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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2492/2022

ATA/1345/2023 du 12.12.2023 sur JTAPI/685/2023 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2492/2022-ICC ATA/1345/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 décembre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Michel CABAJ, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juin 2023 (JTAPI/685/2023)


EN FAIT

A. a. Le litige concerne les taxations cantonales 2016 à 2020 de A______, société dont le but est l’achat, la vente, la gestion, le courtage, la construction et l’entretien de tous immeubles. Elle est propriétaire d’un immeuble commercial sis à la rue B______ à Genève.

L’immeuble se trouve en zone d’affectation 2.

b. Dans ses déclarations fiscales 2016, 2017, 2019 et 2020, la société a mentionné, pour le calcul de la valeur fiscale de l’immeuble, le taux de capitalisation de la zone d’affectation 1, à savoir respectivement 3.24 %, 3.30 %, 3.04 % et 3.25 %. En 2018, elle a fait état du taux de l’année 2017, soit 3.30 %.

c. Par bordereaux datés respectivement des 19 octobre 2017, 17 mai 2018, 21 mars 2019, 19 mars 2020 et 25 mars 2021, l’administration fiscale cantonale (ci‑après : AFC-GE) a taxé la société pour les années 2016 à 2020.

Aux fins de déterminer la valeur fiscale de l’immeuble et, par voie de conséquence, l’impôt immobilier complémentaire (ci-après : IIC), l’AFC-GE a repris les taux de capitalisation déclarés par la contribuable, à l’exception de la période 2018. Pour cette période, elle a appliqué le taux de capitalisation de la zone 1 de l’année 2018, tel qu’il ressortait du règlement pertinent (2.88 %).

Ces bordereaux n’ont pas été contestés.

d. Par cinq courriers du 19 octobre 2021, la société a demandé à l’AFC-GE de corriger l’erreur de calcul et de transcription. L’immeuble se trouvait en zone d’affectation 2, de sorte que les taux de capitalisation applicables aux années 2016 à 2020 s’élevaient à 4.70 %, 3.68 %, 3.92 %, 4.01 % et 3.86 %.

L’AFC-GE avait à tort repris les taux déclarés. Il en avait résulté un trop-perçu d’IIC. L’AFC-GE devait appliquer les taux de la zone 2, recalculer la valeur fiscale de l’immeuble et les montants d’IIC.

e. Le 10 février 2022, l’AFC-GE a rejeté ces demandes.

La société invoquait des motifs qu’elle aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire de réclamation si elle avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée d’elle. L’application d’un taux de capitalisation inexact ne relevait ni d’une erreur de calcul, ni de transcription, si bien qu’il n’y avait pas lieu d’effectuer une correction des bordereaux litigieux.

f. Dans sa réclamation, la contribuable a fait valoir qu’elle avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait être raisonnablement exigée d’elle, en comparant les éléments déclarés et ceux taxés. Étant donné qu’ils concordaient, elle était persuadée de l’exactitude de son imposition. En l’absence de remarque de l’AFC‑GE, il était raisonnable qu’elle ne contrôle pas les données mentionnées dans sa déclaration fiscale et encore moins les taux.

Au cours d’un audit interne mené en 2021 portant sur les cinq dernières années, l’erreur avait été découverte. Il s’agissait de faits nouveaux, ce qui expliquait qu’elle n’avait pas élevé réclamation dans le délai de 30 jours. L’application d’un taux de capitalisation inexact lui était certes imputable, mais le fait que l’AFC-GE n’ait pas vérifié le taux demeurait un manquement attribuable à celle-ci.

g. Par cinq décisions du 30 juin 2022, l’AFC-GE a rejeté les réclamations, reprenant en les développant, les arguments exposés précédemment.

La notion d’erreur de calcul ne comprenait que les inadvertances survenues dans une opération mathématique, comme une addition erronée, mais non l’effacement d’un code d’ordinateur ou l’application d’un ancien taux d’impôt. Les corrections de fond ne tombaient pas non plus sous cette disposition.

B. a. Par acte du 2 août 2022, A______ a recouru au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à la réforme de ses taxations 2016 à 2020 en ce sens que l’IIC soit calculé sur la base des taux de capitalisation « correspondant aux considérants ».

Elle avait déposé elle-même ses déclarations fiscales comportant des taux de capitalisation erronés. L’AFC-GE avait violé son droit d’être entendu. Elle reconnaissait qu’une erreur de calcul ou de transcription permettait de revenir sur une décision entrée en force, mais simultanément retenait qu’il s’agissait d’une correction de fond sortant du numerus clausus des motifs de révision.

Ses demandes de reconsidération avaient été déposées moins de trois mois après la découverte du motif de reconsidération, qui découlait de la consultation d’un mandataire professionnel qui avait examiné attentivement ses déclarations fiscales ainsi que les bordereaux, lesquels ne mentionnaient pas la zone d’affectation retenue. Ces requêtes avaient été déposées avant l’échéance du délai de cinq ans prévu pour les corrections d’erreur de calcul et de transcription. Les décisions attaquées ne tenaient pas compte de faits notoires, à savoir les taux de capitalisation. Elle ne pouvait pas se rendre compte de son erreur, dès lors que les bordereaux n’indiquaient pas les taux de capitalisation retenus par l’AFC-GE.

Les décisions violaient le sentiment d’équité, en particulier le principe de la bonne foi, dès lors que l’autorité fiscale s’était arrogée le droit de rectifier les taux de capitalisation, l’impôt sur le capital et l’IIC en 2021, après leur entrée en force.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L’application d’un taux de capitalisation erroné ne pouvait être corrigé par la voie de la révision. Il aurait appartenu à la contribuable, le cas échéant en demandant conseil à un mandataire, de contrôler ses bordereaux à réception de ceux-ci. Les taux appliqués reposaient sur les indications de la société dans ses déclarations fiscales. L’AFC-GE pouvait s’en tenir au contenu de celles-ci. Elle n’avait pas repris par inadvertance des éléments erronés. Les indications inexactes ne constituaient pas des erreurs de calcul et de transcription, mais une application erronée d’une base légale qui ne correspondait pas à l’état de fait. Celle-ci devait être corrigée par la voie de la procédure ordinaire.

c. Dans sa réplique, la société a souligné que dans ses déclarations fiscales, elle avait indiqué de manière précise l’adresse de l’immeuble, si bien que l’AFC-GE était en mesure de détecter une erreur de zone d’affectation. Celle-ci avait repris par inadvertance les éléments déclarés. L’autorité ne s’était pas prononcée sur la différence de traitement entre les taxations 2016 à 2020 et celle de 2021.

La connaissance des barèmes exacts ne pouvait lui être opposée. L’AFC-GE aurait dû se rendre compte des erreurs commises, si elle avait pris la peine de tenir compte de faits importants et évidents ressortant du dossier.

d. Dans sa duplique, l’AFC-GE a considéré que la société remettait en question la valeur de l’immeuble par l’application du taux de capitalisation. Cette modification entraînait une modification matérielle des décisions de taxation, ce qui n’était pas autorisé par le mécanisme de l’erreur de calcul et de transcription

e. A______ a persisté dans ses conclusions.

f. Par jugement du 19 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Les modifications souhaitées ne relevaient pas d’une simple erreur de calcul. L’utilisation d’un taux de capitalisation erroné revenait à une mauvaise application d’une règle juridique, ce qui ne pouvait être corrigé par une procédure de révision. La contribuable aurait dû contester l’évaluation inexacte de l’immeuble par la voie de la procédure ordinaire de réclamation.

Il appartenait à la contribuable de vérifier ses décisions de taxation à réception de celles-ci. Les taux de capitalisation retenus par l’AFC-GE ressortaient des avis de taxation immobiliers joints aux bordereaux. Ainsi, la contribuable aurait été en mesure de faire valoir ses moyens par la voie de la procédure ordinaire.

En application du principe de l'étanchéité des exercices fiscaux, l'autorité fiscale n'était pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée. La taxation 2021 restait ainsi sans impact sur les taxations 2016 à 2020.

C. a. Par acte expédié le 24 juillet 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l’annulation, concluant à la prise en compte du taux de capitalisation de la zone d’affectation 2.

Pour la taxation 2021, l’AFC-GE avait, par courrier du 27 mai 2022, rectifié le bordereau du 25 avril 2022, soit un bordereau alors entré en force. Son attitude refusant de rectifier les taxations 2016 à 2020 était contradictoire et violait son droit d’être entendue dès lors que ce raisonnement n’était pas motivé.

L’AFC-GE aurait dû investiguer le dossier, en recherchant le type de zone d’affectation dans lequel se situaient les immeubles. L’audit interne constituait un fait nouveau justifiant la révision. Aussi, l’autorité intimée avait violé une règle essentielle de procédure, à savoir la maxime d’office. L’application d’un taux de capitalisation erroné ne relevait pas d’une mauvaise application du droit, mais de la violation de la maxime précitée.

L’AFC-GE avait commis une erreur de retranscription en utilisant un taux de capitalisation erroné. Les taxations litigieuses ne tenaient pas compte de faits notoires, dont l’erreur de plume ne pouvait être reprochée à la recourante.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L’année fiscale 2021 ne faisait pas l’objet du litige. La recourante ne pouvait donc pas en tirer de conclusions pour les années fiscales précédentes. La sécurité du droit imposait de respecter les décisions de taxation entrées en force. Enfin, l’autorité fiscale n’avait pas à vérifier les indications fournies par la contribuable si celles-ci ne paraissaient pas fausses.

c. Dans sa réplique, la recourante a fait valoir que l’attitude de l’autorité fiscale heurtait le sentiment d’équité et de « justice fiscale ». La découverte de l’erreur relative à la zone d’affectation était un élément décisif. Il s’agissait d’un fait notoire que l’AFC-GE aurait dû retenir d’office. Aussi, les erreurs de transcription, telle celle relative à la zone d’affectation, devaient être rectifiées d’office. Enfin, les conditions d’une « reconsidération en tant que simple réexamen » étaient également remplies.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Dans son premier grief, d’ordre formel, la recourante reproche au TAPI la violation de son droit d’être entendue. À bien la comprendre, le raisonnement de l’AFC-GE – contradictoire en ce qu’elle reconnaissait l’erreur commise, comme elle l’avait fait pour la taxation 2021, tout en refusant de corriger celles litigieuses – souffrait d’une motivation insuffisante : elle ne parvenait pas à comprendre ce raisonnement.

2.1 Le droit d'être entendu, tel que garanti par l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2). Elle ne doit, à plus forte raison, pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 2.4.1 et les arrêts cités).

2.2 En l’espèce, l’AFC-GE a rejeté la demande de correction d’une erreur de calcul et de transcription en exposant que l’application d’un taux de capitalisation inexact ne relevait pas d’une telle erreur, mais de l’application erronée d’une base légale. Ces explications permettent de comprendre le raisonnement tenu par l’AFC-GE.

Il en va de même de celui suivi par le TAPI. Après avoir constaté que les décisions querellées contenaient une motivation suffisante pour permettre à la recourante de les contester, les premiers juges ont ajouté que le fait que la motivation soit erronée, voire contradictoire, ne violait pas le droit d’être entendue de la recourante. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. En effet, même une motivation considérée comme contradictoire permet de la critiquer, ne serait-ce qu’en relevant précisément son caractère incohérent.

Le grief sera ainsi écarté.

3.             Selon la recourante, l’application d’un taux de capitalisation erroné équivaut à une erreur de calcul ou de transcription qu’il y a lieu de corriger d’office.

3.1 L’IIC est perçu, sous réserve d’exceptions, sur la valeur de tous les immeubles (art. 76 al. 1 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 - LCP - D 3 05), telle qu'elle résulte des estimations faites conformément à l'art. 50 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) (art. 76 al. 2 LCP).

L'art. 50 let. a LIPP précise que la valeur des immeubles locatifs est calculée en capitalisant l'état locatif annuel aux taux fixés chaque année par le Conseil d'État, sur proposition d'une commission d'experts, composée paritairement de représentants de l'administration fiscale et de personnes spécialement qualifiées en matière de propriétés immobilières et désignées par le département. L'état locatif annuel se détermine d'après les loyers obtenus des locaux loués et des loyers qui pourraient être obtenus de ceux susceptibles d'être loués, y compris ceux occupés par le propriétaire et sa famille.

Pour chaque année fiscale en cause, les taux de capitalisation servant à l’estimation des immeubles locatifs sont mentionnés dans le règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 13 janvier 2010 (RIPP - D 3 08.1).

3.2 Selon l’art. 150 al. 1 LIFD, les erreurs de calcul et de transcription figurant dans une décision ou un prononcé entré en force peuvent, sur demande ou d’office, être corrigées dans les cinq ans qui suivent la modification par l’autorité qui les a commises. L’art. 58 al. 1 LPFisc a une teneur identique.

Ainsi que cela résulte du texte clair de ces dispositions, l’erreur de calcul ou de transcription doit avoir été commise par l’autorité fiscale. Il ne s’agit pas d’erreurs concernant la formation de la volonté de l’autorité qui a rendu la décision, mais de celles intervenues dans l’expression de cette volonté (ATA/1319/2018 du 4 décembre 2018 consid. 6 ; ATA/1/2014 du 7 janvier 2014 consid. 2 ; Hugo CASANOVA/Claude-Emmanuel DUBEY, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n° 1-3 ad. art. 150 LIFD).

La rectification vise les erreurs intervenues dans l'expression de la volonté, soit les erreurs de déclarations, et non les erreurs concernant le contenu de la décision et donc le processus de raisonnement suivi par l'administration, lorsque celle-ci fonde sa décision sur une appréciation incorrecte des faits ou une mauvaise application du droit. Les véritables erreurs de taxation doivent être corrigées par le biais des voies de droit ordinaires et non de la rectification (arrêts du Tribunal fédéral 2C_962/2019 du 19 février 2020 consid. 61. ; 2C_519/2011 du 24 février 2012 consid. 3.4.1 ss).

3.3 En l’espèce, il n’y a eu erreur ni de calcul ni de transcription de la part de l’autorité intimée au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, l’AFC-GE pouvait se fier au taux de capitalisation tel qu’il résultait des indications fournies par la recourante elle-même relatives à la qualité de son immeuble. Contrairement à ce que la recourante soutient, l’AFC-GE n’avait, in casu, pas de raison de mettre en doute la classification de la zone indiquée par la contribuable, dont il est rappelé qu’elle est spécialisée dans le domaine immobilier. Elle n’avait ainsi pas de motif de procéder à des vérifications complémentaires, comme l’a retenu à bon droit le TAPI.

En outre, le choix du taux de capitalisation à appliquer ne constitue pas une simple opération de calcul d’impôt, comme des déductions forfaitaires admises pour certaines dépenses. Il s’agit au contraire d’appliquer une règle de droit, à savoir le taux de capitalisation à un immeuble sis en zone d’affectation 1. Or, la procédure de rectification d’un calcul ou d’une transcription ne vise pas à corriger l’application erroné d’une règle de droit, comme celle qui s’est produite en l’espèce.

4.             La recourante se prévaut également des conditions de la révision.

4.1 À teneur de l’art. 55 al. 1 LPFisc, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office : lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a) ; lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ; lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 55 al. 2 LPFisc). La jurisprudence se montre stricte dans l'obligation de diligence imposée au requérant (arrêts du Tribunal fédéral 2C_917/2015 du 29 octobre 2015 consid. 2.1 ; 2C_754/2015 du 14 septembre 2015 consid. 2.3 ; 2C_581/2011 du 27 mars 2012 consid. 3.1).

4.2 Constituent des faits nouveaux susceptibles d’entraîner la révision d’une décision selon les dispositions légales précitées, des faits qui n’étaient pas connus mais existaient déjà au moment de la décision, plus précisément à la date à laquelle ils pouvaient encore être allégués en procédure, mais dont l'auteur de la demande a été empêché, sans sa faute, de faire état dans la procédure précédente. Les faits nouveaux ne peuvent entraîner la révision que s'ils sont importants, c'est-à-dire de nature à influer sur l'issue de la contestation, à savoir s'ils ont pour effet qu'à la lumière de l'état de fait modifié, l'appréciation juridique doit intervenir différemment que dans le cas de la précédente décision (ATA/207/2015 du 24 février 2015).

4.3 Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

4.4 En l’espèce, la recourante ne rend pas vraisemblable qu’elle aurait été dans l’impossibilité, malgré toute la diligence que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle, de se rendre compte pendant que le délai pour former réclamation contre les bordereaux litigieux courait encore, que ceux-ci n’appliquaient pas le taux de capitalisation correct et de déposer une réclamation en temps utile. Le fait qu’elle ne se soit, à réception des bordereaux de taxation, pas entourée des conseils d’un mandataire professionnel ne permet pas de conclure à l’existence d’un motif de révision.

Il est en outre rappelé que les taxations en question se fondent sur les indications fournies par la recourante elle-même. Selon les informations ressortant du registre du commerce, la société a pour but statutaire l’achat, la vente, la gestion, le courtage, la construction et l’entretien d’immeubles. S’agissant d’une professionnelle active dans le domaine de l’immobilier, la recourante était ainsi particulièrement bien placée pour indiquer le taux de capitalisation correspondant à la zone d’affectation correcte dans laquelle l’immeuble commercial sis B______ se trouvait, respectivement d’en vérifier l’exactitude dans ses taxations.

L’AFC-GE a ainsi, à juste titre, retenu que les conditions d’une révision n’étaient pas remplies.

5.             La recourante reproche encore à l’autorité fiscale une attitude contradictoire constitutive d’un abus de droit en ayant pour sa taxation 2021, entrée en force, corrigé le taux de capitalisation, alors qu’elle refusait de le faire pour les taxations des années précédentes.

5.1 Le principe de la bonne foi consacré aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale et leur commande de s'abstenir, dans leurs relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; art. 2 al. 2 CC).

Ce principe régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables ; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée en cette matière (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 118 Ib 312 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1120/2015 du 26 avril 2017 consid. 6.3.2 ; ATA/162/2021 du 9 février 2021 consid. 5b ; ATA/1282/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.a).

5.2 En vertu des principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l'impôt, chaque exercice est considéré comme un tout autonome, sans que le résultat d'un exercice puisse avoir une influence sur les suivants (ATA/441/2022 du 26 avril 2022 consid. 3c ; ATA/1637/2019 du 5 novembre 2019 consid. 8a ; voir aussi ATF 140 II 248 consid. 3.4 et les références citées ; Message concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral du 25 mai 1983 in FF 1983 III p. 177).

5.3 En l’espèce, il convient en premier lieu de relever qu’il ne ressort pas du dossier que l’AFC-GE aurait donné une quelconque assurance à la recourante selon laquelle elle traiterait de la même manière les exercices fiscaux 2016 à 2020 et 2021. Par ailleurs, le fait que l’autorité intimée ait, pour la taxation 2021, tenu compte du taux de capitalisation se rapportant à la zone d’affectation correcte ne permet pas d’en déduire, compte tenu du principe de l’étanchéité entre les exercices fiscaux, un droit à ce que les taxations entrées en force concernant les années 2016 à 2020 soient modifiées.

En outre, la taxation 2021 porte la date du 25 avril 2022 et sa rectification celle du 27 mai 2022. Ainsi, même en admettant que le bordereau a été notifié à la première date possible, soit le lendemain de son émission, le 26 avril 2022, la rectification du 27 mai 2022 est intervenue, compte tenu du fait que le 26 mai 2022 était un jour férié, avant l’entrée en force de la taxation. La situation de 2021 n’est donc pas comparable à celle concernant les taxations 2016 à 2020, entrées en force.

Au vu de ce qui précède, l’AFC-GE n’a pas commis d’abus de droit en refusant de donner suite à la demande.

Enfin, la recourante ne peut pas non plus être suivie lorsqu’elle demande, dans sa réplique, la « reconsidération en tant que simple réexamen » des bordereaux litigieux, qui ne serait soumis à aucune condition de forme et de délai. Outre le fait que de telles conclusions nouvelles ne sont pas recevables (ATA/773/2022 du 9 août 2022 consid. 2b ; ATA/1221/2021 du 16 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/434/2021 du 20 avril 2021 consid. 1b), il est rappelé que le principe de la légalité revêt une importance particulière en matière fiscale, de sorte que l’autorité fiscale ne peut s’écarter du cadre légal strict permettant de modifier une taxation entrée en force.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 juillet 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel CABAJ, avocat de la recourante, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF présidente, Cédric-Laurent MICHEL, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :