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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2919/2023

ATA/251/2024 du 27.02.2024 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;AIDE FINANCIÈRE;DEVOIR DE COLLABORER;REMBOURSEMENT DE FRAIS(ASSISTANCE);BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS;RESTITUTION(EN GÉNÉRAL);ENQUÊTE(EN GÉNÉRAL);DOMICILE;CONCUBINAGE
Normes : LPA.65; Cst.12; LIASI.1.al1; LIASI.9; LIASI.2; LIASI.8; LIASI.11.al1; LIASI.21; LIASI.14; LIASI.25.al1; RIASI.9; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; CC.23; CC.24; LIASI.35.al1.letd; LIASI.36; LIASI.42.al1
Résumé : Enquête domiciliaire suite à des suspicions de vie commune avec la concubine du recourant. Décision de restitution de l’hospice confirmée car un faisceau important d’indices permettait de retenir qu’elle logeait effectivement avec le recourant durant la période litigieuse. Concernant la demande de remise, elle devait être demandée dans les 30 jours qui suivaient l’entrée en force de la décision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2919/2023-AIDSO ATA/251/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______1985, de nationalité sénégalaise, a été au bénéfice d'une aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 1er décembre 2015 au 31 décembre 2016, du 1er juin 2017 au 30 juin 2019, du 1er novembre 2019 au 30 novembre 2021 et du 1er décembre 2021 au 31 décembre 2022.

b. A______ a, les 29 mai et 31 octobre 2019, ainsi que le 25 février 2022, signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général ». Il s’est ainsi notamment engagé à donner immédiatement et spontanément à celui-ci tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune et à l’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière. Il a également pris acte que l’hospice se réservait de réduire ou de supprimer ses prestations d’aide financière en cas de violation de la loi.

c. Dans le cadre de son suivi, il a toujours déclaré vivre seul.

d. À la suite d’une vérification de son relevé bancaire, la gestionnaire financière en charge de son dossier a relevé plusieurs versements TWINT d’un montant de
CHF 380.- en sa faveur. A______ a expliqué qu’ils provenaient de sa petite amie, B______.

B. a.  Le 3 mars 2022, le service des enquêtes et conformités de l'hospice (ci-après : le SEC) a effectué un contrôle de terrain au domicile de A______. Il ressort du rapport établi le 8 mars 2022 que les noms de « A______ » et « B______ » figuraient sur la boîte aux lettres ; seul le nom de l’intéressé était apposé sur la porte palière. B______ était présente dans le logement, mais A______ a indiqué y vivre seul. Les contrôleurs ont néanmoins trouvé des affaires appartenant à B______ dans les armoires.

b. Par courrier du 19 avril 2022, A______ a contesté les conclusions du rapport, indiquant qu’il vivait seul à son domicile.

c. Lors de son audition du 25 avril 2022, A______ a indiqué ne pas avoir voyagé depuis 2016, mais n’a pas remis son passeport pour vérification. Il connaissait B______ depuis un peu plus d’un an. Cette dernière faisait régulièrement des allers-retours chez lui. Il est resté évasif quant aux modalités d’organisation du couple. Il avait travaillé comme livreur, payé à l’heure et avait toujours remis ses fiches de salaire à son assistante sociale.

d. À la demande du SEC, la police municipale de C______ a effectué, en juin 2022, un contrôle au domicile officiel de B______ dans le canton du Valais. La police municipale s’est rendue à plusieurs reprises à son adresse, le matin, l’après-midi et le soir, sans y trouver qui que ce soit. Dans le cadre d’une enquête de voisinage, le locataire vivant au rez-de-chaussée de cet immeuble composé d’un seul étage, a indiqué ne pas avoir vu B______ depuis environ six mois. Le colocataire de cette dernière a affirmé qu’elle travaillait à Genève et ne venait à C______ qu’un week-end sur deux.

e. Il ressort d’un rapport d’enquête établi le 13 septembre 2022 que le jeudi 21 avril 2022, à 07h10, A______ avait ouvert la porte aux enquêteurs qui avaient également constaté la présence de B______ dans le logement. Cette dernière a expliqué qu’elle venait régulièrement à Genève pour des rendez‑vous médicaux. La visite complète de l’appartement n’a pas pu être effectuée, A______ l’ayant interrompue.

f. Lors d’une visite le 25 juillet 2022, les enquêteurs ont remarqué que le nom de B______ avait été retiré de la boîte aux lettres. Personne ne leur a alors ouvert la porte pas plus que lors de leur passage le 30 août 2022.

g. Lors de la visite du 12 septembre 2022, B______ était seule présente au domicile. Elle a indiqué que A______ se trouvait au Sénégal depuis le 14 juillet 2022, suite au décès de sa mère. Elle ignorait quand il allait rentrer et était enceinte de lui, de sorte qu’elle devait préparer la venue de leur enfant. Elle pensait quitter Genève pour aller s’installer à Bienne dès le 14 septembre 2022.

h. Le 29 décembre 2022, B______ et A______ ont eu une fille, qu’il a reconnue après sa naissance.

C. a. Par décision du 9 décembre 2022, l’hospice a décidé de mettre un terme à partir du 1er janvier 2023 aux prestations d’aide financière qu’il avait accordées et demandé à A______ le remboursement de CHF 36'706.10 perçus indûment pour la période du 1er mars au 31 décembre 2022.

La situation constatée le 3 mars 2022 à son domicile devait être considérée comme un concubinage. L’intéressé avait omis d’informer l’hospice de sa réelle situation, en violation de son obligation de renseigner. Si l’hospice avait eu connaissance de sa situation réelle, les prestations financières auraient été adaptées.

b. Le 17 janvier 2023, A______ a formé opposition à l’encontre de cette décision. Les revenus non déclarés étaient admis, de sorte qu’il s’engageait à rembourser les prestations versées indûment à ce titre. Il contestait cependant vivre avec B______ depuis le mois de mars 2022.

c. Par décision du 13 juillet 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours s’agissant de la fin d’aide, l'hospice a rejeté l'opposition.

Bien que la fin des prestations ne fût pas contestée en tant que telle, elle était justifiée puisqu’il avait été établi que A______ vivait en concubinage avec B______, la seule question étant de savoir si c’était bien depuis le 1er mars 2022. Les allégations de A______ portant sur le lieu de travail de B______ étaient contradictoires et celles concernant son lieu de domicile non crédibles. Lors de chaque visite domiciliaire, les affaires personnelles de B______ avaient été trouvées dans l’appartement et son nom apparaissait lors de la première visite sur la boîte aux lettres.

Lors des diverses visites de la police municipale de C______ en juin 2022 au domicile de B______, personne n’était présent. Un voisin avait affirmé ne pas l’avoir vue depuis environ six mois. Son colocataire avait indiqué qu’elle travaillait à Genève et ne revenait qu’un week-end sur deux. Lors de la dernière visite chez A______, alors qu’il se trouvait au Sénégal, B______ avait expliqué qu’elle comptait quitter son domicile à Genève pour Bienne. Au vu des déclarations contradictoires quant au domicile de B______, il y avait lieu de considérer qu’elle vivait à Genève, chez A______. Le fait que son domicile officiel se trouve en Valais n’était pas relevant, dans la mesure où le centre de ses relations personnelles et professionnelles se trouvait manifestement à Genève, ce que corroborait sa grossesse.

D. a. Par acte posté le 14 septembre 2023, complété le 3 novembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée. Il a conclu, préalablement, à son audition et à celle de B______. Principalement, il a conclu à l'annulation de la décision attaquée, subsidiairement au renvoi du dossier au centre d’action sociale de D______, plus subsidiairement à ce que l’hospice soit condamné à renoncer à sa créance de CHF 36'706.10.

Il contestait vivre en concubinage avec B______, qui vivait en Valais, et ne venait à Genève que pour des soins médicaux. C’était pour recevoir sa correspondance médicale qu’elle avait mis son nom sur la boîte aux lettres. Au moment de leur rencontre, B______ logeait chez son employeur à Genève. À la fin de son contrat de travail en mai 2022, elle était retournée vivre dans le Valais. Le fait de passer ponctuellement quelques nuits chez lui ne constituait pas un domicile. Le résultat de l’enquête de voisinage tenait au fait que B______ travaillait et logeait chez son employeur à Genève à cette période.

b. Le 5 décembre 2023, l’hospice a conclu au rejet du recours.

L’existence de l’employeur de B______ avait été évoquée pour la première fois au stade de l’opposition Les affaires personnelles de B______ avaient été trouvées à trois reprises chez A______ alors qu’à la période de ces visites elle était supposée travailler et loger chez son employeur. L’argument du nom sur la boîte aux lettres qui servait à recevoir le courrier médical devait également être écarté, puisque cette mention avait été retirée après le premier passage des enquêteurs. Les documents médicaux n’avaient aucune force probante, dès lors qu’ils concernaient une période antérieure à celle de la décision litigieuse et leur véracité devait être remise en question.

c. Dans sa réplique du 8 janvier 2024, A______ a persisté à contester que B______ ait vécu avec lui.

d. Les parties ont été informées, le 9 janvier 2024, que la cause était gardée à juger.

e. Le contenu des pièces versées à la procédure et des écritures des parties sera pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure utile au traitement du litige.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.      Le recourant conclut préalablement à sa comparution personnelle et à l’audition de B______.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant s’est vu offrir l’occasion d’exposer ses arguments et de produire toute pièce utile tant devant l’hospice que la chambre de céans. Il a bénéficié de plusieurs prolongations de délai à ce titre. Il n’indique au demeurant pas quels éléments supplémentaires utiles à la solution du litige, qu’il n’aurait pu produire par écrit, son audition serait susceptible d’apporter.

B______ a également pu être entendue dans le cadre de l’enquête domiciliaire et le recourant ne précise pas ce que son audition permettrait d’apporter qui ne se trouve pas déjà dans la procédure.

La chambre de céans dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé et ne donnera pas suite aux demandes d’actes d’instruction.

3. Est litigieuse la question de savoir si le recourant vivait, entre mars et le 31 décembre 2022, où il a été mis fin aux prestations, en ménage commun avec B______ et l’aurait caché à l’hospice.

3.1 Aux termes de l’art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

3.2 En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

Ont droit à des prestations d'aide financière prévues par la présente loi les personnes qui : a) ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève, b) ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et c) répondent aux autres conditions de la LIASI (art. 11 al. 1 LIASI).

L’art. 13 LIASI précise que les prestations d'aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie (al. 1). Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (al. 2). Sont des concubins au sens de la LIASI les personnes qui vivent en union libre, indépendamment de la durée de leur union et du fait qu’ils aient un enfant commun (al. 4).

3.3 Selon la jurisprudence, sous réserve du critère de la durée qui n'est pas pertinent dans le cadre de la LIASI, cette définition correspond pour l'essentiel à celle du concubinage stable que donne, en matière de droit privé, le Tribunal fédéral (ATA/728/2022 du 12 juillet 2022 consid. 4a et les références citées). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il faut entendre par concubinage qualifié (ou concubinage stable) une communauté de vie d'une certaine durée entre deux personnes, à caractère en principe exclusif, qui présente une composante tant spirituelle que corporelle et économique, et qui est parfois également désignée comme communauté de toit, de table et de lit. Le juge doit dans tous les cas procéder à une appréciation de tous les facteurs déterminants, étant précisé que la qualité d'une communauté de vie s'évalue au regard de l'ensemble des circonstances de la vie commune (ATF 138 III 157 consid. 2.3.3 ; 118 II 235 consid. 3b). Ces différentes caractéristiques n'ont pas à être réalisées cumulativement. Il n'est en particulier pas nécessaire que les partenaires vivent constamment ensemble ou que l'un des deux soit constamment assisté par l'autre de manière significative. Ce qui est déterminant, c’est de savoir si, sur la base d’une appréciation de toutes les circonstances, les deux partenaires sont disposés à se prêter mutuellement fidélité et assistance comme l’art. 159 al. 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) l’exige des époux (ATF 138 V 86 consid. 4.1 et les arrêts cités).

3.4 Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

3.5 Le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

3.6 En l’espèce, lors des trois visites inopinées effectuées par le SEC les 3 mars, 21 avril et 12 septembre 2022, B______ se trouvait sur place. Elle avait également des affaires personnelles dans le logement. Lors de la visite du 12 septembre 2022, alors qu’elle se trouvait seule dans le logement, elle a indiqué que ne sachant pas quand le recourant rentrerait du Sénégal, elle comptait bientôt quitter l’appartement pour se rendre dans la région de Bienne. Cet élément à lui seul est un fort indice allant dans le sens qu’elle y vivait alors avec le recourant. Ce dernier n’a pas expliqué pour quelle raison, si elle ne venait que quelques nuits de temps à autres pour lui rendre visite ou se rendre à ses rendez-vous médicaux, il lui aurait laissé la disposition de son appartement alors qu’il était lui-même absent et se trouvait au Sénégal.

La présence du nom de B______ sur la boîte aux lettres lors de la première visite domiciliaire constitue également un fort indice qu’elle logeait chez le recourant. En effet, si elle avait résidé principalement en Valais ou chez son employeur, qui ne l’a d’ailleurs jamais confirmé, et à une période non définie, elle aurait sans difficulté pu y faire acheminer son courrier médical. Rien ne justifiait qu’elle choisisse l’adresse du recourant où elle n’aurait passé que certaines nuits. Les documents médicaux – uniques pièces produites par le recourant – sont au demeurant sans portée probante, puisqu’elles concernent une période antérieure à celle litigieuse, à savoir du 4 juin 2021 au 14 février 2022, et ne contiennent aucune adresse. On peine à comprendre quel argument le recourant entend en tirer. Dans tous les cas, la version selon laquelle le nom figurait sur la boîte aux lettres uniquement pour la réception du courrier médical n’est pas crédible.

Outre le fait que l’argument selon lequel B______ était logée chez son employeur jusqu’au mois de mai 2022 n’a été soulevé qu’au stade de l’opposition, aucune pièce concernant cet emploi n’est produite. Les éléments du dossier tendent plutôt à démontrer qu’elle ne vivait plus dans le canton du Valais depuis le mois de janvier 2022, soit six mois depuis juin 2022 selon les déclarations du voisin. En juin 2022, soit après que son contrat de travail avait pris fin, elle n’est pas retournée vivre dans le Valais, puisque son colocataire a indiqué que même alors, elle ne revenait qu’un week-end sur deux. Il sera également rappelé qu’elle se trouvait dans l’appartement du recourant au mois de septembre 2022, lors de la dernière visite domiciliaire.

Enfin, il sera relevé que B______ était, durant toute la période litigieuse, enceinte de l’enfant du recourant, lequel l’a reconnu après sa naissance le 29 décembre 2022.

Ces éléments constituent un faisceau d’indices indiquant que B______ vivait en concubinage avec le recourant au plus tard à compter du mois de mars 2022, ce que l’hospice a retenu à juste titre.

En cachant cet élément, le recourant a violé son obligation de renseigner et de collaborer avec l’hospice, contrevenant ainsi aux devoirs que lui imposait la LIASI. L’intimé était par conséquent fondé à lui demander la restitution des montants versés entre le 1er mars 2022 et le 31 décembre 2022.

4.             Le recourant prend également des conclusions en remise de l’obligation de rembourser le montant de CHF 36'706.10.

4.1 Dans la mesure où la demande de remise de l’obligation de restituer ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force (art. 42 al. 2 LIASI), cette question devra être tranchée par l’intimé une fois le présent arrêt définitif et exécutoire.

Cette conclusion est irrecevable.

Mal fondé, le recours sera rejeté dans la mesure de sa recevabilité.

5.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et vu son issue aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 14 septembre 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 13 juillet 2023 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Valérie LAUBER, juge, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :