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A/1681/2023

ATA/209/2024 du 13.02.2024 sur JTAPI/1032/2023 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1681/2023-PE ATA/209/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 février 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2023 (JTAPI/1032/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1975, est ressortissant du Chili.

b. Il ressort de ses déclarations à la police du 7 mars 2006 qu’il était arrivé en Suisse en 2004 afin de voir son père, B______, et de celles du 31 octobre 2009 qu'il était arrivé à Genève moins d'un mois auparavant en provenance de C______ (Espagne) et qu'il retournerait au Chili au début du mois de janvier 2010. Il venait à Genève une à deux fois par an pour rendre visite à son père.

À l'occasion d'une enquête de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) au domicile de B______ le 27 janvier 2010, ce dernier a déclaré que son fils était retourné au Chili au début du mois de janvier 2010 et qu’il effectuait des allers-retours dans l'année pour le voir.

Entendu par la police le 1er juillet 2015, A______ a déclaré travailler dans une agence de voyage en France et être arrivé le jour même en Suisse afin d'acheter une voiture. Il était domicilié en France voisine.

Entendu par la police le 24 août 2019, A______ a déclaré être arrivé à Genève en 2003. Ne pouvant demeurer en Suisse plus de trois mois consécutifs, il avait fait plusieurs allers-retours entre Genève et le Chili ou vers la France. Il avait passé plus de la moitié de sa vie en Suisse et n'avait plus aucun contact au Chili.

Devant la police le 11 mai 2021, il a indiqué être arrivé en Suisse en 2003, rendre visite à son père une à trois fois par année et être arrivé en provenance du Chili deux ans auparavant.

c. Il a épousé, le 21 décembre 2013, à D______ (France) E______, ressortissante française née en 1967.

d. A______ a été condamné :

d.a le 18 décembre 2009, par ordonnance pénale du Ministère public (ci-après : MP), à une peine de 80 jours-amende et une amende de CHF 1'000.- pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcoolémie qualifié et violation de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01 - cette condamnation ne figure plus à con casier judiciaire) ;

d.b le 19 septembre 2016, par ordonnance pénale du MP, à une peine de 160 jours‑amende et des amendes de CHF 160.- et CHF 960.-, pour avoir circulé au volant d'un véhicule automobile sans assurance-responsabilité civile et sans permis de circulation ou plaque de contrôle, et pour avoir conduit en état d'ébriété avec un taux d'alcoolémie qualifié ; il était domicilié à F______ (France).

d.c le 22 janvier 2020, par ordonnance pénale du MP, à une peine de 90 jours‑amende, pour conduite sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis de conduire, conduite d'un véhicule non couvert par l'assurance‑responsabilité civile et usage abusif de permis ou de plaques ;

d.d. le 12 mai 2021, par ordonnance pénale du MP, à une peine de120 jours-amende et une amende de CHF 1'580.-, pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié, conduite sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis de conduire et infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

B. a. Le 27 février 2017, A______ a sollicité de l'OCPM l'octroi d'une autorisation de séjour, subsidiairement de prononcer son admission provisoire.

Il était arrivé en Suisse en été 2004 afin de rendre visite à son père, titulaire d'un permis C. Sa mère, son beau-père ainsi qu'une sœur et ses deux enfants vivaient au Chili. Son fils de 22 ans vivait avec sa mère aux États-Unis. Il avait très peu de contacts avec lui.

b. Le 4 octobre 2021, l'OCPM a informé A______ de son intention de refuser de préaviser favorablement sa requête auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et de prononcer son renvoi de Suisse.

c. Par courrier du 1er novembre 2021, A______ s’est prévalu d’un séjour continu en Suisse depuis l'été 2004. Il n'avait pas toujours eu un comportement irréprochable en raison de ses problèmes d'alcoolisme, mais était en traitement et sobre depuis cinq mois.

Il a transmis notamment des lettres de soutien écrites par sa mère, son père et une amie, un rapport médical à l'attention du SEM du 25 octobre 2021 et un certificat médical du 14 octobre 2021 attestant qu'un retour dans son pays d'origine serait possiblement délétère pour lui en raison d'un manque d'ancrages, d'attaches rationnelles, de son équilibre psychique précaire et du manque d'accès aux soins adaptés à sa problématique globale et complexe.

Selon le rapport médical établi le 25 octobre 2021 par les Docteurs G______ et H______ du service de médecine de premier recours de l’unité des dépendances des Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG) à l'attention du SEM, il souffrait de troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool (dépendance) et de sédatifs ou d'hypnotiques (dépendance), de troubles dépressifs récurrents, d'une cirrhose alcoolique du foie, de varices œsophagiennes et gastriques, de dermite séborrhéique, de psoriasis, d'un lupus discoïde, de déformations du système ostéo-articulaire, des muscles et du tissu conjonctif, d'une neuropathie périphérique du nerf ulnaire au niveau du coude à droite et à gauche et d'une hernie discale C5-C6 avec rétrécissement foraminal droit.

d. Le 5 septembre 2022, en réponse à la demande de l’OCPM, A______ a indiqué être séparé de son épouse et ne plus avoir de ses nouvelles depuis l'année 2015.

e. À cette même date, les Transports publics genevois (TPG) ont émis une attestation selon laquelle A______ a fait l’acquisition d’abonnements mensuels en janvier et mars 2015, avril à juin ainsi que décembre 2016, juin et juillet 2017, et janvier à août 2022.

f. Par courriel du 20 février 2023, le mandataire de A______ a indiqué à l'OCPM que son mandant avait été hospitalisé à plusieurs reprises à l'unité hospitalière d'addiction pour sevrage d'alcool entre le 19 décembre 2022 et le 23 janvier 2023. Aucun divorce n'était inscrit au registre de l'état civil de D______.

g. Selon une attestation de l'Hospice général (ci-après : l’hospice) du 11 janvier 2023, A______ était totalement aidé financièrement depuis le 1er décembre 2021.

Cette situation était la même selon une attestation du 13 octobre 2023.

h. Selon un extrait du registre des poursuites du 6 septembre 2022, il cumulait alors un total de CHF 18'972.77 de dettes, essentiellement envers les HUG et le service des contraventions.

i. Par courrier du 24 janvier 2023, l'OCPM a une nouvelle fois informé A______ de son intention de refuser de préaviser favorablement sa requête et de prononcer son renvoi de Suisse.

j. En annexe à un courrier du 24 mars 2023, A______ a notamment transmis un certificat médical du 12 mai 2023 décrivant son état de santé (cirrhose hépatique Child B) nécessitant une abstinence totale à l'alcool ainsi que ses deux dernières hospitalisations pour sevrages alcooliques en août 2021 et le 4 novembre 2022, lesquels avaient échoué.

k. Par décision du 19 avril 2023, l'OCPM a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse.

Il disait être arrivé en Suisse en été 2004 alors qu'il était âgé de 29 ans. Il avait vécu toute son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte au Chili. Il n'avait pas démontré son séjour en Suisse pour les années 2004, 2005, 2007 à 2009, 2012 à 2014 et 2018. Le 19 septembre 2016, il avait annoncé au MP une adresse en France.

Il ne pouvait se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée. Il n'était pas dans une situation financière satisfaisante vu ses dettes et sa dépendance à l’aide sociale depuis le 1er décembre 2021. Il vivait dans un logement de l'hospice depuis janvier 2022.

Il n'avait pas respecté l'ordre juridique vu ses trois condamnations à 370 jours‑amende en tout entre 2016 et 2021 pour des infractions à la LCR.

Il n'avait pas été démontré que sa prise en charge médicale multidisciplinaire ne pourrait être assurée dans son pays d'origine. Il avait en outre conservé des liens avec sa mère, laquelle pourrait le soutenir à son retour. Sa situation personnelle ne se distinguait pas de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités au Chili.

B. a.  

C. a. Par acte du 16 mai 2023, A______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il vivait à Genève depuis l'été 2004. Il était alors venu rendre visite à son père qu'il n'avait pas revu depuis six ans. Sa grand-mère maternelle avait émigré en Suisse depuis de nombreuses années et avait longtemps vécu avec son époux à I______ (Valais). Elle avait été naturalisée suisse et était décédée récemment. Compte tenu de cette longue durée de séjour, l'intégralité de ses intérêts et de sa vie se trouvait à Genève et un renvoi serait un véritable déracinement. En outre, l'instruction du dossier auprès de l'OCPM avait été particulièrement longue, de manière contraire à la bonne foi. Il se trouvait dans une situation personnelle d'extrême gravité pour des raisons médicales.

Hormis deux visites à sa mère au Chili, il n'avait jamais quitté Genève et y avait travaillé clandestinement dans le domaine du jardinage, de la manutention et de l'économie domestique.

Sa santé s'était progressivement dégradée et affectait sérieusement sa capacité de travail. Selon un certificat médical du 12 mai 2023, il souffrait de nombreux problèmes de santé affectant sa capacité à s'occuper de lui et à gérer ses affaires. Suite à sa dernière hospitalisation du 12 au 24 avril 2023 pour un sevrage à l'alcool, il avait intégré la J______.

b. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

A______ n'était pas parvenu à démontrer qu'il avait résidé de manière continue en Suisse depuis plus de dix ans. Il avait été condamné à plusieurs reprises pour des infractions à la LCR et était sans emploi, de sorte qu'il émargeait à l'aide sociale. Il avait aussi accumulé des dettes dont le montant total dépassait le seuil des CHF 10'000.- généralement admis par le SEM.

Il n'avait pas été démontré qu’il ne pourrait pas avoir accès à des soins de qualité au Chili, pays doté d'un bon système de santé, y compris pour le traitement de son addiction.

c. Le 3 août 2023, le TAPI a été informé de l’incarcération de A______ en raison de la conversion d’amendes impayées, selon lui en raison de ses problèmes de santé et partant l’absence de revenu.

d. Dans sa réplique du 7 août 2023, A______ a évoqué les difficultés pour trouver un emploi, ses problèmes de santé et sa dépendance à l'alcool ainsi que ses conséquences. À sa sortie de prison, il comptait postuler aux HUG pour un emploi d'agent hospitalier, dans le but de devenir une personne active et utile à la société.

Il ressort de son dossier qu’il a obtenu, le 20 juin 2022, un certificat du suivi d’une formation de 44 heures (modules 1 à 4) comme agent de service hospitalier.

e. Le 11 août 2023, il a produit notamment un certificat médical des HUG du 10 août 2023 rappelant ses co-morbidités. En raison du caractère complexe, chronique et évolutif de ses maladies, il devait bénéficier de soins et suivis médicaux réguliers sur les plans addictologique, hépatologique, dermatologique et psychiatrique. Dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, sans garantie d'une accessibilité à une prise en charge pluridisciplinaire régulière équivalente, son pronostic vital était sombre.

f. Le TAPI a, par jugement du 26 septembre 2023, rejeté le recours.

La durée du séjour de A______ en Suisse devait être fortement relativisée. Aucune pièce ne permettait d'attester sa présence entre 2003 et 2005, en 2007 et 2008, en 2010 ainsi que de 2012 à 2014. Depuis le dépôt de sa demande d'autorisation de séjour en février 2017, son séjour se poursuivait au bénéfice d'une simple tolérance. Par ailleurs, à l'occasion de ses diverses auditions par les services de police, il avait déclaré effectuer des allers-retours entre le Chili et Genève une à plusieurs fois par année afin de rendre visite à son père, ce que celui-ci avait aussi affirmé lors de l'enquête domiciliaire de l'OCPM du 27 janvier 2010 avec la précision que son fils était reparti pour le Chili. Devant la police le 1er juillet 2015, A______ avait donné une adresse de résidence en France voisine.

Il ne pouvait se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle qui justifierait à elle seule la poursuite de son séjour en Suisse, vu ses de nombreuses dettes et actes de défaut de biens, le fait qu’il émargeât totalement à l'aide sociale depuis le 1er décembre 2021, soit logé dans un appartement de l'hospice et n'exerçât aucune activité professionnelle, bien qu'il entende mettre à profit sa formation récente d'agent hospitalier. Il avait été condamné à trois reprises par le MP en raison d'infractions à la LCR en lien avec son addiction à l'alcool.

Il n'apparaissait pas que sa réintégration au Chili serait fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait pour lui un véritable déracinement. À le suivre, il serait arrivé en Suisse à l'âge de 28 ans. Il avait ainsi passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, de sorte qu'il en maîtrisait manifestement les us et coutumes ainsi que la langue. Sa mère, son beau‑père ainsi qu'une de ses sœurs et ses enfants résidaient au Chili, constituant un tissu familial apte à lui fournir un soutien dans sa réintégration.

Enfin, en l'absence de lien particulièrement fort avec la Suisse, des problèmes de santé ne légitimaient pas, à eux seuls, l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

L'exécution du renvoi apparaissait licite, possible et raisonnablement exigible, de sorte que son admission provisoire en Suisse ne pouvait être envisagée. Il ne prétendait pas que les soins dont il avait besoin ne seraient pas disponibles au Chili, alors que l’OCPM avait retenu que ce pays disposait d'un bon système de santé, y compris pour le traitement de son addiction à l'alcool. Même s’il n’était pas à l'abri d'une rechute et que la mise en place d'un traitement similaire dans son pays d'origine nécessiterait des adaptations, il ne pouvait être retenu qu'il y serait exposé à un risque concret pour sa santé et/ou qu'il pourrait y être privé des soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence.

D. a. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 26 octobre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : chambre administrative). Il a conclu à l’annulation dudit jugement et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de soumettre son dossier au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour, subsidiairement de demander au SEM le prononcé de son admission provisoire pour inexigibilité de son renvoi.

Il aurait souhaité tenter de régulariser son séjour par le biais de l’« opération Papyrus », mais vu la détérioration progressive de sa santé, il avait été considérablement affecté dans sa capacité de travailler. Le certificat médical du 24 octobre 2023, émanant des Docteurs K______ et H______, du service de médecine de premier recours des HUG, mentionnait un « nombre impressionnant » de problèmes de santé et de médicaments à prendre pour les traiter, mais aussi que la « révocation » de la décision de renvoi leur paraissait impérative du point de vue médical. Il leur paraissait vraisemblable que son renvoi entraînerait une rupture de soins prématurée qui ne serait pas compatible avec la fragilité de son état de santé. Une telle rupture mènerait presque sûrement à une reprise de sa consommation d’alcool et à une péjoration de sa cirrhose, avec une espérance de vie qui se compterait très probablement en mois.

Il avait de nombreux rendez-vous médicaux auprès de divers spécialistes, dont le 27 novembre 2023, en gastro-entérologie.

Cela affectait considérablement sa capacité à se débrouiller dans l’existence. Sa ressource principale était son père. Il résidait à la J______ où il bénéficiait d’un accompagnement socio-éducatif.

Le TAPI, en reprenant la position de l’OCPM, était tombé dans l’arbitraire et avait violé le droit fédéral. Il vivait à Genève de manière continue depuis presque 20 ans, de sorte qu’un renvoi au Chili serait constitutif d’un déracinement inexigible et une violation flagrante de sa vie privée, dès lors que l’ensemble de ses repères sociaux, médicaux et administratifs se trouvaient à Genève où il bénéficiait des soutiens et soins médicaux dont il avait grandement besoin. Vu sa situation médicale, il ne pourrait manifestement pas se réadapter à un nouvel environnement.

L’instruction de son dossier avait été particulièrement longue et laborieuse. Il avait de plus dû fournir les mêmes informations à plusieurs reprises avant qu’une décision ne soit finalement prise, plus de six ans après le dépôt de sa demande d’autorisation, ce qui posait problème au regard du principe de célérité. Ledit principe, ainsi que celui de la bonne foi, commandaient qu’un état de fait tel qu’il le vivait soit traité avec bienveillance par les autorités.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’a pas fait usage de son droit à la réplique ni formulé de requête complémentaire.

d. Les parties ont été informées, le 23 décembre 2023, que la cause était gardée à juger.

e. La teneur des pièces figurant à la procédure sera pour le surplus reprise ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du recours.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             L’objet du litige est la décision de refus de délivrer au recourant une autorisation de séjour pour cas de rigueur, subsidiairement de proposer au SEM son admission provisoire, décision confirmée par le TAPI.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.3 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

2.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

2.5 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

2.6 La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.7 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.8 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

2.9 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 5f).

2.10 En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêt du TAF F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

2.11 L'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée. La reconnaissance finale d’un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 § 1 CEDH peut s’imposer même sans séjour légal de dix ans à condition toutefois que le requérant atteste d’une intégration particulièrement réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2022 du 3 mai 2023 consid. 5.3).

2.12 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

3.             En l’espèce, le recourant n’a à aucun stade de la procédure démontré un séjour continu en Suisse depuis l’année 2003. Il n’a en particulier amené aucun élément à même de contredire le TAPI, qui a retenu l’absence de démonstration d’un tel séjour en 2003, 2008, 2010, ainsi que de 2012 à 2014, l’OCPM ayant encore retenu que tel était également le cas pour l’année 2018. Il ne suffit pas à cet égard de soutenir avoir travaillé clandestinement dans le domaine du jardinage, de la manutention et de l'économie domestique sans donner le moindre détail quant aux époques et durées concernées. Le recourant ne saurait dès lors être suivi lorsqu’il prétend résider en suisse, de manière continue, depuis environ 20 ans. En janvier 2010, son père avait d’ailleurs déclaré à l’OCPM que son fils venait de repartir au Chili et effectuait des allers-retours dans l’année pour lui rendre visite. Ces déclarations coïncident en tous points avec celles du recourant à la police à la fin du mois d’octobre 2009. Si le recourant a indiqué à la police, le 11 mai 2021, être arrivé en Suisse en 2003, ce qu’il y a lieu de comprendre pour la première fois, il a aussi alors indiqué être arrivé du Chili deux ans plus tôt, soit en 2019. Il sera rappelé qu’auparavant, en décembre 2013, le recourant a épousé une ressortissante française à D______, dont il a toutefois indiqué ne plus avoir de nouvelles depuis l’année 2015. Le 19 septembre 2016, il a fait état au MP d’une adresse à F______ (France). C’est donc dire que c’est davantage la position de l’OCPM qui doit être suivie, d’un séjour continu en Suisse seulement au-delà de l’année 2018, plutôt que celle plus favorable au recourant retenue par le TAPI.

En tout état, les divers séjours du recourant en Suisse se sont déroulés dans l’illégalité ou tout au plus au bénéfice de visas pour tourisme, puis à la faveur de la tolérance de l’OCPM depuis le dépôt de sa demande d’autorisation le 27 février 2017.

Malgré ces séjours en Suisse dont le plus récent a duré quelques années, le recourant ne peut se prévaloir d’une très bonne intégration. Il n’a à aucun moment su s’intégrer, et de manière durable, sur le marché du travail. Il n’établit pas ni ne rend vraisemblable qu’il se serait d’une quelconque manière investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Il ne se prévaut pas non plus de liens amicaux particulièrement forts qu’il aurait tissés en Suisse. Il ressort au contraire du rapport médical des HUG le plus récent au dossier, du 24 octobre 2023, qu’il manque de repères sur le plan socioprofessionnel, ce qui est une raison primordiale qui le pousse à consommer suite à chaque tentative de sevrage à l’alcool. La seule présence de son père au bénéfice d’un permis d’établissement ne saurait être considérée au titre d’élément d’intégration.

Par ailleurs, il a été condamné en décembre 2009, septembre 2016, janvier 2020 et mai 2021 en lien avec des infractions à la LCR, dont par trois fois pour conduite en état d’ébriété. C’est dire qu’il n’a su retirer aucun enseignement de ses condamnations et de la mise en danger pour autrui qu’il représente sur la route. Si les condamnations de 2009 et 2016 pourraient être considérées comme anciennes et ne sauraient justifier, à elles seules, d’écarter l’existence d’un cas de rigueur, il convient néanmoins d’en tenir compte dans l’appréciation de l’ensemble des circonstances. Il en va de même de sa dépendance totale et durable à l’aide sociale depuis décembre 2021, comprenant son logement dans un hôtel, avant d’être hébergé dans une structure spécialisée notamment dans le traitement de l’alcoolisme, et des dettes cumulées au 6 septembre 2022, pour près de CHF 19'000.-. Sur ce dernier point, le recourant ne soutient pas avoir pris des mesures en vue d’un désendettement.

Au vu de ces éléments, l'intégration sociale du recourant ne peut être qualifiée de bonne.

Il dit être venu pour la première fois en Suisse à l’âge de 28 ans, pour rendre visite à son père vivant à Genève. Il est régulièrement retourné au Chili, notamment au début de l’année 2010 selon ses déclarations corroborées par celles de son père. Il a passé toute son enfance, son adolescence, ainsi qu’à tout le moins le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, soit les périodes décisives pour la formation de la personnalité. Certes, après la plus récente longue durée d’absence de son pays, il traversera une nécessaire période de réadaptation. Il ne se trouve cependant pas dans la situation de quitter un pays dans lequel il bénéficie d’une situation stable et d’une intégration poussée. Il ne rend pas vraisemblable qu’en cas de retour dans son pays d’origine, sa réintégration sociale et personnelle serait gravement compromise, au‑delà du soutien médical pluridisciplinaire dont il bénéficie à Genève en raison de sa dépendance à l’alcool et des maladies en découlant.

De retour au Chili, il pourra compter sur le soutien de sa mère, de son beau-père ainsi qu'une de ses sœurs et ses enfants. Ces personnes constituent un tissu familial apte à lui fournir un soutien dans sa réintégration et il ne prétend pas le contraire.

Partant, ni son âge, bientôt 49 ans, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients d'ordre socioprofessionnel auxquels il pourra être confronté au Chili ne constituent des circonstances si singulières qu'il faudrait considérer qu'il se trouve dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation.

L'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus. L’OCPM n’a pas violé la loi, notamment l’art. 8 CEDH, ni le principe de proportionnalité, ni n’a abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de renouveler l’autorisation de séjour du recourant.

Comme justement retenu par le TAPI, les problèmes médicaux du recourant doivent être analysés sous l’angle de l’exigibilité du renvoi.

4.             Le recourant soutient subsidiairement que son renvoi serait inexigible.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 al. 1 let. d LEI).

4.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

4.3 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

4.4 S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (arrêt du TAF : 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F‑1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

4.5 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Aucun motif ne permet de retenir que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée le concernant, au-delà de la question spécifique de sa situation médicale.

À cet égard, il ressort notamment du rapport médical le plus récent des HUG, du 24 octobre 2023, que le recourant y était suivi depuis le mois d’avril 2015, sans que l’on sache toutefois à quelle régularité il l’a été. Il présentait une dépendance à l’alcool depuis 1991 qu’il avait réussi à sevrer en 2021 une première fois, à la suite d’une hospitalisation et de la prise d’Antabuse. Il avait arrêté la prise de ce médicament en janvier 2022, en raison d’effets secondaires indésirables, et repris une importante consommation d’alcool dès juin 2022. Il avait accepté une nouvelle hospitalisation en vue de sevrage dès le 4 novembre 2022, mais repris sa consommation d’alcool en janvier 2023, peu après sa sortie d’hôpital, dans un contexte de difficultés de santé et de conditions de vie difficile. Ses conditions de vie précaires pouvaient être mises en lien avec l’échec des différentes tentatives de sevrage « cette année ». En raison de la péjoration de son état physique, un projet d’intégration dans une structure résidentielle, la J______, avait été envisagé. Il avait intégré cette structure le 24 avril 2023, à l’issue d’un sevrage total d’alcool en milieu hospitalier à compter du 12 avril 2023. Il avait interrompu ce suivi pour une incarcération de la mi-mai à septembre 2023. Depuis son retour à la J______, les éducateurs se disaient très positifs. Le recourant se montrait très respectueux du cadre et très motivé quant au maintien de son abstinence à l’alcool. Le cadre socio-éducatif rassurant lui avait permis d’améliorer son hygiène personnelle et de prendre conscience de la situation fragile de sa santé ainsi que de l’importance des soins pour lui. Une abstinence totale d’alcool pourrait permettre d’envisager un projet de greffe hépatique dans un deuxième temps, si nécessaire, pour soigner la cirrhose dont il était atteint.

Ladite cirrhose hépatique nécessitait une abstinence totale à l’alcool et un suivi rapproché par un généraliste en addictologie, en gastro-entérologie et en dermatologie pour ces diverses pathologies et complications. Il était suivi depuis plusieurs années par le service de médecine de premier recours et le service d’addictologie du département de psychiatrie des HUG. Vu la fragilité de son état de santé, la complexité de son suivi multidisciplinaire et la sévérité de sa dépendance, en présence d’une cirrhose avancée, une rupture de soins qu’impliquerait son départ à l’étranger mettrait très certainement sa vie en danger.

Il ressort toujours de ce document des HUG du 24 octobre 2023 que même si les structures équivalentes à son suivi à Genève étaient disponibles au Chili, il paraissait au médecin impossible que leur patient puisse en mettre un en place aussi complexe et personnalisé, de même que le cadre social soutenant dont il avait besoin, non seulement à cause de ses ressources financières limitées, mais aussi en raison de sa dépression et des troubles cognitifs induits par la consommation chronique d’alcool et de benzodiazépines, ainsi que d’une composante d’encéphalopathie hépatique due à sa cirrhose. De plus, la prise en charge addictologique comprenait la composante du lien personnel avec les intervenants et le père du recourant jouait à cet égard un rôle aussi important que l’infrastructure médicale disponible. Dans la mesure où il avait fallu au recourant plusieurs années de suivi pour qu’il parvienne à accepter les soins complexes proposés, il n’était pas possible d’imaginer qu’il puisse en quelques semaines, ou mois, recréer le même type de lien avec de nouveaux thérapeutes, indépendamment de leurs compétences. Il paraissait donc vraisemblable que le renvoi entraîne une rupture de soins prématurée qui n’était pas compatible avec la fragilité de son état de santé. Il présentait de plus une péjoration de son psoriasis nécessitant une majoration de son traitement topique et une consultation en janvier 2024, ainsi qu’une macrocythose avec indice d’hémolyse en cours d’investigation

Il ressort ainsi notamment de ce certificat médical que le recourant, pour rappel âgé de bientôt 49 ans, présente de nombreuses co-morbidités et qu’en raison du caractère complexe, chronique et évolutif de ses maladies, il doit bénéficier de soins et suivis médicaux réguliers sur les plans addictologique, hépatologique, dermatologique et psychiatrique. Son traitement médicamenteux, tel qu’il apparaît sur le certificat médical du 24 octobre 2023, peut être considéré comme lourd.

Rien n’indique au dossier qu’il pourrait dès son arrivée au Chili ou à tout le moins à court terme se faire soigner de manière adéquate. Vu l’état clinique tel que présenté par ses thérapeutes, il ne peut être exclu que faute de bénéficier très rapidement une fois au Chili de l’encadrement et des médicaments nécessités par sa situation, le recourant ne se trouve très rapidement dans une mise en danger concrète de sa vie ou d’atteinte sérieuse et durable à son intégrité physique. Le dossier ne comporte pas d’éléments suffisants quant à la prise en charge concrète dont le recourant pourrait bénéficier au Chili en cas de retour, compte tenu notamment des moyens financiers dont il disposerait.

Le dossier sera donc renvoyé à l’OCPM pour qu’il instruise cette question en obtenant tous les renseignements nécessaires sur la prise en charge existante au Chili pour traiter les diverses pathologies dont souffre le recourant.

En l’état, une rechute dans l’alcoolisme ne peut être exclue à l’avenir, une fois que le recourant ne bénéficierait plus des structures socio-médicales existantes à Genève et ce en particulier le temps de la mise en place d’un suivi, si ce n’est comparable, à tout le moins suffisant au Chili en vue d’éviter concrètement une dégradation rapide de son état de santé avec une possible mise en danger concrète de sa vie.

Ce point doit donc être concrètement analysé pour déterminer si le recourant remplit les conditions d’une admission provisoire au sens de l’art. 83 LEI.

Le recours sera donc partiellement admis.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 200.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 600.- lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève - OCPM (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2023 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

renvoie la cause à l’office cantonal de la population et des migrations pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 600.- à A______, à la charge de l’État de Genève – OCPM ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.