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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3995/2023

ATA/1383/2023 du 21.12.2023 ( ANIM ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3995/2023-ANIM ATA/1383/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 21 décembre 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé

 



Vu, en fait, la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci‑après : SCAV) du 30 octobre 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, (1) interdisant à A______ de détenir plus de deux chiens et deux chats, pour une durée de quatre ans ; (2) lui ordonnant de procéder avant le 30 novembre 2023 au replacement de tous les animaux surnuméraires ; (3) lui ordonnant d’informer le SCAV du replacement et de communiquer l’identité des nouveaux détenteurs dans les dix jours ; (4) lui ordonnant de détenir ses animaux dans le respect de la législation, soit notamment en leur fournissant eau, nourriture et lumière en suffisance, en veillant à une hygiène et une atmosphère de détention correctes, en fournissant des enclos suffisamment grands et en veillant à ce que les animaux bénéficient d’assez de mouvement et soient sortis en suffisance ; (5) lui ordonnant d’enregistrer les chiens « B______ », « C______ », « D______ » et « E______ » dans la base de données Amicus au plus tard le 15 novembre 2023 et avant de les céder à des tiers ; (6) lui ordonnant de transmettre au SCAV le 30 novembre 2023 au plus tard la preuve d’une vaccination antirabique valable et de l’acquisition de la marque de contrôle pour l’année en cours pour les chiens qu’elle détiendrait ; (7) lui ordonnant de présenter le 30 novembre 2023 au plus tard un passeport pour animal de compagnie établi pour le chat « F______ » et attestant de l’identification au moyen d’une puce électronique de même que d’une vaccination antirabique valable et antérieure au 18 août 2023 ; (8) lui ordonnant d’informer le SCAV de tout changement de domicile durant la période de limitation du nombre d’animaux ; (9) l’informant qu’à l’échéance du délai de l’interdiction, toute nouvelle détention d’animaux serait soumise pendant une durée de trois années supplémentaires à une annonce préalable au SCAV ; (10) l’informant qu’en l’absence de retour de sa part relativement au chiffre 3, le SCAV se réservait de séquestrer de manière immédiate et définitive tous les animaux surnuméraires selon le chiffre 1, à ses frais ; (11) l’informant que tout animal qu’elle pourrait détenir indûment, soit en violation de la décision, serait séquestré immédiatement et à titre définitif, à ses frais ; (12) l’informant qu’un rapport serait transmis au service des contraventions ; (13) l’informant qu’un rapport serait transmis à l’office fédéral des douanes et de la sécurité des frontières relativement à l’importation et au transit non conformes ; (14) l’informant qu’en l’absence de retour de sa part dans les délais impartis, le SCAV se réservait le droit d’ajouter les éléments énoncés sous chiffres 5 et 6 aux rapports précités ; (15) l’informant que le non-respect de la décision ferait l’objet d’une dénonciation pénale pour infraction à l’art. 28 de la loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LFPA - RS 455) ; (16) l’informant que le SCAV se réservait de procéder à des contrôles inopinés à tout moment ; (17) l’informant que si le SCAV devait apprendre à l’avenir qu’elle ne respectait pas la législation en matière de protection animale notamment, il se réservait de prononcer des mesures plus incisives, pouvant aller jusqu’à l’interdiction de détenir tout animal ; (18) lui imputant un émolument de CHF 280.- ainsi que (19) les frais d’envoi postal par CHF 2.40 ;

qu’il ressort de la décision que le SCAV, saisi d’une dénonciation, avait découvert qu’elle détenait six chiens G______ non vaccinés contre la rage et dépourvus de marques de contrôle, 25 chats dont 18 dépourvus de puce et d’identité ; qu’une inspection chez elle avait nécessité l’appui de la police et révélé une atmosphère difficile à respirer, un logement sale et un parquet noirci en raison d’excréments desséchés et d’urine des animaux ; qu’une grande partie des chats était enfermée dans une chambre plongée dans une obscurité totale ; que quatre chiens étaient détenus dans des cages de transport ; que des chiens étaient régulièrement détenus ainsi ; qu’un chien supplémentaire d’une connaissance était pris en pension ; qu’elle recueillait des chats dans la rue en H______ et les importait ; que cinq chats avaient étés emmenés chez le vétérinaire en H______ pour y être vaccinés alors qu’ils ne pouvaient passer la frontière ; que les conditions de détention n’étaient pas conformes à la LFPA, que sa capacité à détenir autant d’animaux était douteuse, qu’elle gardait des animaux de tiers sans autorisation ; qu’elle ne se conformait pas aux exigences en matière de vaccination et d’enregistrement ;

que A______ a recouru le 29 novembre 2023 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à l’annulation des chiffres 1 à 20 de son dispositif ; qu’elle avait emménagé en urgence le 23 décembre 2021 dans son appartement de cinq pièces avec jardin ; que ses voisins l’avaient « prise en grippe » ; que son appartement n’avait pas beaucoup de lumière et certains animaux étaient sensibles de la vue ; que l’extérieur était dangereux pour eux et qu’elle avait peur qu’ils s’enfuient ; que le propriétaire était responsable de la mauvaise protection du sol souillé par les excréments ; qu’elle avait pris des boxes et utilisé des muselières après que ses voisins s’étaient plaints des ululements de ses chiens ; qu’elle cherchait un logement plus grand depuis deux ans et serait expulsée de son logement actuel le 31 décembre 2023 ; qu’elle avait peut-être trouvé un grand appartement avec jardin de 130 m2 dans le Jura ; qu’elle sortait avec tous ses chiens en même temps une heure par jour, parfois plus de quatre heures ; qu’elle avait toujours dit qu’elle n’abandonnerait aucun de ses animaux ; elle avait besoin d’un nouveau départ, avec tous ses animaux ; qu’elle était connectée à eux et donnait des exemples de leurs relations ; qu’elle était prête à déménager à trois heures de ses parents pour les garder ; qu’ils allaient très bien ; qu’ils lui en faisaient parfois « voir de toutes les couleurs » mais qu’elle ne leur ferait jamais de mal ; qu’elle avait une sclérose en plaques et que ses chiens l’aidaient ;

qu’elle devait être autorisée à garder tous ses animaux ;

que le 7 décembre 2023, le SCAV a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ; qu’elle vivait dans un appartement de 2.5 pièces ; qu’avec l’annonce d’un déménagement, l’urgence était telle qu’il n’avait d’autre choix que de procéder au séquestre préventif des animaux pour leur assurer un gîte approprié ; qu’en pareille hypothèse il s’engageait à les garder jusqu’à droit jugé sur le fond ;

que le 18 décembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions ; les litières de ses animaux étaient propres et nettoyées plusieurs fois par jour ; sa cuisine lui servait de débarras car sa cave était occupée par ses 500 peluches ; elle n’était jamais dépassée par sa famille, soit ses animaux, et elle savait très bien les gérer ; elle refusait catégoriquement que le SCAV vienne chez elle ; elle avait trouvé un logement plus grand, plus spacieux, et proche de la nature et des forêts ; qu’elle certifiait elle était en mesure de détenir ses six chiens et ses 25 chats sans problème ; elle travaillait à mi-temps et avait tout le temps pour sortir ses animaux ;

que le 19 décembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu’au terme de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que l’autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016) ;

qu’elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

qu’en l’espèce, la recourante soutient que ses animaux sont détenus dans des conditions acceptables ; que le SCAV rend toutefois suffisamment vraisemblable, à ce stade de la procédure, que tel ne serait actuellement pas le cas, et que les six chiens et 25 chats pourraient ne pas bénéficier de conditions de détention conformes à la loi, compte tenu notamment de la taille de l’appartement de la recourante ;

qu’ainsi le SCAV a établi l’urgence de déplacer sans attendre du logement actuel de la recourante les animaux surnuméraires, soit quatre chiens et 23 chats, plus un chien en pension ;

que toutefois la recourante a affirmé avoir trouvé un logement plus grand ;

que le SCAV a de son côté affirmé se préparer à séquestrer sans attendre, à titre préventif, les animaux de la recourante et à les garder jusqu’à droit jugé ;

que l’interdiction de détention et le dessaisissement des animaux ordonnés à titre immédiat par le SCAV dans la décision querellée semblent ainsi avoir perdu leur urgence, le séquestre préventif annoncé étant à même de protéger les animaux et préservant mieux les droits de la recourante sur ceux-ci jusqu’à droit jugé au fond – en ménageant notamment la possibilité pour la recourante de reprendre possession de ses animaux si les conditions devaient être réunies ;

que l’interdiction de détention et le dessaisissement des animaux ainsi que les autres mesures telles les diverses injonctions de respecter la loi, seront examinées avec le fond ;

que dans l’immédiat l’effet suspensif sera restitué au recours en tant qu’il porte sur les chiffres (1) interdiction de détenir plus de deux chiens et deux chats durant quatre ans, (2) replacement de tous les animaux surnuméraires d’ici au 30 novembre 2023 et (2) information sur le replacement, du dispositif de la décision ;

que ce sera sans préjudice du séquestre qui aurait été entre-temps ordonné par le SCAV et qui n’est pas l’objet de la présente procédure ;

qu’il appartiendra à la recourante d’informer sans délai la chambre de céans au sujet de son nouvel appartement, et notamment de ses dimensions et des conditions de détention qu’elle aura pu mettre en place, pièces à l’appui ;

qu’un délai au 8 janvier 2024 lui sera en conséquence imparti ;

que le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet partiellement la requête ;

impartit un délai au 8 janvier 2024 à A______ pour fournir à la chambre administrative copie de son nouveau bail, des photos de son nouveau logement ainsi que tout renseignement ou pièce utile à établir les nouvelles conditions de détention de ses animaux ;

restitue l’effet suspensif au recours en tant qu’il porte sur les chiffres 1 (interdiction de détenir plus de deux chiens et deux chats durant quatre ans), 2 (replacement de tous les animaux surnuméraires d’ici au 30 novembre 2023) et 3 (information sur le replacement) du dispositif de la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 30 octobre 2023 ; 

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à A______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :