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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3957/2023

ATA/331/2024 du 05.03.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3957/2023-AIDSO ATA/331/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS intimé



EN FAIT

A. a. Par décision du 25 octobre 2023, le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a fixé à CHF 30.40 par jour la participation financière d’A______ aux frais de placement de son fil, B______.

b. Le montant de la participation était de CHF 38.- par jour, réduit de 20 % en raison des deux enfants à charge d’A______, et calculé en fonction du revenu déterminant unifié (ci-après : RDU). Le montant était susceptible d’être adapté chaque année.

c. En cas de recouvrement par le SPMi d’une créance alimentaire sur mandat du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE), la contribution d’entretien, les rentes et allocations auxquelles B______ aurait droit viendraient en déduction et seul le solde serait demandé à sa mère.

B. a. Par acte du 27 novembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision du 25 octobre 2023.

Elle contestait sa participation aux frais, dans la mesure où le placement était fermement contesté. Il n’avait de plus pas été demandé au père de participer aux frais, alors qu’il était également titulaire de l’autorité parentale.

b. Dans sa réponse du 3 janvier 2024, le SPMi a conclu au rejet du recours.

Le placement avait été ordonné par ordonnance du TPAE du 20 juin 2023. A______ avait recouru tant contre cette ordonnance (la chambre de surveillance de la Cour de justice n’avait pas encore rendu de décision) que contre la décision de refus d’octroi de l’effet suspensif (confirmée en deuxième instance et dans l’attente d’une décision du Tribunal fédéral). L’ordonnance du TPAE était dès lors exécutoire.

Les parents de B______ étaient séparés. A______ en avait la garde en dernier et bénéficiait d’une contribution d’entretien, de rentes ou d’autres droits pécuniaires. Elle était donc soumise à l’obligation de contribuer financièrement au placement.

c. Dans sa réplique du 22 janvier 2024, A______ a conclu à la suspension de la procédure administrative dans l’attente de droit connu dans la procédure civile, puisque la participation aux frais litigieuse était en lien étroit avec le placement contesté. Le sort de la procédure administrative dépendait donc de la solution donnée par le juge civil.

d. Les parties ont été informées, le 23 janvier 2024, que la cause était gardée à juger, y compris sur la question de la suspension de la procédure.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante sollicite la suspension de la procédure.

2.1 Selon l’art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

2.2 Cette disposition est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 3.1).

2.3 La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d’une autre autorité serait utile à l’autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/630/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l’autorité saisie ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d’une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l’interdiction du déni de justice formel fondée sur l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d’attendre la décision d’une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, lorsque ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d’autres motifs (ATA/812/2021 du 10 août 2021 consid. 2a ; ATA/1493/2019 précité consid. 3b).

2.4 En l’espèce, le montant des frais de placement incombant aux parents ne dépend pas de la procédure civile, mais est de nature administrative. Le fait que le principe même du placement soit contesté n’est pas relevant, puisqu’il a été décidé qu’il serait exécutoire nonobstant recours, que l’enfant a été placé et qu’il convient dès lors de statuer sur le montant des frais de placement. Le fait de suspendre la procédure pourrait au contraire être dommageable pour la recourante qui pourrait se retrouver à devoir régler un montant encore plus important avec le temps qui passe.

De plus, la chambre de céans se trouve en possession de tous les éléments permettant de trancher le litige. Une suspension serait enfin contraire au principe de célérité et d’économie de procédure.

Il n’y a en conséquence pas lieu de prononcer la suspension de la présente procédure.

3.             On comprend des écrits de la recourante qu’elle conteste le principe de la participation financière aux frais de placement de son fils.

3.1 Les père et mère doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant et assumer, par conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). L'entretien est assuré par les soins et l'éducation ou, lorsque l'enfant n'est pas sous la garde de ses père et mère, par des prestations pécuniaires (art. 276 al. 2 CC). Cette obligation dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère ; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant et de la participation de celui des parents qui n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce dernier (art. 285 al. 1 CC).

3.2 Lorsque l'enfant est placé, l'office de l'enfance et de la jeunesse perçoit une contribution financière aux frais de pension et d'entretien personnel auprès des père et mère du mineur (art. 81 al. 2 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05 ; art. 36 al. 1 de la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1er mars 2018 - LEJ - J 6 01). Le type de prestations pour lesquelles une participation financière peut être demandée ainsi que le montant des contributions y relatives sont fixés par voie réglementaire (art. 36 al. 2 LEJ).

3.3  Les frais de placement résidentiel ainsi que les repas en structures d'enseignement spécialisé ou à caractère résidentiel et les autres frais mentionnés par le règlement fixant la participation financière des père et mère aux frais de placement ainsi qu'aux mesures de soutien et de protection du mineur du 2 décembre 2020 (RPFFPM - J 6 26.04) sont à la charge de l'État, dans la mesure où ils ne sont pas couverts par la participation financière des père et mère (art. 1 RPFFPM).

3.4 Le RPFFPM fixe la participation financière des père et mère lors de placements résidentiels (art. 2 let. a). Lors de placements résidentiels, la participation financière aux frais de placement et d'entretien est de CHF 38.- par jour et par mineur (art. 5 al. 1 RPFFPM). Un rabais, fondé sur le RDU est accordé aux père et mère, en fonction du montant de leur RDU et du nombre d’enfants à charge, rabais que l’art. 8 al. 2 RPFFPM détaille.

Lorsque les père et mère ne font pas ménage commun, la participation financière est perçue auprès du dernier parent qui avait la garde de fait du mineur et qui, le cas échéant, perçoit les contributions d'entretien fixées judiciairement, les rentes et les éventuels droits pécuniaires auxquels le mineur a droit (art. 7 al. 2 RPFFPM).

3.5  Selon l’art. 9 al. 1 LRDU, le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. Il n’est, en principe, pas procédé à sa réactualisation. Ce procédé permet, en matière des prestations tarifaires – comme le sont les frais de placement –, de répondre aux buts de la LRDU visant la simplification de l’accès aux prestations sociales cantonales et l’allègement des procédures (art. 1 al. 2 LRDU). Cela garantit aussi l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de prestations tarifaires du SPMi (ATA/397/2023 du 18 avril 2023 consid. 3.3).

3.6  Le SPMi est compétent pour les aides financières apportées aux mineurs qui font l’objet d’une mesure de protection ou d’une décision de placement ordonnée par le pouvoir judiciaire (art. 3 al. 3 RPFFPM).

4.             En l’espèce, comme cela ressort de ce qui précède, l’obligation légale imposée à la recourante de participer aux frais de placement de son fils trouve son fondement dans les dispositions précitées, notamment les art. 276 al. 2 CC, 81 al. 2 LaCC et 36 LEJ.

La recourante ne remet pas en cause le fait qu’elle avait la garde de fait de B______ avant son placement et qu’à la suite du divorce intervenu avec le père de l’enfant, un accord prévoyait que celui-ci verse une participation aux frais de repas des enfants. C’est dès lors à juste titre que le SPMi a adressé sa décision à la recourante, tenue légalement de participer aux frais de placement de son fils.

Il lui appartiendra, le cas échéant, d’obtenir une participation du père dans le cadre d’une procédure civile, ce qui ne fait pas l’objet de la présente procédure.

Le calcul de la participation financière, que la recourante ne remet pas en cause en tant que tel, est réglé par l’art. 8 RPFFPM. Son al. 2 prévoit un rabais fondé sur le RDU accordé aux parents selon le barème y figurant. Un rabais de 20% est applicable pour un revenu familial compris entre CHF 95'001.- et CHF 150'000.- comprenant un enfant, étant précisé que, dès le deuxième enfant à charge, il faut ajouter CHF 7'500.- par enfant au revenu pour déterminer la limite du revenu familial (art. 8 al. 2 RPFFPM). En vertu de l’art. 8 al. 3 RPFFPM, ces limites de revenu sont calculées en application de la LRDU.

Dès lors qu’il n’est pas contesté que la recourante a deux enfants à charge ni que le RDU retenu pour effectuer le calcul de sa participation se situe dans la fourchette de l’art. 8 RPFFPM, c’est à juste titre que le SPMi lui a réclamé le montant de
CHF 30.40 par jour, soit 80% de CHF 38.-, à titre de participation financière aux frais de placement de son fils.

Enfin, comme indiqué dans la décision litigieuse, la recourante peut s’adresser, le cas échéant, par écrit au SPMi pour solliciter un arrangement de paiement pour l’arriéré restant dû depuis le 25 octobre 2023.

Le recours, mal fondé, sera rejeté.

5.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument. Compte tenu de son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 novembre 2023 par A______ contre la décision du service de protection des mineurs du 25 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate de la recourante, ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :