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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/375/2024

ATA/380/2024 du 14.03.2024 ( FORMA ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/375/2024-FORMA ATA/380/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 14 mars 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Yann JAILLET, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE intimée



Vu le recours interjeté le 1er février 2024 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice par A______ contre la décision de l'Université de Genève du 15 décembre 2024, confirmant l’élimination, prononcée le 15 septembre 2023, du programme de maîtrise en gestion de patrimoine dispensé par la « B______ » (ci-après : B______) de l’Université de Genève, en raison de son échec aux examens d’août-septembre 2023 dans les branches « Stochastic Processes in Finance » et « Financial Economics » ;

qu’il conclut à l’annulation de la décision d’élimination et à pouvoir se présenter à nouveau à l’examen « Stochastic Processes in Finance » ; qu’il avait appris le suicide du beau-père de sa compagne le 21 août 2023 dans l’après-midi, ce qui l’avait empêché de se concentrer lors de l’examen précité ; qu’il connaissait le défunt depuis son enfance et entretenait une relation proche avec celui-ci ; qu’en tant que le doyen de la B______ retenait qu’il n’avait pas établi l’impact du décès sur sa capacité de concentration, il aurait dû l’inviter – sauf à violer son droit d’être entendu – à produire des preuves à cet égard ; que le certificat médical qu’il avait produit paraissait, au demeurant, suffisant pour établir ce fait ; que le cumul de faits, à savoir son investissement auprès de sa mère atteinte d’un cancer et le suicide du beau-père de sa compagne, avait atteint sa capacité de concentration, de sorte qu’il convenait d’admettre qu’il se trouvait dans une situation exceptionnelle au sens de l’art. 58 al. 4 du statut de l’Université ;

qu’il requiert la restitution de l’effet suspensif, ayant pu poursuivre son cursus durant la procédure d’opposition, de sorte qu’en l’absence dudit effet durant la procédure de recours, il perdrait une année d’études ;

que l’Université conclut au rejet de la requête, relevant que le recourant n’avait acquis au 15 septembre 2023 que 54 crédits ETCS sur les 90 crédits que comptait la maîtrise ; qu’à la suite de la décision sur opposition, son exmatriculation avait été prononcée, décision confirmée sur opposition le 19 janvier 2024 ; qu’aucune circonstance particulière ne justifiait en l’occurrence de réintégrer provisoirement un étudiant dans un cursus dont il ne remplissait pas les conditions ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a souligné son intérêt privé à pouvoir poursuivre ses études durant la procédure de recours, ce qui lui permettait d’éviter de perdre une année ; qu’il ne prenait la place d’aucun étudiant et que, si son recours était rejeté, son élimination définitive n’aurait aucun impact sur les autres étudiants ;

que sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effets suspensif ;

Considérant, en droit, l’art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l’art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que, selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif (ATA/1514/2019 du 14 octobre 2019 consid. 5 ; ATA/1467/2019 du 2 octobre 2019 consid. 4 ; ATA/1430/2019 du 26 septembre 2019). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités) ;

qu’un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif ; la fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344) ;

qu’à teneur de l’art. 19 § 1.e du règlement d’études de la maîtrise universitaire entré en vigueur le 20 septembre 2021, l’étudiant qui subit un échec définitif dans un enseignement obligatoire est éliminé du programme ;

que selon l’art. 58 al. 4 du statut de l’université, la décision d’élimination est prise par le doyen, qui tient compte des situations exceptionnelles ;

qu’en l’espèce, la décision querellée porte sur l’élimination du recourant de la maîtrise universitaire en gestion de patrimoine du fait de son échec définitif dans la branche obligatoire « Stochastic Processes in Finance » ;

que, s’agissant d’une décision négative, seule entre en considération l’hypothèse de mesures provisionnelles, permettant à l’intéressé d’être admis à poursuivre sa maîtrise pendant la durée de la procédure de recours ;

que de jurisprudence constante, la chambre administrative refuse généralement de restituer l’effet suspensif ou de prononcer des mesures provisionnelles autorisant l’étudiant éliminé de son cursus à poursuivre ses études (ATA/1474/2019 du 4 octobre 2019 ; ATA/879/2019 du 13 mai 2019 ; ATA/103/2019 du 30 janvier 2019) ;

que l’intérêt de l’Université à n’admettre aux cours que les étudiants en remplissant les conditions est manifeste, ledit intérêt répondant, notamment, à l’exigence de traiter de manière égale l’ensemble des étudiants ;

que l’intérêt privé du recourant à pouvoir poursuivre ses études dans l’attente de l’issue du recours est compréhensible, mais n’est pas, en tant que tel, prépondérant à celui précité de l’Université, qui relève d’un intérêt public important ;

que, toutefois, les chances de succès du recours ne paraissent, prima facie et sans préjudice de la décision au fond, pas dépourvues de fondement ;

qu’en effet, il n’est pas contesté que le recourant a été confronté quelques jours avant les examens des 28 et 29 août 2023 au décès violent d’un proche ;

qu’a priori et sans préjudice de l’examen au fond, la mort violente d’un proche quelques jours avant des examens est, selon l’expérience générale de la vie et le cours ordinaire des choses, de nature à influencer sur la capacité de concentration d’un étudiant, singulièrement en situation d’examens ;

qu’ainsi, il convient de retenir, au stade de la décision sur mesures provisionnelles, que les chances de succès du recours visant à admettre l’existence d’une situation exceptionnelle au sens de l’art. 58 al. 4 du statut de l’université sont élevées ;

que dans ces circonstances, il convient d’autoriser le recourant, à suivre les cours du programme de maîtrise en gestion de patrimoine ;

que l’attention du recourant sera toutefois expressément attirée sur le fait que cette décision n’implique pas le droit à se présenter à des examens, même s’il en a suivi les cours ;

qu’il est précisé qu’il sera statué sur le fond du recours dans les meilleurs délais, vraisemblablement avant la session d’examens de mai-juin 2024 ;

que le sort des frais du présent incident sera réglé avec la décision au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

autorise A______ à suivre les cours de maîtrise en gestion de patrimoine jusqu’à droit jugé au fond  ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Yann JAILLET, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Université de Genève.

 

La Vice-Présidente :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :