurait pas pu réaliser le service long n’est dans ce contexte pas pertinent, dès lors que ce qui est déterminant en l’espèce est la situation individuelle du recourant et les démarches qu’il a ou non concrètement effectuées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 8.2.3).

La protection de l’art. 14 CEDH en lien avec une autre garantie conventionnelle n’a pas de portée indépendante par rapport à l’art. 8 Cst. (égalité) (ATF 137 V 334 consid. 6.3). Dans la mesure où le recourant ne peut pas se prévaloir d’une discrimination fondée sur les art. 8 CEDH et 14 CEDH, puisqu’il n’a pas fait de démarches durant les années concernées visant à effectuer un recrutement ultérieur, il ne saurait davantage se plaindre d’une discrimination fondée sur l’art. 8 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 8.2.4).

5.             Le recourant se plaint ensuite d’une violation de l’art. 5 LAAM. En tant que citoyen binational, il convenait de considérer que ses obligations militaires avaient été accomplies en Espagne.

5.1 La possession d’une autre nationalité n’a en principe aucune influence sur les obligations militaires d’un citoyen suisse. Toutefois, les Suisses qui prouvent la détention d’une nationalité d'un autre État et qui y ont accompli leur service militaire, ont été soumis au service civil ou ont fait une prestation de remplacement sous forme de taxe, ne sont pas tenus d’accomplir leur service militaire en Suisse (art. 5 al. 1 LAAM). Ils sont soumis, par contre, aux déclarations obligatoires et à la taxe d’exemption (art. 5 al. 2 LAAM).

Sont réservés les accords bilatéraux concernant le service militaire des
doubles nationaux (art. 5 al. 3 LAAM). La Suisse a conclu de tels accords avec la France, l'Allemagne, les États-Unis d’Amérique, la Colombie, l’Argentine, l’Autriche et l'Italie (Convention du 16 novembre 1995 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française relative au service militaire des double-nationaux - RS 0.141.134.92 ; Convention du 20 août 2009 entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne relative au service militaire des double-nationaux - RS 0.141.113.6; Convention du 11 novembre 1937 entre la Suisse et les Etats-Unis d’Amérique relative aux obligations militaires de certains doubles nationaux - RS 0.141.133.6 ; Convention du 15 janvier 1959 entre la Suisse et la Colombie concernant le service militaire - RS 0.141.126.3 ; Convention du 19 mars 1999 entre la Confédération Suisse et la République d’Autriche relative au service militaire des doubles-nationaux - RS 0.141.116.3 ; Convention du 26 février 2007 entre la Confédération suisse et la République italienne relative au service militaire des doubles-nationaux - RS 0.141.145.42).

5.2 En l’espèce, le fait que le recourant possède également la nationalité espagnole n’a aucune incidence sur ses obligations militaires en tant que citoyen suisse. Même s'il avait prouvé qu'il avait accompli en Espagne son service militaire ‑ ce qui n'est pas le cas en l'occurrence ‑ cela n'aurait pas conduit à l'exemption d'incorporation dans l'armée suisse.

En effet, le principe veut que tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. Celui qui n'accomplit pas ce service ou le service de remplacement doit s’acquitter d’une taxe. Le Conseil fédéral peut, cependant, conclure des traités internationaux avec d'autres États portant sur la reconnaissance réciproque de l'accomplissement du service militaire par les doubles nationaux. De telles conventions constituent, dès lors, l'exception. La Suisse n’a toutefois pas conclu ce type d'accord avec l’Espagne

Le cas du recourant s'assimile à celui des personnes n'ayant jamais subi de conscription. Il ne s'est donc pas acquitté de la totalité de son obligation de servir conformément à l'art. 4 al. 2bis LTEO, si bien que même s'il n’a pas été astreint en Espagne au service militaire en raison de la suspension de celui-ci à compter du 31 décembre 2002 pour toutes hommes nés après le 31 décembre 1982, il reste assujetti à ses obligations militaires en Suisse, y résidant, et s'il ne les accomplit pas, au paiement de la taxe d’exemption en Suisse jusqu'à l'âge limite prévu par la législation pertinente.

Ce grief sera donc écarté.

6.             Le recourant se plaint enfin d’une violation des art. 164 al. 2 LIFD cum 32c al. 1 et 3 LTEO pour la TEO 2019. Les intérêts moratoires avaient été ajoutés, alors que le retard dans la taxation définitive ne lui était pas imputable.

6.1 Selon l’art. 32c al. 1 LTEO, le débiteur de la taxe qui n’a pas acquitté les montants dus dans les délais doit verser un intérêt moratoire. Les dispositions régissant l’impôt fédéral direct sont applicables. Selon l’art. 164 al. 1 LIFD, le débiteur de l’impôt qui n’a pas acquitté les montants dus dans les délais doit verser un intérêt moratoire fixé par le Département fédéral des finances.

En règle générale, la taxe est exigible le 1er mai de l’année civile qui suit l’année d’assujettissement (art. 32 al. 1 LTEO). Le terme d’échéance est maintenu même si l’assujetti n’a reçu, à cette date, qu’un calcul provisoire de la taxe ou s’il a déposé une réclamation ou un recours contre la taxation (art. 32 al. 4 LTEO). La taxe est perçue sur la base de la taxation. Lors que la taxation n’a pas encore été effectuée au terme d’échéance, la taxe est perçue à titre provisoire. Elle est fixée sur la base de la déclaration pour l’impôt fédéral direct ou sur celle de la taxation de l’impôt fédéral direct précédente, sur celle de la taxation pour la taxe d’exemption précédente ou selon une estimation du montant dû (art. 32a al. 1 LTEO). La taxe perçue à titre provisoire est imputée sur la taxe due selon la taxation définitive (art. 32a al. 2 LTEO). Selon l’art. 32c al. 2 LTEO, si, à l’échéance, le débiteur de la taxe n’a pas encore reçu notification du calcul de la taxe et qu’il n’est pas responsable de ce retard, l’intérêt ne commence à courir que 30 jours après la notification.

6.2 En l’espèce, il ressort tant des écritures du recourant que de celles des autorités intimées que le recourant a reçu une taxe provisoire le 1er mai 2020. Bien que le dossier ne démontre pas à quelle date cette taxe a été notifiée, le recourant lui-même admet dans son recours qu’il a reçu un avis de taxation provisoire le 1er mai 2020 (recours, p. 2). Ainsi, dès lors que cette taxe provisoire n’a pas été payée, des intérêts moratoires ont commencé à courir à compter du 1er juin 2020, conformément à l’art. 32c al. 1 LTEO. L’art. 32c al. 2 LTEO n’est pas applicable au cas du recourant, qui a lui-même admis qu’il avait reçu notification de la taxe provisoire en mai 2020, dès lors que la loi prévoit que le terme d’échéance est maintenu même si l’assujetti n’a reçu qu’un calcul provisoire de la taxe ou qu’il a déposé une réclamation ou un recours.

Partant, ce grief sera écarté.

Le recourant ne conteste pas le montant des TEO 2019, 2020, 2021 et 2022. Ce dernier apparaît au demeurant conforme au droit, les taxes ayant été calculées sur les revenus nets totaux réalisés en Suisse et à l’étranger, l’année civile qui a suivi l’année d’assujettissement, sur la base de la décision de taxation définitive pour l’IFD, au taux de 3 % (art. 11, 25 al. 2, 26 al. 2 et 13 al. 1 LTEO). Les décisions de taxation 2019, 2020, 2021 et 2022 sont en conséquence conformes au droit.

Mal fondés, les recours seront rejetés.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA et 31 al. 2 et 2bis LTEO).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes nos A/4199/2023 et A/3830/2023 sous le n° A/3830/2023 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 17 novembre et 15 décembre 2023 par A______ contre les décisions sur réclamation du service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir des 21 octobre et 27 novembre 2023 ;


 

au fond :

les rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF,
Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :