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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1342/2021

ATA/1256/2022 du 13.12.2022 ( TAXE ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.02.2023, rendu le 29.01.2024, REJETE, 9C_94/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1342/2021-TAXE ATA/1256/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 décembre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me David Raedler, avocat

contre

SERVICE DE LA TAXE D’EXEMPTION DE L’OBLIGATION DE SERVIR

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1984, a été naturalisé le 29 avril 1996.

2) Il a été déclaré apte au service lors de son recrutement en 2002. Il a accompli la 3ème école de recrues de 2008 du 27 octobre 2008 au 3 avril 2009. Il a ensuite accompli un premier cours de répétition de dix-neuf jours en 2010 et un second de seize jours en 2012.

3) Le 18 mai 2018, il a été déclaré inapte au service militaire.

4) Par décision du 27 novembre 2020, il a été assujetti à la taxe d’exemption militaire (ci-après : TEO ou taxe) pour l’année d’assujettissement 2019. Le montant de la taxe s’élevait à CHF 3'554.05.

5) Le 24 décembre 2020, il a formé réclamation à l’encontre de cette décision.

Il avait fait son école de recrues en tant que pionner informatique pendant l’hiver 2008-2009. Par la suite, il avait fait trois cours de répétition, quand sa situation professionnelle et son état de santé le lui permettaient. À la suite de problèmes de santé chroniques, il avait été déclaré inapte au service militaire en 2018 à l’âge de 33 ans. Il avait alors été libéré de ses obligations militaires, y compris de la taxe d’exemption. Celle-ci avait été payée huit fois avant celle versée en mars 2020 et celle réclamée dans la décision litigieuse. Si l’on comptait les six années où il avait servi, soit l’école de recrues sur deux années et les trois cours de répétition, et les huit taxes payées, cela faisait quatorze années pendant lesquelles il avait servi ou payé la taxe de substitution, soit trois de plus que les onze qui étaient dues. Dès 2018, il n’était plus astreint et donc plus assujetti à la taxe.

6) Par décision du 4 mars 2021, le service de la taxe d’exemption de l’obligation de servir (ci-après : STEO) STEO a rejeté cette réclamation.

Depuis la révision de la loi fédérale sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661), le nombre de taxes dues était resté inchangé (onze), mais la durée de l’assujettissement dépendait de chaque cas concret, à savoir de onze taxes entre 19 et 37 ans (auparavant de 20 à 30 ans). C’était la raison pour laquelle tout assujetti, comme l’intéressé, qui n’avait jamais payé ou pas terminé de payer les onze TEO à l’âge de 30 ans devait désormais s’en acquitter jusqu’à l’âge de 37 ans.

M. A______ avait été déclaré inapte en 2018. Il n’avait pas effectué de service militaire en 2019 et n’avait pas été incorporé plus de six mois dans une formation de l’armée, de sorte qu’il était assujetti à la taxe d’exemption de l’obligation de service selon l’art. 2 al. 1 let. a LTEO. Au regard de son dossier, il ne s’était manifestement pas acquitté des onze TEO. Il n’avait donc pas rempli toutes ses obligations militaires. Contrairement à ce qu’il avait indiqué dans sa réclamation, l’école de recrues représentait une prestation et non deux. Pour les années 2013 à 2017, il n’avait fait l’objet d’aucune taxation ni convocation. Dès lors, de 2008 à 2017, seules huit prestations de service avaient été comptabilisées, raison pour laquelle son assujettissement à la TEO 2019 était maintenu et demeurait valable jusqu’à la période 2020.

7) Par acte du 19 avril 2021, M. A______ a recouru par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation.

Contrairement à ce qui avait été retenu dans la décision, il avait payé neuf taxes et avait fait son école de recrues sur deux ans, de sorte qu’il convenait de retenir deux taxes.

Le fait de ne pas avoir été taxé durant les années 2013 à 2017 était une erreur de l’administration qu’il n’avait pas à supporter.

La modification de la LTEO ne contenait pas de dispositions transitoires. Libéré de la taxe selon l’ancien droit, il ne saurait y être soumis à nouveau sauf intérêt public prépondérant et nouveau, non démontré en l’espèce. Âgé de 34 ans et inapte en 2018, il n’était pas assujetti à une loi qui n’existait pas encore.

Enfin, la taxe étant liée au service, il n’était pas concevable, sous l’angle de l’égalité de traitement, de voir les personnes soumises à la taxe appelées à fournir un complément pour taxes non payées alors que civilistes et militaires ne seraient pas rappelés pour accomplir les jours non effectués.

8) Par courrier du 25 mai 2021, le STEO a sollicité la suspension de la procédure dans l’attente de l’issue du recours formé contre l’ATA/299/2021 du 9 mars 2021 devant le Tribunal fédéral. Dans cette affaire, la chambre administrative avait retenu que la LTEO répondait aux conditions d’une dérogation au principe de la
non-rétroactivité des normes.

9) Par décision du 28 juin 2021, la chambre administrative a prononcé la suspension de la procédure.

10) Par arrêt du 4 mai 2022, le Tribunal fédéral a admis le recours formé contre l’ATA/299/2021 (2C_339/2021).

11) Par décision du 7 juillet 2022, la chambre administrative a prononcé la reprise d’office de la procédure.

12) Par réponse du 28 juillet 2022, le STEO a conclu au rejet du recours.

Le recours portait uniquement sur l’assujettissement 2019 et non sur la période 2018.

La situation de M. A______ n’était nullement comparable à celle jugée par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 2C_339/2021 dans la mesure où, depuis 2004, l’intéressé était astreint au service militaire ou service civil de remplacement ou, s’il n’accomplissait pas son service militaire ou de remplacement, à une taxe. L’arrêt précité ne s’était pas prononcé expressément et formellement sur la problématique de la violation du principe de rétroactivité de la nouvelle LTEO pour l’année d’assujettissement 2019.

La LTEO étant entrée en vigueur en 2019, il n’y avait pas de rétroactivité proprement dite puisque la loi applicable était celle qui était en vigueur au moment où les faits pertinents devaient être régis. Or, précisément, la décision litigieuse assujettissait l’intéressé pour 2019.

La LTEO, telle que révisée, n’avait pas créé de nouvelles obligations ou de nouvelles charges, mais avait uniquement réparti cette obligation différemment dans le temps en raison d’un accès plus flexible à la possibilité d’accomplir son service militaire. Ainsi, les hommes entre 31 et 37 ans qui n’avaient pas déjà payé onze taxes annuelles restaient soumis à la taxe.

Enfin, M. A______ n’avait pas sollicité la possibilité d’effectuer un service de remplacement au moment où il avait été déclaré inapte le 18 mai 2018 comme alternative au paiement de la taxe.

13) Le 4 août 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Ayant eu 30 ans en 2014, il n’avait plus à payer la taxe pour les années suivantes. Au moment de l’entrée en vigueur du nouveau régime de la LTEO, l’entier de ses obligations militaires était échu. L’application de la LTEO révisée, qui faisait renaître une obligation éteinte, constituait donc bien un cas de rétroactivité proprement dite. Or, les conditions permettant d’admettre une telle rétroactivité n’étaient manifestement pas remplies. Cela avait d’ailleurs déjà été tranché par la Verwaltungsrekurskommission du canton de Saint-Gall dans son arrêt du 14 mai 2020.

Il n’avait pas été taxé entre 2013 et 2017. Or, s’il l’avait été, il aurait payé ses onze taxes et n’aurait plus été assujetti en 2019 et 2020. L’art. 38 al. 1 aLTEO prévoyait que les taxes se prescrivaient par cinq ans dès la fin de l’année de taxation, de sorte que la taxe était prescrite fin 2019.

Le fait de le taxer en 2019 était par ailleurs contraire à la bonne foi. Il pouvait en effet légitimement s’attendre à ne plus jamais être taxé. L’autorité de taxation avait ainsi adopté un comportement contradictoire.

Enfin, son revenu annuel était sensiblement plus bas en 2013 (CHF 84'956.-) qu’en 2019 (CHF 167’400.-). Il devait donc payer une taxe plus élevée que si l’autorité l’avait taxé pour 2013. Ainsi, si par impossible, la chambre de céans devait considérer que la taxe était due, celle-ci devrait être calculée sur son salaire de 2013.

14) Le 1er septembre 2022, l’administration fédérale des contributions
(ci-après : AFC-CH) a conclu au rejet du recours.

L’assujettissement de M. A______ dès l’année d’assujettissement 2019 se basait sur une nouvelle base légale applicable dès cette année-là, de sorte qu’il n’y avait pas d’atteinte au principe de la bonne foi. En effet, en 2019, M. A______ avait eu 35 ans et n’était, pendant plus de six mois, ni incorporé dans une formation de l’armée, ni astreint au service civil. La nouvelle LTEO était entrée en vigueur le 1er janvier 2019, soit avant les faits précités, de sorte que les art. 2 al. 1 et 3 al. 1 et 2 LTEO trouvaient application. Cela ressortait de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral.

Se fondant sur la pratique de l’AFC-CH, le calcul résultant de la situation de M. A______ était le suivant : six TEO (2004, 2005, 2006, 2007, 2011 et 2018) et trois prestations de service (ER 2008/2009, SIF 2010 et SIF 2012), soit neuf prestations sur les onze prévues par la loi dans son cas avant l’année d’assujettissement 2019. Le fait que l’école de recrues, même en cas d’accomplissement sur deux ans, soit considérée comme une seule prestation, était défini au chiffre 123 de l’instruction 1 de l’AFC-CH.

Enfin, le fait qu’il n’y avait pas eu d’assujettissement à la taxe d’exemption de l’obligation de servir pour les années d’assujettissement 2013 à 2017 découlait de l’art. 8 al. 3 LTEO.

À l’appui de ses observations, l’AFC-CH a produit des extraits de l’instruction 1 de l’AFC-CH, état au 1er janvier 2019.

15) Le 16 septembre 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Le nouvel art. 3 al. 1 et 2 LTEO faisait renaître une obligation qui était éteinte. La loi était donc bien rétroactive et portait atteinte à ses droits acquis.

16) Le 19 septembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et 63 al. 1 let. a LPA ;  art. 31 al. 1 LTEO ;
art. 34 al. 1 et 37 al. 1 de l’ordonnance sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 30 août 1995 - OTEO - RS 661.1 ; art. 2 de la loi d’application des dispositions fédérales sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 14 janvier 1961 - LaTE - G 1 05).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de la perception de la taxe pour l’année 2019. Il convient donc, en premier lieu, de déterminer si le recourant était assujetti à la taxe en 2019.

3) a. Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire ou au service civil de remplacement (art. 59 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; art. 2 al. 1 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l’armée et l’administration militaire – LAAM – RS 510.10).

Depuis sa révision, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, la LAAM prévoit que l'obligation de servir dans l'armée s'éteint pour les militaires de la troupe et les sous-officiers à la fin de la douzième année après l'achèvement de l'école de recrues (art. 13 al. 1 let. a LAAM). Les personnes astreintes au service militaire accomplissent l'école de recrues au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 19 ans et au plus tard pendant l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 25 ans.

b. Selon l’art. 59 al. 3 Cst., celui qui n'accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement doit s'acquitter d'une taxe (art. 59 al. 3 Cst.), laquelle est régie par le droit fédéral, en particulier par la LTEO et par l’OTEO.

La taxe prévue à l'art. 59 al. 3 Cst. est le corollaire du non-accomplissement de l'obligation de servir personnelle. Elle présuppose une obligation de servir. C'est le service militaire ou civil non accompli qui provoque l'obligation de verser la taxe d'exemption. Les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou qui n'accomplissent que partiellement leur service personnel doivent s’acquitter d’une taxe d'exemption, réserve faite des exceptions admises par la loi (Message 1996, FF 1997 I 1ss, p. 242-243). Celle-ci est calculée sur les bases de l'impôt fédéral direct
(ci-après : IFD), étant entendu, d'une part, que le revenu imposable de l'assujetti à la taxe est déterminant, d'autre part, que l'année de taxation est celle qui suit l'année d'assujettissement, ce qui implique que la taxe est perçue en fonction du service militaire ou civil effectué l'année précédente (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5840).

c. Ce principe est rappelé à l'art. 1 LTEO, selon lequel les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou qu'en partie leurs obligations de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire.

Aux termes de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO, dans sa version - applicable en l’occurrence - depuis le 1er janvier 2019, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile (année d'assujettissement) ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l'armée ni astreints au service civil. Dans son ancienne teneur, soit la version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2018,
l’art. 2 aLTEO disposait qu’étaient assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui étaient domiciliés en Suisse ou à l’étranger et qui, au cours d’une année civile (année d’assujettissement) n’étaient, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l’armée ni astreints au service civil (al. 1 let. a) et n’effectuaient pas le service militaire ou le service civil qui leur incombaient en tant qu’hommes astreints au service (al. 1 let. c).

De jurisprudence constante, cette taxe, qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l’obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_955/2014 du 12 octobre 2016 consid. 4.1 ; 2C_924/2012 du 29 avril 2013 consid. 5.3).

d. Selon l’art. 3 LTEO, l'assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle l'homme astreint atteint l'âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l'année au cours de laquelle il atteint l'âge de 37 ans. (al. 1). Pour les assujettis visés à l’art 2 al. 1 let. a LTEO, qui n’effectuent pas de service de protection civile, l’assujettissement à la taxe commence l’année qui suit le recrutement. Il dure onze ans (al. 2).

Dans son ancienne teneur, l’art. 3 aLTEO disposait que l’assujettissement à la taxe commençait au début de l’année au cours de laquelle la personne astreinte atteignait l’âge de 20 ans (al. 1). Il se terminait pour les personnes qui n’étaient pas incorporées dans une formation de l’armée et qui n’étaient pas astreintes au service civil à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignaient l’âge de 30 ans
(al. 2 let. a). Pour les personnes qui étaient incorporées dans une formation de l’armée ou astreintes au service civil, il se terminait au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignaient l’âge de 34 ans (al. 2 let. b).

Conformément à une tradition ancienne, le citoyen suisse participe aux opérations de recrutement au cours de sa 19ème année et accomplit son école de recrues l'année suivante (Message du Conseil fédéral du 13 septembre 1978 concernant la modification de la LTEO [ci-après : Message 1978], FF 1978 II 933, p. 941). Les hommes astreints au service militaire sont incorporés pendant douze ans au plus dans l'armée, année d'accomplissement de l'école de recrues non comprise, et effectuent leur service entre leur 19ème et leur 37ème année. Les hommes astreints au service civil accomplissent nouvellement leur service entre leur 20ème et leur 37ème année. La durée de l'assujettissement doit ainsi être modifiée de façon qu'elle s'étende de la 19ème à la 37ème année comprise. Durant cette période seront perçues onze taxes d'exemption au plus. Comme la période durant laquelle l'obligation de servir peut être accomplie s'étendra de la 19ème à la 37ème année comprise, il est garanti que les hommes recrutés seulement au cours de la 24ème année par exemple et déclarés inaptes au service acquittent aussi les onze TEO prescrites. Un homme âgé de 19 ans déclaré inapte au service au moment du recrutement acquitte donc onze taxes d’exemption de sa 20ème à sa 30ème année comprise. Un homme déclaré inapte au service au cours de sa 24ème année est assujetti à la taxe de sa 25ème à sa 35ème année comprise (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5843 à 5845).

e. Selon l’instruction 1 de l’AFC-CH, état au 1er janvier 2019, produite par l’AFC-CH, il faut soit accomplir le nombre de jours de service militaire ou de service civil, soit payer les onze TEO. Pour les astreints au service militaire qui sont déclarés inaptes au cours de leur parcours militaire ou de service civil, il s’agit d’établir une pratique régissant la manière dont leurs prestations de service personnelles sont converties en TEO. Les onze prestations (école de recrues / cours de répétition / TEO ou exonération légale) ne sont pertinentes que pour les assujettis visés à l’art. 2 al. 1 let. a LTEO. Pour les hommes accomplissant du service militaire ou civil, cela ne s’applique pas (ch. 115 et 116).

L’accomplissement de la troisième école de recrues dans la 21ème année sur deux ans est toujours considéré comme une seule prestation (par analogie à la première et deuxième école de recrues ; ch. 123).

f. Dans un arrêt portant sur la taxe d’exemption 2018, le Tribunal fédéral a retenu que le recourant, âgé de 33/34 ans en 2018 et qui n’était ni incorporé dans une formation de l’armée ni astreint au service civil, n’était, sous l’empire de l’ancien art. 3 LTEO, pas assujetti à la taxe d’exemption 2018, car il avait déjà atteint l’âge de 30 ans. En revanche, sous le (nouveau) régime de l’art. 3 al. 1 et 2 LTEO, il était assujetti à cette taxe, puisqu’en 2018 il n’avait pas encore atteint l’âge de 37 ans. En tant que la modification de la LTEO n’était entrée en vigueur que le 1er janvier 2019, l’application par le STEO du nouvel art. 3 al. 1 et 2 LTEO à l’année d’assujettissement 2018 constituait un cas de rétroactivité proprement dit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.3 et 4.4).

4) Dans l'arrêt Glor contre Suisse du 30 avril 2009, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101) a notamment jugé que, à la lumière du but et des effets de la taxe litigieuse, la différence opérée par les autorités suisses entre les personnes inaptes au service exemptées de ladite taxe et celles qui étaient néanmoins obligées de la verser était discriminatoire et violait l'art. 14 CEDH cum art. 8 CEDH. Le fait que le contribuable avait toujours affirmé être disposé à accomplir son service militaire, mais qu'il avait été déclaré inapte audit service par les autorités militaires compétentes, était essentiel. La discrimination résidait dans le fait que, contrairement à d'autres personnes qui souffraient d'un handicap plus grave, l'intéressé n'avait pas été exempté de la taxe litigieuse – son handicap n'étant pas assez important – et que, alors qu'il avait clairement exprimé sa volonté de servir, aucune possibilité alternative de service ne lui avait été proposée. La CEDH a souligné l'absence, dans la législation suisse, de formes de service adaptées aux personnes se trouvant dans la situation du requérant (arrêt Glor, par. 96 ; résumé in arrêt du Tribunal fédéral 2C_170/2016 du 23 décembre 2016 consid. 6.1).

Dans l’arrêt Ryser, la CEDH a considéré que la similarité avec la cause Glor et l’absence de différences factuelles ne justifiaient pas de s’écarter du résultat concernant l’arrêt Glor. Elle prenait note des changements apportés à la législation à la suite de l’arrêt Glor, mais observait qu’ils étaient postérieurs aux faits pertinents de l’affaire Ryser et n’étaient, donc, pas applicables à ce dernier (arrêt Ryser précité § 61 et 62).

5) a. En l’occurrence, il n’est pas contesté que le recourant a été déclaré inapte au service le 18 mai 2018, alors qu’il avait 34 ans. Par décision du 27 novembre 2020, se fondant sur la nouvelle version de la LTEO, le STEO a soumis l’intéressé à la taxe d’exemption de l’obligation de servir pour l’année d’assujettissement 2019, au motif qu’il n’avait pas effectué de service militaire en 2019 et n’était pas incorporé plus de six mois dans une formation de l’armée.

Ce raisonnement n’est pas critiquable. Le nouvel art. 3 LTEO prévoit en effet que l’assujettissement se termine au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle l’homme astreint au service atteint l’âge de 37 ans. Or, au moment de l’entrée en vigueur de cette disposition, le 1er janvier 2019, le recourant n’avait pas encore atteint ses 37 ans. L’art. 3 LTEO, nouvelle teneur, s’appliquait ainsi à sa situation. Or, dans le mesure où il avait été déclaré inapte au service en 2018, il n’était en 2019 ni incorporé dans une formation de l’armée ni astreint au service civil au sens de l’art. 2 al. 1 let. a LTEO. Il suit de là qu’avec l’entrée en vigueur de la modification de la LTEO, le recourant était à nouveau soumis à l’obligation de s’acquitter des onze taxes prévues par la LTEO. Contrairement à la situation ayant donné lieu à l’arrêt 2C_339/2021 – où le Tribunal fédéral avait retenu que l’année d’assujettissement était « incontestablement 2018 » – l’année d’assujettissement est en l’occurrence 2019. Cette jurisprudence, selon laquelle l’application du nouvel art. 3 al. 1 et 2 LTEO à l’année d’assujettissement 2018 constitue un cas de rétroactivité proprement dit, ne s’applique donc pas dans la présente situation. En effet, la modification de la LTEO est entrée en vigueur le 1er janvier 2019, de sorte que l’obligation imposée au contribuable se fonde sur des faits postérieurs à ladite modification. Il ne s’agit dès lors pas d’un cas de rétroactivité proprement dit dans le cas d’espèce.

Pour les mêmes motifs, l’affaire jugée par la Verwaltungsrekurskommission du canton de Saint-Gall le 14 mai 2020 n’est pas non plus pertinente in casu dans la mesure où elle traite uniquement de l’année d’assujettissement 2018.

La chambre de céans rappellera au demeurant que l’un des objectifs de la modification de la LTEO était précisément de garantir que les hommes déclarés inaptes au service au cours de leur service militaire s’acquittent aussi, à l’instar des hommes déclarés inaptes au début de leur service, des onze TEO prescrites par la loi, étant précisé que les écoles de recrues et cours de répétition sont, dans ce cas, convertis en taxes d’exemption qui ne sont plus à payer. De cette manière, une égalité de traitement est garantie entre tous les hommes astreints au service.

Enfin, en tant que le recourant se prévaut de la jurisprudence de la CEDH, force est de relever qu’il ne ressort pas du dossier, et le recourant ne l’allègue pas, que ce dernier aurait manifesté un intérêt en vue d’effectuer un service de remplacement comme alternative au paiement de la taxe. Il ne saurait ainsi rien tirer des jurisprudences de la CEDH sur ce point (ATA/925/2021 du 7 septembre 2021 consid. 3).

b. Reste à examiner si, en 2019, le recourant s’était déjà acquitté des onze TEO.

En l’occurrence, devant la chambre de céans, il ne conteste plus ne pas s’être acquitté des onze prestations de service/TEO. Il admet n’avoir totalisé que neuf prestations de service/TEO sur les onze prescrites par la loi, soit quatre TEO de 2004 à 2007, deux prestations de service en 2008 et 2009 (école de recrues), une prestation de service en 2010 (cours de répétition), une TEO en 2011 et une prestation de service en 2012 (cours de répétition). Dans ses observations devant la chambre de céans, l’AFC-CH a retenu, sur la base du dossier, six TEO (2004, 2005, 2006, 2007, 2011 et 2018) et trois prestations de service (école de recrues et deux cours de répétition). Cette appréciation apparait conforme aux pièces de la procédure et à l’instruction 1 de l’AFC-CH, versée au dossier, qui dispose notamment que l’accomplissement de la troisième école de recrues sur deux ans est toujours considéré comme une seule prestation. Il suit de là qu’en 2019, le recourant ne s’était acquitté que de neuf prestations de service/TEO sur les onze prescrites par la loi.

L’assujettissement du recourant à la TEO 2019 a donc été retenu à juste titre.

6) Le recourant se plaint d’une violation du principe de la bonne foi, relevant un comportement contradictoire de l’autorité qui a renoncé à le taxer de 2013 à 2017 alors qu’il était encore en âge de servir, pour le taxer à nouveau en 2019 en raison du changement de loi.

a. Aux termes de l’art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu’ils s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif. De
l’art. 9 Cst. découle le droit de toute personne à la protection de la bonne foi dans ses relations avec l’État (ATF 136 I 254 consid. 5.2).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erroné de l'administration peut obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 p. 538; arrêt du Tribunal fédéral 2C_135/2020 du 21 avril 2020 consid. 8.1 et les références). 

b. En l’occurrence, et dans la mesure où il y a eu un changement de loi depuis l’absence d’assujettissement pour les années 2013 à 2017, la cinquième condition relative au principe de la protection de la bonne foi n’est pas réalisée. Le grief du recourant sera donc rejeté d’emblée. Au demeurant, force est de constater qu’aucune promesse n’aurait pu légitimement faire naître chez le recourant certaines attentes. L’assujettissement à la taxe pour les hommes qui n’effectuent pas le service militaire s’impose, en vertu de la LTEO, à toutes les personnes dans sa situation et il ne ressort pas du dossier que le recourant aurait été informé de ce qu’il bénéficiait d’un régime dérogatoire. À cela s’ajoute, pour répondre à l’argument du recourant tiré de la prescription des taxes précédentes à celle de 2019, que toutes n’étaient pas encore prescrites lorsque l’autorité intimée a rendu sa décision de taxation. S’agissant des années 2013 à 2017, le recourant n’était en effet pas encore déclaré inapte au service. Ainsi, conformément à
l’art. 3 al. 2 let. b aLTEO (cum art. 2 al. 1 let. c aLTEO), son assujettissement à la taxe durait jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle il avait atteint l’âge de ses 34 ans, soit 2018. Il s’ensuit que les taxes afférentes aux années 2014 à 2018 n’étaient pas encore prescrites lorsque l’autorité a rendu la décision litigieuse (art. 38 al. 1 aLTEO, selon lequel les taxes se prescrivent par cinq ans dès la fin de l’année de taxation ; art. 38 al. 1 LTEO).

7) Reste encore à examiner le montant de la TEO 2019.

a. Selon l’art. 11 LTEO, la taxe est perçue, selon la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), sur le revenu net total que l’assujetti réalise en Suisse et à l’étranger. La taxe s’élève à CHF 3.- par CHF 100.- du revenu soumis à la taxe, mais à CHF 400.- au moins (art. 13 al. 1 LTEO). La taxe est calculée sur la base de la décision de taxation définitive pour l’impôt fédéral direct (art. 26 al. 2 LTEO). L’année de taxation est, en règle générale, l’année civile qui suit l’année d’assujettissement (art. 25 al. 2 LTEO).

b. En l’espèce, le STEO a déterminé le montant de la TEO en se fondant sur le revenu net retenu dans le bordereau de taxation pour l’IFD de l’année 2019 (CHF 167'400.-). La TEO se monte, par conséquent, à CHF 3'554.05 (3 % de CHF 167'400.-). Contrairement à ce que soutient le recourant, et dans la mesure où l’obligation imposée en l’espèce au recourant se fonde sur des faits relatifs à l’année 2019, la taxe ne saurait être calculée sur la base de son revenu imposable en 2013.

Enfin, conformément à l’art. 25 al. 2 LTEO, la taxation pour la TEO a eu lieu en 2020, soit l’année civile qui a suivi la taxation en IFD 2019.

Au vu de ce qui précède, la décision de taxation 2019 est conforme au droit. Le recours dirigé contre celle-ci est donc infondé.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA et 31 al. 2 et 2bis LTEO), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 avril 2021 par Monsieur A______ contre contre la décision sur réclamation du service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir du du 4 mars 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, s’il est formé avant le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, s’il est formé après le 1er janvier 2023 au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Raedler, avocat du recourant, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :