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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4044/2023

ATA/189/2024 du 12.02.2024 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4044/2023-FPUBL ATA/189/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 12 février 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Fanny ROULET-TRIBOLET, avocate

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé



Vu, en fait, la décision, déclarée exécutoire nonobstant recours « afin d’assurer le bon fonctionnement du service », du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN ou le département) du 30 octobre 2023, informant A______ de son changement d’affectation avec droits acquis statiques ; qu’à compter du 1er novembre 2023 l’intéressé aurait pour fonction « conseiller en organisation de l’information, à 100 %, à la direction des services d’état-major, en classe 22, avec un traitement annuel brut de CHF 167'223.- équivalent une classe 24 position 16 ; qu’il ne bénéficierait plus de la progression de l’annuité ; que cette décision intervenait dans le cadre de la réorganisation du centre de compétences du système d’information de la police (ci-après : CCSIP), prévue pour entrer en vigueur le 1er octobre 2023 ; que dans ses déterminations préalables, l’intéressé ne contestait pas qu’il avait pu participer aux discussions et réflexions de sa hiérarchie en vue de cette réorganisation ainsi qu’à la décision de créer un poste d’expert, avec un cahier des charges correspondant audit poste, en vue de le décharger de sa fonction de chef du CCSIP ; qu’il ne contestait pas non plus que cette réorganisation faisait suite à des problèmes qu’il avait rencontrés en sa qualité de chef du CCSIP et dont il avait tenu à informer sa hiérarchie et la référente des ressources humaines ; qu’il avait accepté le cahier des charges du poste de la nouvelle fonction de conseiller en organisation de l’information au sein du CCSIP ; qu’il contestait le résultat de l’évaluation de celle-ci effectuée par la direction évaluation et système de rémunération (ci-après : DESR) ; qu’il souhaitait que son statut de cadre supérieur soit maintenu ; que cette évaluation avait été acceptée les 14 et 17 juillet 2023 respectivement par sa hiérarchie et le département ; qu’il n’avait reçu aucune assurance d’éventuelles possibilités d’atténuer le résultat de cette évaluation notamment en application de l’art. 5 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC - B 5 05.03) ;

vu le recours interjeté le 1er décembre 2023 par A______ devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, dont il demande l’annulation ; qu’il avait été engagé le 1er novembre 2003 comme adjoint au chef du service des télécommunications au sein des services administratifs de la police ; qu’il avait régulièrement été promu ; qu’à la date du recours il travaillait depuis plus de 20 ans au sein de l’État et occupait depuis plus de treize ans la position de chef de service du CCSIP ; que le département se réfugiait derrière l’argument des « besoins du service » pour justifier son changement d’affectation ; que rien ne justifiait sa rétrogradation, la suppression de la progressivité de l’annuité et la privation du statut de cadre supérieur et des droits qui s’y attachaient ; que le département aurait dû lui proposer un poste équivalent à celui qu’il occupait ; que la décision était contraire aux sous-principes de la nécessité et de la proportionnalité au sens étroit ; que le principe de la bonne foi avait aussi été violé ; que lorsqu’il avait informé, le 13 octobre 2022, son supérieur des dysfonctionnements de son service, causés par des éléments perturbateurs de ce dernier et qu’une proposition avait été faite de scinder son poste en deux, il pouvait raisonnablement s’attendre à continuer à bénéficier du même traitement ; que celui-ci ne devait pas être péjoré du fait de dysfonctionnements, indépendants de sa personne ; qu’il avait régulièrement rappelé n’accepter la nouvelle fonction qu’à la condition que la classe 23 soit maintenue et qu’elle ne fasse pas l’objet d’une évaluation ; qu’au vu du positionnement hiérarchique de cette nouvelle fonction dans l’organigramme, il ne pouvait que conclure qu’il bénéficierait d’une classe 23 minimum avec un statut de cadre supérieur ; que le département s’était montré déloyal et incohérent voire contradictoire ; que la décision se fondait sur l’évaluation de la DESR, erronée sous plusieurs aspects ; que la décision engendrait des conséquences inacceptables et heurtait d’une manière choquante le sentiment de justice et d’équité ; qu’elle était en conséquence arbitraire ;

qu’il a notamment conclu, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au rétablissement immédiat de ses droits en ce qui concerne la progressivité de son annuité et son statut de cadre supérieur ;

que le département a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif ; que s’il fallait interpréter la demande du recourant dans le sens qu’il garderait la progressivité de son annuité et son statut de cadre supérieur pendant la durée de la procédure, tout en restant affecté à la nouvelle fonction, l’octroi de l’effet suspensif n’aurait pas pour conséquence de maintenir le régime juridique prévalant avant la décision contestée, si bien que la requête en restitution de l’effet suspensif devrait être déclarée irrecevable ou être rejetée ; que si l’effet suspensif était accordé, l’intéressé resterait affecté au poste de chef de service du CCSIP pendant la durée de la procédure de recours ; qu’il avait reconnu qu’il y avait rencontré des difficultés dans la gestion du personnel ; que l’intérêt public, prépondérant de l’intimé à pouvoir, sans problèmes d’ordre budgétaire, administratif ou matériel, engager un nouveau membre du personnel afin d’assurer la bonne marche du service, l’emportait sur l’intérêt privé du recourant  à garder son poste de chef de service du CCSIP au seul motif qu’il ne souhaitait pas perdre la progressivité de son annuité et son statut de cadre supérieur ; qu’il conservait son traitement ; qu’il ne soutenait et ne démontrait pas que la décision entreprise l’exposerait à un préjudice difficilement réparable en ce sens qu’il ne pourrait pas être réparé par une décision finale qui lui serait entièrement favorable ; que la requête en restitution de l’effet suspensif constituait exactement la mesure demandée au fond, soit l’annulation de la décision ; que si l’effet suspensif était accordé et la décision querellée ultérieurement confirmée, le recourant ne serait probablement pas à même de rembourser les montants versés indûment ni de corriger a posteriori les conséquences du maintien du statut de cadre supérieur notamment quant au droit aux vacances, plus favorable pour ces derniers ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a relevé peiner à voir en quoi le département serait lésé du fait qu’il continuerait à bénéficier de son statut de cadre supérieur pendant la procédure ; qu’il appartenait à l’État d’attendre la fin de la présente procédure afin de s’assurer que sa décision de rétrogradation était entrée en force avant d’engager un remplaçant ; que même à admettre que l’État engage un remplaçant et que le processus soit bloqué par la restitution de l’effet suspensif, il ne s’agirait pas d’une lésion grave des intérêts du département ; que sa situation divergeait des jurisprudences en lien avec le licenciement ou la personne licenciée, sans traitement, pourrait effectivement avoir des problèmes à rembourser le salaire qu’elle aurait perçu de façon indue pendant la durée de la procédure ; que les situations n’étaient pas comparables ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu’en l’espèce, la décision contestée a été déclarée exécutoire nonobstant recours « afin d’assurer le bon fonctionnement du service » ;

que, dans son mémoire sur effet suspensif, l’office du personnel de l’État ne détaille que peu les raisons justifiant le retrait de l’effet suspensif « pour le bon fonctionnement du service » ; qu’il ne détaille notamment pas les motifs pour lesquels il était nécessaire d’imposer le changement d’affectation de l’intéressé dès le 1er novembre 2023 ; que la décision litigieuse mentionne que l’entrée en vigueur de la réorganisation du CCSIP était prévue le 1er octobre 2023 ; qu’outre le fait que cette date diverge d’un mois avec celle du changement d’affectation du recourant, il ne s’agissait que d’une prévision ; que l’on ignore si la modification est entrée en vigueur, si une tierce personne a été engagée et si oui à quelle date ; que l’on ignore même si le processus d’engagement d’une tierce personne a d’ores et déjà été entamé ; qu’on ignore de même les motifs pour lesquels le recourant n’aurait pas pu continuer à assumer son poste jusqu’à droit jugé sur son recours, soit quelques mois supplémentaires, le processus de réorganisation du CCSIP ayant duré plus d’une année ; que si certes le recourant avait évoqué des difficultés, la nécessité du prononcé d’une décision exécutoire nonobstant recours est peu motivée ;

qu’il est toutefois, de prime abord, usuel qu’une nouvelle fonction fasse l’objet d’une évaluation par le service compétent ; que les chances de succès du recours n’apparaissent dès lors pas manifestes ; que l’octroi de l’effet suspensif pourrait effectivement impliquer, par le maintien du statut de cadre supérieur, le bénéfice d’une semaine de vacances supplémentaire ; que des difficultés administratives pourraient s’ensuivre alors qu’il serait plus facile, à l’inverse, que l’intéressé puisse bénéficier de cette semaine s’il devait en avoir été indûment privé au vu du résultat de la présente procédure ; que s’agissant de l’aspect financier, la jurisprudence constante de la chambre de céans fait primer l’intérêt public à ne pas devoir recouvrer des montants indûment versés, les recourant ayant l’assurance, s’ils devaient obtenir gain de cause à l’issue de leur procédure, qu’ils peuvent percevoir de l’État l’arriéré qui leur serait dû ; qu’en l’espèce, prima facie, le litige financier ne porterait que sur les questions d’annuité, le traitement étant apparemment maintenu ; que la décision querellée date du 30 octobre 2023 et la prise de fonction de l’intéressé de son nouveau poste du 1er novembre 2023 ; que le recours a été reçu par la chambre de céans le 4 décembre 2023 ; que le recourant a sollicité une prolongation de deux semaines pour répliquer sur effet suspensif au 26 janvier 2024 ; que la situation a donc été modifiée depuis plus de trois mois ; qu’en conséquence et indépendamment du processus de recrutement du remplaçant du recourant, il existe un intérêt public à éviter de modifier une nouvelle fois la situation avant que la chambre administrative ne tranche le litige au fond ;

qu’au vu des éléments qui précèdent, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué avec la décision au fond sur les frais de la présente décision.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution d’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

 

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

 

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

 

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

 

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Fanny ROULET-TRIBOLET, avocate du recourant, ainsi qu'au département des institutions et du numérique.

 

 

 

Le président :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le  la greffière :