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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1188/2022

ATA/1012/2022 du 06.10.2022 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1188/2022-EXPLOI ATA/1012/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 octobre 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michael Lavergnat, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Monsieur A______ est administrateur de la société B______ (auparavant C______) depuis fin 2004.

B______ est notamment propriétaire du café-restaurant D______ (ci-après : l'établissement), à l'adresse ______ à Genève, ouvert en 1997.

M. A______ est, depuis 2017, l'exploitant de l’établissement, aux termes d'une autorisation délivrée le 3 octobre 2017 par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

2) À teneur d'un rapport établi le 3 août 2021 par la police municipale, l'établissement aurait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, en infraction à la loi sur la restauration, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) et à son règlement d'application.

Le 30 juillet 2021 à 22h05, l’attention de policiers municipaux du poste des Eaux-Vives s’était portée sur un bruit excessif de musique provenant de l’établissement. Ils avaient effectivement constaté du bruit excessif à l’intérieur. La musique diffusée était de nature à déranger le voisinage, le haut-parleur à l’intérieur du commerce étant orienté vers l’extérieur. Ils avaient demandé au responsable de l’établissement de baisser le volume du son, ce qu’il avait fait.

Le rapport a été établi par les appointés « E______, F______ et G______ ».

3) Aux termes d'un rapport établi le 30 août 2021 par la police municipale, l'établissement aurait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, en infraction à la LRDBHD et à son règlement d'application.

Le 18 août 2021 à 19h45, les agents de police avaient été requis par leur centrale d’engagement pour du bruit provenant de l’établissement. Arrivés sur place, ils avaient constaté que le bruit était « effectivement audible à une dizaine de mètres depuis la rue ______ », qu’un appareil reproducteur de son était positionné sur le pas de la porte, tourné vers l’extérieur, ainsi que la présence d'un DJ qui mixait sur la terrasse, du côté du ______. Ils avaient demandé au directeur de diminuer le volume sonore et de déplacer l’enceinte à l’intérieur de l’établissement, ce qu’il avait fait.

Les vérifications d'usage qui s'en étaient suivies avaient eu lieu dans une ambiance houleuse. Le rapport fournissait les détails.

Deux photos étaient jointes au rapport, lequel avait été établi par les appointés « H______, I______ et J______ ».

4) Selon un rapport établi le 1er septembre 2021 par la police municipale, l'établissement aurait été exploité de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage, en infraction à la LRDBHD et à son règlement d'application.

Le 28 août 2021 à 22h30, à la demande « du domaine public », des passages auprès des établissements du ______ avaient été organisés. Lors de l’un d’entre eux, des agents de la police municipale du poste des Eaux-Vives avaient constaté que du bruit de musique était perceptible depuis ______, provenant de l’établissement. Devant la porte d’entrée était installé un haut-parleur qui diffusait le son vers la terrasse. Les agents avaient pris contact avec le responsable sur place, à qui ils avaient demandé de faire le nécessaire afin que la musique ne soit plus audible depuis le domaine public.

Le rapport a été établi par les Appointés « K______ et L______ ».

5) Par courrier du 29 novembre 2021, M. A______ a fait valoir son droit d’être entendu à la suite de ces trois rapports. Il les contestait et développait plusieurs critiques.

6) Par courriers des 19 janvier, 28 janvier et 7 février 2022, le PCTN a sanctionné M. A______ pour diverses infractions suite aux rapports établis par la police. Plusieurs infractions à l’art. 24 al. 2 LRDBHD, soit « inconvénients graves pour le voisinage » et à l'art. 36 LRDBHD, « non-respect des conditions de l’autorisation d’animation », avaient été commises.

Ces trois décisions ont fait l'objet de recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), enregistrés sous les numéros de cause A/574/2022, A/577/2022 et A/578/2022.

7) Par décision du 16 mars 2022, annulant et remplaçant les trois décisions précitées, le PCTN a maintenu ses griefs, mais renoncé à traiter les trois complexes de faits séparément. Se ralliant à l’argumentation du recourant, elle a prononcé une peine d’ensemble sous la forme d’une seule amende.

L'établissement avait été exploité de manière à causer des inconvénients pour le voisinage à trois reprises, soit les 30 juillet, 18 août et 28 août 2021, et une animation non conforme à l'autorisation délivrée avait été organisée le 18 août 2021. Compte tenu d'antécédents en 2019 et 2020, elle a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 1'665.- et a prononcé un avertissement sur les conséquences d’une nouvelle récidive.

8) Par acte du 13 avril 2022, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision dont il a conclu à l’annulation. Préalablement, la comparution des agents H______, I______ et J______ devait être ordonnée. Le PCTN devait produire les directives topiques en matière de fixation de la peine.

a. Les faits avaient été constatés de façon inexacte. Les rapports étaient particulièrement lacunaires et imprécis et ne permettaient pas d’établir les faits à satisfaction de droit.

Le rapport du 3 août 2021 mentionnait que le haut-parleur était à l’intérieur du commerce. À la demande des agents, le responsable avait baissé la musique.

Le rapport du 30 août 2021 indiquait que le bruit était audible à une dizaine de mètres depuis ______. Ce n’était qu’une fois à l’intérieur de l’établissement que les agents avaient constaté qu’un appareil reproducteur de son était positionné sur le pas de la porte, tourné vers l’extérieur, ainsi que la présence d’un DJ qui mixait sur la terrasse côté du ______. Au cours d’un échange houleux, l’appointé J______ avait pris la liberté de saisir par le bras le directeur en lui demandant de se calmer. La performance du DJ avait été autorisée à se poursuivre à l’intérieur. Le recourant contestait qu’un appareil reproducteur de son ait été disposé sur le domaine public. Seule une enceinte était positionnée à l’intérieur, dans l’entrée, de manière à accueillir les clients à leur arrivée. Il était par ailleurs surprenant qu’il soit fait référence à une réquisition de la centrale d’engagement de la police municipale. Il était peu crédible que la CECAL ou la centrale d’engagement ait été sollicitée, un soir d’été, à 19h45, pour du bruit de musique audible à une dizaine de mètres. Les agents présents n’avaient d’ailleurs pas fait mention de plaintes ou de réquisition, mais avaient seulement indiqué que « le domaine public » leur avait demandé de faire des passages fréquents. L’audition des trois agents (H______, I______ et J______) était, outre l’audition du directeur, sollicitée au titre de preuves.

Le rapport du 1er septembre 2021 indiquait que les passages auprès des établissements de ______ avaient été organisés à la demande du domaine public. Le rapport indiquait que le bruit était « perceptible » depuis ______, en provenance de l’établissement du recourant. Les agents avaient demandé au responsable que la musique ne soit plus « audible » depuis le domaine public.

Or, il était étonnant que des contrôles soient diligentés par le « domaine public » qui n’était pas pourvu de compétences particulières en matière d’ordre public et de nuisances sonores. Le recourant était par ailleurs en litige avec celui-ci depuis de nombreuses années, suite à l’aménagement de ses terrasses.

b. Son droit d’être entendu avait été violé Il avait souhaité obtenir des éclaircissements sur les circonstances entourant ces trois contrôles et obtenir des précisions sur les raisons du passage ainsi que sur la réquisition de la centrale d’engagement le 18 août 2021. Ces éléments étaient pertinents dès lors qu’il s’agissait d’éventuels inconvénients pour le voisinage et qu’il serait utile de savoir si des personnes s’étaient plaintes. Le PCTN n’avait rien entrepris.

La décision était opaque quant aux critères en matière de fixation de la peine, raison pour laquelle la production de la directive idoine était sollicitée.

c. L’art. 24 al. 2 LRDBHD avait été violé en l’absence de plaintes d’un quelconque riverain. La disposition ne servait pas à punir des violations hypothétiques, supposées voire fantasmagoriques.

d. L’art. 36 al. 2 LRDBHD avait été violé. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans avait constaté que le seul fait d’ouvrir la porte, de telle sorte que le bruit était audible depuis l’extérieur, ne saurait à lui seul être qualifié d’infraction. Ni la loi ni la jurisprudence ne donnait de définition de la notion d’« animation en terrasse ». Les termes employés par les agents laissaient à penser qu’il s’agissait uniquement d’une musique de fond. L’interprétation faite par les agents municipaux imposerait, en plein été, et en l’occurrence en pleine pandémie, de boucler intégralement toutes les ouvertures et aérations de tous les établissements de manière à s’assurer que le bruit ne soit plus audible depuis le domaine public.

e. Le principe de la libre appréciation des preuves avait été violé, le PCTN affirmant que les constatations établies par la police municipale ne pouvaient être remises en question.

9) Le PCTN a conclu au rejet du recours.

À teneur de l’art. 24 LRDBHD, il appartenait à l’exploitant de veiller au maintien de l’ordre dans son établissement et de l’exploiter sans générer de nuisances pour le voisinage. Que celui-ci soit composé de commerces était sans pertinence.

Les trois contrôles avaient été effectués par huit agents différents. Ils avaient fait suite à des plaintes ou des constats que le bruit de musique était excessif.

Le recourant avait déjà fait l’objet de deux condamnations, les 12 septembre 2019 et 9 septembre 2020, pour avoir commis trois infractions, respectivement aux art. 24 al. 2 et 36 al. 2 LRDBHD. Il réitérait le modus operandi.

10) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans sa demande d’audition des trois appointés précités. Il était crucial de déterminer si des riverains, voisins ou commerçants, s’étaient plaints. L’ordre pourrait en effet émaner de supérieurs hiérarchiques, à des fins préventives, en l’absence de toute plainte.

Les dispositions légales mentionnées faisaient état d’inconvénients qualifiés de graves. À teneur du dossier, le recourant se serait rendu coupable, à cinq reprises, d’inconvénients graves. Or, aucune preuve d’une éventuelle plainte de voisins, voire d’un éventuel inconvénient causé à l’un d’entre eux, n’avait jamais été produite par l’autorité intimée. En l’absence d’audition des témoins, les constatations établies par la police municipale ne pouvaient jamais être remises en question et les voies de droit proposées n’étaient qu’un simple habillage. Le justiciable devait accepter les constats, les sanctions, « payer et se taire ». Or, les rapports étaient approximatifs et imprécis, les bruits étant qualifiés d’ « audibles » ou « perceptibles », sans jamais se référer à une possible répercussion concrète de cette musique sur les riverains et le voisinage et sans se prononcer sur la question de savoir si cette musique se distinguait du fond sonore habituel constitué des autres établissements, des voitures, des musiciens de rue voire d’autres noctambules.

Les conséquences pour le recourant étaient graves. Il s’était vu infliger des amendes importantes et refuser toute animation musicale et toute prolongation de l’horaire d’exploitation depuis le début de l’année 2022, ce qui avait des conséquences catastrophiques pour l’établissement qui sortait de la crise sanitaire. L’autorité intimée devait en conséquence mener une réelle et sérieuse instruction du dossier afin de déterminer, preuves à l’appui, la nature et l’ampleur des « graves inconvénients pour le voisinage ». En procédure pénale, le recourant aurait obtenu le droit d’être confronté à ses accusateurs et aux agents verbalisateurs. Cette différence de traitement, en procédure administrative, n’était pas compréhensible ni soutenable dès lors que les conséquences étaient tout aussi graves pour lui.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

12) Le contenu des pièces sera pour le surplus repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite l’audition de trois appointés ayant établi le rapport du 30 août 2021, à la suite des faits du 18 août 2021. Il souhaite notamment éclaircir les motifs de leur intervention, mettant en doute l’existence d’un appel de « leur centrale d’engagement ». Leur audition serait aussi nécessaire en vue d’établir précisément les faits.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4).

b. En l’espèce, l’origine de l’intervention des agents n’est pas déterminante pour l’issue du litige. Les faits ont été établis à satisfaction de droit conformément aux considérants qui suivent. Il ne sera en conséquence pas donné suite à la demande d’audition de témoins.

3) a. La LRDBHD, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, a pour but de régler les conditions d’exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

Elle vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l’ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1
al. 2 LRDBHD).

De plus, les dispositions en matière de construction, de sécurité, de protection de l’environnement, de tranquillité publique, d’utilisation du domaine public, de protection du public contre les niveaux sonores élevés et les rayons laser, de prostitution, de protection contre la fumée et l’alcool, d’âge d’admission pour des spectacles ou divertissements (protection des mineurs), de denrées alimentaires et d’objets usuels, d’hygiène, de santé, ainsi que de sécurité et / ou de conditions de travail prévues par d’autres lois ou règlements sont réservées. Leur application ressortit aux autorités compétentes (art. 1 al. 4 LRDBHD).

b. En vertu de l’art. 24 LRDBHD, l’exploitant doit veiller au maintien de l’ordre dans son établissement, qui comprend cas échéant sa terrasse, et prendre toutes les mesures utiles à cette fin (al. 1). Il doit exploiter l’entreprise de manière à ne pas engendrer d’inconvénients pour le voisinage (al. 2). Si l’ordre est troublé ou menacé de l’être, que ce soit dans son établissement, sur sa terrasse, ou encore, s’il l’a constaté, dans ses environs immédiats, l’exploitant doit faire appel à la police (al. 3). En cas de constat de troubles à l’ordre public ou de nuisances réitérés, le département peut exiger du propriétaire ou de l’exploitant qu’il organise à ses frais un service d’ordre adéquat afin que le maintien de l’ordre soit assuré (al. 4).

c. Dans le chapitre IV relatif aux « dispositions sur les activités accessoires de divertissement dans les établissements voués au débit de boissons, à la restauration et à l'hébergement », section 1 afférente à l’animation, l’art. 36 LRDBHD prescrit que, sauf dans les dancings et cabarets-dancings, toute animation, telle que la musique, la danse ou la présentation d'un spectacle, est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation du département, dans le respect de la procédure prévue aux art. 20 et 21 LRDBHD (al. 1). L’autorisation est délivrée pour un genre d’animation et une durée déterminés (al. 2). N'est pas considéré comme une animation un fond sonore ne dépassant pas le niveau de décibels fixé par le règlement d’exécution (al. 3).

L’art. 35 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01) précise que, sauf dans les dancings et cabarets-dancings, toute animation (musique, danse, présentation d'un spectacle) est subordonnée à l'obtention préalable d'une autorisation, à moins que le fond sonore généré par l'animation ne dépasse pas 65dB(A), pour les établissements construits avant 1985, respectivement 75dB(A), pour ceux construits après cette date (al. 1). La diffusion de divertissements ou d'événements sportifs au moyen d'un téléviseur est assimilée à la présentation d'un spectacle (al. 2). L'autorisation est délivrée pour un genre d'animation et une durée déterminée (art. 36 al. 2 LRDBHD). Un établissement qui souhaite effectuer plusieurs types d'animations, doit déposer une requête pour chacun d'eux (al. 3). L'autorisation permet uniquement d'organiser les animations à l'intérieur des locaux de l'établissement, à l'exclusion de la terrasse (al. 4).

4) a. À teneur de l’art. 60 LRDBHD, le département est l’autorité compétente pour décider des mesures et sanctions relatives à l’application de la présente loi. Sont réservées les dispositions spéciales de la LRDBHD qui désignent d’autres autorités, de même que les mesures et sanctions prévues par d’autres lois et règlements qui relèvent notamment des domaines visés à l’art. 1 al. 4 LRDBHD (al. 1). Tout rapport établi par la police, ou par tout autre agent de la force publique habilité à constater les infractions à la LRDBHD, est transmis sans délai au département (al. 2).

De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 3d ; ATA/333/2020 du 7 avril 2020 consid. 2d et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

b. Aux termes de l’art. 65 LRDBHD intitulé « amendes administratives », en cas d’infraction à ladite loi et à ses dispositions d’exécution, ainsi qu’aux conditions des autorisations, le département peut infliger une amende administrative de CHF 300.- à CHF 60'000.- en sus du prononcé de l’une des mesures prévues aux art. 61, 62 et 64, respectivement à la place ou en sus du prononcé de l’une des mesures prévues à l'art. 63 LRDBHD (al. 1). Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise en raison individuelle, la sanction de l’amende est applicable aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom. La personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondent solidairement des amendes. La sanction est applicable directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (al. 2).

5) a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/1158/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3 ; ATA/12/2015 du 6 janvier 2015 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 s).

b. L’autorité qui prononce une amende administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine ; par renvoi de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 - LPG - E 4 05 ; ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8e ; ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4b). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence.

Par ailleurs, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.). Il y a lieu de tenir compte de la culpabilité de l’auteur et de prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est, notamment, déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu des circonstances (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1158/2019 précité consid. 5b et les références citées).

Le PCTN jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’amende. La juridiction de céans ne le censure qu’en cas d’excès (ATA/983/2021 du 24 septembre 2021 consid. 7b ; ATA/625/2021 du 15 juin 2021consid. 4b et les références citées).

6) a. Pour retenir des infractions aux art. 24 al. 2 et 36 LRDBHD cum 35 RRDBHD, l'intimée se fonde sur les rapports de police.

S'agissant de la soirée du 30 juillet 2021 à 22h05, l’attention des policiers municipaux a été attirée par un bruit excessif de musique. Ceux-ci ont également constaté non seulement un bruit excessif à l’intérieur de l’établissement, mais que le haut-parleur était orienté vers l’extérieur.

Selon le rapport du 30 août 2021, se rapportant aux faits du 18 du même mois à 19h45, les agents ont constaté que le bruit provenant de l’établissement était audible à une dizaine de mètres depuis ______, qu’un appareil reproducteur de son avait été positionné sur le pas de la porte, qu’il était tourné vers l’extérieur, et qu’enfin, un DJ mixait sur la terrasse.

Le 28 août 2021 à 22h30, les agents de la police municipale ont constaté du bruit de musique, perceptible depuis ______, soit approximativement à 30 m de l’établissement, à teneur du système d’information du territoire à Genève. Un haut-parleur diffusait le son en direction de la terrasse.

Le recourant ne conteste pas que, lors de chaque intervention, de la musique était diffusée dans son établissement. Dans les trois rapports, il est relevé que, si le haut-parleur duquel émanait la musique se trouvait à l’intérieur du commerce, il était systématiquement dirigé vers l’extérieur de l’établissement, ce qui est propre à créer du bruit sur le domaine public. De surcroît, lors de la seconde intervention, un DJ mixait sur la terrasse du restaurant. C'est donc en vain que l'intéressé reproche à l'intimé d'avoir mal établi les faits en évoquant un bruit, respectivement « excessif » « de nature à déranger le voisinage » « effectivement audible » ou « perceptible ». Il est en effet de jurisprudence constante que les agents de police peuvent dresser un constat d'infraction sur la base de leur appréciation, la loi n'exigeant pas qu'ils aient recours à un engin de mesure (ATA/333/2020 du 7 avril 2020 ; ATA/247/2020 du 3 mars 2020 consid. 5a ; ATA/1370/2019 du 10 septembre 2019 consid. 4b et les références citées). De surcroît, les agents qui sont intervenus lors de ces interventions étaient à chaque fois différents. C’est en conséquence pas moins de huit appointés qui ont constaté un excès de bruit provenant de l’établissement.

Par ailleurs, à teneur de l’art. 24 al. 2 LRDBHD, et contrairement à ce que soutient le recourant, il n’est pas nécessaire que le voisinage ait effectivement été incommodé ou qu’une plainte soit déposée. L’entreprise doit en effet être exploitée de manière à ne pas engendrer d’inconvénients pour le voisinage, étant rappelé que l’établissement se situe en plein centre de la ville de Genève.

Il est sans pertinence que le recourant conteste la qualification d’inconvénients « graves » formulée dans les rapports de police et reprise par l’autorité intimée, dès lors que la seule existence d’inconvénients suffit au regard de la LRDBHD et de son règlement.

C'est en conséquence à juste titre que l'intimé a retenu une violation par le recourant de l'art. 24 al. 2 LRDBHD.

C’est de même à bon droit que l’autorité intimée a retenu une violation de l’art. 36 LRDBHD le 18 août 2021, un DJ étant en train de mixer sur la terrasse de l’établissement. Deux photos sont par ailleurs jointes au rapport de police et attestent tant de ladite installation de mixage sur la terrasse que d’un haut-parleur dirigé vers l’extérieur de l’établissement. Ceci répond à la définition de l’animation à l’extérieur, en violation de l’art. 36 LRDBHD. C’est donc à tort que le recourant soutient que l’ « ensemble du dispositif reproducteur de son était à l’intérieur ».

b. Pour ce qui est du montant de l’amende administrative, le recourant ne l’a pas contesté en tant que tel.

S’agissant de quatre infractions, à savoir trois violations de l’art. 24 et une de l’art. 36 LRDBHD, survenues trois soirs à des dates rapprochées en 2021, dans un espace d’une taille non négligeable, une amende administrative de CHF 1'665.- n’apparaît pas éloignée du minimum prévu par l’art. 65 LRDBHD et est conforme au principe de la proportionnalité. Elle tient par ailleurs équitablement compte de deux antécédents, soit une amende du 12 septembre 2019 d’un montant de CHF 1'025.-, toutefois réduit à CHF 500.- par arrêt de la chambre de céans du 7 avril 2020, - une des infractions n’ayant pas été retenue, - et de CHF 810.- le 9 septembre 2020.

Le recourant n’a par ailleurs pas rempli le questionnaire relatif à sa situation personnelle et financière, qu’il a pourtant reçu à trois reprises, et rien ne permet de penser que celle-ci serait précaire.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 avril 2022 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 16 mars 2022 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Lavergnat, avocat du recourant, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :