Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/634/2023

ATA/22/2024 du 09.01.2024 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : NOUVEAU MOYEN DE FAIT;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;AUDITION OU INTERROGATOIRE;TÉMOIN;CONSTATATION DES FAITS;ÉTAT DE FAIT;MAXIME INQUISITOIRE;AGENT DE SECURITE;CHAUFFEUR;TAXI;DEVOIR PROFESSIONNEL;EXCLUSION(EN GÉNÉRAL);PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.5.al2; Cst.29.al2; LPA.19; LPA.20; LPA.41; LPA.68; LTVTC.23.al1; LTVTC.33; LTVTC.38; RTVTC.33.al1; RTVTC.33.al2; RTVTC.39; RTVTC.40; RCAP-AIG.2.al1.letf; RCAP-AIG.3.al6; RCAP-AIG.6.al5; RCAP-AIG.6.al6; RCAP-AIG.7
Résumé : admission partielle du recours d'un chauffeur de taxi contre une exclusion temporaire de la zone réservée de l'aéroport pendant 60 jours, pour refus de course et refus de présentation de la carte professionnelle. Confirmation de la décision s'agissant de la première infraction reprochée, le recourant s'étant borné à indiquer au voyageur, qui souhaitait prendre un taxi, la possibilité de prendre une navette sans lui signifier qu’il pouvait également monter dans son véhicule. Annulation de la décision s'agissant de la seconde infraction, dans la mesure où aucun élément du dossier ne permet d'établir que le recourant a refusé de présenter l’objet litigieux. Réduction de l’exclusion temporaire de la zone réservée à 25 jours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/634/2023-TAXIS ATA/22/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 janvier 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Ana KRISAFI REXHA, avocate

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE intimé



EN FAIT

A. a. A______ exerce la profession de chauffeur de taxi et conduit un véhicule immatriculé GE 1______ à Genève.

b. Il est au bénéfice d’une carte n° 2______ lui donnant accès aux zones réservées aux taxis et voitures de transport avec chauffeur (ci-après : VTC) dans les zones de prise en charge sur les parkings de l’Aéroport international de Genève (ci‑après : AIG).

B. a. Deux constats d’infraction ont été dressés le 11 novembre 2022 à l’encontre de A______ par l’agent n° 3______ (ci-après également : l’agent), l’un pour refus de course et l’autre pour refus de présentation du badge d’accès.

Selon le premier constat, A______ avait envoyé un client vers les navettes, lequel s’était toutefois rapproché d’un second véhicule. L’agent s’était rapproché du client pour lui « expliquer pour la navette » et avait demandé à A______ d’attendre avant de s’occuper d’un autre client. Toutefois, ce dernier avait tenté d’en charger un autre. Un autre agent l’en avait empêché. Le client avait demandé à prendre un autre taxi. L’agent avait alors expliqué à A______ qu’il devait accepter la course. A______ lui avait répondu que le client était d’accord de prendre la navette et qu’il faisait de l’excès de zèle. L’agent lui avait répondu que si tel avait été le cas, le client ne se serait pas dirigé vers un autre taxi. A______ avait alors indiqué qu’il partirait à vide. L’agent lui avait demandé de lui présenter son badge d’accès car il était en infraction. A______ lui avait répondu qu’il ne l’était pas. L’agent avait réitéré à plusieurs reprises sa demande de présentation du badge, mais A______ ne s’était pas exécuté. Il avait refusé de partir à vide et ils avaient décidé d’appeler la police, qui avait fait partir à vide le chauffeur de taxi.

Selon le second constat, à la suite du refus de course de A______, l’agent lui avait demandé à plusieurs reprises de présenter son badge d’accès, ce qu'il n'avait pas fait.

b. Le 5 décembre 2022, l’AIG a transmis les deux constats à A______, l’informant qu’il envisageait de prononcer une mesure administrative à son encontre. Il lui a imparti un délai pour se déterminer.

c. Dans ses déterminations écrites, A______ a expliqué avoir été à la tête de file des taxis à l’aéroport. Une personne ne parlant ni français ni anglais lui avait montré sur l’écran de son téléphone portable l’adresse de l’Hôtel B______. Il lui avait indiqué que l’hôtel se trouvait en face et qu’il avait la possibilité de prendre une navette gratuite. L’individu s’était dirigé vers les navettes, tandis qu’il s’était occupé d’une nouvelle cliente. À ce moment-là, un agent de sécurité lui avait demandé d’attendre, puis avait couru pour rattraper l’individu. En revenant de son entretien avec le voyageur, l’agent lui avait demandé de quitter les lieux, sur un ton hautain et désagréable, sous prétexte d’avoir refusé une course.

Le rapport de l’agent était erroné sur deux points. D’une part, il n’avait jamais voulu quitter les lieux à vide ; c’était l’agent qui le lui avait ordonné. D’autre part, il n’avait pas refusé de lui présenter le badge d’accès mais lui avait indiqué qu’il était affiché sur le pare-brise de la voiture.

Plusieurs chauffeurs de taxis avaient assisté à la scène et étaient prêts à témoigner.

d. Par décision du 23 janvier 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’AIG a prononcé à l’encontre de A______ une exclusion temporaire de la zone réservée pendant 60 jours, pour refus de course et refus de présentation de « la carte professionnelle » (let. c ch. 1 du dispositif). La décision était déclarée immédiatement exécutoire nonobstant recours (let. c ch. 2). La période d’exclusion prendrait effet dix jours après la date de la décision, soit du 3 février 2023 au 3 avril 2023 (let. c ch. 3).

Il ressortait des constats du 11 novembre 2022 qu’il avait refusé une course au motif de la destination et refusé de présenter son badge d’accès lorsque l’agent le lui avait demandé.

C. a. Par acte remis à la poste le 23 février 2023, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et principalement à l’annulation de ladite décision. Il a sollicité le témoignage des personnes présentes le 11 novembre 2022, soit les chauffeurs de taxis portant les matricules GE 4______, GE 5______ et GE 6______.

Les faits avaient été constatés de façon inexacte. Il n’avait pas refusé la course mais simplement indiqué au voyageur qu’une navette gratuite était prévue dans le cadre de sa réservation. Ce dernier avait décidé de ne pas prendre de taxi. Il n’avait pas non plus refusé de présenter son badge à l’agent puisque sa carte professionnelle avait été mise en évidence sur son pare-brise.

La sanction était disproportionnée. Un simple avertissement aurait suffi, dans la mesure où il exerçait son métier depuis des années, n’avait pas d’antécédents et n’avait jamais fait l’objet d’une plainte. La sanction lui causait un dommage financier considérable.

b. Dans le délai de réponse, l’AIG a annulé le ch. 2 (let. c) du dispositif de sa décision. L’exclusion temporaire était suspendue à compter du 28 février 2023, jusqu’à droit connu sur le recours. L’intéressé aurait, à cette date, exécuté 25 jours d’exclusion. Sa carte d’accès serait à nouveau active dès le 28 février 2023.

Pour le surplus, la décision demeurait inchangée.

c. L’AIG a conclu au rejet du recours.

A______ avait l’obligation, à l’instar de tous les chauffeurs de taxis, d’accepter toutes les courses, y compris celles dont la destination était située à proximité de la zone réservée. En refusant la course à un client sans motif justificatif, il avait commis une infraction grave. En refusant de présenter sa carte professionnelle à l’agent et en refusant de se conformer à ses instructions, il avait commis une seconde infraction, ce qui justifiait le prononcé d’une sanction plus sévère.

d. Dans sa réplique, A______ a persisté dans son argumentation, sollicité l’audition du chauffeur de taxi portant le numéro de matricule GE 7______, soit C______, et ajouté ce qui suit.

Le voyageur s’était dirigé vers les navettes et n’avait pas cherché à prendre un autre taxi. Dans la mesure où il avait contesté le rapport de l’agent, une enquête plus approfondie aurait dû être menée.

Le périmètre de l’AIG était un lieu stratégique pour le transport de passagers, et les chauffeurs de taxi pouvaient bénéficier d’un grand nombre de clients, ce qui représentait une part importante de leur chiffre d’affaires. La décision d’exclusion engendrerait une baisse du sien de 40%.

Des problèmes récurrents étaient signalés dans les interactions entre les agents présents à l’AIG et les chauffeurs de taxi, et la crédibilité de l’agent était douteuse. Une pétition avait été signée par plusieurs chauffeurs de taxi contre son attitude autoritaire. C______ avait déposé plainte pénale pour dénoncer ses comportements.

En omettant de vérifier la fiabilité et l’exactitude des rapports du 11 novembre 2022 avant de prendre une décision, l’AIG avait procédé à une instruction incomplète et impartiale de la cause.

Étaient notamment annexés des témoignages écrits de chauffeurs de taxi, notamment celui de C______.

e. L’AIG a contesté la recevabilité des faits nouveaux allégués par A______ au stade de sa réplique ainsi que celle des pièces nouvellement produites, en particulier les témoignages écrits. Il a ajouté qu’il n’avait pas eu connaissance de la pétition visant l’agent, qui n’était d’ailleurs pas datée.

f. Dans des écritures spontanées séparées, A______ a relevé qu’au moment du dépôt de son recours, il ignorait l’existence de la pétition et le dépôt de la plainte pénale contre l’agent n° 3______.

Il a conclu à ce que l’AIG soit condamné à lui verser la somme de CHF 2'450.- à titre de dommages-intérêts en raison de la suspension de son accès à la zone aéroportuaire ainsi que la somme de CHF 8'787.05 à titre de juste compensation pour ses frais de représentation de justice.

Il était notoire que l’agent n° 3______ avait l’habitude de dénoncer systématiquement et sans fondement des comportements qu’il estimait incorrects, ce qui relevait de l’abus de pouvoir.

g. L’AIG a relevé que A______ n’avait exprimé aucun regret pendant l’instruction alors qu’il avait commis une faute.

h. A______ a relevé que l’indication pure et simple du fait qu’il existait des navettes ne constituait pas un refus de course.

i. Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

i.a.    A______ a indiqué que le voyageur devait être russophone, dans la mesure où ce dernier lui avait montré l’écran de son téléphone avec des textes en caractères cyrilliques. Le voyageur ne lui avait pas parlé et il s’était adressé à lui en anglais.

Il avait dû échanger environ 20 secondes avec le client. Il lui avait dit « free shuttle » et lui avait montré de la main où se trouvait la navette. Il avait déduit de sa réaction qu’il n’avait pas compris ce qu’il lui avait dit. Il avait alors répété « this place is near from here, distant about 800 m, in front of the airport. You have a disposition the free shuttle ». Le voyageur lui avait tourné le dos et était parti dans la direction indiquée. Il l’avait suivi du regard et vu qu’il s’était arrêté devant le taxi suivant. Ce dernier avait fait le même signe, en direction des navettes.

Il avait accompli son devoir d’information et était persuadé que le client voulait prendre la navette. Il avait renoncé à lui dire qu’il pouvait choisir entre la navette et le taxi car après lui avoir indiqué qu’il y avait une navette gratuite à proximité et l’avoir vu se diriger vers elle, il avait compris qu’il avait fait le choix de la navette gratuite plutôt que du taxi et qu’il avait renoncé à ses services.

Il était en train de charger la valise d’une cliente suivante lorsqu’il avait vu l’agent devant la guérite, distant d’environ 10 m. L’agent s’était approché de lui et lui avait dit « stop, tu ne charges pas » sur un ton arrogant. Ce dernier s’était précipité vers le client, qui avait déjà parcouru 30 m et se trouvait loin de la prise en charge. Il avait pris le client par le bras et essayé de discuter avec lui. Lui-même avait vu que l’agent parlait au client. Cela avait duré moins d’une minute. Le client était resté sur place et l’agent était revenu vers lui, en lui disant de repartir à vide car il avait refusé un client. L’agent avait ajouté qu’il avait énervé le client, lequel ne voulait plus prendre de taxi mais la navette.

Dans l’attente de l’arrivée de la police, l’agent s’était placé devant sa voiture. Ce dernier lui avait demandé de lui présenter son badge. Il lui avait répondu que le badge se trouvait sur le pare-brise et qu’il n’avait qu’à le regarder.

Il n’était pas en conflit avec l’agent n° 3______.

La pétition visant ce dernier devait être remise à l’AIG à l’occasion d’une réunion qui devait être organisée au mois de juin par l’association des chauffeurs. Celle-ci avait toutefois décidé de ne pas y participer, en guise de contestation.

i.b.    Entendu en qualité de témoin, D______, chauffeur de taxi portant le matricule n° GE 6______, a indiqué avoir vu A______ discuter avec un client et lui montrer la direction de la navette. Il avait vu le client se diriger vers le taxi suivant et se pencher vers la fenêtre du passager avant. Le chauffeur du taxi lui avait également indiqué par un geste la direction de la navette. Il n’avait pas entendu ce qui s’était dit entre A______ et le voyageur, ni ce dont ce dernier avait discuté avec le second taxi. Il avait ensuite vu l’agent qui était dans sa cabane, sortir et courir après le client, comme à son habitude.

L’agent était revenu avec le client auprès de A______. Il avait entendu ce dernier dire au premier avoir expliqué au voyageur qu’il y avait la navette et que celui-ci avait accepté de la prendre.

Il n’avait rien contre l’agent n° 3______ en tant que personne.

i.c.     Entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, E______, soit l’agent n° 3______, a indiqué que les faits restaient pour lui flous, mais qu’il en avait quelques souvenirs.

Après avoir parlé à A______, le voyageur s’était rendu vers le taxi de derrière. Lui-même s’était approché du voyageur, lequel lui avait dit vouloir prendre un taxi. Dans son souvenir, l’intéressé parlait anglais. Il ne se souvenait toutefois pas des mots que le voyageur avait employés.

Il avait le souvenir que le voyageur était en train de se pencher vers le deuxième taxi pour lui poser une question lorsque lui-même l’avait interrogé. Le voyageur était resté sur place lorsque lui-même s’était tourné vers A______ pour lui dire qu’il devait prendre le client. Il ne se souvenait pas de ce que A______ lui avait répondu.

Il avait connaissance de la pétition le visant. Ce n’était pas la première dont il faisait l’objet. Il y avait des pétitions sur tous les agents réguliers du soir. Ces pétitions avaient été remises à la police et non à l’AIG.

Il avait rencontré une représentante de l’AIG ainsi que son chef avant l’audience, non pas pour la préparer, mais pour avoir une discussion. Les précités lui avaient expliqué à quoi correspondait l’audience et n’avaient pas discuté de ce qu’il dirait.

Il ne se souvenait pas si A______ lui avait dit qu’il refusait de lui présenter son badge. Si A______ avait explicitement refusé de s’exécuter, il l’aurait noté dans son rapport. Il ne se souvenait pas que A______ lui avait répondu que le badge se trouvait sur le pare-brise de sa voiture. A______ n’avait pas refusé de le présenter mais n’avait pas réagi. Dans son souvenir, il n’avait pas vu le badge.

i.d.    Les représentants de l’AIG ont indiqué avoir pris connaissance de la pétition dans le cadre de la présente procédure. Elle ne leur avait pas été formellement notifiée. Ils n’avaient pas connaissance d’autres pétitions contre l’agent n° 3______, ni contre d’autres agents. Une représentante de l’AIG avait vu l’agent pour lui expliquer le déroulement de la séance. En aucun cas elle lui avait dicté ce qu’il devait dire. Il devait être le plus neutre et le plus honnête possible.

j. Dans ses observations après enquêtes, l’AIG a persisté dans ses déterminations et ajouté que la version de l’agent n° 3______ était corroborée par les propos du témoin, notamment sur le fait qu’il était revenu, avec le client, auprès de A______ et qu’il avait demandé à ce dernier de le prendre en charge.

k. Dans ses observations après enquêtes, A______ a contesté la recevabilité de l’audition de l’agent n° 3______ et a sollicité le retrait de son procès-verbal du dossier, subsidiairement qu’il ne soit pas accordé de force probante à son témoignage, compte tenu des circonstances entourant sa préparation. L’agent avait rencontré les responsables de l’AIG en amont de l’audience et l’avait préparée avec eux. Il avait été préalablement influencé par l’AIG, ce qui biaisait son récit.

Sa propre version était plus crédible car appuyée par des témoignages écrits qui affirmaient que l’individu s’était dirigé vers les navettes gratuites à disposition et qu’il n’avait pas cherché à prendre un autre taxi.

l. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 8 du règlement sur les conditions d’accès au périmètre de l’AIG du 13 avril 2022 - RCAP-AIG).

En revanche, la chambre de céans n’est pas compétente pour connaître des prétentions civiles que le recourant fait valoir dans son recours contre l’État de Genève ainsi que contre les institutions, corporations et établissements de droit public dotés de la personnalité. Ces prétentions relèvent de la compétence du Tribunal civil de première instance, conformément aux art. 7 al. 1 et 9 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40 ; ATA/188/2022 du 22 février 2022 consid. 1b et l’arrêt cité).

Le chef de conclusions du recourant en versement de dommages-intérêts est ainsi irrecevable.

Pour le reste, et vu ce qui précède, il convient d’entrer en matière sur le fond.

2.             L’intimé conclut à l’irrecevabilité des faits et moyens de preuves nouveaux apportés par le recourant dans sa réplique.

2.1 En procédure administrative genevoise, l’autorité établit les faits d’office. Elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties (art. 19 LPA).

2.2 L’autorité de recours doit en principe prendre en compte les faits et moyens de preuve qui surviennent après le dépôt du mémoire de recours et l’échange des écritures s’ils sont pertinents. De même, elle doit tenir compte de modifications des circonstances qui interviennent en cours de procédure (ATA/751/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.1 et l’arrêt cité ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 618).

2.3 L’art. 68 LPA autorise le recourant, sauf exception prévue par la loi, à invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuve nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures.

Le mémoire de réplique ne peut contenir qu’une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l’acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; ATA/1064/2023 du 26 septembre 2023 consid. 1.2 et les références citées).

2.4 En l’espèce, le recourant a apporté des faits et moyens de preuve nouveaux au stade de sa réplique, ce que ni la loi ni la jurisprudence n’empêchent, en procédure administrative, de faire. Il n’y a donc pas de raison de les écarter du dossier. Cette solution s’impose d’autant plus que, comme on le verra dans la suite du présent arrêt, la maxime inquisitoire prévaut en droit public, ce qui oblige le juge à établir les faits d’office et donc, de facto, à prendre en compte les faits et moyens de preuve apportés par les parties à n’importe quel stade de la procédure de recours.

Les faits et moyens de preuve nouveaux apportés par le recourant dans sa réplique seront dès lors pris en compte, dans leur mesure utile.

3.             Le recourant sollicite le témoignage de personnes présentes le 11 novembre 2022, soit les chauffeurs de taxis portant les matricules GE 4______, GE 6______ et GE 7______.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1). Ce droit n’empêche toutefois pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; art. 41 LPA).

3.2 En l’espèce, il a été fait droit à la demande du recourant d'entendre le chauffeur de taxi portant le matricule GE 6______, si bien que cette requête est désormais sans objet.

En ce qui concerne sa demande d'entendre ceux qui portent les matricules GE 4______ et GE 7______, la chambre de céans n’y donnera pas suite pour les deux motifs suivants. D’une part, elle estime disposer de suffisamment d’éléments pour statuer sur le litige en connaissance de cause. En effet, les parties, en plus d’avoir produit de nombreuses pièces qui figurent au dossier, se sont exprimées de manière circonstanciée par écrit sur l’objet du litige et ont également été auditionnées par la chambre de céans. Celle-ci a de surcroît entendu l’agent qui a rédigé le rapport litigieux ainsi qu’un témoin. D’autre part, au vu des éclaircissements obtenus lors de ces actes d’enquêtes, la chambre de céans considère que les témoignages sollicités ne permettront pas d’apporter d’autres renseignements utiles sur les faits pertinents et ne sont ainsi pas nécessaires.

4.             Le recourant conteste la recevabilité de l’audition de l’agent et sollicite que le procès-verbal y relatif soit retiré du dossier, dans la mesure où, à son sens, l’intéressé aurait rencontré les responsables de l’intimé en amont de l’audience afin de la préparer avec eux.

L’agent a expliqué avoir rencontré une représentante de l’intimé ainsi que son chef avant l’audience, non pas pour la préparer, mais afin que ceux‑ci lui expliquent à quoi elle correspondait, ce que la représentante de l’intimé a confirmé.

On ne discerne pas en quoi cela contreviendrait au droit puisqu’aucune loi n’interdit à une autorité administrative de prendre contact avec un membre de son personnel pour l’informer des modalités d’une audience à laquelle il a été convoqué. De plus, contrairement à ce que le recourant se contente d’affirmer sans le prouver, rien ne permet de déduire des déclarations de l’agent lors de son audition que son entretien avec la représentante de l’intimé aurait dépassé ce seul cadre, ni même que ses réponses auraient été préparées et ainsi orientées, étant observé que l’agent a d’emblée indiqué avoir peu de souvenirs des faits. L’existence d’une éventuelle collusion doit ainsi être niée.

Il ne justifie dès lors pas de retirer du dossier le procès-verbal d’audition de l’agent. La demande du recourant sera donc rejetée.

5.             Le recourant reproche à l’intimé de ne pas avoir instruit le dossier. Il expose en particulier que, dans la mesure où l’agent n° 3______ avait fait l’objet de plusieurs réclamations de la part de chauffeurs de taxi, notamment par le biais d’une pétition signée par certains d’entre eux, l’intimé aurait dû vérifier la fiabilité et l’exactitude des informations figurant dans ses rapports.

En outre, le recourant se plaint de la constatation inexacte des faits. Il soutient, d’une part, que le voyageur n’était pas décidé à prendre un taxi et, d’autre part, ne pas avoir refusé de présenter son badge d’accès.

Dans la mesure où ces griefs se recoupent dans une large mesure, ils seront examinés ensemble.

5.1 En vertu de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

5.2 Le droit d’être entendu, comme mentionné supra, sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique (ATF 135 I 279 consid. 3.2 ; 132 II 485 consid. 3.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.1).

5.3 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d’influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c).

La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3d et les références citées).

5.4 De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/449/2023 du 27 avril 2023 consid. 5d et les arrêts cités), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que le personnel affecté par l’AIG au contrôle du respect des prescriptions sur le site aéroportuaire est assermenté (art. 40 du règlement d’exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 - RTVTC - H 1 31 01), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers.

5.5 En l’espèce, il convient au préalable d’examiner si l’intimé aurait dû instruire la question de l’éventuelle partialité de l’agent, telle qu’alléguée par le recourant. Dans la négative, il est également nécessaire de déterminer si une telle partialité a été constatée dans le cadre de l’instruction du recours, dans la mesure où cela pourrait avoir une influence sur la fiabilité des déclarations figurant dans les rapports dudit agent.

L’intimé a confirmé à plusieurs reprises ne jamais avoir reçu, sous une quelconque forme, de réclamations dirigées contre l’agent concerné. Le recourant a lui-même indiqué qu’au moment du dépôt de son recours, il ignorait encore l’existence de la pétition visant l’agent, étant relevé que celle-ci n’a jamais été transmise à l’intimé. De plus, dans ses déterminations, le recourant a certes contesté une partie des faits tels que rapportés par l’agent mais n’a pas fait état d’éléments de nature à fonder des soupçons de partialité chez ce dernier. Tout au plus a-t-il mentionné que l’intéressé lui aurait parlé sur un ton « hautain et désagréable », ce qui n’apparaît pas suffisant pour fonder de tels soupçons.

Par conséquent, rien n’obligeait l’intimé à instruire la question de l’éventuelle partialité de l’agent.

Il apparaît également que les éléments avancés par le recourant dans ses différentes observations en cours de procédure ne permettent pas non plus d’établir une partialité chez l’intéressé. En effet, comme indiqué supra, la pétition le visant n’a pas été transmise à l’intimé. À cela s’ajoute, d’une part, que le recourant a précisé, lors de son audition, ne pas être en conflit avec l’agent, et, d’autre part, que le témoin a indiqué n’avoir rien contre ce dernier « en tant que personne ». Par ailleurs, ce témoin a certes relevé avoir fait lui-même l’objet de rapports du même agent dans le cadre de circonstances semblables. Il a toutefois précisé que s’il les estimait mensongers, c’était en raison du fait qu’il pensait avoir correctement informé les clients, et non parce que l’agent aurait un parti pris.

Les témoignages écrits émanant de deux chauffeurs de taxi, fournis par le recourant et qui incriminent l’agent, ne sont pas de nature à remettre en cause ce qui précède, dans la mesure où ils contiennent essentiellement des jugements de valeur qui ne sont étayés par aucun élément concret et qu’on ignore l’issue qui a été donnée à la plainte pénale déposée contre l’agent. Ils doivent être d’autant plus relativisés que ce dernier ne semble pas être le seul à être visé par des réclamations de la part de chauffeurs de taxis puisque, selon les propos de ce dernier, tous les agents réguliers du soir ont également fait l’objet de pétitions.

Au vu de ce qui précède, les reproches du recourant liés à la partialité de l’agent sont infondés.

5.6 Il reste à déterminer si l’intimé a procédé à une instruction complète des faits et si elle les a établis correctement. Vu l’issue qui sera donnée au présent litige, la chambre de céans analysera cette question pour chaque constat séparément.

5.6.1 S’agissant d’abord du refus de course, l’intimé a tenu pour établis les faits tels qu’ils ressortent du rapport de l’agent. Ce rapport, qui est daté et signé, décrit précisément la scène litigieuse et contient une description des échanges intervenus entre les différents protagonistes. L’agent y indique notamment que le recourant a envoyé le voyageur vers les navettes et que celui-ci s’est rapproché du second véhicule. L’agent a discuté avec le voyageur, lequel lui a fait part de sa volonté de prendre un taxi. L’agent a alors indiqué au recourant qu’il devait le prendre, ce à quoi ce dernier a répondu : « tu as insisté pour qu’il prenne le taxi ; le client était d’accord de prendre la navette. Tu fais de l’excès de zèle ».

Ce rapport donne ainsi suffisamment de précisions sur les faits. De son côté, le recourant n’a, dans ses observations adressées à l’intimé, contesté ni avoir eu un contact avec le voyageur ni ne pas l’avoir pris en charge. Dès lors, et dans la mesure où une valeur probante est en principe accordée aux constatations figurant dans un rapport établi par le personnel assermenté affecté par l’intimé au contrôle du respect des prescriptions sur le site aéroportuaire, l’intimé n’a pas violé son devoir d’instruire les faits pertinents en se fondant sur ceux ressortant dudit rapport.

Les actes d’enquêtes menés par la chambre de céans confirment que les faits retenus par l’intimé, tels qu’ils ressortent du rapport portant sur le refus de course, ont été établis correctement. En effet, le chauffeur de taxi portant le matricule GE 6______, entendu comme témoin, a confirmé que le voyageur s’était dirigé vers un second taxi après avoir échangé avec le recourant, qu’il s’était penché vers la fenêtre du passager avant et que l’agent avait finalement « ramené » le voyageur au recourant. En outre, ce dernier, lors de son audition, a fait certaines déclarations rejoignant celles figurant dans le rapport puisqu’il a notamment reconnu que le voyageur s’était arrêté vers le second taxi, après avoir toutefois prétendu le contraire dans ses écritures. Il a également ajouté que l’agent lui avait dit qu’il « avait énervé le client, lequel ne voulait plus prendre de taxi mais la navette ».

La chambre de céans retiendra donc qu’il est suffisamment vraisemblable que le voyageur souhaitait prendre un taxi lorsqu’il s’est adressé au recourant.

À cet égard, les arguments contraires du recourant ne sauraient être accueillis favorablement. En effet, d’une part, il n’apparaît pas crédible qu’un voyageur se renseigne sur sa destination auprès d’un chauffeur de taxi spécifiquement s’il est déterminé à ne pas recourir à ses services. D’autre part, le recourant a indiqué que le voyageur ne lui avait pas parlé et que ce dernier n’avait pas compris ce que le recourant lui avait dit, si bien qu’on ne voit pas comment celui-ci aurait pu acquérir la conviction que le voyageur souhaitait d’emblée, ou renseignement pris auprès de lui, renoncer à ses services. Le recourant a d’ailleurs finalement déclaré, lors de son audition, qu’il avait « compris » que le voyageur y avait renoncé seulement lorsqu’il l’avait vu se diriger vers les navettes, ce qui amène deux observations. D’une part, le recourant admet ne pas avoir acquis sa conviction sur la base de l’attitude initiale du voyageur ou de la « discussion » qu’il a eue avec ce dernier. D’autre part, sa conviction apparaît erronée puisque même à considérer que le voyageur se soit dirigé vers les navettes et ait ainsi renoncé aux services d’un taxi, il ne l’a pas fait de son plein gré, mais bien après avoir essuyé un nouveau refus de la part d’un second chauffeur de taxi.

Le grief sera ainsi écarté.

5.6.2 S’agissant ensuite du refus de présentation du badge d’accès, l’intimé a également tenu pour établis les faits tels qu’ils ressortent du rapport de l’agent. Selon ce rapport, à la suite du refus de course, l’agent a demandé au recourant à plusieurs reprises de lui présenter son badge d’accès, ce que ce dernier n'avait pas fait.

Le recourant a contesté auprès de l’intimé avoir refusé de présenter son badge d’accès. Il a expliqué avoir indiqué à l’agent que le badge « était affiché sur le pare‑brise, à sa disposition ».

Vu les explications plutôt crédibles données par le recourant et dans la mesure où le rapport ne fait pas état du fait que le précité aurait explicitement refusé de présenter son badge d’accès, il n’était pas possible pour l’intimé de se rapporter uniquement aux déclarations figurant dans le rapport de l’agent. Il lui incombait dès lors d’instruire plus avant cette question, ce qu’elle n’a toutefois pas fait. Si une telle omission ne saurait certes conduire à l’annulation de la décision, la chambre de céans revoyant les faits avec un plein pouvoir d’examen, il apparaît toutefois que les actes d’enquête qu’elle a menés n’ont pas permis d’en apprendre davantage. En effet, l’agent, qui a déclaré n’avoir que quelques souvenirs des faits litigieux, a indiqué que si le recourant avait explicitement refusé de présenter son badge, il l’aurait a priori noté dans son rapport. Il a également confirmé qu’il n’avait pas de souvenir de l’interaction autour du badge. La chambre de céans constatera ainsi qu’il n’est pas établi que le recourant a refusé de présenter l’objet litigieux. Il ne saurait dès lors être sanctionné à ce titre.

Le grief est donc fondé et sera admis. La décision sera annulée en tant qu’elle retient un refus de présentation de la carte professionnelle [recte : du badge d’accès] à l’endroit du recourant.

6.             Le recourant conteste avoir violé la loi, dans la mesure où l’indication pure et simple du fait qu’il existe des navettes ne constituerait selon lui pas un refus de course.

6.1 Le 1er novembre 2022 est entrée en vigueur la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 28 janvier 2022 (LTVTC - H 1 31), abrogeant la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (aLTVTC - H 1 31 ; art. 44 LTVTC).

La décision querellée ayant été rendue le 23 janvier 2023 et les faits pertinents s’étant déroulés le 11 novembre 2022, la LTVTC, dans sa nouvelle version, est applicable.

6.2 À l’exception des cas de refus objectivement justifiés, lesquels sont précisés par le Conseil d’État dans le RTVTC les chauffeurs de taxi doivent accepter toutes les courses (art. 23 al. 1 LTVTC). Ils sont tenus d’accepter toutes les courses, lorsqu’ils sont sur une station de taxis, dans la zone de prise en charge de l’AIG ou lorsqu’ils s’arrêtent pour prendre en charge la cliente ou le client qui les a hélés ou commandés, sous réserve de l’al. 2 de l’art. 33 RTVTC (art. 33 al. 1 RTVTC).

Une course peut être refusée si : (a) elle est susceptible de mettre en danger la sécurité du chauffeur ou d’endommager sa voiture; (b) la cliente ou le client présente une impécuniosité manifeste; (c) le chauffeur ne peut accomplir la course sans dépasser la durée maximale de travail autorisée par l’ordonnance fédérale sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes et de voitures de tourisme lourdes, du 6 mai 1981 ; (d) le lieu de destination se trouve à une distance supérieure à 80 km (art. 33 al. 2 RTVTC).

6.3 L’art. 33 LTVTC attribue à l’AIG la compétence de réguler l’accès des taxis et des VTC à son périmètre (al. 1). Pour les services de taxis, le règlement de l’AIG peut, notamment, fixer des critères d’exclusion temporaire ou définitive, si, sur le périmètre aéroportuaire notamment, un chauffeur entrave la circulation, crée un trouble à l’ordre public, stationne hors de la zone de prise en charge, viole le devoir de courtoisie, refuse indûment des courses ou des moyens de paiement usuels, ou ne respecte pas les obligations légales liées à la fixation des tarifs (art. 33 al. 2 let. e LTVTC).

6.4 Selon l’art. 38 LTVTC, les agents de la force publique et tout autre agent ayant mandat de veiller à l’observation de ladite loi et de ses dispositions d’exécution sont compétents pour dresser les constats d’infraction.

6.5 Les conditions d’accès à l’AIG sont régies par le RCAP-AIG du 13 avril 2022 (art. 39 RTVTC). Le personnel affecté par l’AIG au contrôle du respect des prescriptions sur le site aéroportuaire est assermenté par le département. Le serment prévu à l’art. 5 de la loi sur la prestation des serments, du 24 septembre 1965 (LSer – A 2 15) est applicable (art. 40 RTVTC).

6.6 Le 20 juin 2017, la direction de l’AIG a adopté le RCAP-AIG. Le règlement a été abrogé par la nouvelle version du 13 avril 2022, entrée en vigueur le 1er novembre 2022.

L’AIG est compétent pour rendre les décisions découlant de l’application du RCAP-AIG (art. 2 al. 1 let. f RCAP-AIG).

Dans la zone de prise en charge réservée, les chauffeurs de taxi sont notamment tenus de présenter, sur demande de l’AIG ou du personnel mandaté par ce dernier ou de potentiels clients, leur carte professionnelle, d’accepter toutes les courses, même pour des destinations proches de l’Aéroport, à l’exception des cas spécifiquement prévus à l’art. 23 al. 1 LTVTC et dans le RTVTC, et de se conformer aux instructions données par l’AIG ou le personnel mandaté par ce dernier (art. 3 al. 6 RCAP-AIG).

Aux termes de l’art. 6 RCAP-AIG, en cas de constat du non-respect d’une des obligations incombant aux chauffeurs de taxi ou aux chauffeurs de VTC, l’AIG ou le personnel mandaté par ce dernier peut exiger que la situation soit immédiatement régularisée ou que le chauffeur concerné quitte immédiatement la zone dans laquelle il se trouve (al. 1). En sus, l’AIG ou le personnel mandaté par lui dresse un constat d’infraction (al. 2). L’AIG interpelle le chauffeur concerné pour que celui-ci se détermine, par écrit, dans un délai de quinze jours, sur le contenu du constat d’infraction (al. 3). Passé ce délai, l’AIG peut prononcer l’une des mesures suivantes : a) l’avertissement ; b) l’exclusion temporaire des zones de prise en charge ; c) l’exclusion définitive des zones de prise en charge (al. 4).

L’exclusion des zones de prise en charge entraîne une interdiction de se rendre sur lesdites zones et la désactivation temporaire ou définitive du badge d’accès. Sauf exception prévue à l’al. 6, la période d’exclusion débute dix jours après que la décision est devenue exécutoire au sens de l’art. 53 LPA (art. 6 al. 5 RCAP-AIG).

Lorsque les circonstances l’imposent, que l’infraction est particulièrement grave ou que le comportement du chauffeur menace l’ordre public, l’AIG peut, à titre provisionnel, prononcer la suspension immédiate du droit d’accès aux zones de prise en charge, voire une interdiction d’accès au périmètre aéroportuaire. Dans ce cas, le badge d’accès est immédiatement désactivé (art. 6 al. 6 RCAP-AIG).

L’art. 7 est un tableau classifiant les catégories d’infraction et le type de sanction (de faible, moyenne gravité ou grave, en tenant compte d’éventuelles récidives). Une première infraction moyenne est sanctionnée d’un avertissement ou d’une exclusion temporaire entre un à 60 jours. Une première infraction grave est sanctionnée d’une exclusion temporaire entre un et 365 jours ou d’une exclusion définitive avec une éventuelle suspension immédiate.

6.7 En l’espèce, le recourant, alors au volant de son taxi, a été interpellé par un voyageur souhaitant se rendre à l’hôtel B______, situé à quelques centaines de mètres de l’aéroport. Comme il ressort des considérants qui précèdent, ce voyageur souhaitait prendre un taxi, ce que le recourant pouvait inférer des circonstances décrites ci-avant. Ainsi, en se bornant à lui indiquer la possibilité de prendre une navette sans lui signifier qu’il pouvait également monter dans son véhicule, ce qui a conduit le voyageur à se diriger vers un second taxi, le recourant a refusé une course. Le principe d’une sanction est en conséquence fondé pour ce motif, étant précisé que la brièveté d’une course ne constitue pas un motif valable de refus de course.

Le grief sera ainsi écarté.

7.             Le recourant se plaint du caractère disproportionné de la sanction prononcée à son encontre.

7.1 Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public – (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c). Selon la chambre administrative, le refus d’effectuer une course courte est une faute grave compte tenu de l’intérêt public à ce que les usagers de l’aéroport puissent compter sur un service de taxis indépendamment de la longueur de la course projetée (ATA/598/2023 du 6 juin 2023 consid. 2.7)

7.2 Dans un arrêt récent (ATA/598/2023 du 6 juin 2023) qui présente certaines similitudes avec la présente cause, la chambre administrative a réduit à 30 jours une exclusion temporaire de la zone réservée, initialement fixée à 60 jours, pour refus de course et de présentation du badge. Le chauffeur de taxi concerné avait indiqué la direction des navettes hôtel à une cliente, qui souhaitait absolument prendre un taxi pour se rendre le plus vite possible à l’hôtel Crowne Plaza, situé à quelques centaines de mètres de l’aéroport. La conversation avec la cliente s’était poursuivie devant un agent, agacé par le comportement du chauffeur, et l’intéressée n’était pas partie en direction de la navette. L’agent avait demandé au chauffeur de lui présenter son badge, lequel lui avait répondu : « je ne te présente rien du tout », avant de quitter le quai. La chambre de céans a retenu que la qualification d’infraction grave pour le refus d’une course courte était conforme au large pouvoir d’appréciation dont bénéficiait l’AIG. Néanmoins, dans la mesure où le chauffeur commettait pour la première fois une violation du règlement, où les deux infractions relevaient de la même prise en charge litigieuse, où il avait immédiatement reconnu sa faute et présenté ses excuses et où il se prévalait d’une situation financière difficile en lien avec une famille de cinq personnes, dont une épouse au foyer, la durée de l’exclusion, de 60 jours, apparaissait sévère, même en tenant compte du refus du chauffeur de présenter sa carte professionnelle.

7.3 En l’espèce, l’intimé a infligé au recourant une exclusion temporaire de 60 jours des zones de prise en charge, soit la mesure d’une gravité moyenne parmi les trois prévues par l’art. 6 al. 4 RCAP-AIG.

La sanction est apte à atteindre le but d’intérêt public à un service de taxi de qualité à l’AIG. Elle est nécessaire pour éviter que le recourant ne refuse à nouveau des courses courtes.

S’agissant de la proportionnalité au sens étroit, le refus d’effectuer une course, quand bien même elle serait courte, constitue une faute grave compte tenu de l’intérêt public à ce que les usagers de l’AIG puissent compter sur un service de taxis, indépendamment de la longueur de la course projetée.

Cela étant, le recourant exerce le métier de chauffeur de taxi depuis plusieurs décennies et n’a jamais fait l’objet d’une quelconque sanction. L’attestation de bonne conduite de F______ établie le 5 septembre 2023 indique par ailleurs qu’il n’a jamais fait l’objet de plainte de la part de la clientèle. Ces éléments doivent être pris en compte.

En revanche, la chambre de céans n’accordera pas d’importance au prétendu dommage financier causé au recourant par la décision d’exclusion. En effet, outre le fait que ce dommage n’est ni prouvé ni étayé, ladite décision n’empêche pas le recourant de travailler dans le reste du canton.

Au vu de ce qui précède, si la qualification d’infraction grave pour le refus d’une course courte est conforme au large pouvoir d’appréciation dont bénéficie l’AIG, la durée de l’exclusion, de 60 jours, apparaît toutefois sévère. Elle sera donc réduite à 25 jours. Cette durée, qui prend également en compte l’absence de refus de présentation du badge d’accès tel que retenu à tort par l’intimé, apparaît nécessaire à ce que le recourant prenne conscience de la gravité de sa faute et est plus respectueuse de ses intérêts privés mis en balance avec l’intérêt public poursuivi.

Le recours sera ainsi partiellement admis. Les 25 jours d’exclusion déjà effectués seront déduits, si bien qu'aucun jour d’exclusion supplémentaire ne devra être effectué.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument – réduit mais tenant néanmoins compte des actes d’enquêtes menés devant la chambre de céans – de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui obtient partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure d’un même montant lui sera également octroyée et sera mise à la charge de l’intimé (art. 87 al. 2 LPA). Il sied de préciser que quand bien même le recourant a conclu au versement d’une indemnité de CHF 8'787.05, la chambre de céans ne saurait accéder à cette demande, dans la mesure où l’indemnité allouée, de jurisprudence constante, ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat et où la juridiction saisie dispose par ailleurs d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l’indemnité allouée (ATA/1272/2023 du 28 novembre 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 23 février 2023 par A______ contre la décision de l’Aéroport international de Genève du 23 janvier 2023 ;

annule la décision de l’Aéroport International de Genève du 23 janvier 2023 en tant qu’elle retient à l’endroit de A______ un refus de présentation de la carte professionnelle ;

réduit l’exclusion temporaire de la zone réservée à 25 jours ;

confirme la décision de l’Aéroport International de Genève du 23 janvier 2023 pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l’Aéroport international de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ana KRISAFI REXHA, avocate du recourant, ainsi qu’à l’Aéroport international de Genève.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :