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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2891/2023

ATA/33/2024 du 11.01.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2891/2023-EXPLOI ATA/33/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Mattia DEBERTI, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - SERVICE DE L’ESPACE PUBLIC intimée



EN FAIT

A. a. Depuis le 13 juillet 2020, A______ est au bénéfice d’une autorisation d’exploiter l’établissement public « B______ » (ci-après : l’établissement), sis rue C______ (anciennement rue D______) à Genève. Pour cette activité, elle est autorisée à installer et exploiter deux aires de terrasse.

La société E______ (ci-après : la société), dont elle est la gérante présidente, est la propriétaire de l’établissement.

b. Par décisions des 4 et 6 octobre 2022, le service de l’espace public (ci-après : le service) du département de la sécurité et des sports de la Ville de Genève (ci-après : la ville) a infligé à A______ deux amendes de CHF 1'000.- chacune, ainsi qu’une interdiction d’utiliser les terrasses durant une journée d’ouverture.

Un dépassement des terrasses autorisées lui était reproché, selon constat de la police municipale du 18 février 2022. Deux clients se tenaient debout, un verre à la main, aux abords immédiats des limites autorisées de la terrasse, sans toutefois causer de nuisances pour le voisinage.

Aucun recours n’ayant été interjeté contre ces décisions, elles sont entrées en force.

c. Le 30 octobre 2022, à 00h30, des agents de la police municipale (ci-après : APM) ont constaté qu’un bruit conséquent provenait de l’établissement en raison du nombre important de clients présents sur les terrasses et aux abords, ce qui générait des nuisances pour le voisinage. L’afflux de personnes devant l’établissement obstruait totalement le trottoir. Des chaises avaient été rajoutées autour de tables qui se trouvaient sur le trottoir, hors du périmètre autorisé de la terrasse. Cinq clients consommaient des boissons en dehors dudit périmètre.

Il était ainsi reproché à F______, gérant de l’établissement, d’avoir troublé la tranquillité publique par l’excès de bruit de la clientèle sur la terrasse de l’établissement, d’avoir toléré l’afflux de clients, devant et aux abords de l’établissement, avoir rajouté du mobilier pour étendre le périmètre de la terrasse et d’avoir laissé des clients consommer des boissons en dehors dudit périmètre.

Des photographies des lieux étaient jointes au rapport des APM du 3 novembre 2022 relatif à ces faits.

d. Par courrier du 24 mars 2023, le service a convoqué A______ à un entretien prévu le 6 avril 2023, visant à l’entendre au sujet des faits des 18 février et 30 octobre 2022.

L’intéressée étant absente de Genève à cette période, elle a été remplacée, avec l’accord du service, par F______.

e. Par décision du 11 juillet 2023, le service a infligé à A______ une amende administrative de CHF 2'000.- et prononcé à son encontre une interdiction d’exploiter ses terrasses pour une durée de deux jours.

Ces sanctions prenaient en considération la gravité des infractions commises en violation de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) et leur récurrence, s’agissant de récidives. D’après les motifs de l’amende, A______ n’avait pas veillé au maintien de l’ordre sur la terrasse de son établissement et avait servi des boissons alcoolisées à des clients le 30 octobre 2022.

B. a. Par acte du 12 septembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant principalement, à son annulation, et subsidiairement, à la limitation de la sanction à une amende de CHF 1'000.-.

Lors de l’entretien du 6 avril 2023, F______ avait expliqué tous les efforts qui étaient déployés au sein de l’établissement et les limites auxquelles il était confronté pour réduire les nuisances causées par les clients, les empêcher de sortir avec leur verre à la main et faire en sorte qu’ils respectent le périmètre de la terrasse. Au vu de sa taille limitée et d’un chiffre d’affaires relativement modeste, l’établissement n’avait pas les moyens d’engager une personne exclusivement affectée à la sécurité et au contrôle des clients. Il s’était toutefois engagé à mettre en œuvre des solutions pour que les clients de l’établissement respectent à l’avenir les consignes qui leur étaient données par les employés. Le service ne lui avait pas fourni de détails sur ce qui aurait été constaté le 30 octobre 2022 par la police municipale. Aucun rapport n’avait été remis à F______. Les faits sanctionnés ne lui avaient jamais été exposés, de sorte qu’elle n’avait pas pu faire valoir son droit d’être entendue. La décision querellée ne remplissait pas non plus les exigences minimales de motivation.

Dans l’hypothèse où des infractions à la LRDBHD avaient bel et bien été constatées lors du contrôle de police municipale du 30 octobre 2022, celles-ci semblaient concerner un simple dépassement de terrasse. Une amende aussi élevée, cumulée à une fermeture des terrasses (et donc de l’établissement) pendant deux jours, violait le principe de la proportionnalité, compte tenu de la taille de l’établissement, des revenus que celui-ci générait et de la faute qui lui était reprochée.

À l’appui de ses écritures, elle produisait divers documents dont :

- deux courriers du service des 4 et 6 octobre 2022 concernant des amendes et une mesure administrative pour des faits constatés le 18 février 2022 (débordement du périmètre des terrasses et consommation de boissons alcooliques en dehors des terrasses) ;

- un courrier du service du 8 mai 2023 confirmant la suspension de l’autorisation d’exploiter pour le 24 mai 2023 ;

- les états financiers 2020 et 2021 de la société indiquant des pertes de CHF 5'470.32 au 31 décembre 2020 et CHF 2'216.39 au 31 décembre 2021.

b. Le service a conclu au rejet du recours.

La recourante avait fait l’objet de plusieurs amendes - et d’une mesure identique - en raison de diverses infractions de même nature. Ses courriers des 4 et 6 octobre 2022 précités lui avaient été retournés avec la mention « destinataire inconnu », raison pour laquelle de nouvelles décisions avaient été prononcées et expédiées le 1er décembre 2022. Il était donc incompréhensible que les deux décisions des 4 et 6 octobre 2022 fussent en possession de la recourante. Postérieurement, de nouvelles infractions avaient été constatées les 18 mars, 30 avril, 7 mai et 3 juin 2023. Une procédure était en cours à ces sujets.

Une éventuelle violation de son droit d’être entendue ne l’avait pas empêchée de recourir contre la décision litigieuse en temps utile et de faire valoir ses moyens en toute connaissance de cause, de sorte qu’elle n’avait subi aucun préjudice. En toute hypothèse, une éventuelle irrégularité serait réparée devant la chambre administrative en raison de son pouvoir de cognition. Le renvoi de la cause au service constituerait une vaine formalité que rien ne justifiait.

Les faits litigieux avaient été dûment constatés par les APM. La recourante ne les contestait pas. Malgré le trouble causé par les consommateurs de l’établissement, hors du périmètre de la terrasse de celui-ci, elle n’avait pas fait appel à la police, et donc pas respecté ses obligations découlant de la LRDBHD.

Une faute, à tout le moins sous la forme d’une négligence lui était imputable. Les faits reprochés n’étaient rendus excusables par aucune circonstance. Compte tenu du nombre d’infractions en cause, de leur ampleur, ainsi que des antécédents de la recourante et des nombreux rappels à l’ordre lui ayant été précédemment adressés, le montant de l’amende infligée restait mesuré, même au regard de la situation financière de la société. L’amende contestée avait d’ailleurs été prononcée à l’encontre de la recourante et non pas de la société. La recourante ne formulait pas de grief à l’encontre de la mesure contenue dans la décision attaquée, hormis une violation du principe de la proportionnalité en raison du cumul avec l’amende. Pour les mêmes motifs, la nouvelle mesure de suspension, limitée à deux jours seulement, alors que la durée de la suspension pouvait aller jusqu’à six mois, apparaissait raisonnable.

En cas d’admission du recours, même partielle, il fallait retenir que la recourante ne pourrait prétendre à l’allocation d’une indemnité de procédure dans la mesure où elle ne démontrait pas l’existence, à sa charge, de frais indispensables causés par le recours, son conseil étant son associé et l’un des gérants de la société, domiciliée auprès de son étude. Il était donc peu plausible que celui-ci, frère de la recourante, lui adresserait une note d’honoraires. Au surplus, elle n’exposait pas concrètement avoir encouru des frais pour sa défense. Sa situation était similaire à celle d’un justiciable comparant en personne, lequel n’avait pas droit à une telle indemnité.

Étaient joints en particulier les documents suivants :

- divers rapports de la police municipale constatant des infractions à la LRDBHD les 28 juin 2021 (faits du 25 juin 2021), 6 septembre 2021 (faits du 4 septembre 2021), 26 septembre 2021 (faits du 5 septembre 2021), 20 septembre 2021 (faits du 18 septembre 2021), 24 février 2022 (faits du 18 février 2022), 3 novembre 2022 (faits du 30 octobre 2022) et du 27 avril 2023 (faits du 18 mars 2023) pour dépassement des limites autorisées de terrasses, fermeture tardive ou ouverture prématurée d’un café-restaurant ou d’un bar, occupation illicite du domaine public et ne pas faire respecter l’obligation de porter le masque de protection, exploitation de la terrasse de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, ne pas avoir veillé au maintien de l’ordre sur la terrasse de l’établissement et ne pas avoir pris toutes les mesures utiles à cette fin, avoir servi des boissons alcoolisées à des clients qui se tenaient debout hors du périmètre autorisé de la terrasse, de même que l’organisation de spectacles, danses ou animations musicales sans autorisation ;

- les décisions du service relatives aux infractions précitées des 5 août 2021, 30 septembre 2021, 25 novembre 2021, 1er décembre 2022 et 4 août 2023 (faits des 30 avril, 7 mai et 3 juin 2023), prononçant des amendes et mesures administratives (interdiction d’utiliser les deux terrasses) à l’encontre de A______.

c. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger, en l’absence de réplique de la recourante.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’autorité intimée du 11 juillet 2023, infligeant à la recourante une amende de CHF 2'000.- et prononçant à son encontre une interdiction d’exploiter ses terrasses pour une durée de deux jours.

Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

3.             Préalablement, la recourante se prévaut d’une violation de son droit d’être entendue, faute d’avoir eu connaissance des faits reprochés du 30 octobre 2022 et en raison de la motivation insuffisante de la décision querellée.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et l’art. 41 LPA, le droit d'être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (ATF 135 I 279 consid. 3.2 ; 132 II 485 consid. 3.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.1). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu ; l'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 144 I 11 consid. 5.3 et les arrêts cités).

Il comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

L’autorité n’a pas à attirer spécialement l’attention des parties sur les faits décisifs qui leur sont connus et qui fonderont la décision, ni sur l’argumentation juridique future de cette décision ou sur son appréciation juridique des faits allégués (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 269-270).

3.2 La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

3.3 La jurisprudence du Tribunal fédéral a déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 6.5). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause, en évaluant les chances de succès de son recours (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2).

3.4.1 En l’espèce, il ressort du dossier que, par courrier du 24 mars 2023, le service a informé la recourante de sa volonté de l’entendre au sujet des faits constatés les 18 février et 30 octobre 2022. À cela s’ajoute que selon le rapport des APM établi le 3 novembre 2022 au sujet des faits du 30 octobre 2022, F______ était alors présent, de sorte qu’il avait assisté à l’intervention de la police municipale, laquelle l’avait interrogé. Ce dernier s’est également rendu à l’entretien qui s’est tenu le 6 avril 2023, en lieu et place de la recourante, à la demande de celle-ci.

En ces circonstances, si l’autorité intimée ne conteste pas ne pas avoir transmis de copie du rapport du 3 novembre 2022 à la recourante, force est de constater que cette dernière ne saurait toutefois se prévaloir du fait qu’elle ignorait les faits reprochés, dans la mesure où, son gérant était présent lors du contrôle du 30 octobre 2022 et lors de l’entretien du 6 avril 2023 et qu’elle savait que ledit entretien allait porter sur ce sujet.

Cela étant dit, même à considérer que le droit d’être entendue de l’intéressée aurait pu être violé, faute pour elle d’avoir pu prendre connaissance du rapport du 3 novembre 2022 entre les 30 octobre 2022 et 11 juillet 2023, dite violation aurait été dûment réparée dans le cadre de la présente procédure. La recourante a d’ailleurs renoncé à exercer son droit à la réplique devant la chambre de céans, lequel lui a pourtant été valablement accordé.

3.4.2 Quant à la motivation de la décision querellée, si celle-ci peut a priori sembler succincte, les bases légales visées sont mentionnées, de même que les manquements reprochés, en particulier au titre des motifs de l’amende. La recourante disposait ainsi des indications suffisantes pour faire valoir ses droits, qu’elle a d’ailleurs pu valablement exercer par-devant la chambre de céans.

Ces griefs seront écartés.

4.             La recourante fait ensuite valoir une violation du principe de la proportionnalité, les sanctions infligées étant disproportionnées par rapport aux faits reprochés, compte tenu de la taille de l’établissement et des revenus générés par celui-ci.

4.1 La LRDBHD règle les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

Elle vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1 al. 2 LRDBHD).

De plus, les dispositions en matière de construction, de sécurité, de protection de l'environnement, de tranquillité publique, d'utilisation du domaine public, de protection du public contre les niveaux sonores élevés et les rayons laser, de prostitution, de protection contre la fumée et l'alcool, d'âge d'admission pour des spectacles ou divertissements (protection des mineurs), de denrées alimentaires et d'objets usuels, d'hygiène, de santé, ainsi que de sécurité et/ou de conditions de travail prévues par d'autres lois ou règlements sont réservées. Leur application ressortit aux autorités compétentes (art. 1 al. 4 LRDBHD).

4.2 Aux termes de l'art. 3 let. a LRDBHD, on entend par entreprise toute forme d'exploitation d'une activité vouée à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public, exercée contre rémunération ou à titre professionnel ; parmi les types d'entreprises vouées à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement, sont des cafés-restaurants et bars les établissements où un service de restauration et/ou de débit des boissons est assuré, et qui n'entrent pas dans la définition d'une autre catégorie d'entreprise (art. 3 let. f LRDBHD). Les cafés-restaurants font partie des entreprises vouées à la restauration, au débit de boissons et/ou à l'hébergement (art. 5 al. 1 let. a LRDBHD).

Est une terrasse un espace en plein air, couvert ou fermé, permettant la consommation de boissons ou d'aliments, qui est accessoire à une entreprise et qui se situe sur domaine public ou privé ; la terrasse peut être saisonnière ou permanente (art. 3 let. r LRDBHD).

4.3 L'art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (al. 1), qui doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2).

4.4 Aux termes de l'art. 4 al. 2 LRDBHD, la commune du lieu de situation de l'entreprise est compétente pour autoriser l'exploitation des terrasses (art. 4 al. 2 LRDBHD).

Les communes fixent les conditions d'exploitation propres à chaque terrasse, notamment les horaires, en tenant compte de la configuration des lieux, de la proximité et du type de voisinage, ainsi que de tout autre élément pertinent. L'horaire d'exploitation doit respecter les limites prévues par l'autorisation relative à l'entreprise, sans toutefois dépasser l'horaire maximal prévu par les art. 6 ou 7 al. 1 et 2 (art. 15 al.1 LRDBHD). La commune reçoit, instruit et délivre les autorisations d'exploiter les terrasses (art. 4 al. 2 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01).

Pour des motifs d'ordre public et/ou en cas de violation des conditions d'exploitation visées aux alinéas 1 et 2, les communes sont habilitées à prendre, pour ce qui touche à l'exploitation de la terrasse concernée, les mesures et sanctions prévues par la présente loi, lesquelles sont applicables par analogie (art. 15 al. 3 LRDBHD ; art. 4 al. 2 RRDBHD).

4.5 Parmi les obligations des exploitants et des propriétaires d'entreprises vouées à la restauration et au débit de boissons, l'art. 24 LRDBHD prévoit que l'exploitant doit veiller au maintien de l'ordre dans son établissement, qui comprend cas échéant sa terrasse, et prendre toutes les mesures utiles à cette fin (al. 1). L'exploitation de l'entreprise doit se faire de manière à ne pas engendrer d'inconvénients pour le voisinage (al. 2). Si l’ordre est troublé ou menacé de l’être, que ce soit dans son établissement, sur sa terrasse, ou encore, s’il l’a constaté, dans ses environs immédiats, l’exploitant doit faire appel à la police (al. 3). En cas de constat de troubles à l'ordre public ou de nuisances réitérés, le département peut exiger du propriétaire ou de l'exploitant qu'il organise à ses frais un service d'ordre adéquat afin que le maintien de l'ordre soit assuré (al. 4).

De plus, l'exploitant est tenu de respecter les heures d'ouverture et de fermeture indiquées dans l'autorisation (art. 25 al. 1 LRDBHD).

4.6 Selon l'art. 31 al. 9 LRDBHD, lorsqu’elles sont vendues par des établissements au sens de la LRDBHD, les boissons alcooliques doivent être consommées uniquement dans l’établissement, cas échéant dans le périmètre de la terrasse de ce dernier, sous réserve d’une autorisation au sens de l’art. 7 de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, du 17 janvier 2020 (LTGVEAT - I 2 25).

La consommation de boissons alcooliques peut uniquement avoir lieu dans les locaux de l’établissement ou, le cas échéant, à l’intérieur du périmètre de la terrasse (art. 42 al. 4 RRDBHD).

4.7 Les autorités de la police cantonale et les agents de police municipale ont les compétences de contrôle visées à l’art. 46 al. 2 RRDBHD (art. 46 al. 5 RRDBHD). Ainsi, les APM notamment s’assurent que l’exploitation est dûment autorisée, que les conditions légales et réglementaires, ainsi que les conditions d’exploitation, sont respectées par les exploitants (art. 46 al. 2 RRDBHD).

4.8 De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 7 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s'en écarter.

4.9.1 Pour des motifs d'ordre public et/ou en cas de violation des conditions d'exploitation des terrasses visées à l’art. 15 al. 1 et 2, les communes sont habilitées à prendre, pour ce qui touche à l'exploitation de la terrasse concernée, les mesures et sanctions prévues par la LRDBHD, lesquelles sont applicables par analogie (art. 15 al. 3 LRDBHD).

Dans ce contexte, en cas d’infraction à la LRDBHD et à ses dispositions d’exécution, ainsi qu’aux conditions des autorisations, la commune peut infliger une amende administrative de CHF 300.- à CHF 60'000.- en sus du prononcé de l’une des mesures prévues aux art. 61, 62 et 64 LRDBHD, respectivement à la place ou en sus du prononcé de l’une des mesures prévues à l'art. 63 LRDBHD (art. 65 al. 1 LRDBHD). Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise en raison individuelle, la sanction de l’amende est applicable aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondent solidairement des amendes. La sanction est applicable directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 65 al. 2 LRDBHD).

De même, la commune prononce, en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, les mesures suivantes à l’encontre de l’exploitant, la suspension de l’autorisation d’exploiter, pour une durée maximum de 6 mois (art. 63 al. 1 let. b LRDBHD).

4.9.2 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/1158/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3 ; ATA/12/2015 du 6 janvier 2015 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 s).

4.9.3 L’autorité qui prononce une amende administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine ; par renvoi de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 - LPG - E 4 05 ; ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8e ; ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4b). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence.

Par ailleurs, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il y a lieu de tenir compte de la culpabilité de l’auteur et de prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est, notamment, déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu des circonstances (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1158/2019 précité consid. 5b et les références citées).

Le PCTN – in casu la commune – jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’amende. La juridiction de céans ne le censure qu’en cas d’excès (ATA/983/2021 du 24 septembre 2021 consid. 7b ; ATA/625/2021 du 15 juin 2021consid. 4b et les références citées).

En outre, en matière de nuisances sonores, la législation s’est durcie à l’encontre des établissement suite à l’abandon de la notion de gravité, et, de jurisprudence constante, les agents de police peuvent, par exemple, dresser un constat d'infraction sur la base de leur appréciation, la loi n'exigeant pas qu'ils aient recours à un engin de mesure (ATA/1369/2023 du 19 décembre 2023 consid. 7.4 ; ATA/1012/2022 du 6 octobre 2022).

4.10 En l’occurrence, la recourante ne conteste pas les faits reprochés en tant que tels. D’après ses écritures, son argumentation se concentre principalement sur la proportionnalité des sanctions prononcées et cumulées.

Il y a donc lieu de retenir que les faits reprochés par l’autorité intimée le 30 octobre 2022, à savoir ne pas avoir veillé au maintien de l’ordre, avoir causé des inconvénients graves pour le voisinage et servi des boissons alcooliques en dehors des terrasses, sont avérés.

Dès lors, il s’agit de déterminer si l’amende de CHF 2'000.- et l’interdiction d’exploiter les deux terrasses pour une durée de deux jours, sont proportionnées, compte tenu des circonstances du cas d’espèce, en particulier des antécédents et de la situation financière de la recourante.

Selon les divers rapports et décisions produits par l’autorité intimée, l’établissement a fait l’objet de pas moins de dix interventions de la part de la police municipale entre le 25 juin 2021 et le 3 juin 2023, lesquelles ont toutes donné lieu à la constatation de diverses violations de la LRDBHD et du RRDBHD. D’une manière générale, le dépassement des limites autorisées des terrasses, l’exploitation de celles-ci de manière à engendre des inconvénients graves pour le voisinage, le fait de ne pas avoir veillé au maintien de l’ordre sur celles-ci et d’avoir servi des boissons alcoolisées à des clients qui se tenaient debout hors du périmètre autorisé des terrasses, sont particulièrement récurrents. La condition de la récidive est donc manifestement réalisée.

En outre, la recourante se prévaut de la situation financière de l’entreprise en produisant les états financiers 2020 et 2021. Or, il ressort clairement de la décision querellée que l’amende de CHF 2'000.- lui est infligée à titre personnel. Elle ne produit aucun document relatif à sa propre situation financière, attestant qu’elle ne serait pas en mesure de s’en acquitter. Elle ne le prétend d’ailleurs pas non plus.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en sanctionnant la recourante d’une amende de CHF 2'000.- et une interdiction d’exploiter les terrasses de l’établissement pour une durée de deux jours, compte tenu des circonstances du cas d’espèce et des maximums légaux.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée dans la mesure où elle comparait par l’intermédiaire de son frère, également associé gérant de la société et en l’étude duquel celle-ci est domiciliée. Elle n’a d’ailleurs pas allégué avoir exposé de frais pour assurer sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 septembre 2023 par A______ contre la décision de la Ville de Genève - service de l'espace public du 11 juillet 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mattia DEBERTI, avocat de la recourante, ainsi qu'à la Ville de Genève - service de l'espace public.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :