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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3350/2023

ATA/1369/2023 du 19.12.2023 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3350/2023-EXPLOI ATA/1369/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Stanley CONNOR, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - SERVICE DE L'ESPACE PUBLIC intimée



EN FAIT

A. a. A______ est administrateur, avec signature individuelle, de la société anonyme « B______ SA », dont le but consiste notamment en l’exploitation de tous établissements publics, cafés, bars, restaurants. Son siège est au ______, rue C______.

Il exploite le « D______ », sis à la même adresse (ci-après : l’établissement).

b. Le 2 février 2023, il a fait l’objet d’une amende administrative de CHF 300.- du service de la police municipale (ci‑après : SPM) de la ville de Genève pour avoir, le dimanche 30 octobre 2022, à 01h39, exploité la terrasse de son établissement de manière à engendrer des inconvénients graves pour le voisinage. Selon le rapport établi par les agents, le « chuchoteur » n’était pas intervenu auprès des clients, pianotant sur son téléphone portable. L’exploitant avait reconnu les faits et informé le SPM qu’il allait « remettre à l’ordre son chuchoteur ».

L’amende n’a pas été contestée.

c. Le 10 juillet 2023, le SPM a infligé une amende administrative (n° 1______ 1) d’un montant de CHF 1'000.- à A______ pour, les jeudi 4 et dimanche 7 mai, à 23h30 et 00h40 : a) avoir servi des boissons alcoolisées à des clients qui se tenaient debout hors du périmètre autorisé de la terrasse de son établissement ; b) ne pas avoir veillé au maintien de l’ordre sur la terrasse de son établissement ni pris toutes les mesures utiles à cette fin.

Un recours a été interjeté auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette amende (cause A/2835/2023).

d. Le 14 septembre 2023, le SPM a infligé une amende administrative (n° 1______ 3) d’un montant de CHF 2'000.- à A______ pour, le dimanche 16 juillet 2023, à 01h20 : a) avoir dépassé les limites autorisées de la terrasse ; b) ne pas avoir veillé au maintien de l’ordre sur la terrasse de son établissement ; c) avoir servi des boissons alcoolisées à des clients qui se tenaient debout hors du périmètre de la terrasse de son établissement.

B. a. Par acte du 16 octobre 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative. Il a conclu à son annulation. Préalablement, la cause devait être jointe à trois autres recours interjetés le 11 septembre 2023 par d’autres exploitants de bars sis dans la même rue et lui-même.

Les faits avaient été constatés de façon incomplète et inexacte. Le prononcé de l’amende violait la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5) et la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10). Le SPM avait abusé de son pouvoir d’appréciation en lui infligeant une sanction.

b. Invité à répondre, y compris à se déterminer sur la compétence de la chambre administrative, le SPM a uniquement indiqué avoir procédé à l’annulation de l’amende faisant l’objet de la présente cause et rendu une nouvelle décision, qui la remplaçait.

Étaient joints un courrier de deux pages à A______ et une nouvelle amende. Les agents de la police municipale qui avaient procédé au constat des situations litigieuses les 2, 15 et 16 juillet 2023 n’avaient pas relevé que le podium de la terrasse ne respectait pas le périmètre autorisé pour son installation. C’était par erreur qu’une infraction à l’art. 31 al. 2 au règlement concernant l'utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 (RUDP - L 1 10.12) avait été retenue. Les infractions à la LRDBHD étaient maintenues et l’amende diminuée à CHF 1'200.-.

c. Interpellé sur la suite à donner au dossier, le recourant a relevé que son recours conservait tout son objet. Il invitait la chambre administrative à continuer à traiter son recours en application de l’art. 67 al. 3 LPA.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut à la jonction de sa procédure avec trois autres causes.

2.1 Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

2.2 En l'espèce, les autres procédures concernent des recours émanant d’autres exploitants ou gérants et une concernant le recourant. Les trois autres causes ont été délibérées le 12 décembre 2023. Dans ces conditions, elles ne peuvent plus être jointes.

3.             À teneur de l’art. 67 LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours (al. 1). Toutefois, l’autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie, sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l’autorité de recours (al. 2). L’autorité de recours continue à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision ne l’a pas rendu sans objet (art. 3).

3.1 L'autorité de recours admettra que le recours est devenu sans objet lorsque la nouvelle décision crée un état de droit tel que l'intérêt juridique du recourant à ce qu'il soit statué sur le recours a disparu, ce qui arrive lorsque la nouvelle décision fait entièrement droit aux conclusions du recourant. Lors de cet examen, l'autorité de recours est ainsi liée par la nouvelle décision dans la mesure où elle correspond aux conclusions du recourant. Lorsque la nouvelle décision ne donne que partiellement gain de cause au recourant, le recours n'est privé de son objet que dans la même mesure. L'instruction se poursuit pour les points encore litigieux. Si la nouvelle décision aggrave la situation du recourant (reformatio in pejus), elle ne remplace pas la première, mais est considérée comme constituant le chef de conclusions de l'autorité intimée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_653/2012 du 28 août 2012 consid. 4.3.1 et les références citées).

3.2 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).

3.3 En l’espèce, si certes l’autorité intimée a retiré de la décision litigieuse l’infraction à la LDPu, elle a maintenu celle relative à la LRDBHD pour le dimanche 16 juillet 2023 à 01h20. Elle a par ailleurs péjoré la situation de l’administré en l’amendant pour des faits qui se seraient déroulés le dimanche 2 juillet 2023 à 01h30 et le samedi 15 juillet 2023 à 00h50.

Conformément à la jurisprudence précitée, l’autorité intimée conclut à la condamnation du recourant pour des infractions supplémentaires aux deux dernières dates précitées, lesquelles ne faisaient pas l’objet du litige initial. Dans cette mesure, ses conclusions sont irrecevables, l’appel joint étant inconnu en procédure administrative.

L’autorité intimée n’a fourni aucune explication sur la question des dates. Il ressort toutefois du recours que « renseignements pris auprès du SEP, Monsieur A______ a appris que la décision entreprise était une sanction "d’ensemble" portant sur les événements de trois soirées ». Suivent les trois dates précitées. Le recourant a versé à la procédure trois rapports de renseignements. Dès lors toutefois que l’amende initiale ne précisait que la date du 16 juillet 2023 et ne faisait aucune mention d’infraction à d’autres dates, les événements des 2 et 15 juillet 2023 ne sauraient être compris dans l’objet du litige.

Ce dernier consiste dès lors exclusivement en l’analyse d’une éventuelle violation de la LRDBHD le dimanche 16 juillet 2023 à 01h20.

4.             Il ne sera pas donné suite à la conclusion préalable en transport sur place, au vu des considérants qui suivent.

5.             Le recourant se plaint d’un mauvais établissement des faits.

5.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA).

5.2 Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Cela ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. En l'absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d'éléments probants au dossier, l'autorité qui met fin à l'instruction du dossier en considérant qu'un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l'arbitraire ni ne viole l'art. 8 CC relatif au fardeau de la preuve (ATF 148 II 465, 470 consid. 8.3).

La constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2).

5.3 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés, sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/1083/2023 du 3 octobre 2023 consid. 2.5 ; ATA/791/2023 du 18 juillet 2023 consid. 6.1 et les arrêts cités).

5.4 Il n’appartient pas à la chambre de céans, juridiction de recours appelée notamment à examiner le grief de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, de se substituer à l’autorité administrative et de procéder à l’instruction initiale nécessaire à l’établissement desdits faits (ATA/153/2019 du 19 février 2019 ; ATA//358/2019 du 2 avril 2019 consid. 11).

5.5 De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/791/2023 du 18 juillet 2023 consid. 7.7).

5.6 En l’espèce, dans son recours, le recourant conteste que les personnes qui obstruaient le trottoir aient été des clients de l’établissement. La rue C______ était très fréquentée en fin de semaine, surtout aux horaires auxquels les agents étaient venus contrôler l’établissement. Ce dernier employait un agent de sécurité, E______ qui tenait compte du nombre de personnes admises dans le bar. Lors de la soirée concernée, son compteur avait rapidement affiché le nombre maximum de convives autorisés, terrasse comprise. Il ne pouvait donc légalement plus accepter de nouveaux clients à partir de 1h00 du matin environ. Le recourant, les membres de son équipe et surtout E______ avaient été contraints de refuser l’entrée à un nombre important de personnes qui cherchaient à pénétrer dans le bar. Plusieurs d’entre elles qui s’étaient vues refuser l’entrée avaient décidé de rester devant l’établissement, probablement pour pouvoir être les premières à entrer au cas où une place devait s’y libérer. Le personnel avait tout mis en œuvre pour dissiper ces attroupements. D’ailleurs, aucun des individus qui se trouvait sur la voie publique, sur le trottoir ou sur la route, ne portait de verre à la main sur les deux photos prises par les agents.

Le recourant allègue ainsi avoir pris les mesures nécessaires. On ignore quelles ont été les premières déclarations de l’intéressé, puisque le rapport de renseignements n’en fait pas mention. De surcroît, il n’a pas été proposé au recourant de se déterminer sur le rapport par écrit avant que la décision ne soit rendue, ce qui constitue une violation de son droit d’être entendu.

La présence d’un agent de sécurité employé de l’établissement au moment des faits est un élément important notamment pour déterminer le soin mis par l’exploitant à respecter la législation en vigueur. Or, aucun élément du dossier ne confirme sa présence, sauf à retenir l’absence de dénégation sur ce point de l’autorité intimée, qui n’a pas souhaité se déterminer sur le fond, se limitant à indiquer qu’elle avait rendu une nouvelle décision. On ignore ainsi s’il était présent au moment du contrôle, et dans l’affirmative à quelles tâches il vaquait et s’il tentait bien de faire respecter la réglementation en vigueur auprès de la clientèle. On ignore par ailleurs sa détermination tant sur le taux de remplissage de l’établissement, que par rapport aux personnes sur le trottoir et dans la rue, notamment s’il avait eu l’occasion de les refouler.

En conséquence, le dossier est incomplet. Ceci est d’autant plus vrai compte tenu de ce qui suit.

6.             Le recourant se plaint d’une violation de la LRDBHD. La chambre de céans ne se serait pas encore prononcée sur la question de savoir si un attroupement, temporaire, de personnes sur le trottoir entre la terrasse d’été de l’établissement peut, à lui seul, constituer une violation de l’art. 24 al. 1 LRDBHD. Par ailleurs, la chambre administrative, n’avait analysé la problématique que sous l’angle de la loi dans sa teneur antérieure. La simple présence, temporaire, de l’attroupement sur le trottoir ne pouvait pas avoir causé d’entrave à la sécurité publique et encore moins être imputable au recourant s’agissant de la conséquence exclusive des nouvelles prescriptions horaire et de l’importante influence dans la rue. Il était regrettable que les agents s’évertuent à contrôler les établissements précisément au moment du transit, de la terrasse à l’intérieur, en raison de la fermeture, à des périodes de forte affluence. L’amende devait être annulée.

6.1 La LRDBHD a pour but de régler les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD). Elle vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (art. 1 al. 2 LRDBHD).

6.2 Selon l'art. 4 al. 2, 1ère phrase LRDBHD, la commune du lieu de situation de l'entreprise est compétente pour autoriser l'exploitation des terrasses.

6.3 Selon l'art. 15 LRDBHD, les communes fixent les conditions d'exploitation propres à chaque terrasse, notamment les horaires, en tenant compte de la configuration des lieux, de la proximité et du type de voisinage, ainsi que de tout autre élément pertinent. L'horaire d'exploitation doit respecter les limites prévues par l'autorisation relative à l’entreprise, sans toutefois dépasser l'horaire maximal prévu par les art. 6 ou 7, al. 1 et 2 (al. 1). Les terrasses doivent être accessibles aux personnes avec handicap ou à mobilité réduite, à moins que cela n'occasionne des travaux et des coûts disproportionnés (al. 2). Pour des motifs d'ordre public et/ou en cas de violation des conditions d'exploitation visées aux al. 1 et 2, les communes sont habilitées à prendre, pour ce qui touche à l'exploitation de la terrasse concernée, les mesures et sanctions prévues par la présente loi, lesquelles sont applicables par analogie (al. 3).

6.4 Selon l'art. 24 LRDBHD, dont le titre est « maintien de l'ordre et de la tranquillité publique », l’exploitant doit veiller au maintien de l’ordre dans son établissement, qui comprend cas échéant sa terrasse, et prendre toutes les mesures utiles à cette fin (al. 1). Il doit exploiter l’entreprise de manière à ne pas engendrer d’inconvénients pour le voisinage (al. 2) Si l’ordre est troublé ou menacé de l’être, que ce soit dans son établissement, sur sa terrasse, ou encore, s’il l’a constaté, dans ses environs immédiats, l’exploitant doit faire appel à la police (al. 3). En cas de constat de troubles à l'ordre public ou de nuisances réitérés, le département peut exiger du propriétaire ou de l'exploitant qu'il organise à ses frais un service d'ordre adéquat afin que le maintien de l'ordre soit assuré (al. 4).

6.5 Selon l'art. 31 al. 9 LRDBHD, lorsqu’elles sont vendues par des établissements au sens de la LRDBHD, les boissons alcooliques doivent être consommées uniquement dans l’établissement, cas échéant dans le périmètre de la terrasse de ce dernier, sous réserve d’une autorisation au sens de l’art. 7 de la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, du 17 janvier 2020 (LTGVEAT – I 2 25).

6.6 Selon l'art. 60 al. 1 LRDBHD, le département est l'autorité compétente pour décider des mesures et sanctions relatives à l'application de la LRDBHD. Sont réservées les dispositions spéciales de la LRDBHD qui désignent d'autres autorités, de même que les mesures et sanctions prévues par d'autres lois et règlements qui relèvent notamment des domaines visés à l'art. 1, al. 4.

6.7 Selon l'art. 65 al. 1 LRDBHD, en cas d’infraction à la LRDBHD et à ses dispositions d’exécution, ainsi qu’aux conditions des autorisations, le département peut infliger une amende administrative de CHF 300.- à 60'000.- en sus du prononcé de l’une des mesures prévues aux art. 61, 62 et 64, ou encore à la place ou en sus du prononcé de l’une des mesures prévues à l'art. 63.

7.             Le recourant fait une comparaison avec la teneur de l’ancien art. 22 de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015, selon lequel « l’exploitant doit veiller au maintien de l’ordre dans son établissement et prendre toutes les mesures utiles à cette fin (al. 1). Il doit exploiter l’établissement de manière à ne pas engendrer d’inconvénients graves pour le voisinage (al. 2) ».

7.1 Si l’al. 1 a la même teneur que l’art. 24 al. 1 LRDBHD, sous réserve qu’il ne mentionne plus expressément la terrasse, il est exact que si précédemment l’exploitation devait générer des inconvénients graves pour le voisinage, l’adjectif « graves » a été supprimé dans la nouvelle version et qu’en conséquence, des « inconvénients » suffisent.

7.2 Il ressort des travaux préparatoires, que la nouvelle loi avait notamment pour but de mieux lutter contre les nuisances sonores. Ils relèvent que «  le Conseil d’État étant particulièrement attentif aux diverses problématiques liées à la gestion des nuisances sonores durant la nuit, qui lui ont été rapportées notamment par diverses associations de quartier et qui font également l'objet du rapport de la commission externe d'évaluation des politiques publiques du 12 octobre 2012 (intitulé « La protection contre le bruit dans le canton de Genève ») »,  de nouvelles mesures avaient été adoptées, dont la troisième consistait à « renforcer les obligations des exploitants et propriétaires des établissements en matière de maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, en prévoyant notamment que l’exploitant doit veiller au maintien de l’ordre dans son établissement, comprenant cas échéant sa terrasse, et qu’il doit prendre toutes les mesures utiles à cette fin. Il doit en outre exploiter l’établissement de manière à ne pas engendrer d’inconvénients pour le voisinage et, si l’ordre est troublé ou menacé de l’être, que ce soit à l’intérieur de l’établissement ou, s’il l’a constaté, dans ses environs immédiats, il doit faire appel à la police. De plus, en cas de constat de troubles à l'ordre public ou de nuisances réitérés, le département peut exiger du propriétaire ou de l'exploitant qu'il organise un service d'ordre adéquat afin que le maintien de l'ordre soit assuré » (PL 11'282 p. 44).

7.3 Le commentaire par article (art. 26 du PL 11'282, devenu art. 24 de la LRDBHD) mentionne que « les alinéas 1 et 2 parlent d’eux-mêmes et n’appellent pas de commentaire particulier. L’alinéa 3 mérite un commentaire s’agissant du devoir de l’exploitant de faire appel à la police en cas de troubles (ou de menaces de troubles) à l’ordre public dans les environs immédiats de l’entreprise. En effet, le texte de cet alinéa prévoit que cette obligation ne s’impose que dans le cas où l’exploitant était en mesure de constater ces troubles ou menaces, étant entendu qu’un exploitant qui n’a pas une vision claire sur l’environnement immédiat de son entreprise ne peut a fortiori pas être tenu pour responsable de ne pas avoir fait appel à la police » (PL 11'282, p. 62).

7.4 En l’espèce, au vu de la force probante accrue accordée aux rapports des agents assermentés, il est nécessaire que ceux-là soient établis avec soin et précision et se révèlent complets, compte tenu des conséquences importantes qui en découlent.

Ceci est d’autant plus vrai qu’en matière de nuisances sonores, fortement litigieuses dans la rue concernée et suscitant l’intervention du SPM, non seulement la législation s’est durcie à l’encontre des établissement suite à l’abandon de la notion de gravité, mais que, de jurisprudence constante, les agents de police peuvent, par exemple, dresser un constat d'infraction sur la base de leur appréciation, la loi n'exigeant pas qu'ils aient recours à un engin de mesure (ATA/1012/2022 du 6 octobre 2022 ; ATA/333/2020 du 7 avril 2020 ; ATA/247/2020 du 3 mars 2020 ; ATA/897/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

Le recours sera en conséquence partiellement admis. Par souci de clarté, les deux décisions, du 14 septembre et du 7 novembre 2023 seront annulées et le dossier sera renvoyé à l’autorité intimée pour instruction complémentaire et éventuelle nouvelle décision.

8.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, à la charge de la Ville de Genève (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 octobre 2023 par A______ contre les décisions de la Ville de Genève - service de l'espace public des 14 septembre 2023 et 7 novembre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule les décisions de la Ville de Genève - service de l'espace public des 14 septembre 2023 et 7 novembre 2023 ;

renvoie le dossier à la Ville de Genève - service de l'espace public pour instruction et nouvelle décision ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______ à la charge de la Ville de Genève – service de l’espace public ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stanley CONNOR, avocat du recourant ainsi, qu'à la Ville de Genève - service de l'espace public.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :