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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/475/2023

ATA/397/2023 du 18.04.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/475/2023-AIDSO ATA/397/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 avril 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante

contre

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS intimé



EN FAIT

A.           Par décisions du 12 janvier 2023, le Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi) a fixé à CHF 15.20 par jour, dès le 28 octobre 2022, la participation financière de Madame A______ aux frais de placement de chacun de ses enfants B______, C______, D______, E______, F______ et G______.

Les décisions se basent sur le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) de Mme A______, fondé sur sa taxation fiscale 2021. Elles retiennent que l’intéressée a six enfants à charge, un RDU supérieur à CHF 106'501.- mais inférieur à CHF 121'500.- et appliquent un code de réduction de 60 %.

B.            a. Par acte expédié le 9 février 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a formé recours contre ces décisions. Elles ne tenaient pas compte des autres frais qu’elle assumait pour ses enfants. Ainsi, elle louait deux arcades où les enfants pouvaient jouer et où elle stockait leurs jouets et vêtements. Elle s’acquittait d’un loyer de CHF 1'660.- pour cette arcade. Elle dépensait en outre de « grandes sommes » pour renouveler l’intégralité de son mobilier. Son objectif était de pouvoir récupérer la garde de ses enfants. Elle investissait donc pour pouvoir les y accueillir. Chaque mois, elle versait un montant de CHF 500.- au père de son fils H______. Les montants mis à sa charge étaient erronés. Une fois corrigés, elle attendait [de la part du SPMi] un arrangement de paiement.

b. Le SPMi a conclu au rejet du recours. Les calculs étaient effectués sur la base du RDU déterminé selon la dernière taxation fiscale, conformément aux dispositions applicables.

Un arrangement de paiement pouvait être trouvé, la gestionnaire du SPMi se tenait à disposition de la recourante pour en définir les modalités.

c. Dans le délai de réplique, la recourante a insisté sur le fait qu’il convenait de réactualiser son RDU en intégrant le montant dont elle s’acquittait en faveur de H______. Elle attendait toujours un « retour de la personne » pour trouver un arrangement de paiement. Le curateur de ses enfants partageait son avis. Si un accord sur des montants réduits était trouvé, elle s’engageait à payer la moitié des montants fin mars 2023. Il était préférable de lui envoyer les factures corrigées, afin d’éviter des problèmes. Elle se tenait à disposition du SPMi pour de plus amples explications. Si aucun arrangement n’était trouvé, elle refuserait tout paiement.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante ne remet pas en cause l’obligation de participer aux frais de placement de ses six enfants, mais en conteste le montant. Elle se plaint du fait que le calcul de celui-ci tient compte de sa situation financière de 2021, et non de celle existant au moment où la participation financière lui est réclamée, soit dès octobre 2022, qui s’est, selon elle, péjorée par rapport à celle de 2021.

2.1 Le fondement légal de la participation financière aux frais de placement et d’entretien, fixée à CHF 38.- par jour et par enfant, se trouve à l’art. 5 al. 1 du règlement fixant la participation financière des père et mère aux frais de placement, ainsi qu’aux mesures de soutien et de protection du mineur du 2 décembre 2020 (RPFFPM - J 6 26.04). Une telle obligation incombe aux parents (art. 3 al. 2 RPFFPM) lorsque le mineur est placé dans un des lieux énumérés à l’art. 4 RPFFPM. Le SPMi est compétent pour les aides financières apportées aux mineurs qui font l’objet d’une mesure de protection ou d’une décision de placement ordonné par le pouvoir judiciaire (art. 3 al. 3 RPFFPM).

En l’espèce, aucun de ces éléments n’est contesté, la recourante se limitant à demander un nouveau calcul du montant sollicité, fondé sur sa situation financière actualisée qui s’est péjorée par rapport à l’année fiscale 2021.

2.2 Par ailleurs et conformément à la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/475/2021 du 4 mai 2021 consid. 2), les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (art. 276 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). L'entretien est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (art. 276 al. 1 CC). Cette obligation dure jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 277 al. 1 CC). La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère ; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC). Lorsque l'enfant est placé, l'office de l'enfance et de la jeunesse perçoit une contribution financière aux frais de pension et d'entretien personnel auprès des père et mère du mineur (art. 81 al. 2 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 - LaCC - E 1 05 ; art. 36 al. 1 de la loi sur l'enfance et la jeunesse du 1ermars 2018 - LEJ - J 6 01). Le type de prestations pour lesquelles une participation financière peut être demandée ainsi que le montant des contributions y relatives sont fixés par voie réglementaire (art. 36 al. 2 LEJ).

2.3 Le calcul de la participation financière ici en cause trouve son fondement légal à l’art. 8 RPFFPM. Son al. 2 prévoit un rabais fondé sur le RDU et accordé aux parents selon le barème y figurant. Un rabais de 20 % est applicable pour un revenu familial comprenant un enfant, situé entre CHF 95'001.- et CHF 150'000.-, étant précisé que, dès le deuxième enfant à charge, il faut ajouter CHF 7'500.- par enfant au revenu pour déterminer la limite du revenu familial (art. 8 al. 2 RPFFPM). Lorsque le RDU ainsi déterminé se situe entre CHF 69'001.- et CHF 84'000.-, le rabais sur la participation de CHF 38.- par jour et par enfant est de 60 % (art. 8 al. 2 RPFFPM). En vertu de l’art. 8 al. 3 RPFFPM, ces limites de revenu sont calculées en application de la loi sur le RDU du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06).

2.4 En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a six enfants à charge ni que le RDU ressortant de sa taxation fiscale 2021 se situe dans la fourchette entre CHF 106'501.- et CHF 121'500.-. Son RDU tombe donc dans la fourchette précitée de l’art. 8 RPFFPM allant de CHF 95'001.- à CHF 150'000, qui prévoit pour un enfant à charge un rabais de 20 %. Ayant cinq autres enfants à charge, il y a donc lieu de déduire la somme de CHF 7'500.- pour chaque enfant complémentaire à charge de la recourante, soit CHF 37'500.- (cinq fois CHF 7'500.-). Il en résulte un RDU tombant dans la fourchette du RPFFPM allant de CHF 69'001.- à CHF 84'000.- (CHF 106'501.- - CHF 37'500.-), pour laquelle un rabais de 60 % sur le montant légal de CHF 38.- de la participation financière est prévu.

C’est ainsi à juste titre que le SPMi lui a réclamé le montant de CHF 15.20, soit 40% de CHF 38.-, à titre de participation financière aux frais de placement de chacun de ses enfants placés.

La question de savoir si le RDU pris ici en compte par le SPMi peut être actualisé au regard de la nouvelle situation financière invoquée par la recourante doit être réglée conformément à la LRDU et à son règlement d’exécution du 27 août 2014 (RRDU - J 4 06.01), étant rappelé que le SPMi est admis à utiliser le RDU en application des art. 1 al. 1 let. d et al. 2 let. b RRDU.

3.             Conformément à son art. 1 al. 1, la LRDU a notamment pour but de définir les éléments entrant dans le calcul du RDU et son processus d’actualisation (let. b) ainsi que la hiérarchie des prestations sociales sous condition de ressources (let. c). Elle vise à faciliter les relations avec l’administration par la mise en place d’un système transparent et équitable, qui simplifie l’accès aux prestations sociales cantonales et allège les procédures (art. 1 al. 2 LRDU).

3.1 En vertu de l’art. 2 al. 1 LRDU, cette loi s’applique à toutes les prestations sociales sous condition de ressources qui font l’objet de l’art. 13 LRDU, à savoir les prestations catégorielles (subsides de l’assurance-maladie, avance des pensions alimentaires, allocations de logement, subventions personnalisées pour habitations mixtes ; art. 13 al. 1 let. a LRDU) et les prestations de comblement (comme par exemple les prestations complémentaires [ci-après : PC] fédérales et cantonales à l’assurance-vieillesse et survivants [ci-après : AVS] et l’assurance-invalidité [ci-après : AI], les bourses d’études, les PC familiales ou l'aide sociale, art. 13 al. 1 let. b LRDU). L’art. 2 al. 2 LRDU précise que le RDU peut également servir de référence dans trois cas, notamment pour le calcul de prestations tarifaires (let. a). L’art. 12 LRDU définit les prestations catégorielles (let. a), les prestations de comblement (let. b) et les prestations tarifaires (let. c). Ces dernières sont des prestations en nature ou de rabais qui sont accordées sous condition de ressources, dont les tarifs dépendent du RDU et qui se fondent sur une loi, un règlement ou un arrêté (art. 12 let. c LRDU). L’art. 13 al. 1 LRDU fixe l’ordre dans lequel les prestations catégorielles et celles de comblement doivent être demandées.

Le RDU sert de base pour le calcul du droit à une prestation au sens des art. 8 à 10 LRDU (art. 3 al. 1 LRDU). Les éléments énoncés aux art. 4 à 7 LRDU constituent le socle du RDU et se définissent conformément à la législation fiscale genevoise (art. 3 al. 2 in fine LRDU). Les prestations mentionnées à l’art. 13 s’ajoutent au socle du RDU selon l’art. 8 al. 3 LRDU (art. 3 al. 3 LRDU). Lorsqu’une prestation catégorielle ou de comblement est octroyée en application de la hiérarchie des prestations sociales visées à l’art. 13 LRDU, son montant s’ajoute au socle du RDU selon l’art. 8 al. 3 LRDU et le nouveau montant sert de base de calcul pour la prestation suivante (art. 8 al. 3 phr. 1 LRDU).

L’art. 13A LRDU règle le lien avec les prestations tarifaires. Son al. 1 prévoit que les prestations tarifaires sont calculées sur la base du RDU, tel que défini à l'art. 9 al. 1 et 2 LRDU, et additionné des prestations catégorielles et de comblement obtenues. L’art. 13A al. 1 LRDU réserve l'art. 10 al. 3 phr. 2 LRDU qui concerne les exceptions définies par le Conseil d’État à l’art. 6B RRDU évoqué plus bas. Selon l'exposé des motifs du PL 11326 à l'origine de cette nouvelle disposition, « cet alinéa indique également que les prestations tarifaires se fondent sur le revenu le plus récent disponible dans la base de données du SI RDU. Il convient de préciser à cet égard que l’actualisation de RDU à la demande de services dont les prestations sont tarifaires n’est pas prévue » (PL 11326, p. 26). Les prestations tarifaires n’entrent par ailleurs pas dans le calcul du RDU (art. 13A al. 2 LRDU).

3.2 Selon l’art. 9 al. 1 LRDU, le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive. Le socle du RDU peut être actualisé (art. 9 al. 2 LRDU). L’art. 10 LRDU règle l’actualisation du RDU. L’art. 10 al. 1 LRDU dispose que le RDU est en principe actualisé sur la base des derniers éléments de revenus et de fortune connus de la personne, sous réserve des art. 4 al. 2 et 5 al. 2 LRDU. Conformément à l’art. 10 al. 2 LRDU, le RDU est actualisé sur demande d’un service et/ou lorsque la condition économique de l’intéressé s’est modifiée entre la période qui a servi de base au calcul de la prestation et le moment où il présente sa demande. Ces changements sont annoncés et justifiés par l’intéressé.

À teneur de l’art. 10 al. 3 LRDU, le processus d'actualisation du RDU selon l'al. 1 s'applique à l'examen ou au réexamen des seules demandes de prestations catégorielles et de comblement visées à l'art. 13 al. 1 LRDU. Les exceptions définies par le Conseil d'État sont réservées. En vertu de l’art. 6B RRDU, intitulé « Actualisation en lien avec les prestations tarifaires », le processus d’actualisation du RDU selon l’art. 10 al. 1 et 3 LRDU s’applique également aux prestations visées par l’art. 1 al. 1 let. g et h et al. 3 RRDU. Ces dispositions réglementaires visent le service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) en ce qui concerne l’octroi du chèque annuel de formation (art. 1 al. 1 let. g RRDU), l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLF) au sujet de l’accès à un logement d’utilité publique et du calcul de la surtaxe liée à ce dernier (art. 1 al. 1 let. h RRDU), ainsi que les fondations immobilières de droit public s’agissant des demandes de logement d’utilité publique (art. 1 al. 3 RRDU), à l’exclusion de prestations tarifaires du SPMi.

3.3 En l’espèce, la prestation litigieuse réclamée par le SPMi est une prestation tarifaire au sens de l’art. 12 let. c LRDU. Elle concerne une prestation en nature visant le placement et l’entretien des enfants mineurs de la recourante, avec l’octroi d’un rabais fondé sur le RDU conformément à l’art. 8 al. 2 RPFFPM. Dès lors, ce type de prestation ne bénéficie pas du processus d’actualisation du RDU en vertu de l’art. 10 al. 3 LRDU. Cette disposition permet d’actualiser le RDU uniquement en ce qui concerne les prestations catégorielles, celles de comblement et celles précitées délivrées par le SBPE, l’OCLPF ainsi que les fondations immobilières de droit public au sens de l’art. 1 al. 3 RRDU.

C’est donc à bon droit que le SPMI a fondé la décision litigieuse sur le RDU calculé en fonction de la taxation fiscale de 2021, et qu’il n’a pas procédé à sa réactualisation. Ce procédé permet, en matière des prestations tarifaires, de répondre aux buts de la LRDU visant la simplification de l’accès aux prestations sociales cantonales et l’allègement des procédures (art. 1 al. 2 LRDU), sous réserve des exceptions expressément prévues à l’art. 6B RRDU par renvoi des art. 10 al. 3 et 13A al. 1 LRDU. Cela garantit aussi l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de prestations tarifaires du SPMi.

Par conséquent, le recours sera rejeté.

4.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument. Compte tenu de son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2023 par Madame A______ contre les décisions du service de protections des mineurs du 12 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service de protection des mineurs.

Siégeant : M. Mascotto, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :