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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2289/2022

ATA/333/2024 du 05.03.2024 sur JTAPI/1401/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2289/2022-PE ATA/333/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Jacques EMERY, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2022 (JTAPI/1401/2022)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1989, est ressortissant du Cameroun.

b. Le 8 mars 2013, au Danemark, il a épousé B______, ressortissante française née le ______ 1989, alors titulaire d’une autorisation de séjour à Genève (permis B-CE).

Le 27 mars 2013, il a rejoint son épouse à Genève et a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial (permis B-CE) en application de l’art. 3 de l'Annexe I de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

c. Le 4 janvier 2016, A______ a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’un visa d’une durée de trois mois, afin de se rendre au Cameroun pour raisons familiales.

d. Le 7 février 2017, il a sollicité un visa d’une durée d’un mois pour se rendre en Espagne, en France et au Cameroun, à nouveau pour raisons familiales.

B. a. Par courrier du 27 août 2015, B______ a fait savoir à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que son mariage était un « faux mariage », conclu contre rémunération. Son époux l’avait agressée sexuellement, lorsqu’elle l’avait hébergé « en fin d’année ». Elle souhaitait faire annuler cette union ou divorcer au plus vite, étant précisé qu’elle était enceinte de son « copain suisse », qui ignorait tout de ce mariage fictif.

b. Le 29 septembre 2015, A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour, qui devait arriver à échéance le 10 novembre 2015.

c. Le 14 décembre 2015, B______ a déposé une requête unilatérale en divorce auprès du Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI).

Dans ses écritures, elle a notamment allégué qu’il s’agissait d’un mariage blanc. À l’époque, en 2013, elle exerçait la profession de « travailleuse du sexe » à Genève. Toxicomane, elle avait accepté de conclure un faux mariage en échange de CHF 7'000.-. Elle n’avait finalement reçu que CHF 1’500.-, A______ ne lui ayant jamais versé le solde. Actuellement enceinte de sept mois de son ami suisse, elle souhaitait divorcer au plus vite, afin que son enfant puisse être reconnu par son père biologique. Elle a par ailleurs renouvelé ses accusations selon lesquelles A______ l’avait violée (« au début du mois de juillet 2014 »).

d. Le 1er janvier 2016, elle a donné naissance à un garçon prénommé C______ (également orthographié ______ ou ______, à teneur des documents figurant au dossier) à D______(France).

e. Le 7 avril 2016, A______ a déposé une plainte pénale à l’encontre de son épouse pour dénonciation calomnieuse (art. 303 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), tentative d’induire la justice en erreur (art. 22 cum 304 CP) et enlèvement de mineur (art. 220 CP), indiquant notamment qu’elle l’avait définitivement quitté le 1er novembre 2015 pour rejoindre son amant.

f. Par ordonnance du 28 juillet 2016, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur ces faits, en tant qu’ils concernaient l’infraction d’enlèvement de mineur, et a reconnu B______, domiciliée à E______, coupable de dénonciation calomnieuse, la condamnant à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, avec sursis pendant trois ans (procédure P/1______).

g. Par courrier du 9 août 2016, B______ a sollicité du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) la nomination d’un curateur pour son fils en vue d’entamer une action en désaveu de paternité contre son « faux » mari.

h. Le 19 septembre 2016, elle a fait savoir au TPI et à l’avocat de son époux qu’elle souhaitait retirer sa demande de divorce. Elle maintenait qu’elle n’avait jamais résidé avec ce dernier, mais n’avait « toutefois pas la force de continuer cette procédure à l’heure actuelle ».

i. À teneur d'un acte de reconnaissance établi le 20 septembre 2016 à E______ (France), F______a reconnu l’enfant.

j. Le 23 novembre 2016, le TPAE a invité B______ à fournir toutes les informations utiles pour permettre la désignation d’un curateur aux fins d’engager une action en désaveu de paternité.

k. Le 22 décembre 2016, A______ a reconnu sa paternité sur le garçon mis au monde par B______ le 1er janvier 2016 auprès des autorités françaises, à G______(Haute-Savoie). Il a adressé à l’OCPM le document y relatif, intitulé « acte de reconnaissance », lequel ne comporte aucun nom et prénom pour l’enfant.

l. Le 16 février 2017, B______ a déposé une nouvelle requête unilatérale en divorce auprès du TPI.

m. Par courrier du 2 mars 2017, l’OCPM a fait part à A______ de son intention de ne pas renouveler son autorisation de séjour et lui a imparti un délai de trente jours pour exercer par écrit son droit d’être entendu.

n. Par courrier du 16 mars 2017 adressé à l’OCPM, B______ a retracé son parcours et ses différents lieux d’habitation depuis sa naissance. Elle a également indiqué qu’elle ne connaissait pas le nom du père de son fils. Il lui fallait entamer une recherche de paternité, ce que sa « situation actuelle » rendait « quasiment impossible ». En revanche, elle pouvait affirmer que ce n’était pas son « faux mari », qui, « sauf pour le viol en 2014 », n’avait jamais eu de relation avec elle. Depuis sept ans, c’était son ami, lui-même dans le dénuement, qui l’aidait à subvenir à ses besoins (nourriture et quelques vêtements).

o. Selon une attestation établie le 16 mars 2017 par la société H______ Sàrl, sise à I______ (VD), A______ était employé par cette dernière en tant que « Entraineur Football pour enfants à temps partiel / travail saisonnier », depuis avril 2015.

p. Par courrier du 3 avril 2017, A______ s'est déterminé. H______ Sàrl l’employait en qualité d’entraîneur de football pour enfants depuis le mois d’avril 2015. Il ne faisait l’objet d’aucune poursuite et n’avait jamais commis d’infraction pénale. Suite à la plainte qu’il avait déposée à l’encontre de son épouse le 7 avril 2016, elle avait été déclarée coupable de dénonciation calomnieuse et condamnée à une peine pécuniaire de soixante jours-amende. Il avait reconnu être le père de C______ et avait entrepris des démarches afin d’entretenir des relations personnelles avec celui-ci. Il contestait formellement que le mariage conclu avec B______ eût été un mariage fictif et sollicitait le renouvellement de son autorisation de séjour.

q. Par courrier du 15 novembre 2017, l’OCPM a une nouvelle fois fait part à A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande de renouvellement d’autorisation de séjour et lui a imparti un nouveau délai de trente jours pour exercer par écrit son droit d’être entendu – ce qu'il a fait le 14 décembre 2017.

r. Selon un rapport du service d’évaluation et d’accompagnement de la séparation parentale établi le 28 novembre 2017 à la demande du TPI, l’enfant C______ n’était pas inscrit dans la base de données de l’OCPM. Ses parents avaient été convoqués et seul A______ s’était présenté le 26 octobre 2017, disant ne jamais avoir vu C______ et ne pas savoir où il vivait ni dans quel contexte, mais le considérer comme son fils jusqu’à preuve du contraire, et émettant de fortes craintes quant aux capacités de sa mère de s’en occuper. En revanche, la mère, ayant pu être jointe téléphoniquement, avait confirmé que A______ n’était pas le père de son fils, refusant qu’il ait des droits à son égard et souhaitant faire des démarches pour que la filiation de son fils soit établie, mais sans vouloir communiquer au service davantage de renseignements.

s. Par décision du 9 janvier 2018, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de A______ et a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 15 mars 2018 pour quitter le territoire.

Dans la mesure où la communauté conjugale n’était plus désirée, compte tenu de la requête unilatérale de divorce déposée par son épouse, il ne pouvait plus se prévaloir des dispositions du regroupement familial de l’ALCP et la poursuite de son séjour en Suisse devait être examinée en application de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; à l'époque dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), spécialement des art. 44 LEI, 77 OASA et 8 CEDH.

Or, dans le cas d’espèce, l’union conjugale avait duré moins de trois ans. De plus, il n’avait fourni aucun acte de naissance qui constaterait sa paternité sur l’enfant d'B______, ce d’autant plus que cette dernière alléguait qu’il n’en était pas le père et qu’elle souhaitait entreprendre des démarches afin que la filiation de son fils soit établie. Par ailleurs, aucun enfant d'B______ n’était actuellement domicilié dans le canton de Genève et celle-ci n’avait déposé aucune demande en ce sens. Enfin, le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

C. a. Par acte du 9 février 2018, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que l’OCPM soit invité à renouveler son autorisation de séjour.

b. Par jugement du 24 août 2018, le TAPI a rejeté le recours. Le couple vivait séparé à tout le moins depuis le 1er novembre 2015. L’union conjugale avait ainsi duré moins de trois ans. De plus, aucune raison personnelle majeure n’imposait la poursuite du séjour de A______ en Suisse, sa réintégration dans son pays d’origine n’étant pas fortement compromise. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir de l’art. 8 CEDH. Il était séparé de son épouse, dont le titre de séjour était d’ailleurs échu depuis près de trois ans, et même à supposer qu'il fût le père de C______, celui‑ci ne disposait d’aucun titre de séjour en Suisse et n’y était pas domicilié.

c. Par arrêt du 21 juillet 2020 (ATA/678/2020), entré en force, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé ce jugement. S'agissant de sa réintégration au Cameroun, elle ne paraissait pas insurmontable.

d. Par courrier du 27 octobre 2020, l’OCPM a imparti à A______ un nouveau délai au 27 novembre 2020 pour quitter la Suisse.

D. a. Le 24 novembre 2020, A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande de reconsidération de la décision du 9 janvier 2018.

À l’appui de son recours auprès de la chambre administrative, il s'était prévalu d'une violation de l’art. 8 CEDH, dans la mesure où « la Confédération ne lui permettait pas de prendre les mesures adéquates pour qu’il puisse exercer ses droits sur l’enfant ». Le juge en charge de son dossier avait contacté la responsable du « pôle Protection de l’enfance » à J______(France), avec l’accord de l’OCPM, afin d’effectuer un test ADN sur l’enfant. Or, cette démarche n’avait pas encore abouti lorsque l’ATA/678/2020 avait été rendu. Le 28 août 2020, la direction générale du service de l’enfance de J______lui avait fait savoir qu’elle avait entamé les démarches nécessaires à la correction de l’acte de naissance de l’enfant et l’avait invité à prendre contact avec le tribunal compétent, ce qu’il avait fait. Un test ADN serait ainsi probablement ordonné « pour qu’il soit reconnu le père de cet enfant » et qu’il puisse exercer ses droits. Dans le cadre de ses obligations internationales, la Suisse devait veiller à ce qu’il puisse avoir un contact et exercer ses droits sur C______, même si celui-ci résidait en France. S’il était renvoyé au Cameroun, il se trouverait dans l’impossibilité d’effectuer ce test.

Par ailleurs, la chambre administrative avait retenu que sa réintégration dans son pays d’origine ne poserait pas de problèmes insurmontables. Or, il était originaire de K______, situé dans le Nord-Ouest du Cameroun, région du pays en proie à une guerre civile. L’armée « régulière » et les rebelles commettaient des massacres et les personnes originaires de la région anglophone étaient discriminées et brutalisées par les soldats du régime. Il sollicitait ainsi la reconsidération de la décision de renvoi prononcée à son encontre et l’octroi d’un permis humanitaire, subsidiairement son admission provisoire, jusqu’à ce que la situation politique lui permette de retourner sans crainte dans son pays.

b. Par courrier du 3 décembre 2020, A______ a informé l’OCPM du décès de son épouse, survenu le 22 novembre 2020, ajoutant qu’il était toujours dans l’attente d’une rectification de l’acte de naissance de C______, qui lui permettrait d’exercer ses droits.

c. Le 4 décembre 2020, il a produit des pièces relatives à la procédure devant la chambre administrative, des documents traitant de la problématique du Cameroun anglophone, dont un article intitulé « Discrimination institutionnalisée : le problème anglophone au Cameroun » et deux articles tirés d’Internet relatant, respectivement, le kidnapping d’un cardinal au Cameroun et « l’homicide » de huit élèves dans la région anglophone du pays.

d. Par courrier du 11 décembre 2020, l’OCPM lui a fait part de son intention de refuser d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération et de refuser de proposer son admission provisoire au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM).

Le 9 janvier 2018, il avait fait l’objet d’une décision de refus de renouvellement de son autorisation de séjour et de renvoi de Suisse, devenue définitive et exécutoire suite à l’entrée en force de l'arrêt ATA/678/2020 du 21 juillet 2020. Un délai de départ au 27 novembre 2020 lui avait ensuite été imparti.

Les arguments qu’il faisait valoir à l’appui de sa demande de reconsidération ne constituaient pas des faits nouveaux et importants. Il les avait déjà invoqués et ils avaient été pris en compte par le TAPI et la chambre administrative. Le décès de son épouse était certes un « vrai fait nouveau », mais il ne constituait pas une modification importante de l’état de fait et ne remettait pas en question l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision entrée en force. Les conditions de l’art. 48 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) n’étaient ainsi pas remplies. Par ailleurs, l’exécution de son renvoi apparaissait a priori possible, licite et exigible. En dépit de la situation sécuritaire demeurant critique dans certaines régions du Cameroun et des risques d’attentat qui n’étaient pas exclus dans tout le pays, le Tribunal fédéral avait récemment confirmé que le renvoi dans ce pays était en principe possible, licite et exigible. Enfin, la demande de reconsidération n’ayant pas d’effet suspensif, il était tenu de quitter la Suisse.

e. Par décision du 24 février 2021, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération et de proposer son admission provisoire au SEM. Il a repris les arguments développés dans sa lettre d’intention du 11 décembre 2020, ajoutant qu'il devait se conformer à la décision de renvoi prise à son encontre et quitter la Suisse sans délai.

E. a. Le 12 avril 2021, A______ a recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et au renouvellement de son autorisation de séjour, subsidiairement à ce que son dossier soit préavisé favorablement en vue de son admission provisoire.

Il était né en France, si bien qu’il avait droit à la nationalité française. Il avait d’ailleurs mandaté un avocat en France, afin de faire reconnaître sa nationalité, d’entamer une action en contestation de paternité à l’encontre de F______, ainsi qu’une action en reconnaissance de paternité sur C______. Par ailleurs, il travaillait auprès d’L______SA et parlait l’allemand, l’anglais et le français. Il s’était également investi dans des causes humanitaires et était très bien intégré en Suisse. Il était entraîneur au sein de plusieurs clubs de football. Sa famille vivait en Suisse et il était originaire d’une région du Cameroun où régnait « un climat de guerre civile et de violence généralisée » entre les forces de l’ordre et les insurgés anglophones.

En cas de renvoi, il serait confronté à de graves difficultés financières, qui l’empêcheraient de poursuivre les procédures engagées en France. Sa situation relevait du cas de rigueur et la décision litigieuse violait le principe de la proportionnalité. Cela étant, il avait invoqué deux faits nouveaux à l’appui de sa demande de reconsidération, soit les démarches entreprises afin de faire reconnaître sa nationalité française et sa paternité sur C______. Ces « arguments [étaient] pertinents » au regard de l’art. 8 CEDH. Or, en refusant d’entrer en matière sur sa demande de reconsidération, sans autre justification que l’absence de fait nouveau, l’OCPM avait commis un déni de justice formel et avait manqué à son obligation de motiver sa décision. Enfin, sous l’angle de l’art. 83 LEI, la jurisprudence citée par l’autorité intimée ne traitait pas du « climat de guerre civile et de violence généralisée » qui sévissait au Cameroun, en particulier dans la région dont il était originaire. De plus, la situation s’était aggravée, comme en attestaient les pièces qu'il avait déjà produites.

Il produisait diverses pièces, dont une attestation de travail établie le 29 mars 2021 par M______, à Genève, qui l’avait engagé pour une durée indéterminée.

b. Le 31 mai 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les conditions de l’art. 48 LPA permettant d’entrer en matière sur une demande de reconsidération n’étaient pas réalisées. Les circonstances invoquées ne permettaient en effet pas de retenir l’existence de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour du recourant en Suisse. Sous l’angle de l’art. 8 CEDH, même si un lien de filiation avec C______ était reconnu par les autorités françaises, ce dernier était toujours placé dans une famille d’accueil à D______ (France) et ne disposait pas d’un droit de présence assuré en Suisse. Si le recourant obtenait la nationalité française, il lui appartiendrait alors de déposer une demande d’autorisation de séjour UE/AELE (et non une demande de reconsidération de la décision du 9 janvier 2018). Par ailleurs, à ce jour, l’exécution des renvois vers le Cameroun était considérée comme raisonnablement exigible (art. 83 al. 4 LEI).

c. Par jugement du 10 janvier 2022, le TAPI a partiellement admis le recours de A______ contre la décision du 24 février 2021. Il l'a ainsi annulée en tant qu’elle refusait de proposer l’admission provisoire du recourant au SEM et renvoyé le dossier à l'OCPM pour qu’il procède dans le sens des considérants. Il a confirmé la décision pour le surplus.

L'OCPM était fondé à refuser d'entrer en matière sur sa demande de reconsidération, les circonstances ne s'étant pas modifiées dans une mesure notable depuis la première décision et les motifs invoqués ayant déjà été examinés.

En revanche, l'OCPM avait refusé de proposer l’admission provisoire du recourant au SEM sans avoir examiné la question de savoir si l'exécution du renvoi le mettait concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI), alors que le recourant se disait originaire de K______, ville anglophone du Nord-Ouest du Cameroun, sise dans une région visiblement touchée par une situation de « guerre civile » et de violence généralisée.

Dans ces circonstances, il convenait de renvoyer le dossier à l'OCPM, afin qu’il procède à cette instruction et se prononce à nouveau sur la base d'un état de fait complet. Il lui appartiendrait notamment, d'une part, d'obtenir des informations actualisées quant à la situation prévalant dans le Nord-Ouest du Cameroun et, d'autre part, d'évaluer concrètement les possibilités de retour du recourant dans ce pays, ce qui impliquerait en particulier, au préalable, de déterminer la situation qui était la sienne avant sa venue en Suisse, ainsi que celle de sa famille vivant au Cameroun.

Ce jugement n'a pas été contesté.

F. a. Par courrier électronique du 7 mars 2022, le service consulaire de l'ambassade de Suisse à Yaoundé, répondant à la demande de renseignements formulée par l'OCPM, a exposé que les citoyens camerounais ressortissants de l'une des régions anglophones, ou toute autre personne qui s'y trouvait installée, vivaient dans une insécurité indéniable.

Il était cependant tout à fait possible de s'installer dans une autre ville du pays tant que les moyens étaient réunis à savoir : la capacité pour le citoyen de se loger, se nourrir, se prendre en charge pour sa survie. La discrimination n'était pas courante à leur sens. Si l'intéressé n'était pas une cible politique, il bénéficiait des avantages dus à tout citoyen. Une personne qui n'avait pas de connaissances dans un milieu où elle était étrangère, du moment qu'elle s'exprimait dans la langue de la majorité, pouvait s'intégrer avec un peu de volonté, à condition qu'il puisse se prendre en charge, même avant de se trouver un emploi.

b. En date du 8 mars 2022, l'OCPM a écrit au recourant en l'invitant notamment à lui préciser la situation qui était la sienne dans son pays avant de venir en Suisse ainsi que celle actuelle de sa famille vivant au Cameroun.

Par ailleurs, compte tenu des informations obtenues de la part de l'Ambassade de Suisse au Cameroun le 7 mars 2022, il considérait que l'exécution de son renvoi était licite et raisonnablement exigible. En effet, si la situation prévalant à ce jour dans les provinces anglophones était critique, et indépendamment de l'étendue de son réseau familial sur place, il apparaissait qu'il pouvait être exigé de lui qu'il s'installe ailleurs au Cameroun. Dans ces circonstances, il l'informait de son intention de prononcer une décision constatant que le renvoi de Suisse à destination du Cameroun était possible, licite et raisonnablement exigible.

Un délai lui était imparti pour lui faire part, par écrit, de ses éventuelles observations.

c. Le 10 mai 2022, A______ s'est déterminé. L'appréciation de l'ambassade selon laquelle une personne venant de l'étranger et qui s'exprimait dans la langue de la majorité pouvait s'intégrer à condition qu'elle puisse se prendre en charge était peu claire et ne reflétait pas la réalité de la situation humanitaire catastrophique. Par ailleurs, il avait toujours vécu à K______, ville dans laquelle résidait sa mère et où sévissait une guerre civile très violente entre la zone séparatiste et le gouvernement. Le Cameroun était confronté à trois crises humanitaires complexes et simultanées dans l'extrême nord du pays dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ainsi qu'en République centrafricaine voisine. À l'exception de sa mère, il n'avait aucune attache au Cameroun.

Les crises humanitaires qui affectaient le Cameroun avaient des répercussions sur tout le pays. On voyait mal qu'il trouve un emploi qui lui assurerait un revenu qui le protégerait de la famine, d'un système de santé défaillant et de forces de sécurité totalement corrompues. Son renvoi le placerait dans une situation de danger concret, de sorte qu'il requérait de l'autorité qu'elle préavise favorablement une admission provisoire.

d. Par décision du 7 juin 2022, l'OCPM a refusé de proposer au SEM l'admission provisoire de A______. Un délai au 31 juillet 2022 lui était imparti pour quitter la Suisse, l'Union européenne et les États associés à Schengen et rejoindre le pays dont il possédait la nationalité, ou tout autre pays où il était légalement admissible.

Les observations qu'il avait présentées dans le cadre de l'exercice de son droit d'être entendu n'étaient pas de nature à modifier sa position.

Âgé de 33 ans, il était né dans la ville de K______, dans la région Nord-Ouest du Cameroun. Il avait vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays, soit jusqu'à l'âge de 22 ans. Dans le passé, il était footballeur professionnel. En Suisse, il avait travaillé dans plusieurs domaines dont celui de la logistique. Depuis 2016, il était rentré au Cameroun au moins deux fois pour des motifs familiaux. Il maîtrisait la langue française et était en bonne santé.

G. a. Par acte du 8 juillet 2022, A______ a recouru devant le TAPI contre cette décision, concluant à son annulation, à ce qu'il soit constaté que son renvoi au Cameroun était inexigible et à l'annulation dudit renvoi. La décision de l'OCPM était arbitraire. Il n'avait aucun proche au Cameroun à l'exception de sa mère dont toute la famille résidant en Suisse tentait d'obtenir le rapatriement en raison du danger mortel quotidien auquel elle était exposée. Dès lors, si son renvoi devait être confirmé, il ne pourrait bénéficier d'aucun soutien financier pour assurer sa survie. Les explications données par l'ambassade de Suisse à Yaoundé n'emportaient pas conviction.

En raison des discriminations envers les personnes originaires des régions anglophones, il ne semblait pas réaliste qu'il parvienne à trouver un emploi et un logement lesquels étaient réservés en priorité aux francophones. En tant que ressortissant d'une minorité stigmatisée, il se retrouverait dans une situation de grande précarité et de grande vulnérabilité, qui l'exposerait de manière certaine aux dangers de mort résultant des conflits armés. Pour le surplus, il invoquait une nouvelle fois la violation du droit au respect de la vie privée et familiale pour s'opposer à son renvoi.

b. Le 12 septembre 2022, l'OCPM a confirmé son refus de proposer l'admission provisoire de l'intéressé au SEM.

c. Par jugement du 16 décembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L'objet du litige était circonscrit à la question de savoir si c'était à bon droit que l'OCPM avait refusé de proposer l'admission provisoire au SEM. La décision prononçant le renvoi était en effet définitivement tranchée, de sorte que la conclusion de A______, de même que son argumentation à ce sujet, devaient être déclarées irrecevables.

D'après la récente jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), la situation humanitaire et sécuritaire dans les provinces anglophones du Cameroun restait instable, notamment au Nord-Ouest, mais cela ne renversait toutefois pas la présomption selon laquelle l'exécution du renvoi vers le Cameroun (régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest comprises) restait en principe exigible. Selon les indications de l'ambassade de Suisse à Yaoundé de mars 2022, rien n'empêchait les ressortissants camerounais originaires d'une région anglophone de s'installer dans une autre province du pays, où ils bénéficiaient des mêmes droits que leurs concitoyens, les discriminations n'étant pas courantes. Le fait qu'il parle le français, qu'il soit en bonne santé et apte à travailler et qu'il puisse compter sur le soutien de sa famille demeurée en Suisse étaient autant d'éléments qui favoriseraient sa réinstallation.

H. a. Par acte posté le 2 février 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant préalablement à la suspension de la procédure jusqu'à « chose de droit jugée » sur sa demande de naturalisation française, et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à ce que l'OCPM soit invité à statuer sur une demande de regroupement familial fondée sur l'art. 8 CEDH et à l'octroi d'une indemnité de procédure ; subsidiairement, à ce que l'OCPM soit invité à soumettre au SEM sa demande d'admission provisoire.

Il était né à K______ (Cameroun, province du Nord-Ouest) d'une mère camerounaise et d'un père français. Il avait engagé en 2012 une procédure de naturalisation (recte : de reconnaissance de nationalité) française, qui avait pris du retard. Sa demande serait tranchée lors d'une audience fixée le 23 mai 2023. Par ailleurs, il vivait en couple stable depuis quatre ans avec N______, résidente genevoise au bénéfice d'une autorisation d'établissement.

Il convenait de suspendre la procédure en attente de la décision au sujet de sa nationalité française, décision qui aurait un impact certain sur la suite de la procédure.

Le jugement attaqué violait l'art. 83 LEI, le recourant réitérant ses arguments au sujet de la violence généralisée dans sa région de naissance et l'impossibilité de s'établir en un autre lieu.

Enfin, son union stable depuis quatre ans avec une résidente genevoise constituait en outre un fait nouveau justifiant l'octroi d'un permis de séjour au titre du regroupement familial.

b. Le 16 mars 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés n'étant pas de nature à modifier sa position dans la mesure où ils étaient en substance semblables à ceux présentés en première instance, ou sans rapport avec l'objet du litige.

c. Le 22 mars 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 28 avril 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 17 avril 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

e. Le 2 mai 2023, soit après l'expiration du délai précité, le recourant a demandé un délai supplémentaire d'un mois pour compléter son recours au moyen de nouvelles pièces pertinentes au sujet des préjudices subis par des migrants après leur retour au Cameroun.

f. Le 11 mai 2023, le juge délégué a répondu au recourant que la cause était gardée à juger, la demande de prolongation étant tardive et concernant quoi qu'il en fût des faits généraux et non ceux propres à la cause.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA), sous réserves de certaines conclusions qui seront abordées infra au consid. 3.

2.             Le recourant conclut tout d'abord à la suspension de la procédure, en attente d'une décision au sujet de sa nationalité française.

2.1 Selon l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 3.1).

2.2 En l'espèce, le recourant se méprend en affirmant que la procédure en reconnaissance de sa nationalité française serait de nature à influer sur la présente cause. En effet, si une reconnaissance de nationalité française aurait certes pour le recourant une influence sur sa situation en droit des étrangers, elle n'en aurait aucune sur la solution du présent litige, qui consiste uniquement à savoir si l'exécution de son renvoi au Cameroun est possible, licite et raisonnablement exigible.

La chambre de céans relèvera en outre que l'issue de ladite procédure devait être connue dès le mois de mai 2023, mais qu'il ne l'a pas informée du résultat de celle‑ci.

La demande de suspension sera dès lors rejetée.

3.             Il convient de déterminer l'objet du litige.

3.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1369/2023 du 19 décembre 2023 consid. 3.2).

3.2 Dans son jugement du 10 janvier 2022, entré en force, le TAPI a annulé la décision de l'intimé en tant qu’elle refusait de proposer l’admission provisoire du recourant au SEM et renvoyé le dossier à l'OCPM pour qu’il procède dans le sens des considérants. Il a confirmé la décision pour le surplus, au motif que l'OCPM était fondé à refuser d'entrer en matière sur sa demande de reconsidération dès lors que les circonstances ne s'étaient pas modifiées dans une mesure notable depuis la première décision et que les motifs invoqués avaient déjà été examinés.

Dans le jugement attaqué, le TAPI a rappelé que l'objet du litige était circonscrit à la question du refus de proposer l'admission provisoire au SEM.

C'est dès lors seulement cette question qui constitue ainsi l'objet du litige devant la chambre de céans. La conclusion du recourant tendant à ce que l'OCPM soit invité à statuer sur une demande de regroupement familial fondée sur l'art. 8 CEDH est donc irrecevable et ne sera pas examinée plus avant.

4.             Le recourant conclut à son admission provisoire.

4.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

4.3 Aux termes de l'art. 64 al. 1 let. a LEI, tout étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu est renvoyé. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEI).

Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au SEM d'admettre provisoirement un étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et 6 LEI).

4.4 L'exécution d'un renvoi n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI).

L'exécution de la décision n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI). L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH - RS 0.101) ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; arrêt du TAF E-7712/2008 du 19 avril 2011 consid. 6.1 ; ATA/801/2018 du 7 août 2018 consid. 10c et l'arrêt cité).

4.5 L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations : Droits humains, Berne, 2014, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêts du TAF 2010/54 consid. 5.1 ; E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b). L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (arrêts du TAF 2007/10 consid. 5.1 ; E-4024/2017 du 6 avril 2018 consid. 10 ; D-6827/2010 du 2 mai 2011 consid. 8.2 ; ATA/3161/2020 du 31 août 2021 consid. 9b).

Si l'interdiction de la torture, des peines et traitements inhumains (ou dégradants) s'applique indépendamment de la reconnaissance de la qualité de réfugié, cela ne signifie pas encore qu'un renvoi ou une extradition serait prohibée par le seul fait que dans le pays concerné des violations de l'art. 3 CEDH devraient être constatées. Une simple possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à satisfaction qu'il existe pour elle un risque réel, fondé sur des motifs sérieux et avérés, d'être victime de tortures ou encore de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des droits de l'homme ne suffit en principe pas (hormis des cas exceptionnels de violence d'une extrême intensité) à justifier la mise en œuvre de la protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement – et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux – par des mesures incompatibles avec la disposition en question (ATA/16/2018 du 9 janvier 2018 consid. 10c).

4.6 La chambre de céans a ainsi estimé, dans un cas concernant la Turquie, que le fait que certaines régions de ce pays étaient le théâtre d’événements violents, la suspension de l’application de la CEDH et l’emprisonnement de militants des droits de l’homme ne suffisaient pas à démontrer l’existence d’un risque concret et sérieux pour le recourant lui-même, fût-il kurde, aucun élément au dossier ne démontrant que l’exécution de son renvoi l’exposerait à un risque réel de torture ou de traitements prohibés ou contraires aux engagements de la Suisse relevant du droit international (ATA/16/2018 précité consid. 10e).

4.7 S'agissant de ressortissants anglophones du Cameroun issus des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le TAF a examiné cinq cas depuis 2021, tous liés à des demandes d'asile.

Dans l'arrêt D-1531/2022 du 25 octobre 2022, il a admis la qualité de réfugié du recourant, lequel avait pu prouver être un membre actif d'un mouvement politique d'opposition, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (ci-après : MRC). Il a noté que la situation dans les régions anglophones du Cameroun était tendue. Les protestations d'enseignants, d'avocats et d'étudiants dans les régions anglophones du Cameroun, qui avaient dégénéré en 2016, avaient débouché sur des affrontements armés ; différents groupes séparatistes – il n'existe pas de direction commune –, soutenus en partie par la diaspora camerounaise, luttaient pour l'indépendance de leur propre État qu'ils appelaient « Ambazonie ». La situation en matière de droits de l'Homme s'était détériorée en 2022, avec des exécutions extrajudiciaires, des pillages, des arrestations arbitraires et parfois des actes de torture. Le gouvernement réprimait de plus en plus l'opposition politique et les dissidents, et des personnes soutenant le MRC avaient été condamnées à des peines de prison (consid. 7.2).

Dans les autres arrêts, dont un est plus récent (arrêts du TAF E-5094/2020 du 27 mars 2023, D‑6585/2020 du 15 août 2022 et E-2594/2021 du 13 septembre 2021), il a rejeté les recours et considéré que l'exécution du renvoi vers le Cameroun s'avérait raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 al. 4 LEI, tant d'un point de vue général qu'individuel.

Malgré un regain de tensions politiques et interethniques depuis les élections de 2018, il n'existait pas au Cameroun de situation de violence généralisée qui s'étendrait sur l'ensemble ou une grande partie du territoire national, ni de situation d'insécurité totale, dominée par des conflits armés ou des menaces permanentes de troubles, en raison de laquelle les recourants seraient inévitablement exposés à un danger concret en cas de retour (arrêts du TAF E-2594/2021 précité consid. 7.2 ; D‑6585/2020 précité consid. 9.3.2).

Pour ce qui était des risques individuels, le TAF a notamment pris en compte le fait qu'un recourant, bien qu'anglophone, savait également bien le français, du moins mieux qu'il ne le prétendait (arrêt du TAF E-5094/2020 précité consid. 7.5.2).

4.8 En l'espèce, s'agissant de la situation générale, il n'y a pas lieu de se départir de la position du TAF présentée ci-dessus, dès lors qu'il n'apparaît pas que la situation dans les provinces concernées ait encore dégénéré en 2023, bien qu'elle soit restée tendue et que plusieurs dizaines de morts dues au conflit soient à déplorer durant l'année précitée.

S'agissant de la situation particulière du recourant, celui-ci se contente de décrire la situation générale dans les provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest comme potentiellement dangereuse. Il n'allègue pas appartenir à un parti d'opposition ni à un mouvement séparatiste. Il a demandé des visas pour se rendre au Cameroun en 2016 et 2017, années pendant laquelle la crise anglophone a commencé quand bien même elle n'avait alors pas encore dégénéré en conflit armé. Il vit à Genève depuis plus de dix ans et sait le français, si bien que rien ne l'empêcherait de s'installer ailleurs que dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, étant précisé que ses allégations de discriminations que subiraient tous les Anglophones dans les autres parties du pays ne sont pas étayées. Pour le surplus, il ne fait valoir aucun problème de santé. Enfin, son lien de filiation avec l'enfant C______ n'est pas établi, et il n'a jamais entretenu de relations personnelles avec lui, si bien qu'il ne saurait en tirer argument en lien avec l'exigibilité de son renvoi.

Il résulte de ce qui précède que l'on ne peut pas retenir que l'exécution du renvoi du recourant serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible, si bien que le recours, qui ne peut – comme déjà exposé – porter que sur cette question, sera rejeté.

5.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 février 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques EMERY, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.