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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1448/2023

ATA/322/2024 du 05.03.2024 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;POLICE;HEURES DE TRAVAIL SUPPLÉMENTAIRES;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE;ARBITRAIRE DANS L'APPLICATION DU DROIT;LÉGALITÉ
Normes : Cst.5; Cst.8; Cst.9; RPAC.7; RPAC.7a; RPAC.7b; RPAC.32; LPol.28.al1
Résumé : Rejet d’un recours contre la comptabilisation d’heures négatives dans un solde d’heures, en lien avec des jours fériés et des jours de vacances. Examen de l’application d’une directive sur la comptabilisation des heures de travail en cas de temps partiel. Le système utilisé permet de créer une égalité de traitement totale entre les membres du personnel indépendamment de leur taux d’activité et de leurs horaires, s’agissant du nombre d’heures de travail à fournir dans une année civile en tenant compte des congés hebdomadaires et des jours de congés officiels. La pratique de lissage implique de prendre en compte des jours de vacances selon un horaire correspondant au taux d’activité et non selon les heures de travail prévues pour un jour donné selon l’horaire. Confirmation de la jurisprudence en matière de comptabilisation des jours de vacances et application des mêmes principes en matière de jours fériés lorsque ceux-ci tombent sur un jour de travail prévu dans l’horaire de travail usuel.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1448/2023-FPUBL ATA/322/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé
représenté par Me Nicolas WISARD, avocat

 



EN FAIT

A. a. A______ travaille, depuis le 1er septembre 2007, au service de l’État de Genève en qualité de gendarme, fonction située en classe 12 de l’échelle des traitements. Elle a été confirmée un an plus tard dans cette fonction à un taux de 100%. Elle exerce la fonction de caporale-enquêtrice à la police de B______.

Dès le 1er novembre 2018, à sa demande, son taux d’activité est passé à 60%, soit 24 heures de travail hebdomadaire. Son horaire de travail est fixé comme suit : lundi, mercredi et jeudi (cycle horaire), de 7h30 à 12h00 et de 12h30 à 16h00 (profil horaire).

b. Au 1er novembre 2018, son compteur horaire d’annualisation présentait un solde négatif de 20.48 heures.

c. Depuis janvier 2021, le cycle horaire de A______ a été modifié, les jours de travail étant fixés les lundi, mardi et jeudi, le profil horaire étant modifié de 7h00 à 12h00 et de 12h30 à 15h30, à la demande de l’intéressée.

Il ressort du compte rendu d’un entretien du 23 décembre 2020 avec son responsable hiérarchique, en lien avec cette modification de l’horaire de travail, qu’il lui a été indiqué que « l’articulation horaire journalier de 60% », selon « l’horaire lissé », représentait 4 heures et 48 minutes (4h48’ ou 4.8 h).

d. Lors d’un entretien avec le service de contrôle de gestion et du personnel de la police, le 2 juin 2022, le solde d’heures négatif de l’intéressée a été discuté et la manière de le calculer expliquée.

e. Par courrier de son mandataire du 23 juin 2022, adressé au Conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique (ci-après : le département), A______ a requis le prononcé d’une décision constatant l’illicéité de la pratique du décompte d’heures négatif, mettant fin à cette pratique et le constat de l’absence de solde négatif. Au préalable, elle requérait l’ouverture d’une enquête administrative et sollicitait la transmission, avant décision, du dossier complet de la cause, de son dossier personnel et RH, de l’intégralité des travaux passés ou en cours relatifs à la problématique de la comptabilisation du temps de travail des collaborateurs de l’État de Genève à temps partiel, de l’intégralité des échanges entretenus dans ce cadre entre les différents services de l’État, de toute directive/règlement/note interne/instruction, quelle qu’en soit la dénomination, passée ou en vigueur, relative à la comptabilisation du temps de travail des collaborateurs de l’État à temps partiel, une liste – le cas échéant caviardée de toute donnée sensible – recensant les collaborateurs de l’État à temps partiel et précisant leur type d’horaire, le service auquel ils étaient rattachés et l’état de leurs compteurs d’heures pour les cinq dernières années.

f. Le 14 mars 2023, le conseiller d’État en charge du département a répondu au mandataire de A______ par un courrier contenant des voies de recours et exposant la comptabilisation des heures avec l’outil de gestion spécifique, nommé « coordination opérationnelle du personnel de la police » (ci-après : COPP). À partir d’octobre 2011, seuls les jours de vacances avaient été comptabilisés au prorata du taux d’activité. En revanche, une distinction avait été opérée dans la comptabilisation des jours de congé officiels entre le personnel soumis au type d’horaire variable (timbrage) et celui soumis à horaire fixe. Cette différence de comptabilisation n’engendrait pas de différence de traitement sur le long terme. Toutefois, en raison de la confusion générée par ces deux méthodes, dès le 1er janvier 2023, l’ensemble du personnel policier à temps partiel se verrait appliquer la méthode employée pour l’intéressée.

Le solde négatif de 74h02 au 31 novembre 2022 découlait principalement des jours de congé officiels et des vacances prises sur des jours de travail planifiés à 8 h et comptabilisés à 4.8 h. Le solde d’heures était débité chaque fois de la différence. Cette pratique était licite et il n’y avait pas lieu d’entrer en matière sur les requêtes de A______, notamment celle tendant à l’ouverture d’une enquête administrative.

B. a. Par acte expédié le 1er mai 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le courrier du Conseiller d’État du 14 mars 2023, reçu le 16 mars 2023.

Elle a conclu préalablement à la production des documents déjà demandés dans le courrier du 23 juin 2022 et à pouvoir compléter son recours à réception de ceux-ci. Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision et de son solde d’heures négatif depuis sa prise d’emploi à temps partiel et à la constatation du caractère illicite de la pratique relative à la comptabilisation du temps de travail des collaborateurs de l’État à temps partiel ; subsidiairement, à l’ouverture d’une enquête administrative visant à faire constater l’illicéité de la pratique appliquée aux collaborateurs à temps partiel.

Aucune des pièces demandées ne lui avait été transmise avant que la décision ne soit prise, ceci en violation de son droit d’être entendue.

Le système instauré et validé par la décision ne se fondait sur aucune base légale mais sur une note interne de l’OPE du 4 octobre 2011. Le lissage sur la semaine du taux d’activité prévu par la fiche du mémento des instructions de l’office du personnel de l’État (ci-après : MIOPE) était manifestement contraire aux principes généraux du droit, en tant qu’il conduisait à des résultats arbitraires et inégaux. Le solde négatif résultait uniquement de cette pratique illicite et il lui avait été demandé de le compenser notamment par des heures supplémentaires.

b. Dans sa réponse du 7 juillet 2023, le département a conclu au rejet du recours.

Il a exposé en détail le système mis en place pour les employés exerçant à temps partiel décrit dans la fiche MIOPE 03.01.01 « Modalités d’application des horaires de travail au sein de l’administration cantonale » ainsi que l’outil de gestion horaire propre à la police.

c. Le 15 septembre 2023, la recourante a répliqué, reconnaissant que certaines pièces avaient été transmises, notamment ses décomptes horaires pour les années 2018 à 2022. Néanmoins, les travaux passés ou en cours relatifs à la problématique de la comptabilisation du temps de travail des collaborateurs à temps partiel et les autres documents en lien n’étaient pas produits, entravant le processus judiciaire.

Si la police cantonale était au service de la population 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ce n’était pas son cas, puisqu’elle accomplissait son horaire de travail réglementaire selon un horaire fixe les lundis, mardis et jeudis.

L’argument selon lequel le système s’équilibrait ne pouvait être suivi, neuf jours fériés ou ponts étant tombés sur des jours de travail en 2019, contre cinq sur des jours de repos, et il en allait de même en 2020 ; en 2021, huit jours fériés correspondaient à des jours de travail contre cinq sur des jours de repos, et il en allait de même en 2022. La même chose valait pour les vacances « perlées ».

L’augmentation du solde négatif était principalement due à ces problèmes, même si elle reconnaissait avoir pris 3 jours de vacances au lieu des 1,8 auxquels elle avait droit en 2018, puis 18 au lieu de 17,4 en 2019, 2020 et 2022 et 19 jours au lieu de 17,4 en 2021, soit un total de 4,6 jours ou 36h48.

d. Le 3 novembre 2023, le département a dupliqué, répondant point par point aux griefs de la recourante.

e. Le 28 novembre 2023, la recourante a réitéré ses griefs, concluant à l’annulation du solde négatif. La fiche MIOPE produite avait été élaborée postérieurement à la signature de sa convention de modification de son taux d’activité. Même si aucune compensation immédiate du solde négatif n’était imposée, elle le serait tôt ou tard.

f. Ensuite de quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la légalité de la comptabilisation des heures de travail de la recourante et du solde négatif de ses heures, plus précisément sur la manière de comptabiliser les jours de congé officiels ainsi que les jours de vacances depuis le 1er novembre 2018, date depuis laquelle la recourante bénéfice d’un poste à temps partiel.

2.1 La recourante fait valoir une violation de son droit d’être entendue, dans la mesure où les documents dont elle a demandé la production au département en juin 2022 ne lui auraient pas été remis.

Après le dépôt par l’autorité intimée de son dossier contenant certains des documents dont elle requérait la production, la recourante conclut encore à la production des travaux passés ou en cours relatifs à la problématique de la comptabilisation du temps de travail des collaborateurs à temps partiel, les échanges entretenus dans ce cadre entre les différents services de l’État, la note interne ou la décision d’état-major en lien avec le changement de méthode, la liste le cas échéant caviardée recensant les collaborateurs de l’État à temps partiel et précisant leur type d’horaire, le service auquel ils étaient rattachés et l’état de leurs compteurs d’heures pour les cinq dernières années.

2.2 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

2.3 En l’espèce, le solde des documents que requiert la recourante concerne non pas sa situation mais l’élaboration de la directive qui est appliquée à sa situation. Comme cela sera vu ci-dessous, la solution du litige ne nécessite pas la consultation de ces documents. Quant aux autres documents qui concernent d’autres employés de l’État travaillant à temps partiel, ceux-ci n’étant pas parties au litige et la recourante n’expliquant pas en quoi ces documents seraient pertinents pour trancher le litige, ils ne s’avèrent également pas nécessaires, sans même parler du travail considérable et disproportionné qu'une telle extraction de données représenterait.

Ainsi, il ne se justifie pas d’ordonner la production des pièces susmentionnées. La requête de la recourante sera donc rejetée. Cette dernière a, en outre, eu l’occasion à plusieurs reprises d’exposer ses arguments et de produire les pièces qu’elle jugeait nécessaires pour appuyer son recours.

Au vu de ce qui précède et dans la mesure où la recourante a eu un accès complet au dossier de la cause, le grief tiré de la violation du droit d’être entendu sera écarté.

3.             Selon la recourante, la méthode de comptabilisation des heures de travail reposerait sur une pratique illicite sans base légale et conduirait à des résultats arbitraires et contraires à l’égalité de traitement.

3.1 Selon l'art. 5 al. 1 Cst, le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 621s, 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

L’art. 2 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif incombe au Grand Conseil (art. 80 Cst-GE). Le Conseil d'État est chargé de l’exécution des lois et adopte à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). En l'absence de délégation législative expresse, il ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations (ATF 138 I 196 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_8/2021 du 25 juin 2021 consid. 3.1 ; 2C_33/2018 du 28 juin 2018 consid. 3.2 ; ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 253 ss n. 2.5.5.3).

3.2 Les ordonnances législatives d’exécution sont le complément d’une loi au sens formel. Elles sont des règles obligatoires, unilatérales, générales et abstraites permettant d’exécuter une loi formelle dont le contenu doit être précisé. Elles ne peuvent énoncer que des règles secondaires (ATF 134 I 322 consid. 2.4 ; ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6b ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 4e éd., 2021, p. 594 ss n. 1628 ss). Même en l’absence de délégation législative, le Conseil d’État est habilité, en vertu de l’art. 109 al. 4 Cst-GE, à adopter des règles d’exécution (ATA/928/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6b ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3e éd., 2013, p. 588 ss n. 1731 ss).

3.3 D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_658/2020 du 20 janvier 2022 consid. 3.2). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 148 V 144 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_387/2021 du 20 février 2023 consid. 3.2.4 ; ATA/129/2023 du 7 février 2023 consid. 4c).

3.4 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_170/2022 du 21 décembre consid. 5.1 ; 2C_683/2021 du 12 avril 2022 consid. 5.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 144 I 170 consid. 7.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_273/2022 du 8 février 2023 consid. 3.1).

En l'espèce, le pouvoir d'examen de la chambre de céans n'étant pas limité à l'arbitraire, le grief se confond avec celui de violation du principe de la légalité ou de mauvaise application de la loi.

3.5 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 145 I 73 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 2.2.1 ; 1C_695/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.1.2).

3.6 Le Conseil d’État organise l’administration cantonale en départements et la dirige (art. 106 al. 1 Cst-GE). En vertu de cette disposition, le Conseil d'État est habilité à adopter certaines dispositions réglementaires et dispose d'une certaine marge d'appréciation, quand bien même il doit respecter les lois formelles, en particulier la LPol (ACST/17/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.3.1). Ainsi, en matière de fonction publique cantonale, le Conseil d'État est habilité à édicter des règlements indépendants, voire des directives (ATF 138 I 196 consid. 4.4.1).

3.7 En sa qualité de fonctionnaire de la police, les rapports de travail de la recourante sont soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05 ; art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC). Ils sont également, et dans le même mesure, soumis à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait ‑ B 5 15) et à ses dispositions d’application (art. 18 al. 2 LPol).

3.7.1 Le règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) prévoit que l’autorité compétente fixe l’horaire de travail pour chaque membre du personnel en fonction des nécessités de l’activité (art. 7A al. 1 RPAC). Cet horaire est réputé horaire réglementaire (art. 7A al. 2 RPAC). En principe, la durée hebdomadaire du travail est répartie sur cinq jours (art. 7A al. 3 RPAC).

3.7.2 Pour les policiers, celles et ceux qui ont exercé leur fonction pendant deux ans au minimum peuvent être autorisés, sur préavis de leur hiérarchie, à réduire leur taux d’activité jusqu’à 50% (art. 4 al. 1 règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 - RGPPol – F 1 05.07). Dans ce cas, l’horaire de travail fixé en annexe du cahier des charges est réputé horaire réglementaire (art. 4 al. 4 RGPPol).

Les membres du personnel sont soumis à l’un des type d’horaires de travail suivants : a) variable ; b) fondé sur la confiance ; c) irrégulier ; d) fixe (art. 7B al. 1 RPAC). L’autorité compétente fixe le type d’horaires de travail pour chaque membre du personnel. Elle peut prévoir que l’horaire de travail est annualisé (art. 7B al. 2 et 3 RPAC). L’horaire de travail et le type d’horaires de travail pour chaque membre du personnel de la police est fixé en fonction des nécessités de l’activité et peut être modifié pour ce motif (art. 2 al. 2 et 4 RGPPoL).

La durée hebdomadaire est de 40 heures pour un emploi à plein temps (art. 2 al. 1 RGPPol). En principe, la durée hebdomadaire du travail est répartie sur cinq jours (art. 7A al. 3 RPAC).

3.7.3 Les policiers ont droit à 29 jours de vacances par année (art. 28 al. 1 LPol). Les membres du personnel ont droit à des vacances annuelles proportionnelles à leur taux d’activité (art. 27 al. 5 RPAC).

3.7.4 L’art. 32 RPAC fixe neuf jours de congé officiels, soit le 1er janvier ou le 2 si le 1er tombe un dimanche, le Vendredi Saint, les lundis de Pâques et de Pentecôte, l’Ascension, le 1er août ou le 2 si le 1er tombe un dimanche, le Jeûne genevois, le 25 décembre ou le 26 décembre, si le 25 tombe un dimanche ainsi que le 31 décembre. Cette disposition indique que les membres du personnel qui assurent, ces jours-là, un service permanent ou de nécessité sont mis au bénéfice d’un congé de remplacement sans majoration (art. 32 al. 1 et 2 RPAC). En plus de ces jours de congé officiels, les membres du personnel ont droit, en règle générale entre Noël et Nouvel An, à un jour de congé dont le Conseil d’État arrête la date et les membres du personnel ont congé le 1er mai, l’al. 2 étant applicable (art. 32 al. 3 et 4 RPAC).

3.7.5 Selon le RPAC, l’OPE définit les modalités d’application pour chaque type d’horaires de travail (art. 7B al. 4 RPAC).

Sur cette base, l’OPE a adopté la fiche MIOPE 03.01.01, laquelle prévoit que le cycle horaire correspond à la succession de journées-type (24 heures) ou semaines‑type (7 jours) répétitives. Le cycle horaire de la journée type d’un collaborateur à temps partiel est lissé sur la semaine, toutefois il peut être modifié afin de tenir compte d’éventuels jours de congé spécifiques (fiche MIOPE 03.01.01 ch. 8.3).

Pratiquement, comme cela ressort des explications données par les parties et du décompte horaire produit, pour la recourante qui bénéficie d’un horaire fixe pour son taux d’activité de 60%, soit 24h de travail par semaine sur trois jours fixes, le lissage implique que l’horaire de travail effectué et celui comptabilisé ne se recouvrent pas dans l’outil de gestion de l’horaire. Ainsi, lorsque la recourante travaille huit heures, les lundis, mercredis et jeudis d’une semaine, comme le prévoit son horaire depuis le 22 octobre 2018, puis dès le 18 janvier 2021 les lundis, mardis et jeudis, le système COPP enregistre + 3.2 h par jour travaillé et - 4.8 h par jour non travaillé (mercredi et vendredi pour l’horaire en vigueur), soit une variation nulle du compte horaire à la fin d’une semaine normale de travail.

4.             La recourante critique le système de comptabilisation sur deux points : la prise en compte des jours de vacances isolés, soit en dehors d’une semaine complète, et celle des jours de congé officiels appelés aussi jours fériés.

4.1 Les jours de vacances pris isolément impliquent une variation du compte de - 3.2 h, ce qui revient de fait à prendre en compte les jours de vacances au prorata du taux d’activité. Le droit aux vacances de la recourante étant de 29 jours, cela correspond pour un 60% à 17,4 jours de 8 h qui équivalent à 29 jours de 4.8 h.

Ce calcul, qui prend en compte des journées de vacances selon un horaire correspondant au taux d’activité et non selon les heures de travail prévues pour un jour donné selon l’horaire, a déjà été examiné – sous l’empire de l'ancienne LPol qui renvoyait également au RPAC – par la chambre de céans, qui l’a jugé conforme au droit, ce qui a été confirmé par le Tribunal fédéral (ATA/57/2019 du 22 janvier 2019 consid. 10 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_2/2019 du 28 mai 2020 consid. 7.2).

Le grief de la recourante sur ce point doit donc être écarté.

4.2 Le système lissé mis en place par l’intimé comptabilise également les jours fériés au prorata du taux d’activité. Ainsi, lorsque la recourante bénéficie d’un jour férié dans la semaine, la variation du compte en fin de semaine sera de - 3.2 h, si le jour férié tombe sur l’un des trois jours au cours duquel elle aurait dû travailler, et de + 4.8 h s’il tombe sur un des deux jours non travaillés selon l’horaire fixe de la recourante.

À la différence des vacances, il n’y a pas un nombre fixe de jours de congé officiels par année, bien qu’une liste de congé officiels soit prévue à l’art. 32 RPAC. En effet, certains de ces jours dépendent du calendrier (1er janvier, 1er mai, 1er août, 25 décembre et 31 décembre) et la règlementation ne prévoit le remplacement que de trois d’entre eux s’ils tombent un dimanche, soit le 1er janvier, le 1er août ou le 25 décembre, mais pas s’ils tombent un samedi (art. 32 RPAC).

Le nombre de jours de congé officiels dont la recourante bénéficie chaque année est donc variable et fonction du calendrier et de son horaire, comme pour le reste du personnel, en application du RPAC. Cette variation était par exemple de trois jours (7 jours de congé officiels pour 2022 et 10 jours pour 2023) en raison du 1er janvier 2022 et du 31 décembre 2022 qui tombaient un samedi et du 1er mai 2022 qui tombait un dimanche, alors qu’en 2023 ces jours tombaient sur des jours ouvrables. À noter toutefois, qu’en raison des règles sur le traitement, celui-ci n’est pas fonction des jours de congé officiels, ni des jours de congé hebdomadaires. Il en découle que ces jours sont payés au même titre que les jours de travail, seul un traitement annuel, payable en treize fois, étant prévu par la LTrait.

4.3 La directive MIOPE ne prend en compte ces congés qu’à un taux lissé, et contraint donc la recourante à travailler, le cas échéant, plus que son horaire pour pouvoir compenser les jours de congé officiels dont elle a bénéficié. Ainsi, lorsqu’un jour férié tombe un jour de travail prévu, seuls 4.8 h de congé lui seront comptés et elle devra travailler 3.2 h en plus de son horaire habituel pour compenser le congé officiel. Le nombre de jour de congé officiels dans l’horaire et hors horaire de la recourante n’étant pas égal dans une année, il en résulte un solde qui est souvent négatif pour elle, ce que l’intimé confirme.

Par exemple, avec un horaire fixe à 60% les lundis, mardis et jeudis, pour l’année 2021, les congés du lundi de Pâques, de l’Ascension, du lundi de Pentecôte et du Jeûne genevois, soit quatre jours à huit heures, ont eu lieu pendant les jours de travail, enregistrés comme quatre jours à 4.8 h, générant - 12.8 h. Le 1er janvier, le Vendredi Saint et le 31 décembre ont eu lieu sur le temps libre, générant + 14.4 h, soit un solde positif de 1.6 h en fin d’année. Pour un horaire à 100% réparti sur les cinq jours de la semaine, sept jours de congé officiels ont eu lieu pendant les heures de travail prévues cette année-là, soit 56 h qui à 60% représentent 33.6 h correspondant aux heures des quatre jours de congés dont la recourante a bénéficié sur l’horaire de travail (32 h), auxquels s’ajoute son solde positif de 1.6 h.

Pour l’année 2022, les congés du lundi de Pâques, de l’Ascension, du lundi de Pentecôte, du 1er août, du Jeûne genevois, du 26 décembre (report du congé du dimanche 25 décembre selon l’art. 32 al. 1 let. g RPAC) ont eu lieu pendant des jours de travail de la recourante, soit six jours comptés à 4.8 h, générant - 19.2 h. Seul le Vendredi Saint a eu lieu un jour de temps libre générant + 4.8 h, soit un solde négatif de 14.4 h en fin d’année. Pour un horaire à 100%, cette année-là, sept jours de congé officiels ont eu lieu pendant l’horaire de travail, ce qui correspond à 56 h et donc pour un 60% à 33.6 h qui sont équivalentes aux heures des six jours de congé à 8 h dont a bénéficié la recourante, correspondant à 48 h moins le solde négatif de 14.4 h.

Il appert ainsi que le système de comptabilisation des jours fériés litigieux permet de créer une égalité de traitement totale entre les membres du personnel, indépendamment de leur taux d’activité et de leurs horaires, s’agissant du nombre d’heures de travail à fournir dans une année civile en tenant compte des congés hebdomadaires et des jours de congé officiels. Pour ce faire, cela implique toutefois pour la recourante et pour tout fonctionnaire ou employé travaillant à temps partiel, compte tenu de son taux d’activité et de son horaire, de se voir comptabiliser en négatif un certain nombre d’heures liées aux congés d’une durée supérieure à ceux qui lui sont dus en raison de son taux d’activité.

4.4 Une pratique identique a déjà été examinée par le Tribunal administratif fédéral s’agissant de la comptabilisation des jours fériés d’un employé de la Confédération travaillant à 60%, avec un horaire fixe de trois jours par semaine, par un système lissant les heures de travail sur les cinq jours de la semaine, comme cela se pratique en application de la directive MIOPE 03.01.01. Dans cette instance, les dispositions légales applicables au personnel de la Confédération prévoyaient uniquement qu’un congé payé était accordé pour les jours fériés qui tombent sur un jour ouvrable (art. 66 al. 1 de l’ordonnance sur le personnel de la Confédération (OPers – RS 172.220.111.3). Il a été retenu par le Tribunal administratif fédéral que la pratique du système de lissage était conforme à cette disposition, dans la mesure où la récupération directe du temps de travail n’était pas exigée et que le temps de travail théorique annuel à accomplir était bien réduit en fonction du taux d’occupation. En outre, il a constaté que la pratique ne violait pas le principe de l’égalité de traitement (A-1607/2014 du 29 septembre 2014).

4.5 En l’espèce, dans des circonstances en tous points similaires, il appert également que le lissage qui découle de l’application de la directive fiche MIOPE 03.01.01 ne peut être qualifié de contraire aux dispositions du RPAC, ou encore d’arbitraire ou de contraire au principe d’égalité de traitement, puisqu’il permet au contraire une gestion égalitaire du nombre d’heures de travail à effectuer par année, fonction uniquement du taux d’activité indépendamment de l’horaire fixé.

En conséquence, en tous points infondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er mai 2023 par A______ contre la décision du département des institutions et du numérique du 14 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Nicolas WISARD, avocat du département des institutions et du numérique.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Valérie LAUBER, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :